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Full text of "Explication de l'epitre de Saint Paul aux Ephésiens"

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EXPLICATION 



DE 



L £PÎTB£ DE SAINT PAUL 



AUX EPHESIENS 



PARIS. — TYPOGRAPHIE DE CH. MEYRUEIS 
13, nuB cojAS. -^ 1867. 






EXPLICATION 



LiPim Dl SAINT PAUL 



AUX ÏIPHÈSIENS 



ADOLPHE MONQD 



-TTTSZr 



"PARIS 
librairie; de ch. meyrueis, éditeur 

los OR «iroLi, 174 
4867 

Tous droits réMnréa. 



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Sijyu 



Il y a déjà bien des années, M. Adolphe Monod 
expliqua Tépître aux Éphésiens dans une suite de mé- 
ditations familières. Après ces services, il avait l'ha- 
bitude de recueilHr et d'écrire lui-même ce qu'il avait 
dit : c'est ainsi que se trouva composée I'Explication 
DE l'épître aux Éphésiens que nous publions au- 
jourd'hui. 

Nous donnons ce travail, que M. Monod n'avait pu 
revoir lui-même, tel qu'il l'avait laissé, et en conser- 
vant même certains passages que le cours des événe- 
ments accomplis lui aurait sans doute fait modifier 
(voyez ch. VI, 5-9), s'il avait présidé lui-même à cette 
publication. 

Rappelons ici le vœu que l'auteur exprimait lui- 
même en abordant cette étude : « Veuille le Saint- 
Esprit, promis aux disciples du Nouveau Testament, 
se servir de nous pour vous aider à comprendre la 
pensée de l'Apôtre, comme il s'est servi de l'Apôtre 
pour nous révéler la pensée de Christ! » 

Paris, décembre 1866. 



INTRODUCTION 



L'épître aux Éphésiens embrasse, dans sa brièveté, 
tout le champ de la religion chrétienne. Elle en ex- 
pose tour à tour la doctrine et la morale, avec tant 
de concision et de plénitude tout ensemble, qu'à peine 
pourrait-on nommer quelque grande vérité ou quel- 
que devoir essentiel qui n'y ait sa place marquée ; 
outre qu'étant partagée en deux parties égales, dont 
l'une est réservée à la doctrine et l'autre à la morale, 
elle procède avec un ordre et une méthode qu'on ne 
retrouve nulle part ailleurs, si ce n'est dans les grandes 
épîtres aux Romains et aux Hébreux, qui sont moins 
des lettres que des traités. On en peut dire autant de 
notre épître; et il y a lieu de penser, avec les inter^ 
prêtes les plus éclairés, que, bien qu'adressée à la 
seule Église d'Éphèse, elle a été destinée et commu- 
niquée par Tychiqu«, qui en fut le porteur, aux Églises 
les plus considérables de cette partie de l'Asie Mi- 
neure dont Éphèse était la ville principale. Cette re- 



H INTRODUCTION. 

marque expliquerait comment l'Apôtre s'occupe 
moins ici des besoins particuliers d'une Église déter- 
minée que de l'exposition générale de la vérité divine, 
et pourquoi l'on cherche à peu près* en vain dans 
cette épître ces .traits spéciaux, ces allusions indivi- 
duelles, ces salutations personnelles que nous pré- 
sentent la plupart des épitres de saint Paul, et que 
l'on devait s'attendre à retrouver dans une lettre 
adressée à une Eglise aussi connue et aussi aimée de 
lui que l'était celle d'Éphèse. 

D'après ce que nous venons de dire, nous pou- 
vons nous dispenser de rechercher curieusement tout 
ce que l'Écriture ou la tradition nous apprennent sur 
rÉglise d'Éphèse, Ces données, souvent précieuses 
pour rintelHgence des épîtres, le seraient moins pour 
la nôtre, puisqu'elle est si dépourvue d'applications 
spéciales. Rappelons seulement que saint Paul visita 
Èphèse une première fois, et y jeta vraisemblable- 
ment les fondements d'une Église, lorsqu'il était en 
chemin pour retourner à Jérusalem, après son pre- 
mier séjour à Corinthe (Actes XVni, 19, 20); qu'il y 
retourna plus tard, et y séjourna cette fois deux ans 



* Nous disons à peu près, parce qu'il 7 a quelques endroits de notre 
^tre qui fom exception à cette i^marque^ tels que £pb. I» 15^ 16 , et 
y\y %i. Ce dernier verset nous donne à entendre que la présence de 
T^ehique devait suppléer aux détails qui manquaient dans les oom* 
munications écrites de TApôtre. 



INTRODUCTION. HT 

et trois mois,' durant lesquels il répandit TÉvangile 
dans toute l'Asie Mineure (Actes XIX ; voir la v. 10) ; 
que les febricants de temples de Diane, voyant leur 
industrie, en péril par les progrès de l'Évangile, ex- 
citèrent contre Paul et ses compagnons une émeute 
populaire, qui pensa coûter la vie k notre Apôtre ; que 
c'est d'Éphèse qu'il écrivit, vers la même époque, 
sa première épître aux Corinthiens (1 Cor. XVI, 8, 9) ; 
que c'est d'Éphèse qu'il fit venir à Milet les pasteurs 
auxquels il adressa cet admirable discours et qu'il 
prémunit si solennellement contre les mauvaises doc- 
trines qui devaient se glisser au milieu d'eux après 
son départ (Actes XX, 18 et suiv.); enfin que c'est à 
rÉglise d'Éphèse que saint Jean écrivit Tune des sept 
épitres de l'Apocalypse, dans un temps où cette 
Église avait commencé d'éprouver la vérité de la 
prédiction de saint Paul et avait résisté fidèlement à 
l'hérésie naissante (Ap. II, 1-7). 

En rapprochant avec soin les temps et les événe- 
ments, tels qu'ils sont indiqués dans les Actes et dans 
les Épîtres, on reconnaît que l'épître aux Éphésiens 
a été écrite de Rome durant le premier séjour de 
saint Paul dans cette ville, qui nous est rapporté dans 
le dernier chapitre des Actes* ; et cette supposition 
est confirmée et changée presque en certitude par 

1 Vers l'an 6î, 



IV INTRODUCTION. 

la tradition constante de l'antiquité. De là les allusions 
réitérées de TApôtre à son état de captivité (IH, 1 ; 
VI,- 1 ; YI, 19, 20). — Tychique, qui porta cette 
lettre à Êphèse (VI, 21), fut chargé en même temps 
de quelques autres lettres de saint Paul, et en par- 
ticulier de son épître aux Colossiens. Cette dernière 
circonstance est importante à connaître pour l'ex- 
plication de notre épître. Car ces deux épîtres, 
écrites à la même époque, et à des Églises voisines 
l'une de l'autre, offrent entre elles une ressemblance 
frappante, tant pour les pensées que pour l'ordre 
dans lequel elles sont présentées. On peut considérer 
l'épître aux Colossiens comme une sorte d'extrait de 
l'épître aux Éphésiens , mais un extrait modifié et 
adapté aux besoins spirituels de la petite commu- 
nauté de Colosses. Il nous arrivera donc plus d'une 
fois de citer l'épître aux Colossiens et de nous en 
servir pour l'éclaircissement de la nôtre ; bien que 
l'interprétation de l'épître aux Colossiens ait encore 

plus de lumière à emprunter à l'épître aux Éphésiens, 

« 
qui traite la plupart des matières avec plus d'étendue. 

Il est intéressant de voir comment elles reçoivent l'une 

de l'autre le même genre de secours que se prêtent 

entre eux les quatre évangiles, se complétant et s'ex- 

pliquant mutuellement, tantôt par leurs rapports et 

tantôt par leurs différences mêmes. 



liNTRODUOTlON. V 

Remarquons encore que saint Paul s'adresse sur- 
tout dans notre épître aux chrétiens sortis du paga- 
nisme. Il insiste singulièrement sur la faveur que 
Dieu leur a faite en les choisissant du sein de la cor- 
ruption universelle pour les associer à son peuple élu 
et pour réunir en Jésus-Christ les païens convertis et 
les juifs fidèles. Ce dessein général, bien compris, 
jette beaucoup de jour sur les diverses parties de 
notre épître. 

Cela dit, abordons, au nom du Seigneur, le saint 
livre que nous nous proposons d'étudier. Voici quelle 
sera, dans cette étude, notre règle fondamentale : 
chercher, avec tous les secours que Dieu place à 
notre portée, la pensée de l'auteur sacré, qui est pour 
nous celle de Dieu même ; et puis, cette pensée trou- 
vée, la recevoir avec la simplicité d'un enfant, et 
l'exposer à nos auditeurs avec la fidélité tremblante 
d'un interprète du Saint-Esprit. — Liberté dans l'in- 
vestigation du sens des Écritures, soumission à ce 
sens une fois découvert, voilà la base, non-seulement 
de toute méditation salutaire des Écritures, mais 
encore de toute exégèse solide et de toute théologie 
digne de son nom. 

Écoutons sur ce sujet l'un des plus savants théo- 
logiens contemporains de l'Allemagne, Harless, dans 
la .préface de son Commentaire sur l'épître aui Êphé- 



VI INTRODUCTION. 

siens : « L'Église protestante, dont je me félicite 
d'être serviteur et docteur avec une entière et libre 
conviction, a fixé depuis trois siècles les priacipes 
d'après lesquels elle interprète la sainte Écriture, 
Selon elle, l'Écriture ne peut être expliquée que par 
l'Écriture elle-même ; c'est à découvrir le sens simple, 
clair et jiatuf el du texte sacré que je me suis appliqué 
partout. S'il m'était arrivé parfois de dominer la Pa- 
role, au lieu de me laisser enseigner par elle, ce se- 
rait là une infraction individuelle et involontaire, au 
principe de mon Église, qui veut, avec l' Apôtre, que 
toute autorité propice soit abattue, et qui ne connaît 
sur la terre ni aucune autorité supérieure à la Parole 
de Dieu, ni aucune sagesse capable de dominer la 
sagesse divine, ni aucune autre vertu d'interprétation 
que cette humble fidélité envers la révélation de Dieu, 
qui s'assied pour écouter aux pieds du Maître et qui 
invite les hommes à pénétrer dans la profondeur des 
saints mystères. » On reconnaît à ce beau langage 
un disciple de ce grand réformateur qui a dit : « Nous 
voulonsdemeurer jusqu'au bout écoliers dans la sainte 
Écriture ; car nous ne sommes pas capables d'en 
sonder à fond un seul mot; nous n'en obtenons que 
les prémices » (Luther). A la distance qui nous sépare 
de ces serviteurs émineuts du Seigneur, le même es- 
prit nous anime et nous prions Dieu de ne pas per- 



INTRODUCTION. VU 



mettre que nous vous donnions janriais notre pensée 
au lieu de la sienne, < On n'allume pas un flambeau 
(dit encore le théologien que nous avons cité tantôt) 
pour éclairer le soleil ; et il doit suffire à celui qui 
veut annoncer la lumière au monde, de faire voir 
qu'il ne prêche pas dans des antres et des trous sou- 
terrains; mais qu'il est exposé aux rayons de oette 
véritable lumière, qui ne s'élève pas de son sein, mais 
qui descend sur lui du ciel. 2» 

Veuille le Saint-Esprit, promis aux disciples du 
Nouveau Testament, se servir de nous pour vous aider 
à comprendre la pensée de l'Apôtre, comme il s'est 
servi de l'Apôtre pour nous révéler- la pensée de 
Christ! 



EXPLICATION 



DE 

L'ÉPITBE DE SAINT PAUL 



AUX ÉPHÉSIENâ 



I 

LA SALUTATION. 

Ghap. I, V. 1, 2, 

1. Pauly apôtre de JésiAS-Christ, par la volonté de 
Dieu, atujû saints et fidèles en Jésus- Christ qui sont à 
Ephèse, 2. Grâce et paix vous soient de la part de Dieu 
notre Père et du Seigneur Jésus- Christ, 

Paul... ce nom, que T Apôtre se donne dans toutes 
ses épîtres, de préférence à son premier nom, Saul 
(ou Saùl), rappelle la mission qu'il avait reçue de Dieu 
auprès des païens. Car Saûl était un nom juif; mais 
Paul était un nom romain, que l'Apôtre paraît avoir 
pris pour se faire mieux venir de ses auditeurs, et eiï 
mémoire de la conversion du proconsul Sergius Paul, 
le premier fruit de sa première mission. 



2 LA SALUTATION. CH. I, 1, 2. 

Apôtre de Jésu^-Christy par la volonté de Dieu. Ces 
mots servent tout ensemble à toucjEiêr l'attention 
des Éphésiens sur Jésus-Christ, dont Paul n'est' que 
TApôtre (l'envoyé — Jean ni, 30), et à imprimer dans 
leur esprit l'autorité divine de son ministère, puis- 
que c'est au noip (ie Jésus-Christ qu'il leur parltî. En 
écwrant k certaines Églises, auxquelles on avait in- 
spiré des doutes sur son apostolat, il s'étend sur cet 
article, qu'il se contente ici d'indiquer. Il y consacre, 
en particulier, les deux premiers chapitres de son 
épître aux Galates, qui font le tiers de toute l'épître. 
Bien qu'entré dans l'apostolat après la mort et l'as- 
cension du Seigneur, sjiint Paul y avait été appelé 
directement et par le Seigneur lui-même. Jésus lui 
était apparu tout exprès et l'avait personnellement 
institué, sans intermédiaire humain, ce qui faisait qu'il 
était apôtre ^u même titre que l^s douze témoins de 
la résurrection du Seigneur (Act. l, 22), « non de la 
€ part dps hommes, ni paf un hou^me » (c'çst^a-dire 
par le ministère d'un homme), « mais par Jésus-Chrîst 
« et par Dieu Je Père qui le ressuscita des morts » 
(Ga}. 1, 1), Comme si ce nom (l'apôtre de Jésus-Christ 
ne suffisait pas encore, ss^int Paul lypute qu'il l'est 
pqr h volonté de Dm; tant il tient ^ constater qu'il 
ne s'est pipint inséré de lui-même dans le ministère 
qu'il exerce, C'est que ce poin^ est également né- 
cessaire pour liiiTméme et pour sçs lecteuri; ; pour 
lui, afin qu'il p^rte avec foi; pour eux, afin qu'ils 



GH. hiy^- LA SALOTÀTION. ' 3 

Técoutent avec foi, Quel est h pasteur chrétien qui 
puisse lire ces mots, par la wlmté de Dieu, sans une 
sorte de sainte jalousie? Qu'on est fort quand on peut 
s'asgurer que ce qu'on feit, ce qu'on (î!t, on le fait et 
on le dît pour obéir à un commandement d^i Sei- 
gneur ! Qu'on se trouverait heureux d'avoir, comme 
saint Paul, des caractères manifestes pour tout le 
nionde, d'une vocation divine! Mes chers frères dans 
le ministère, ne perdons pas courage. Dieu voit c^ 
besoin que nous 4iprouvons d^ nous sentir fj^isant «4 
volonté, et il est fidèle pour y répondre. Il est juste 
que l'évidence des signes de vocation se proportioane 
à l'importance de la vocation elle-même ; et cette in- 
tervention visible du Seigneur, qui était nécessaire 
pour les docteurs inspirés de l'Église universelle, 
nous n'avons pas le droit d'y prétendre^ Maïs, comm^ 
ces pasteurs d'Éphèse que saint Paul n'hésitait pas k 
appeler « établis par le Saint-Esprit 2> sur leur trou» 
peau (Act. XX, 36), bien qu'il n'y eût eu rien de sufw 
naturel et d'extraordinaire dans leur institution, nous 
avons aussi nos signes auxquels nous pourrons reoon* 
naftre si le Seigneur nous appelle ou non aq minî#» 
tère de la Parole. Cherohons-les, non dans cette pré- 
tendue Èucceêsion apostolique que l'imagination des 
hommes a rêvée et qu'elle substitue imprudemment à 
la vocation de Dieu; mais dans l'ordre de l'Église., 
dans les indications des événements, dans les dispo-^ 
sitions de notre esprit, et surtout dans le secret de l|k 



4 LA SALUTATION. GH. I, 1, 2. 

prière. Oui, prions beaucoup, prions ardemment 
pour être conduits du Seigneur; puîs,*s'il veut nous 
employer comme serviteurs de sa Parole, il nous le 
fera clairemenfconnaître, et il saura le faire connaître 
aussi à la conscience de ceux auprès desquels il nous 
envoie* 

Aux saints et fidèles en Jèsus-Christ qui sont à Éphise. 
Les chrétiens d'Éphèse sont saints^ parce qu'ils ap- 
partiennent à cette « race élue » (1 Pierre II, 9), 
pour laquelle le Seigneur < s'est donné lui-même afin 
« de la racheter de toute iniquité, et de se purifier un 
€ peuple particulier, zélé pour les bonnes œuvres » 
(Tite II, 14), et dont l'ancienne économie nous offre 
un type visible dans ce peuple saint à l'Éternel qu'il 
s'était choisi d'entre tous les peuples de la terre 
(Deut. VII, 6). Les chrétiens sont des hommes mis à 
part, séparés du monde, et réservés pour le service 
de Jésus-Christ et pour la gloire de Dieu, selon ce qui 
est écrit : t Je me suis formé ce peuple-ci ; ils racon- 
te teront ma louange » (Es. XLIII, 21). Cette sépara- 
tion, cette consécration se fait à la fois extérieure- 
ment, par l'admission dans l'Église, et intérieure- 
ment par la conversion du cœur. Que d'autres cher- 
^ chent leurs saints parmi les morts, nous cherchons 
les nôtres parmi les vivants; point de saint au ciel, 
qui n'ait commencé par l'être sur la terre. Ils sont 
fidèles (ce qui signifie en cet endroit croyantSy ainsi 
que dans Jean XX, 28; Gai. IIÏ, 9, etc.), parce qu'ils 



CH. 1,1,2. LA SALUTATION, * 5 

possèdent la foi en Jésu»-Ghrist, qui est le principe 
de leur sainteté; Dis n'ont pu devenir saitUs que parce 
qu'ils ont été /Wéle*, comme ils ne peuvent être vrai- 
ment fidèles sans devenir saints ; deux caractères in-^ 
séparables dont la réunion forme une définition com- 
plète de l'enfant de Dieu. Enfin, ils sont en Jiêui^ 
Christ, parce qu'ils sont unis à lui de telle sorte a qu'il 
« demeure en eux et eux en lui. > De là tout ce qui les 
distingue d'avec le reste des hommes. C'est fen Jésus- 
Christ seul qu'ils sont saints ; en Jésus<-Christ seul 
qu'ils sont fidèles; en Jésus-Christ seul que leur 
âme a € la vie, le mouvement et l'être. » 

Grâce et paix vous soient. Cette salutation, que l'on 
retrouve, avec de légères différences presque dans 
toutes les épitres, tant de saint Paul que des autres 
apôtres, était une formule usitée généralement de 
leur temps, et où ils n'avaient fait d'autre change- 
ment que celui que commandait l'esprit évangélique. 
Les Grecs et les Romains avaient coutume de com- 
mencer ainsi leurs lettres : « Un tel à un tel, salut ; » 
et les Juifs se saluaient en ces termes : « Paix te soit :» 
(Juges XX, 20, etc.). Par ce salut, et par cette paix, 
on entendait la santé et des jours prospères. Les apô- 
tres ont maintenu la forme de la salutation reçue, 
mais en y substituant aux souhaits que dicte l'amitié 
du monde, ceux qu'inspire la foi et la charité de 
Christ. Exemple à méditer. Le chrétien doit se séparer 
du siècle par l'esprit qui l'anime, et non sur des for- 



6 * li. SALUTATIOIT. GH. I, 1, 2. 

mes insignifiantes ; des formes vides que nous fournit 
lu bienveillance du monde^ ne led brisez pas; mais 
rempiissez'^les aveo cette « charité diM hypocrisie » 
<{ue vous avez apprise de votre Maître. « Séparezi^ 
€ TOUS » (2 Cor. YI, 17)^ mais ne vous singularises pas- 
Ne détournez pas sur un mot» sur un geste, sur un 
habit) sur une convenance sociale^ l'attention qxLe ré- 
clame de la part des hommes leur salut et la gloire 
de Dieu. N'innovez qu'autant que l'Évangile le 
commande, et n'étonness le mondé que par votre 
sainteté. 

La grâce et la paixy que l'Apôtre souhaite aux 
ÉphésienSf marquent sommairement toutes les béné- 
dictions attachées à la foi évangéhque, avec cette dif- 
férence que le premier de ces deux mots indique le 
principe de ces bénédictions, qui est en Dieu, au lieu 
que le second en indique le résultat, qui se &it sentir 
dans le cœur de l'homme. Saint Paul souhaite en pre- 
mier lieu aux Éphésiens, la grâce, c'est-à-dire, cette 
bonne disposition de Dieu, toute libre et gratuite, 
qui le porte d'abord à nous pardonner nos péchés eu 
Jésus-Christ, et puis à nous accorder encore, en lui, 
avec cette délivranod capitale, toutes les autres déli- 
vrances qui en dépendent et qui en découlent; elles 
sont énumérées dans le Ps. XXXII, et dans le com- 
mencement du Ps» GUI, oii lé pardon est nommé 
avant tout le reste : < La première faveur que Dieu 
accorde à un pécheur, c'est de lui remettre ses pé- 



Cti- î, i, 2. LÀ SALUTATION. 7 

chéô > (Luthêï*). Il leur souhaite en second lieu la 
paix^ c'est-à-dire cette heureuse disposition d'une 
âme chrétienne, qui se réjouit d'abord de ce que Dieu 
lui a reniis ses péchés, et puis de ce qu*il la coîisoiè, 
la guide, la sanctifié, là fortifie, et a accomplit tout 

< pour elle » (Ps. LVII, 2). Ce n'est donc pas sans des- 
sein que l'Apôtre nomme la grâce avant la paix! Dieu 
commerice et Thomme répond; Tun et l^autre sont 
nécessaires ; mais la première place est â Dieu. L*ordre 
que suit saint Paul dans cette salutation est celui qu'il 
a également adopté en développant ces deux bénédic- 
tions évangéliques dans son épître aux Romains. Les 
quatre premiers chapitres de cette épître sont pour la 
grâce ; le cinquième s'ouvre par la paix : « étant donc 

< justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu, par 
« notre Seigneur Jésus-Christ. j& A ces deux souhaits 
saint Paul en ajoute un troisième, la miséricorde^ qu'il 
intercale entre les deux autres, en écrivant à Timothée 
et à Tite. Il entend alors par la miséricorde, ce qu'il en- 
tend ici par la grâce, et par la jfrdce l'origine com- 
mune, cachée plus profondément encore en Dieu, et 
de sa miséricorde et de notre paix. Saint Jude, à son 
tour, souhaite aux chrétiens h miséricorde, la paix 
et l'amour. La miséricorde est pour lui ce qu'est la 
grâce pour notre apôtre ; et Vamour complète le ta- 
bleau des bénédictions évangéliques, en joignant à la 
grâce, exposée dans les quatre premiers chapitres de 
l'Êpître aux Romains, et à la paix^ exposée dans le 



H LA SALUTATION. CH. I, 1, 2. 

cinquième, cet amour saint, principe de la sanctifica- 
tion chrétienne, exposé dans les chapitres VI, VII 
et YIII. La grâce engendre la paix, et la paix l'amour 
qui est le mobile de la vraie obéissance. 

De la part de Dieu noire Père et du Seigneur Jésus-^ 
Christ. Qui lirait ces paroles tant de fois répétées de 
sanit Paul et oserait dire que Jésus-Christ n'est pas 
Dieu? Quel autre que Dieu, quel homme, quelle créa^ 
ture pourrait être, dans le langage si jaloux du Saint- 
Esprit, associé partout à Dieu comme principe de 
toutes les grâces divines : « Moi et le Père sommes 
« un. » Si vous n'avez vu cela, lecteur, vous n'avez 
rien vu. 



II 



L ACTION DE GRÂCES. 
Chap. I, V. 3-14. 

3. Béni soii le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus- 
Christ, qui nous a bénisy de toute bénédiction spirituelle^ 
dans lescieuxcélestes^en Christ; 4. selon qu il nous avait 
élus en Im, avant la fondation du monde, afin que nous 
fussions saints et irrépréhensibles devant lui, dans Vor 
mour; 5. nous ayant prédestinés à l'adoption^ par Jésus- 
Christ , pour soi-^mémej selon le bon plaisir de sa volonté; 
6. à la louange de la gloire de sa grâce, par laquelle il 
nous a reçus en grâce dans le bien-aimé ; 7 . en qui nous 
avons la rédemption par son sang, la rémission des offen- 
ses j selon les richesses de sa grâce; 8. laquelle il a fait 
abonder en nous, en Umte sagesse et intelligence; 9. nous 
ayant donné à connaitre le mystère de sa volonté [selon 
son bon plaisir y qu'il s'était proposé en soi - même , 
10. pour la dispensation de la plénitude des temps)y sa-» 
voir de réunir toutes choses en Christ^ et celles qui sont 
dans les eieux et celles qui sont 9ur la terre; i\. en lui y 



10 l'action de GRA.GBS. CH. I, 3-40. 

m qui aussi nous avons été faits héritiers, ayant étépré-- 
destinés, selon le dessein arrêté de Celui qui opère toutes 
choses selon le conseil de sa volonté^ 12. pour que nous 
fussions à la louange de sa gloire, ceux qui ont aupara- 
vant espéré en Christ; 13. e^i qui vous êtes aussi, ayant 
entendu la parole de la vérité^ Vévangile de votre salut ; 
m qui aussi, ayant cru, vous avez été scellés par le Saint- 
Esprit de la promesse^ 14. qui est ïarrhe de notre héri- 
tagcy pour la rédemption de V acquisition, à la louange de 
sa gloire. 

i* Uaetion de grâces pour les élus en général. 1, 9A0. 

Bini êoii Dieu. G'eftt en luttant Dieu que saint Paul 
commenoe toutes ses épitres^ à l'exception de Galatei^, 
1 Timothéé» et Tite^ où tin objet spécial, préoccupant 
la pensée de TÂpôtre, a pris la place qu'il réserve 
habituellement à l'action de grâces. Quoi que nous 
entreprenions 9 commençons->le aussi par l'action de 
grâces* N'attendons pas qu'elle soit provoquée par 
quelque bienfait particulier : le don permanent de la 
vie éternelle ne nous sufTit^il pas? « Grâces à Dieu 
€ pour son doil ineffable 1 > (2 Cor* IX, 15*) < Béai 
c ioit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésum 
< Christ qui nous a bénis; y saint Jean dit dans le 
même esprit : « Nous l'aimons, parce qu'il nous a 
t àiniés le premier. > 

Le Dieu et Pire de notre Seigneur Jéêm^Chrità. On 



Gfl. t^ 3-iO. l'action de 6RAG£S. H 

peut traduire aussi : « Dieu, qui est le Père, etc. > ainsi 
que l'ont fait nos versions. Mais la traduction que 
nous ayons suivie» avec la version de Lausanne 1839, 
nous parhit préférable tant ici que dans Rom. XY,6; 
2Gor« XI, 81; 1 Pierre I» 3, etc. Dieu n'est pas seu« 
lèment le Père de Jésus^Ghrist, il est en même temps 
son Dieui qui Ta envoyé, qui Ta conduit, qui l'a 
exaucé, qai l'a ressuscité, qui l'a fait asseoir à sa 
di^ite« € Je monte vers mon Père et votre Père^ et 
c vers ïnon Dieu et votre Dieu ^ (Jé&n XX» 17)« Ge rap- 
port du Père au Fils est important à considérer pour 
nous. Gar, Jésus^-Christ étant le représentant et la 
tète de l'Eglise, c'est parce que Dieu est le Dieu de 
JésUs-Ghrist qu'il est aussi notre Dieu, comme c'est 
parce qu'il est le Père de Jésufr>Ghrist qu'il est aussi 
notre Père. Que si l'on demande comment Dieu peut 
être le Dieu de Jésus^Ghrist, qui est Dieu lui'-méme» 
nous pourrions répondre qUe Jésus^-Ghrist est consi*- 
déré alors dans sa nature humaine ; mais nous aimons 
mieux répondre que c'est là c le mystère de piété; > 
mystère rappelé^ mais non expliqué^ dans Ps. XLV, 8 
(cité par saint Paul, Héb. I, 9) : < Dieu, ton Dieu 
« t'a oint d'une huile de joie au^^essusdetes sembla^ 
€ bles ; > ce qui n'est pas plus étonnant que 2 Tim, I, 
18 : c Le Seigneur lui fasse trouver miséricorde au^ 
t près du Seigneur, > ouDan.IX, 17*-19etPs. GX, 1. 
Dan$ hi lieuco dlesus en Chrisi. Dieu nous a bé- 
nis en Christ^ élus en Chrilt^ sauvés en Christ; 



i2 l'action de GRACES. CH. I, 3-10. 

ce n'est pas seulement par Christ, c'est en Christ, 
en la personne duquel Dieu nous contemple, comme 
des membres de son corps, faisant partie de son 
être, et revêtus de sa justice. Aussi saint Paul sou- 
haite « d'être trouvé en Christ » (PhiL II, 9). Ceci 
nous . explique comment nous pouvons être bénis 
€ dans les lieux célestes, > bien que nous ne soyons 
pas au ciel. Christ y est, et cela suffit. Que dis-je? 
Nous y sommes, dans sa personne : t II nous a fait 
« revivre avec le Christ, et il nous a ressuscites et fait 
€ asseoir dans les lieux célestes en Jésus-Christ » 
(Voy. II, 5, 6 rapproché de I, 20). C'est également 
parce que nous avons été < élus en Christ » que nous 
avons pu l'être « avant la fondation du monde, > bien 
qu'alors nous né vécussions pas. Christ vivait, et cela 
suffit. Aussi bien ni cette difficulté de lieu, ni cette 
difficulté de temps, n'égale la difficulté de principe, 
la difficulté essentielle de notre salut, celle qui tient 
à ce que les hommes à qui Dieu veut donner la vie 
éternelle sont des pécheurs qui en sont indignes par 
leurs œuvres. Comment pouvons-nous être justes de- 
vant Dieu, n'ayant pas fait les œuvres? même ré- 
ponse : c'est que nous sommes justes en Christ. Nous 
n'avons pas fait les œuvres; mais Christ les a faites, 
et cela suffit. C'est la doctrine de notre apôtre, 
Rom. X, 5-8 : notre salut, impraticable selon la loi, 
parce que nous en serions alors chargés nous-mêmes, 
est praticable selon ladfoi, parce que c'est Christ alors 



CH. I, 3-10. l'action de GRACES. 13 

qui l'accomplit. Tout cela est réuni dans 2 Tim.I, 9*. 
Pour être {ou à élre) saints et irrépréhensibles devant 
It4t, dans ïamour. Ces mots peuvent se rapporter à 
notre sanctification, ou à notre justification. Dans le 
premier cas, l'amour dont il est ici question, c'est 
Tamour dans l'homme, et la pensée de l'Apôtre se- 
rait celle-ci : Pour que nous marchions devant Dieu 
dans cette vie sainte dont l'amour est le principe ; 
dans le second, c'est Tamour en Dtew, et la pensée 
est alors : Pour que nous soyons réputés saints, aux 
yeux de Dieu, par un effet de son amour. La pre- 
mière de ces interprétations, ne serait pas , selon 
Harless, dans l'esprit du Nouveau Testament : « On 
n'y trouve pas un seul endroit, dit-il, où une sainteté 
sans tache devant Dieu soit représentée comme le but 
de Yélection. i» Quoi qu'il en soit, nous nous décidons 
pour la seconde, soit parce qu'elle s'accorde mieux 
avec la pensée générale de notre texte, où l'Apôtre 
s'est proposé de relever la grâce de Dieu, et non la 
sainteté personnelle du croyant ; soit parce qu'elle 
convient seule au passage correspondant de l'épître 
aux Colossiens, I, 22. Les mots dans V amour sont 
employés d'une manière semblable dans Éphésiens 
ni, 18, expliqué par le verset suivant. 



* Nous recommandons aux lecteurs de chercher les endroits des Ecri- 
tures indiqués dans notre commentaire ; de notre côté, nous nous sou- 
viendrons que ce qui importe, c'est de choisir les citations, et non de 
les multipUer. 



14 l'action BE GRACES. CH. I^ 3-iO. 

Par Jé»m-Christ^ pour soum4me, ou en vue de 
soi-même. Dans toute l'œuvre du salut, Dieu est le 
but, et Jésus-Christ le chemin. Nous allons au Père 
par le Fils (Jean XIV, 6; 1 Cor. VIII, 6 : traduisez 
duquel sont toutes choses, et nous pour lui). 

Selon le bon plaiêir 4e sa voUmté. Le mot que nous 
rendons par < bon plaisir, » peut indiquer soit la 
souveraine liberté, soit la bienveillance, soit enfin 
l'une et l'autre à la fois, ces deux choses étant étroi- 
tement unies en Dieu, qui c est amour. > C^est de 
eette dernière manière que nous l'entendons, tant 
ici que danp Philippi«ns II, 13. 

// nou$ « 9^u3 0n ffrA$$ dam le bien^aimé. Autre 
est l'amour que Dieu a pour son Fils, autrç celui qu'il 
a pour nous. Lui, seul aimable en soi, est essentiels 
lement le bienraimé; nous, haïssables en nous-^mémes, 
nous sommes reçus en grâce ^ cause du bieunaimé, 
et dans le bien-aimé ; et si noua sommes appelés 
bien-aimés à notre tour (Éph. V, 1, etc.) c'est parce 
que Dieu nous voit en son Fils. Le mot que nous tra*-. 
dtisons € reçus en grâce, » est le même dont l'ange 
se sert en saluant Marie (Luc I, 28). 

En toute sagesse et inielliffence. Il s'agit ici, non d$ k 
sagesse et de l'intelligence que Dieu ait p^iraître, 
mais de la sagesse et de l'intelligence qu'il communi- 
que à ses enfants. On peut s'en assurer pç!.r Colos- 
siens I, 9, outre que le mot rendu par inielUgenee 
aurait quelque chose d'étrange, appliqué à Dieu. La 



Qp. i, 3-10. l'action de gmcu* 45 

sagesse diffère de rintelligeace, en ce que la première 
ept plu8 étepdye, la seconde plus restreinte ; la pre-* 
mière est plus spécialement une qualité du cœur, la 
^pconde une faculté de l'esprit. La premièrQ s< 
montre surtout dans la conduite, la seconde dans les 
diicours. Rapprochez Luc II, 40 de 47, où il faut 
traduire m de son intelligenc9 et de ses réponses, » 
c'est-'à-dire de Tintelligence qui paraissait dans ses 
réponses. 

Siflen sm bon plaiw qu'il sélaiipropoié en m-^même 
pmr to disfifnt^im ds la plénUuêê de$ temps ; c'est-^- 
dîre, selon la résolution que Dieu avait formée, par 
devers soi, en vue de la dispensation évaiigélique, 
qui devait avoir lieu quand les temps seraient accom- 
plis« La même pensée e^t exprimée, et en partie 
dans les mêmes termes, Galates IV, 2-5 , avec cette' 
légère difôrence que U temps, dans Tépitre aux Ga- 
lates, marque le cours des temps, qui s'achève par le 
nombre des anné^, tandis que le$ tm^i^s dans notre 
épitre (plus exactement les oecastons^ car le mot grec 
n'est pas le même dans l^s deux cas) marquent les 
époques successives par lesquelles se développe le 
plan divin, et qui lui servent de points d^arrêt ou de 
degrés* Ces époques avaient été indiquées par les 
prophètes de T Ancien Testament ; et 11 fallait que la 
partii^e de la piY)phétie qui appartenait à Tancienne 
économie eût é^té accomplie^ avant que le Fils de 
Dieu pût venir au monde et fonder la dispensation 



16 l'action DE GRAGBS. CH. 1^ 3-10. 

évangélique. — Mais quel était l'objet de cette dispen- 
sation nouvelle, et « ce mystère de la volonté » de 
Dieu, c'est-à-dire cette volonté qu'il avait tenue cachée 
jusqu'au temps marqué? Le voici expliqué dans la 
suite de notre verset: . 

Réunir tovUes choses en Christ^ et celles qui sont 
dans les deux et celles qui sont sur la terre. Le terme 
de l'original que nous rendons par réunir, signifie 
littéralement récapituler, ou rassembler sous une 
même tète. Dieu veut rassembler sous Christ, comme 
sous une tête commune, nonnseulemeni toutes les 
choses qui sont sur la terre, mais encore toutes celles 
qui sont dans le cieL Ce n'est pas assez que le Fils 
de Dieu glorifié reçoive « pour son héritage les na- 
< tiens, et pour sa possession les bouts de la terre » 
•(Ps. 11,8); il faut qu'il domine sur l'univers tout 
entier. « Toute puissance lui est donnée dans le ciel, et 
« sur la terre » (Matth. XXVIII, 18), et « toutes choses 
« doivent lui être assujetties, > jusqu'à ce que vienne 
la fin des temps où « le Fils lui-même doit être assu- 
« jetti à celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que 
« Dieu soit tout en tous » (1 Cor. XV, 28). Aussi Jésus- 
Christ, qui ne reçoit ordinairement le nom de tête que 
par rapport « à l'Église qui est son corps > (Éph. I, 
22), est-il appelé une fois aussi « la tête de toute 
« principauté et puissance, » et cela dans cette épître 
aux Colossiens qui a tant de points communs avec la 
nôtre. (Col. II, 10; voyez encore 1, 16-18.) 



CH. I, 3-JO. l'action de GRACES. 17 

Mais il y a une autre pensée dans notre texte, et 
une pensée bien intéressante, mais que l'Écriture ne 
fait qu'indiquer; imitons sa réserve. C'est comme 
Rédempteur que Jésus-Christ apparaît ici ; c'est aussi 
comme Rédempteur qu'il doit voir toutes les choses 
de l'univers rassemblées sous sa puissance. Les effets 
de la rédemption ne sont donc pas bornés à notre 
petit globe; elle doit exercer sur tout l'univers une 
influence immense et mystérieuse, que nous décou- 
vrons, sans pouvoir la définir exactement, dans un 
petit nombre de passages de l'Écriture. J'en citerai 
trois, presque sans réflexions. Le premier est celui 
qui répond à notre texte dans l'épître aux Colossiens : 
c En lui toute la plénitude a bien voulu habiter, et 
« par lui réconcilier toutes choses à soi, ayant fait la 
€ paix par le sang de sa croix, tant les choses qui sont 

< sur la terre, que celles qui sont au ciel » (Col. I, 19, 
20); où nous voyons l'œuvre de réconciliation opérée 
par Jésus-Christ entre Dieu et nous, étendre ses bien* 
faits à tout le monde, et rétablir entre les diverses 
parties de la création, jusqu'alors dispersées, une har^ 
monie nouvelle dont le centre et l'âme sont en Jésus* 
Christ. Nous tirons notre seconde citation de Romains 
VIII, 19-21 : « Car le vif désir de la création attend 
« la révélation du Fils de Dieu. Caria création fut sou- 
« mise à la vanité, non volontairement, mais à cause 

< de celui qui l'y soumit, avec l'espérance que la créa- 
« tion elle-même sera aussi libérée de l'esclavage de la 

2 



18 l'action de GRACES. GH. I, 3-iO. 

€ corruption, pour avoir part à la liberté des enfants 
c de Dieu, Car nous savons que toute la création à la 
<r fois soupire, et qu'elle est en travail jusqu'à mainte* 
<c nant. » Là toute la création nous est représentée 
comme intéressée à la rédemption, et en devant à la 
fin recueillir le fruit. Enfin, dans le songe de Jacob, 
rapporté dans Genèse XXVIII, 12, et expliqué par 
Jésus-Christ, Jean I, 51, le Seigneur est figuré sous 
Temblèrae d'une échelle qui touche à la terre par le 
pied et au ciel par le sommet, et qui forme de l'une 
à l'autre un chemin nouveau par lequel montent et 
descendent les anges de Dieu* La communication en* 
tre le ciel et la terre^ rompue par le péché, est réta- 
blie en Jésus-Christ, et les saints anges s'approchent 
maintenant avec amour des enfants de Dieu, et « ser- 

< vent en leur faveur » (Héb. I, 14), tandis que nous 
ne leur eussions offert qu'un spectacle repoussant, si 
Jésus-Christ n'eût « ôté le péché du monde. «N'allons 
pas plus loin ; craignons d'être plus clairs que l'Écri- 
ture. Mais que cette échappée qu'elle nous laisse 
entrevoir de ce grand mystère, nous fasse mieux 
comprendre la place qui appartient à l'incarnation du 
Fils de Dieu, et à son œuvre expiatoire, non-seule- 
ment dans les destinées de l'humanité, mais dans 
tout l'ordre de cet univers. Tout y a participé aux 
suites de notre chute ; tout aussi doit participer à celles 
de notre rétablissement, auquel se rattache € un réta- 

< blissement de toutes choses y> (Àct. III, 21) ea Jésus- 



CM» h il-i4. L^AGTION DE ORAGSS. 19 

« Christ. Parce qu'il « s'est abaissé lui-même et s'est 
€ rendu obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la 

< croix, Dieu Ta souverainôment élevé, et lui a donné 

< un nom qui est au-dessus de tout nom ; afin qu'au 
« nom de Jésus tout genou se ploie, tant de ceux qui 

< sont aux cieux, que de ceux qui sont sur la terre et 
« au-dessous de la terre ; et que toute langue confesse 

< que Jésu&-Ghrist est le Seigneur, à la gloire de 
€ Dieu le Père »(Phil.U, 8-11 )• 

2° L'action de grâces pour chacune des deux famiUes d'élus en 
particulier. I, 11-14. 

En lui, en qui aussi nous avons été faits héritiers^ 
ayant été prédestinés^ selon le dessein arrêté de celui qui 
opère toutes choses selon le conseil de sa volonté. Jus- 
qu'ici l'Apôtre a parlé au nom de tous les chrétiens, 
qu'ils eussent été juifs ou gentils avant leur conver- 
sion. Mais le voici qui nous fait démêler dans ce peu- 
ple élu, deux peuples d'abord distincts, et qui, bien 
qu'unis maintenant de foi en celui qui est « leur 

< paix > (Éph.II, 14), diffèrent cependant d'origine et 
de position : les chrétiens qui avaient commencé par 
être juifs, et ceux qui avaient commencé par être 
gentils. Tandis que le nous de saint Paul, jusqu'au 
verset 11, est un nous général, qui les renferme les 
uns et les autres, il réserve, à partir de ce verset, le 
nous imir les anciens Juifs, auxquels il appartient lui^ 



20 INACTION DE GRACES. CH. 1^11-44. 

même, et le vous pour les anciens Gentils, auxquels il 
écrit. Il s'occupe des premiers dans les versets 11 
et 12 ; des seconds, dans les versets 13 et 14. Seule- 
ment, dans le verset 14, il revient au nous général, 
en parlant de l'héritage à venir, commun aux uns et 
aux autres. Cette distinction est importante à consi- 
dérer : car c'est une des clefs de notre épître, adres- 
sée à des Gentils convertis, par un de ces Juifs con- 
vertis qui leur ont porté l'Évangile, Nous verrons ce 
sujet repris et développé plus tard, surtout dans les 
chapitres II et III; ici, il n'est qu'indiqué. 

En lui, c'est-à-dire en Christ. Cette répétition a 
pour but de faire mieux comprendre que c'est à Jé- 
sus-Christ que se rapportent ces mots : en qui nous 
avons été faits héritiers, et peut-être aussi de séparer 
davantage d'avec ce qui précède les versets 11 et 
suivants, où une pensée nouvelle doit être introduite. 

Nous avons été faits héritiers, nous Juifs, qui avons 
cru en Jésus-Christ, et qui avons été ainsi appelés à 
l'héritage. Autrefois, les Israélites avaient reçu en 
héritage le pays de Canaan ; mais ce n'était là qu'un 
type visible de cet héritage céleste qui leur devait 
échoir en Jésus-Christ, et que notre apôtre appelle, 
dans le passage correspondant de son épître aux Co- 
lossiens, « l'héritage des saints dans la lumière, > 
auquel le Père nous fait participer en « nous délivrant 
€ de la puissance des ténèbres, et nous transportant 
« au royaume de son Fils bien -aimé > (Col. 1, 12, 13). 



CH. I, H-i4. l'action de GRACES. 21 

Ayant été prédestinés^ etc. Il s'agit ici de la prédes- 
tination spéciale des Juifs. Celui qui a prédestiné tous 
les croyants, en général, à la vie éternelle, a égale- 
ment prédestiné les Juifs convertis à leur position spé- 
ciale, ainsi que les Gentils convertis à la leur. Dans le 
détail comme dans Tensemble, pour le genre humain, 
pour les peuples, pour les familles, pour les indi- 
vidus, tout s'accomplit « selon le conseil de la vo- 
« lonté » souveraine de Dieu ; de lui seul procède 
toute grâce, à lui seul toute gloire doit retourner. 

Afin que nous fussions y à la louange de sa gloire ^ 
ceux qui mt espéré auparavant en Christ. Nous suivons 
ici une interprétation qui s'écarte un peu de nos ver- 
sions reçues, mais qui est préférée par les meilleurs 
commentateurs. Les mots : à la louange de sa gloire^ 
forment une proposition incidente et détachée, ainsi 
que dans le verset 14, et que dans le verset 6, ce qui 
donne à tout ce morceau quelque chose de plus symé- 
trique et de plus complet. La vocation générale des 
croyants, la vocation spéciale des Juifs, et la vocation 
spéciale des Gentils ont toutes trois la même fin : la 
louange de la gloire de Dieu. 

Espéré auparavant en Christ» ou espéré d'avance 
en Christ. La version ordinaire : « espéré les pre- 
« raiers en Christ, » ne rend pas exactement la pensée 
de l'Apôtre. Ce n'est pas seulement une différence de 
temps qui sépare le Juif du Gentil; c'est une diffé- 
rence de position. Le Juif n'a pas seulement l'avan- 



22 l'action DB GRACES. CH. I, li-U. 

tage d'avoir entendu TÉvangile, de la bouche du Sei- 
gneur ou de «es apôtres, quelques années avant le 
Gentil ; avantage qu'un Gentil a pu avoir également 
sur un autre Gentil, par exemple l'habitant d'Antioche 
(Actes XI, 20) sur l'habitant d'Athènes ou de Gorinthe 
(Actes XVII, 45; XVIII, 1). Le privilège du Juif est tout 
autrement considérable. Bien des siècles avant que le 
Ghrist vint au monde et qu'il fût prêché aux Gentils, 
le Juif, averti par la prophétie, a espéré en lui; l'A- 
pôtre choisit cette expression, parce qu'elle est pro- 
pre aux choses futures, tandis qu'en parlant des Gen- 
tils, il dit qu'ils ont cru. Le même apôtre écrit ailleurs 
à ces Gentils qui ont cru : « Vous qui étiez autrefois 
€ Gentils — étiez en ce temps-là hors de Christ (ou sans 
« Christ) séparés de la république d'Israël et étrangers 
€ aux alliances de la promesse, n'ayant point d'espé-» 
€ rance et sans Dieu dans le monde » (Éph. II, H, 
12). Mais le Juif croyant s'exprime ainsi : « Nous 
« avons trouvé celui duquel ont écrit Moïse dans la 
« loi, et les prophètes i> (Jean I, 45). C'est de cette 
espérance qui caractérise le Juif que parle saint Paul, 
devant le Juif Agrippa (Actes XXVI, 6, 7) ; et c'est 
par cette attitude différente du Juif et du Gentil à l'é- 
gard de l'Évangile que s'explique Matth. X, 6; XV, 
24; Actes XIII, 46, etc. Que ceci nous instruise à es- 
timer le Juif. Comprenons ce qu'il est devant Dieu et 
ce qu'il a fait pour nous. Les prophètes ont été juifs; 
les apôtres ont été juifs; Jésus-Christ a été juif. Man- 



GH. I; 11-14. l'action de orages. 23 

querions-nous d'ardeur pour rendre aux Juifs cet 
Évangile auquel ils ont eu part avant nous', et que 
nous avons reçu d'eux? (Jean IV, 22.) Méditez le. 
XP chapitre de Tépître aux Romains, et plus spécia-* 
lement les versets 28 à 32. 

En qui vous ite$ aussi. Vous, Gentils, qui avez été 
admis à votre tour à l'héritage de la vie éternelle. 
Nul ne le savait mieux que saint Paul, qui avait été 
envoyé de Dieu auprès des Gentils, tout exprès c pour 
< ouvrir leurs yeux, pour les convertir des ténèbres à 
c la lumière et de la puissance de Satan à Dieu ; afin 
qu'ils reçussent la rémission des péchés, et une part 
(littéralement Vhéritage; c'est le même mot qui est 
<ï employé dans ÉphésiensI, H et Colossiens I, 12) 
« entre ceux qui sont sanctifiés par la foi en Dieu » 
(Actes XXVI, 18). 

Dans ces deux versets, l'Apôtre marque les quatre 
degrés du développement spirituel des Gentils con- 
vertis auxquels il s'adresse. Ce développement n'est 
pas particulier aux Gentils; sauf le point de départ, 
il leur est commun avec les Juifs. Mais l'Apôtre entre 
dans un plus grand détail en parlant des Gentils, tant 
ici que dans le reste de l'épître, parce que c'est essen- 
tiellement à eux et pour eux qu'il écrit; ce qui con- 
cerne les Juifs n'est que rappelé en passant pour 
mieux expliquer la position des Gentils. 

Ayant entendu. Premier degré. Il fallait commencer 
par entendre. Car < comment croiraient-ils, sans en* 



24 l'action de gracbs. ch. I, il-14. 

« tendre? et comment entendront-ils, sans quelqu'un 
< qui prêche? La foi vient de l'ouïe, et l'ouïe par la Pa- 
€ rôle de Dieu » (Rom. X, 14, 17). Ce qu'ils ont en- 
tendu, c'est « la parole de la vérité, l'évangile de 
c leur salut, > de ce salut qui est mis désormais à la 
portée du Gentil, après avoir été longtemps le pri- 
vilège exclusif du Juif (Col. I, 5, 6 ; Actes XI, 18). La 
vérité, le salut, les deux trésors dont l'humanité a été 
toujours en recherche, et qu'elle n'a jamais trouvés 
qu'en Jésus-Christ, malgré ses prodigieux efforts. 

Ayant cru. Second degré. Comment croire sans 
entendre? disions-nous. Mais aussi, à quoi bon en- 
tendre si l'on ne croit? « A tous ceux qui l'ont reçu, 
€ il leur a donné le droit d'être faits enfants de Dieu, 
a savoir à ceux qui croient en son nom > (JeanI, 12). 
— Les mots en qui se rapportent à Jésus-Christ, à qui 
nous devons encore, outre toutes les grâces déjà men- 
tionnées, le don du Saint-Esprit. C'est comme s'il y 
avait : En qui aussi vous avez été scellés, ayant cru, 
par le Saint-Esprit de la promesse. 

Vous avez été scellés par le Saint-Esprit de la pro- 
messe, c'est-à-dire, qui avait été promis (Gai. III, 14) 
par les prophètes juifs (Actes II, 16). Troisième degré. 
Qui croit en Jésus reçoit le Saint-Esprit (Gai. lY, 6) : 
c Parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos 
€ cœurs le Saint-Esprit, criant Abba, Père ! > Scellés. 
Gomme un homme marque un papier de son sceau 
pour que nul ne puisse douter qu'il lui appartienne. 



GH. ly ii-i4. l'action de gbàges. 25 

ainsi c Dieu a marqué Jésus de son sceau » (Jean 
YI, 27), afin que chacun le reconnaisse pour son Fils; 
et il marque également de son sceau ceux qui croient 
en Jésus, afin que chacun les reconnaisse pour ses 
enfants. Il a icellé Jésus, en lui donnant c TEsprit 
a sans mesure > (Jean III, 34); il scel/e les croyants, en 
leur donnant <c de son Esprit > (1 Jean lY, 13). Mais 
en même temps que la présence du Saint-Esprit en 
nous est, pour le passé, un témoignage de notre adop- 
tion en Jésus-Ghrist, elle est aussi, pour l'avenir, un 
gage de notre héritage futur, et un commencement de 
jouissance, tel que le comporte notre condition ac- 
tuelle, et qui nous répond que le reste viendra en son 
temps. C'est pour cela que l'Apôtre appelle encore le 
Saint-Esprit les arrhes de notre héritage^ comme il l'en 
appelle ailleurs « les prémices > (Rom. VIII, 23). 
« Celui qui nous affermit avec vous en Christ et qui 
« nous a oints*, c'est Dieu, qui aussi nous a scellés et 
< nous a donné les arrhes de l'Esprit dans nos cœurs m 
(2Cor.I,21,22). 

Pour la rédemption de V acquisition. Quatrième de- 
gré, qui est encore à venir, tandis que les trois pre- 
miers sont passés. L'acquisition, c'est le peuple de 
Dieu, qu'il s'est acquis pour lui appartenir en propre, 
d'abord sous l'Ancien Testament (Exode XIX, 5; 
Deut. VU, 6, etc.), et puis, plus spécialement sous le 

) Entre ce mot et le nom de Christ^ qui signifie oint, il y a un rap- 
port, qai est perda dans la traduction. 



36 l'ACnON DE GRACSS. GH. I^ 44-44. 

Nouveau, l'ayant racheté par le sang de son Fils; 
« le peuple acquis, » comme l'appelle saint Pierre, 
(! Pierre II, 9) ou « le peuple particulier, » comme 
l'appelle ailleurs notre apôtre (Tite II, 14). Par la 
rédemption de ce peuple, il faut entendre ici le déve- 
loppement futur et complet de la vie que Dieu nous 
a donnée en Jésus-Ghrist, et que nous ne possédons 
ici-bas que partiellement, et plus en espérance qu'en 
jouissance. Il &ut rapprocher de notre teste Romains 
VUI, 33-S5, où saint Paul appelle cette délivrance 
finale c la rédemption de notre corps, » parce qu'elle 
sera le renouvellement de tout notre être, même 
physique. Un corps nouveau (1 Cor. XY, 42, 43), 
avec « de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où 
c la justice habite » (â Pierre m, 13) : que l'Apôtre 
est bien en droit d'ajouter, pour la troisième fois en 
dooxe versets : c à la louange de sa gloire! » 

Jetons un coup d'œil en arrière sur la doctrine de 
ces douie versets. Mais nous disons mal : c'est moins 
de la doctrine que de l'amour. L'Apôtre ne s'est pas 
proposé de développer la doctrine du salut; mais ce 
salut arrache de sa bouche Tespression, dirai*je? ou 
l'exclamation d'un amour qui brise toutes les formes 
du langage humain. Tout ceci n>st autre chose 
qu'une doxologie prolongée, formant une seule pé- 
riode, où les pensées se pressent de telle sorte qu'il 
ne reste pas d'intervalle pour ces points d'arrêt que 
les hommes ont coutume de mettre dans leur langage. 



CH. I, 11-14. l'action de GRACES. Î7 

ne fût-ce que pour respirer. Que c'est bien joindre 
l'exemple à renseignement ! Car, tandis qu'il nous 
avertit par trois fois que tout a été fait < à la louange 
a de la gloire de la grâce de Dieu, i que fait-il autre 
chose que de célébrer cette gloire, de l'abondance 
d'un cœur qui déborde de gratitude? Suivons son 
exemple, en lisant ce qu'il a écrit : pas de discus* 
sions dogmatiques, mais de l'amour. J'en appelle à 
tout cœur chrétien. Ne faut-il pas tout attribuer à la 
grâce, à une grâce toute gratuite, sous peine ou de 
déchirer cette page de rÉvangile^ ou de la charger 
de notes et d'explications jusqu'à la rendre illisible? 
Cherchez ici l'œuvre de l'homme, quedis-je? cher» 
chez-y l'homme lui-même. A peine l'y découvrez^' 
vous^ relégué dans un coin du tableau, caché sous 
un pronom écarté; vous pourriez presque croire que 
ce n'est pas de lui qu'il s'agit. La grande affaire de 
notre salut se traite entre le Père et le Fils, en dehors 
de nous, au-dessus de nous, avant nous ; dans un lieu 
où nous ne sommes pïis encore, et dans un temps où 
nous n'étions point. Le langage de l'Âpôtre s'étend 
à perte de vue dans tous les sens ; il monte jusqu'au 
plus haut des cieux, il recule jusque avant la fonda- 
tion du monde, et ne peut jamais trouver de mesure 
assez hors de mesure pour cette grâce qui nous a 
sauvés. Qui a pu apprendre à un homme à parler de 
la sorte? L'homme, ne pouvant partir que du point 
où il est, prend inévitablement l'homme pour centre. 



28 l'action de GRACES. GH. I; 11-14. 

Mais sortir ainsi hors de l'homme, et voir les choses 
en Dieu, cela ne peut être donné que par l'Esprit de 
Dieu. Il n'appartient qu'à la Bible de planer de la 
sorte sur le monde moral, comme elle fait ailleurs 
sur le monde physique, et c'en serait assez pour dé- 
montrer son inspiration. Je ne connais rien à com- 
parer avec notre texte, si ce n'est ce commencement 
de la Genèse, où Moïse se place au-dessus de l'homme 
et avant l'homme, pour contempler la création de 
l'homme, en Dieu qui la résout avec soi-même, à peu 
près comme saint Paul contemple ici la nouvelle créa- 
tion des croyants dans le Père donnant les siens au 
Fils (Jean XVII, 2,6). Pourquoi nous a-t-il bénis en 
Christ? parce qu'il nous a élus en lui. Pourquoi nous 
a-t-il élus? parce qu'il nous a prédestinés à l'adop- 
tion par Christ; et pourquoi nous a-t-il prédestinés? 
Par le bon plaisir de sa volonté, voilà le principe ; 
et pour la louange de la gloire de sa grâce, voilà la 
fin. Entre cette grâce et cette gloire, que l'homme 
est petit! mais en même temps qu'il est grand ! Qu'il 
est petit, puisqu'il disparait tout entier dans la grâce 
de Jésus-Christ et dans la gloire de Dieu ! Mais qu'il 
est grand, puisqu'il a paru digne de servir la gloire 
de Dieu et de payer le sang de Jésus-Christ ! Il est 
dans un sens le centre de ce tableau, où il n'apparaît, 
dans un autre sens, que comme une sorte de hors- 
d'œuvre; ainsi que dans le récit de la création, il 
tient à la fois la dernière place, puisqu'il est nommé 



GH. I, H-14. l'action de GRACES. 29 

tout à la fin, et la première, puisque c'est pour lui 
que tout cela est écrit. 

Et pourtant, ne l'oublions pas, et saint faul prend 
soin de nous le rappeler même en cet endroit, cette 
grâce toute gratuite n'est que pour ceux qui s'ouvrent 
pour la recevoir (v. 13). Tout vient de Dieu, et 
l'homme n'en a pas moins quelque chose à faire. 
C'est au nom de ceux qui croient que l'apôtre rend 
grâces. C'est ceux qui croient qui sont prédestinés, qui 
sont élus, qui sont bénis, qui sont reçus en grâce, 
qui sont faits héritiers, qui sont scellés du Saint- 
Esprit, qui sont réservés pour la rédemption finale. 
Lecteur, avez-vous cru? En êtes-vous bien sûr? 



III 

PREMIÈRE PRIÈRE DE l' APOTRE POUR LES ÉPHÉSIENS. 
Ghap. I, 15-11, 10. 

L'Apôtre prie pour les Éphésiens, et la suite 
d'idées à laquelle cette prière donne lieu dure jus- 
qu'au chapitre II, verset 10. Tout cela ne forme 
qu'un seul développement, et même, jusqu'au ver- 
set 7 du chapitre H, -qu'une seule de ces longues pé- 
riodes qui caractérisent le langage de saint Paul. On 
y distingue ces trois parties : L'Apôtre demande que 
Dieu donne aux Éphésiens l'intelligence pour le bien 
connaître, et plus spécialement pour connaître sa 
puissance (I, 15-19); puissance qu'il a déjà déployée, 
d'abord en Jésus-Christ mort, quand il l'a ressuscité 
et fait asseoir à sa droite (I, 19-23), et ensuite dans 
les Éphésiens morts spirituellement, quand il les a 
ressuscites et fait asseoir dans les lieux célestes avec 
Jésus-Christ (II, 1-10). 

1<» L'Apôtre demande que Dieu donne aux Éphésiens TinteUi- 
gence pour le bien connaître, et plus spécialement pour con- 
naître sa puissance. I, 15-19. 

f 
15. Cest pourquoi^ moi aussi, ayant appris quelle 

est parmi vous la foi au Seigneur Jésus et V amour pour 



GH. I^ 15-19. PEEMIÈfiE PRI£B£ DE l' APÔTRE. 31 

tous les saints, 16. je ne cesse de rendre grâces pour roua, 
en faisant mention de vous dans mes prières; 17. afin 
que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ^ le Père de la 
gloire^ vous donne un esprit de sagesse et de rèt>élation^ 
dans sa connaissance ; 18. les yeux de voire camr étant 
illuminés pour savoir quelle est V espérance de sa vocation^ 
et quelle est la richesse de la gloire de son héritage dans 
les saints, 19. et quelle est la surabondante grandeur de 
sa puissance envers nous qui croyons, selon l'efficace du 
pouvoir de sa force. 

Moi aussi j etc. Je joins mes prières à celles que 
vous présentez vous-mêmes à Dieu pour votre ac- 
croissement dans la grâce. Ayant appris : plusieurs 
années s'étaient écoulées depuis que saint Paul avait 
été à Éphèse. Heureuse TÉglise à laquelle saint Paul, 
parlant par TEsprit de Dieu, peut dire : Ayant appris 
quelle est parmi vous la foi et l'amour^ ces deux dispo- 
sitions qui résument tout l'Évangile ! Combien en est- 
il, de nos jours, et sans aller chercher bien loin, aux- 
quelles il aurait sujet de dire plutôt : Ayant appris 
quelle est parmi vous l'ignorance de l'Évangile, l'in- 
crédulité, la froideur et les divisions! De telles Églises 
ne sauraient s'appliquer la prière qui va suivre, 
qu'elles ne soient parvenues d'abord à la foi et à la 
charité. Il faut commencer par le commencement, et 
les degrés de la vie spirituelle veulent être franchis 
et non sautés. Je ne cesse de rendre grâces pour vous^ 
faisant mention de vous dans mes prières^ afin gwe, etc.; 



32 PBJSMIÈRE VMÈBE DE L'AfÔTKE. GH. 1^ 1^49. 

c*est-à-dire, comme le montre le yersel correspondant 
de répitre aux Golossiens (1, 9) ; c priant pour vous 
c et demandant que Dieu tous donne, > etc. Le mot 
grec rendu ici par afin que est le même qui est rendu 
par 911e dans Golossiens, 1, 9. Le langage elliptique 
de saint Paul dans notre texte, où les mots el demaor 
ému sont sous-entendus, nous instruit combien l'ac- 
tion de grâces et la requête sont étroitement unies 
dans l'esprit de l'Apôtre. La première est chez lui le 
fondement de la seconde, non-seulement id, mais 
habituellement. 7(ous ayons déjà (ait remarquer que 
presque toutes ses épîtres débutent par l'action de 
grâces; nous pouvons ajouter que cette action de 
grâces y est presque toujours suivie immédiatement 
d'une requête. Ce que les disciples de Jésus-Christ 
ont déjà reçu excite l'Âpôtre à demander à Dieu pour 
eux tout ce qui leur manque encore. Ainsi, sans par- 
ler de répitre aux Colossiens, Romains I, 8, avec 9 
el 10; PhihppiensI, 3, arec 4 et 9; i Thessaloniciens 
I, 3, avec il et li, etc. Ce trait de la correspon- 
dance de saint Paul est profondément évangélique : 
il tient à la gratuité parfiite du don de Dieu, qui 
€ nous prévient en bénédictions de bien » (Ps. XXI, 4), 
et qui c donne à Celui qui a » (Matth. XID, 12) 
c grâce pour grâce » (Jean I, 16) *. Commençons 
toujours par rendre grâces, pour ce que nous avons 

' El aoQ fr✠j«r ^rdce, oonme Tool reada d'îiatrss Ttrsk^œ. 



CE. I, i5«19. POUR LES iPHÉSIENS. 33 

reçu, nous qui avons reçu la vie éternelle; mais, loin 
de nous contenter jamais de l'état auquel nous som- 
mes parvenus, n'y voyons qu'un degré pour nous 
élever plus haut. Ainsi le veut une juste reconnais* 
sance, unie à une sainte ambition. Cette belle union 
est bien marquée dans 1 Thess. III, 9, 10 : « Quelles 
€ actions de grâces ne pouvons-nous pas rendre à Dieu 
c à votre sujet, pour toute la joie dont nous nous ré* 
c jouissons à cause de vous devant notre Dieu, priant 
c nuit et jour surabondamment pour voir votre vi- 
c sage et réparer ee qui manque à voire foi! m -*^ 
c L'action de grâces, a dit un homme de Dieu, est la 
clef de l'Évangile. > 

Afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, etc. 
Le V. 15 ayant rappelé Voccasion de la prière de 
l'Apôtre, l'état de l'Église d'Éphèse, et le v. 16, 
en ayant indiqué le fondement^ l'action de grâces, 
les V. 17-19 en exposent l'objet. Le v. 17 le fait 
connaître sommairement; puis les deux versets sui- 
vants le reprennent pour le développer. Caries mots : 
« un esprit de sagesse et de révélation, > corres- 
pondent à ceux-ci : « en éclairant les yeux de votre 
c cœur, » et les mots : c dans sa connaissance, » à 
ceux-ci : t pour que vous sachiez quelle est l'espé- 
€ rance de sa vocation, > etc. Mais d'abord quel est le 
Dieu à qui l'Apôtre demande cette grâce pour les 
Éphésiens? Il le décrit en termes choisis avec cette 
propriété d'expression qui caractérise le langage des 



34 PREMIÈRE PRIÂRE ])£; L*APÔTRE GH. I^ 45-19. 

Écritures, quoique cachée sous un air de simplicité et 
d'abandon. 

Lb Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ^ le Pire de 
la gloire. Le Dieu qu'il prie de se faire mieux con- 
naître aux Éphésiens, TApôtre le définit, non par des 
traits généraux qui pourraient convenir également 
ailleurs, mais tel qu'il souhaite de le voir connu des 
Éphésiens, pour leur accroissement spirituel. 

Il l'appelle d'abord le Dieu de notre Seigneur Jésus- 
Christ. Ce nom, que nous avons expliqué dans une 
note sur le v. 3 de notre chapitre, est bien placé 
à la tête de cette prière. Car c'est « le Dieu de Jésus- 
€ Christ » que les Éphésiens doivent apprendre à mieux 
connaître; et comment d'ailleurs ce Dieu qui leur a 
donné son Fils pour « Seigneur et Christ, » ne serait-il 
pas disposé à t leur donner toutes choses avec lui, » 
et notamment le Saint-Esprit que le Père avait promis 
d'envoyer au nom du Fils? Mais saint Paul avait en- 
core une autre raison plus spéciale pour donner ce 
nom à Dieu dans cet endroit. Il voulait par là rap- 
peler aux Éphésiens que le Dieu qui devait déployer 
sa puissance sur eux, était celui qui l'avait déployée 
avec tant d'éclat en Jésus Christ, en le ressuscitant 
d'entre les morts. (Voyez v. 20 et suivants.) 

Il l'appelle ensuite le Père de la gloire, ou, d'après 
une traduction moins littérale, mais plus conforme au 
génie de notre langue, le Pire de gloire. Rapprochez 
de ce nom d'autres noms semblables donnés à Dieu 



GH. I, 15-19. POUR LES ÉPHÉSIENS. 36 

OU à son Christ : c le Dieu de gloire » (Act. YII, % 
€ le Roi de gloire » (Ps, XXIV, 7), « le Seigneur de 
€ gloire > (1 Cor. II, 8), t le Père des conapassions et 
c le Dieu de toute consolation » (2 Cor. 1, 3), c le Père 
« d'éternité > (Ésaïe IX, 5). Ces titres sont parmi ces 
i>ombreuses expressions de l'Écriture dont la signi- 
fication peut mieux se sentir que s'analyser; les pen- 
sées divines se trouvent à l'étroit dans le langage de 
l'homme, et il faut que l'Esprit de Dieu achève de 
nous les faire comprendre par cette intelligence à la 
fois plus large et plus déliée qui est réservée au 
cœur. En nous représentant Dieu comme U Pire de 
gloire, l'Apôtre nous rappelle à la fois sa miséricorde 
et sa gloire infinie. Dieu est le Père de Jésus-Christ et 
de ceux qui croient en Jésus-Christ, et tout ensemble 
il est celui en qui toute gloire réside et de qui toute 
gloire procède. Quoi de plus propre à faire com- 
prendre aux Êphésiens combien la grâce de ce Dieu 
était excellente, et plus spécialement combien était 
magnifique l'héritage qu'il destinait à ses enfants! 

Ainsi l'un des deux noms que saint Paul donne à 
Dieu devait préparer l'esprit de ses lecteurs à ce qu'il 
avait à dire sur « la gloire de l'héritage de Dieu dans 
c ses saints, :» et l'autre à ce qu'il avait à dire sur 
c la puissance de Dieu envers ceux qui croient, :» qui 
sont les deux choses sur lesquelles il voulait fixer 
surtout l'attention des Êphésiens. 

Vous donne un esprit de sagesse et de révélation. 



36 PBEMIÈRS mÈKÈ DE l'APÔTBE GH. t^ 15-19. 

On peut traduire encore : V Esprit de sagesse et de 
révélation, c'est-à*dire le Saint-Esprit; et c'est ainsi 
que traduisent Harless et les meilleurs commenta- 
teurs. Il n'est pas douteux que l'intelligence que FA- 
pôtre demande pour les Éphésiens ne doive être pro- 
duite dans les cœurs par le Saint-Esprit. Le terme de 
l'original que nous rendons par tin esprit le donne à 
entendre ; car il marque, non une disposition quel- 
conque, comme le mot esprit en français, mais une 
disposition soufflée d'en haut\ De plus, le passage 
parallèle de l'épître aux Colossiens (I, 9) le dit claire- 
ment : « Nous ne cessons de prier pour vous, et dede- 

* mander que vous soyez remplis de la connaissance 

* de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spîri- 

* tuelle^ > c'est-à-dire communiquée à l'esprit de 
l'homme par l'Esprit de Dieu. Mais, tandis que la tra- 
duction adoptée par Harless attire directement l'atten- 
tion sur l'agent divin, celle que nous avons suivie 
l'attire sur l'impression qu'il opère dans le cœur ; ou, 
selon une locution allemande, dont nous demandons 
la permission de nous servir quelquefois, pour abré- 
ger, la première voit ici le côté objectif de la grâce 
demandée, la seconde son côté subjectif. Ce qui nous 

*• Gela est vrai môme dans Rom. XI, 8, où l'esprit d'assoupissement 
est représenté comme donné de Dieu, par un jugement spirituel. Ce 
passage offre un contraste complet avec le nôtre : Là^ « un esprit d'as- 
« soupissement, des yeux pour ne point voir ; » ici, « un esprit de sagesse 
« et de révélation, des yeux éclairés pour savoir, etc. » Nouvelle pré- 
somption^ ce nous semble^ en faveur de la traduction que nous avons 
suivie. 



G^. ly 15-19. POUR LES éPH8SI£NS. 37 

décide pour la seconde*, c'est d'abord qu'elle noi»^ 
paraît plus rigoureusement conforme k l'original, oiK 
le mot esprit n'est pas précédé de l'article; ensuite, ^t 
surtout, qu'elle se rapporte plus exactement au com- 
mencement du V. 18 : < Les yeux de votre cœur 
c étant éclairés, » où l'Apôtre explique lui-même cç 
qu'il entend par « esprit de sagesse et de révélation, t 
et l'explique subjectivement plutôt q\x^ objectivement. 

Cet esprit de sagesse et de révélation que T Apôtre de- 
mande pour les Éphésiens, c'est cette intelligence, 
communiqué^ par le Saint-Esprit, qui les rendra ca- 
pables, d'abord, de bien comprendre les choses que 
Dieu leur a déjà fait connaître, voilà la sagesse; en- 
suite, de pénétrer plus avant et de recevoir con- 
stamment des lumières nouvelles, voilà la révéla- 
tion. Ce dernier mot étonne à cette place : nous 
aurions dit plutôt un esprit de découverte qu'un esprit 
de révélation^ parce que T homme découvre^ quand 
Dieu révèle. Mais il ne faut pas oublier que l'une 
et l'autre langue originale des Écritures se piquent 
beaucoup moins que la nôtre d'une exactitude lo- 
gique, surtout quand aucune équivoque n'est à crain- 
dre. Un mot correspondant à découverte n'aurait 
d'ailleurs pas eu l'avantage de rappeler, comme le 
fait vivement celui de révélation, que des lumières 
nouvelles ne peuvent nous arriver que par de nou- 

* Elle a été suivie également dans la versioa de Lausanne 1839. 



38 PBBMliBE PBIÈEB DE L'àFÔTBB CH. I^ 45-19. 

▼elles leçons du Saint-Esprit. Au reste, si saint Paul 
dit un esprit de révélation, au lieu d'un esprit de dé- 
couverte par révélation, cette ellipse n'est pas plus 
forte que celle dont s'est servi Siméon lorsqu'il ap- 
pelle Jésus-Christ t une lumière pour la révélation 
c des Gentils » (version littérale, Lausanne i839), 
c'est-à-dire, évidemment, pour l'illumination des 
Gentils par révélation (Luc II, 32) *• 

Dans sa connaissance: on demande si ces mots si- 
gnifient par la connaissance de Dieu, ou pour la con- 
naissance de Dieu. Ce serait plutôt le second que le 
premier, comme l'indiquent ces mots du verset sui- 
vant : « pour savoir » etc.; mais ce n'est propre- 
ment ni l'un ni l'autre. La pensée de l'Apôtre est in- 
diquée d'une façon générale dans le v. 17, avant 
de recevoir la précision et le développement avec les- 



*■ Si Ton pouvait donner an mot renda par révélation le sens de dé^ 
couverte (révéler signifie proprement ôter le voile, découvrir), Tesprit 
de révélation serait cet esprit qai fait qae nous contemplons les choses 
sans voile, telles qu*elles sont. Il correspondrait alors à cette expres- 
sion de TApôtre : « Contemplant la gloire du Seigneur à visage décou- 
ff vert o (9 Cor. m^ 18), et à ces « yeux éclairés ». qu'il souhaite aux 
Ëphésiens dans le v. 18. Cette explication du mot révélation ne sau- 
rait être admise d*après Harless; elle aurait cependant pour elle le 
langage des Septante, que les apôtres ont tant imité, et qui ont rendu 
ainsi le psaume GXIX, 18 : « Découvre mes yeux (pour révèle mes 
a yeux), et je contemplerai les merveilles de ta loi. » C'est ainsi que Ro- 
binson, dans son Dictionnaire du Nouveau Testament, explique notre 
passage : un esprit de révélation, c'est-à-dire, un esprit capable de son- 
der et de contempler sans voile les choses profondes de Dieu. Au fond, 
la pensée demeure la même; car, si nous contemplons les choses sans 
voile, ce n'est pas nous qui avons enlevé le voile, c'est l'Esprit de 
Dieu. Nous nous rangerions volontiers à cette interprétation, surtout 
à cause de son rapport étroit avec le commencement du v. 18. 



GH. I^ i5-i9. POUa LES ÉPHÉSIEN8. 39 

quels elle reparaît au v. 18. Nos versions reçues 
l'ont assez bien rendue, pour le sens : c en ce qui 
c regarde sa connaissance ; » noais c'est moins là tra- 
duire que paraphraser. L'intelligence spirituelle et 
la connaissance de Dieu nous sont présentées ici 
comme marchant l'une avec l'autre ; aussi l'Apôtre 
n'a-t-il pas craint de renverser l'ordre des idées dans 
Col. I, 9, où il souhaite à ses lecteurs la connaissance 
de Dieu — dam la sagesse, comme il leur souhaite ici la 
sagesse — dans la connaissance de Dieu. Ici, l'esprit de 
sagesse s'exerce dans la contemplation de Dieu ; là, la 
contemplation de Dieu se fait dans un esprit de sagesse. 
Quoi qu'il en soit, l'idée dominante de l'Apôtre dans 
notre texte, et l'objet final de sa prière, c'est l'ac- 
croissement des Êphésiens dans la connaissance de 
Dieu. Voilà le but; c l'esprit de sagesse et de révé- 
€ lation » est le moyen. Connaître Dieu, le vrai Dieu, 
le Dieu de Jésus-Christ, c'est la vie éternelle (Jean 
XVII, 3). Dieu est si excellent et si aimable, que 
l'homme naturel n'est c étranger à la vie de Dieu » 
que « par l'ignorance > où il est de Dieu (Éph. IV, 
18), et que nul ne peut le contempler tel qu'il est sans 
se sentir aimé de lui et sans l'aimer à son tour; deux 
choses qui constituent la vie spirituelle : c Nous l'ai-- 
€ mons — parce qu'il nous a aimés le premier » (1 Jean 
IV, 19). La philosophie, prenant nécessairement 
l'homme pour centre, lui a dit : Connais-toi; mais la 
parole inspirée, pouvant seule partir de Dieu, a seule 



40 PREKliBE FBIÂBX BX l'APÔTBE GH. l, 15-19. 

aussi pu dire : Connais Dieu ; et cette connaissance 
renferme, avec Tunique connaissance salutaire de 
nous-mêmes et de notre misère, celle de Tunique re- 
mède capable de la réparer ^ Par une raison sembla- 
ble, croître dans la connaissance de Dieu, qui est le 
principe de la vie spirituelle, c'est croître dans la vie 
spirituelle elle-même. Voulez-vous avancer en lu- 
mière, en amour, en ferveur, en sainteté? entrez plus 
avant dans la connaissance de Dieu ; pénétrez dans la 
pensée du Seigneur, et, si Ton peut ainsi parler, dans 
son cœur et dans son commerce intime. C'est là la ré- 
compense réservée à Thomme qui médite jour et nuit 
les Écritures, et c'est pour cela aussi qu'elles nous ont 
été données. De là cette belle parole d'Osée : « Nous 
€ connaîtrons TËternel, et nous continuerons de le 
c connaître ; » littéralement: < Nous connaîtrons, nous 
c poursuivrons pour connaître, l'Éternel » (Osée VI, 
3). La connaissance de Dieu est à la fois le point de dé- 
part, le moyen et la fin de tout développement spiri- 
tuel. Ces trois degrés sont indiqués dans notre texte 
pour le lecteur réfléchi; mais ils le sont en termes 
encore plus clairs dans le premier chapitre de Tépître 
aux Colossiens. Parce que les Colossiens c ont connu 
€ la gr✠de Dieu en vérité (6), > l'Apôtre prie « qu'ils 
c soient remplis de la connaismncê de sa volonté, en 
c toute sagesse et intelligence spirituelle » (9), c afin 

^ Pascal. 



QH. î, 45-19. POUR LES iPHÉSlBNS. 41 

< qu'ils marchent d'une manière digne du Seigneur, 
€ portant du fruit en toute bonne œuvre et croissant 
« dans la connaissance de Dieu > (10). 

Les yeux de voire cœur étant illuminis. Le mot étante 
que nous sommes obligés d'ajouter en français pour 
être compris, fausse un peu la construction du texte 
original; mais on s'en écarterait encore plus en tra- 
duisant, avec nos versions reçues ou avec Lau- 
sanne 1839 : € Qu'il illumine les yeux, etc. » Nous 
trouvons une construction tout à fait analogue dans 
Rom. XI, 8 : <ç Dieu leur a donné un esprit d'as- 
€ soupissement, des yeux pour ne point voir, » etc.; 
et nous regrettons que notre inexorable idiome nous 
interdise de traduire ici : « Qu'il vous donne un esprit 
« de sagesse et de révélation, des yeux du cœur il- 
* € luminés, » etc., pour montrer que les yeux illuminés 
dépendent, comme régime, du verbe donner, exacte- 
ment comme V esprit de sagesse et de révélation. Les yeux 
illuminés sont plus que les yeux ouverts (Actes XXVI, 
18). Les Éphésiens avaient déjà eu « les yeux ou- 
€ verts, » lorsqu'ils « s'étaient convertis des ténèbres 
c à la lumière. » Mais aujourd'hui qu'ils sont dans la 
lumière, l'Apôtre demande à Dieu que cette lumière 
qui les environne éclaire si vivement leurs yeux 
qu'ils puissent contempler sans voile, t à visage dé- 
€ couvert * (2 Cor. III, 18), avec « de&yeux dessillés » 
(littéralement dépouillés de leur voile, Ps. CXIX, 18), 
les choses de Dieu, telles qu'elles sont en Dieu* 



4S PREMIÈRE PRIÈRE B£ l'APÔTRE GH. I, 15 19. 

Les yeux de votre cœur. Nous suivons, avec Harless, 
OlshauseUy etc., une leçon qui s'écarte légèrement du 
texte suivi par nos versions reçues, mais qui est 
décidément préférable. Le choix de cette expression 
étonne d'abord, et c'est probablement ce qui a dé- 
terminé certains manuscrits à y substituer cette autre 
expression plus facile à comprendre, et d'ailleurs 
empruntée au chapitre IV, v. 18 : les yeux de votre 
entendement. Mais ce choix renferme une instruction 
importante : c'est que l'intelligence que saint Paul 
demande pour les Éphésiens est une intelligence qui a 
son siège non dans la pensée, mais dans ce fond in- 
time de notre âme que l'Écriture appelle le cœur. 
€ C'est du cœur que procèdent les sources de la vie » 
(Prov. IV, 23). C'est par le cœur qu'il faut com- 
prendre pour se convertir (Jean XII, 40). C'est du 
cœur qu'il faut croire pour être justifié (Rom. X, 10). 
C'est aussi par le cœur qu'il faut croître dans la con- 
naissance salutaire de Dieu. 

Afin que vous sachiez quelle est V espérance de sa vocor 
îion, etc. Qu'on n'oublie pas que ces mots et ceux qui 
suivent jusqu'à la fin du v. 19, correspondent à 
ceux-ci: « la connaissance de Dieu, > comme les 
mots : € Les yeux de votre cœur étant éclairés > cor- 
respondent à ceux-ci : « un esprit de sagesse et de i^ 
« vélation. » Cette connaissance de Dieu que l'Apôtre 
a commencé par souhaiter aux Éphésiens en termes 
généraux, la voici reprise et développée dans les 



GH. 1^ i5-i9. POUR LES ÉPHÊSIENS. 43 

parties essentielles dont elle se compose. Saint Paul 
en indique trois. Mais en les comparant attentivement, 
et en rapprochant de notre passage 1 Pierre I, 3-5, 
où la même pensée est exposée avec les mêmes ter- 
mes essentiels (l'espérance, au v. 3; Yhiritage, au 
V. 4; et h puissance de Dieu, au v. 5), et vraisem- 
blablement avec l'intention de rappeler notre texte 
et de Téclaircir (2 Pierre III, 15, 16), on se con- 
vaincra, nopsle pensons, de la vérité d'une observa- 
tion de Harless : c'est que les deux dernières choses 
mentionnées par l'Apôtre, la gloire de l'héritage de 
Dieu, et sa puissance envers les croyants ne sont que 
des subdivisions de l'espérance de sa vocation, qui est 
indiquée la première, et plus brièvement. 

La vocation de Dieuy c'est-à-dire dont Dieu nous 
appelle, est cet acte de sa grâce, qui suit l'élection, 
et qui précède la conversion, et par lequel il appelle 
ses élus, par la parole de la vérité (Éph. I, 13), à la 
possession du salut qu'il leur a destiné (2 Tim. I, 9; 
Rom. VIII, 27-29) *. Il est question de l'élection, au 
temps passé uniquement; de la vocation, au passé et 
au présent; du salut, au passé, au présent et au futur. 
Mais ici, le mot vocation se trouve employé dans un 
sens moins précis, et marque, en général, toute 

* Dans le premier de ces deux passages, le développement de l'Apôtre 
Ta, si Ton ose ainsi parler, en reculant : Dieu nous a sauvés, parce qu'il 
nous avait appelés, et appelés parce qu'il nous avait élus. Dans le se- 
cond, le même ordre est indiqué, mais en sens inverse, et avec de nou- 
veaux degrés intermédiaires. 



44 PREMIÈRE PRIÈRE DE l'APÔTRE GH. ly 15-19. 

Toeuvre de grâce que Dieu accomplit en faveur des 
élus et que PApôtre a développée dans les v. 3-14 
de notre chapitre. Ce mot pouvait d'autant mieu^ 
servir à résumer ainsi toute Toeuvre de la grâce, 
que la vocation en forme comme le milieu et le 
centre. Vespérmce de cette vocation*, c'est l'espé- 
rance qui se rattache à cette vocation, et qui est le 
partage de ceux qui sont ainsi appelés de Dieu. C'est 
à peu près ce qu'on appellerait, dans le style reli- 
gieux du jour, les privilèges de la vocation divine. 
Mais le mot espérance a ce double avantage qu'il in- 
dique une bénédiction future (Rom. VIII, 24) qu'on 
attend par la foi, et la ferme assurance avec laquelle 
on l'attend (Rom. V, 5). 

Cette espérance de la vocation de Dieu est la pre- 
mière chose dont saint Paul souhaite l'intelligence 
aux Éphésiens; et c'est aussi la première que men- 
tionne saint Pierre (1 Pierre 1, 3). « Béni soit le Dieu 
« et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon 
« son abondante miséricorde, nous a régénérés pour 
« une espérance vivante par la résurrection de Jésus- 
« Christ d'entre les morts. » Ce que l'Apôtre demande 
iqi pour ses frères, il l'a reçu lui-même le premier; 
car comment aurait-il pu écrire la première moitié 
de notre chapitre, s'il n'avait compris profondément 



t Le mot espérance est pris ici dans son acception objective. Il s*agit, 
non du sentiment, mais de son objet. Il en est de môme dans Col. I, 5; 
Tite II, 13,etc. 



Gfl. I, i5-l9. POVR LES ÉPHÉStENS. 4K 

la grandeur de la grâce que Dieu a faite à ses enfants? 
Nous pourrons nous flatter d'avoir connu comme lui 
quelle est Tempérance de la vocation de DieUy quand, 
au lieu de trouver dans les v. 3-14 de notre cha- 
pitre une hauteur et une ferveur de sentiment où 
nous pouvons à peine atteindre assez pour l'expliquer, 
nous y verrons l'expression spontanée d'un amour 
et d'une reconnaissance qui débordent dans notre 
cœur, comme dans celui du saint Apôtre. 

Pour que nous puissions jouir ainsi de l'espérance 
de notre vocation,, deux choses sont nécessaires. La 
première, que nous connaissions quelle est la richesse 
de la gloire de Vhéritage de Dieu dans les saints, pour 
nous réjouir dans l'attente de celte gloire, malgré 
notre misère présente ; l'autre, que nous connais- 
sions quelle est la surabondante grandeur de la puissance 
de Dieu envers nous qui croyons, pour ne pas douter 
que la possession de cette gloire ne nous soit assu- 
rée, malgré notre infirmité présente, ou, comme 
s'exprime saint Pierre, par une antithèse aussi solide 
qu'ingénieuse, il faut que nous connaissions le prix 
de l'héritage qui est gardé dans les cieux pour 
nous, et la force de < la puissance de Dieu » par la- 
quelle nous sommes nous-mêmes gardés par la foi 
pour le salut. 

La richesse de la gloire de son héritage dati^ les saints. 
L'héritage de Dieu, c'est-à-dire que Dieu réserve à 
ses élus (Rom. VIII, 17, 18), est appelé un héritage 



46 PREMIÈRE PRIÈRE DE l'APAtRE GH. I^ 15-19. 

4 dans le$ saints \ pour marquer que le siège en est in- 
térieur et la nature spirituelle (Luc XVII, 21 : « Le 
t royaume de Dieu est au dedans de vous >) ; ce qui 
sert en même temps à nous faire entendre que la 
possession de cet héritage peut commencer dès ici- 
bas, au moins en germe, par les arrhes du Saint- 
Esprit (v. 11 et 14). Au lieu de la gloire de cet héri- 
tage, nous aurions dit probablement la félidté. Mais 
le mot gloire y dont F Écriture se sert presque à Tex- 
clusion de l'autre, outre qu'il est plus grand, est sur- 
tout moins égoïste : il attire l'attention sur Dieu, au 
lieu que le mot félicité l'attirerait sur nous-mêmes. Il 
s'agit d'un héritage à recevoir de Dieu et à partager 
avec Jésus-Christ : à cette pensée, ce n'est pas de 
jouir qu'il est question pour l'Apôtre , c'est d'être 
glorifié, nous dans le Seigneur et le Seigneur en nous 
(2 Thess. 1, 12). Mais, comme si cette expression de 
gloire ne lui suffisait pas encore, il ajoute : richesse 
de cette gloire. L'emploi que le Nouveau Testament 
fait de ce mot est intéressant à observer : plus il 
s'élève au-dessus de la richesse convoitée par le 
monde, plus il retient fermement l'expression de cette 
convoitise pour le sanctifier en l'appliquant aux biens 
vraiment désirables (Rom. II, 4; IX, 23; XI, 33; 
2 Pierre I, H ; littéralement « vous sera richement 



1 Harless l'entend d'une autre manière : parmi les saints, c'est- 
à-dire qui doit être distribué parmi les saints. Il rapproche de notre 
passage Actes XX, 32; XXVI, 18. 



GH. îy 15-19. POUR LES ÉPHS8IENS. 47 

c accordée, > etc.). De quoi nous rendrait capables 
l'intelligence réelle, et la contemplation constante, 
de cette gloire de l'héritage de Dieu dans les saints? 
Jésus-Christ lui-même nous l'apprend par son exem- 
ple, Hébr. XII, 2 (Traduisons, avec Lausanne 1839 : 
< en échange de la joie qui lui était proposée, > 
comme le prix réservé au vainqueur, au terme de la 
course) *. 

Et qwlle est la surabondante grandeur de sa puissance 
efwers nous qui croyons^ selon l'efficace du pouvoir de sa 
force. Le prix est magnifique. Reste à savoir si nous 
pouvons l'atteindre. Nous n'en avons pas la force en 
nous-mêmes ; mais cette force est en Dieu, pleine- 
ment suffisante, surabondante comme le langage par 
lequel l'Apôtre semble s'efforcer vainement de la dé- 
crire : cela doit nous suffire. Pour nous qui croyons, 
et qui avons été rendus par la foi < participants de la 
€ nature divine » (2 Pierre 1, 4), la question n'est pas : 
Que pouvons-nous? mais, que peut Dieu? c Toutes 
€ choses sont possibles à celui qui croit » (Marc IX,23), 
parce que « rien n'est impossible à Dieu > (Luc 1,37). 
Les derniers mots : Selon Vefficace du pouvoir de sa 
force, se rapportent, non au mot croyons, que nous 
avons, par cette raison, séparé de ce qui suit par une 
virgule, mais à l'ensemble de la phrase : « La sur- 
€ abondante grandeur de sa puissance, — selon l'effi- 

> Voyez encore Hébr. X, 34. 



48 PREMIÈRE PRIÈRB DE i'aPÔTRE CH. I, 15-49. 

€ cace, etc. > Dans cette accumulation d'expressions 
semblables, il faut voir avant tout Tabondance du 
sentiment qui remplit le cœur de l'Apôtre ; mais il 
faut discerner aussi les nuances qui les distinguent 
les unes des autres. Vefficace est la puissance dans 
son opération ; le pouvoir, la puissance dans son es- 
sence; etlaforcey la puissance dans son principe; ou, 
selon une image aussi juste que belle de Calvin, la 
première est le fruit, la seconde Tarbre et la troisième 
la racine. 

Des trois choses que TApôtre prie Dieu de révéler 
aux Éphésiens, celle qu'il a surtout à cœur de leur 
voir bien connaître, c'est la puissance de Dieu envers 
ceux qui croient. Car, tandis qu'il ne fait qu'indiquer 
les deux autres, il s'arrête sur celle-ci, et va montrer 
comment elle a été déjà déployée, d'abord en Jésus- 
Christ, et ensuite en ses membres. C'est que rien 
n'est plus nécessaire à connaître pour nous, ni tout 
ensemble plus difficile à croire, que cette puissance 
de Dieu envers nous. Ésaïe résume toute l'œuvre de 
notre salut en ce seul mot « le bras de l'Éternel, » 
c'est-à-dire sa puissance, et il explique toute l'incré- 
dulité des hommes par la difficulté qu'ils éprouvent 
à croire cette puissance : e Qui a cru à notre prédi- 
<t cation, et à qui le bras de l'Éternel a-t-il été révélé? > 
(LIII.l.) LePsalmiste dit dans le même esprit: c Dieu 
« a une fois parlé, et j'ai ouï cela deux fois; que la 
€ force est à Dieu » (Ps. LXII, H). Il est vrai qu'il 



GH. I^ 20-23. FOUR LES ÉFUÉSIENS. 49 

ajoute : « Et c'est à toi, Seigneur, qu'appartient la 
( gratuité; » mais cette gratuité de Dieu, l'Âpôtre l'a 
exposée avec abondance dans la première moitié de 
notre chapitre. Dieu est bon et Dieu est puissant, il 
veut et il peut : deux petits articles, qui renferment 
tout ce qui peut consoler une âme. Heureux qui les 
croit réelkmenl l 

2° Cette puissance de Dieu a été déployée premièrement en 
Christ. I, 20-23. 

20. Laquelle il a déployée en Christ en le ressmcitant 
des morts^ et il Va fait asseoir à sa droite, dans les lieux 
célestes, 21. au-dessus de toute principauté, et autorité, 
et puissance, et domination, et au*dessus de tout nom qui 
se nomme, non^seulement dans ce siècle, muis aussi dans 
celui qui est à venir ; et il a assujetti toutes choses sous ses 
pieds y 22. et il Va établi pour tête, au-dessus de toutes 
choses, pour V Eglise, 23. qui est son corps, la plénitude 
de celui qui remplit toutes choses en tous. 

Il a déployée. Le terme grec, qui signifie littéra- 
lement a mis en œuvre (le même que nous avons 
traduit opérer au v. 11), correspond au substantif 
du v. 19 que nous avons rendu par efficace (litté- 
ralement la mise en œuvre). La puissance divine, 
jusque-là cachée en Dieu, s'est rendue visible, a 
passé de l'état de principe à celui d'action, d'abord 
dans la résurrection de Christ, ensuite dans la résur- 
rection (spirituelle) de ses membres, de telle sorte 



50 FREMIÉBE PRtfeBE D£ L'APAtBE GH. I^ 20-23. 

([ne h vue et Texpérience viennent en aide à la foi 
pour nous persuader la puissance de Dieu envers 
nous. 

En Chriity mais pour nous, qui croyons en lui. La 
tête répond pour leâ membres. Le but de TApôtre 
n'est pas tant d'exalter la résurrection de Christ en 
soi, que de montrer par ce que Dieu a fait en Christ 
ce qu'il peut faire en nous. C'est pour cela que, dans 
les derniers versets de notre chapitre, il revient de la 
tête au corps, de Christ à l'Église, et s'étend ensuite, 
dans le chapitre II, sur la puissance de Dieu déployée 
dans les crevants. 

V 

En le ressuscitant des morts. Notez bien ce mot 
nwrts. C'est là qu'est la principale force du raisonne- 
ment de l'Apôtre. Christ était mort, et Dieu l'a res- 
suscité. Vous étiez morts (II, 1, 5), et Dieu vous a 
ressuscites avec lui. Une puissance qui a triomphé 
de la mort, de quoi ne serait-elle pas capable? La 
mort, cette malédiction inévitable du péché, est, 
pour l'Écriture, non-seulement une grande force, 
maisle type même de la force (Cant. VIII, 6); et « les 
€ cordeaux du sépulcre, » « les lacs de la mort » 
(Ps. XVm, 5, 6; Ps. CXVI, 3; Actes II, 24) sont de 
tous les liens le plus difficile à détacher. Ce qui rend 
lé diable tout-puissant, dans la nature, c'est qu'il 
« a le pouvoir de la mort » (Hébr. II, 14); ce qui 
rend Christ tout-puissant, dans la grâce, c'est qu'il 
« aies clefs des enfers et de la mort j> (Apec. I, 18). 



CH. I, 20-23. POUR LES ÉPHÉSIENS. 81 

c L'ennemi qui sera détruit le dernier, c'est la mort » 
(1 Cor. XV, 26). Dieu seul est plus fort que la mort; 
il est, selon Osée, « une peste pour la mort, et une 
a destruction pour le sépulcre » (XIII, 14). Voilà la 
puissance que FApôtre nous fait admirer dans la ré- 
surrection de Jésus-Christ. Elle serait déjà admirable 
dans la résurrection d'un homme ordinaire. Qu'au- 
riez-vous éprouvé si vous eussiez été présent quand 
Jésus-Christ prononça ces paroles : « Lazare, sors 
« dehors ! » et que vous eussiez vu Lazare, mort de- 
puis quatre jours, se lever, en secouant ces bandes 
qui lui liaient les mains et les pieds » (Jean XI, 43, 44), 
faibles emblèmes du plus fort de tous les liens. Les 
langues humaines, qui ont un mot propre pour l'idée 
de créer, n'en ont pas pouf celle de ressusciter. Les 
termes du Nouveau Testament que dous rendons 
de la sorte signifient ou réveiller, comme on réveille 
un homme endormi, ou relever, comme on relève 
un homme couché; ce dernier sens est celui du mot 
latin ressusciiare, qui a passé dans notre langue. Res- 
susciter est, en effet, un acte de puissance plus mer- 
veilleux, s'il est possible, que créer; parce qu'il y 
• a dans le premier un obstacle vaincu, qui n'est pas 
dans l'autre. Triompher de la mort, c'est plus que 
de se substituer au néant. La création est une éma- 
nation ; la résurrection est une victoire. Par Tune, la 
vie est communiquée; par Fautre, la vie est commu- 
niquée et tout ensemble la mort vaincue^ Mais il y a 



52 PREMI£B£ PRIÈRE D£ L'AF6tR£ GH. I^ 30-23. 

quelque chose de plus dans la résurrection de Christ 
que dans celle de Lazare ou d'un autre homme. La 
mort a dû avoir un caractère particulier quand elle 
s'est attaquée au « Prince de la vie; > et son empire 
devait être d'autant plus souverain que sa victoire 
avait été plus incroyable. Jésus-Christ, qui a été c le 
€ méprisé, » et non pas seulement un méprisé, a été 
aussi le mort, et non pas seulement un mort. Tout ce 
qui se passe dans sa personne, s'y passe, s'il est 
permis d'ainsi parler, à la plus haute puissance. Sans 
doute les puissances de l'enfer n'ont jamais mieux 
gardé aucune de leurs proies que celle-ci, qui leur 
répondait de toutes les autres ; et l'on peut voir une 
image de leur vigilance dans les précautions infinies 
des meurtriers de Jésus-Christ pour empêcher l'ac- 
complissement de la prophétie qui annonçait sa ré- 
surrection. Mais tout l'effort réuni de l'enfer et de 
la terre ne sert qu'à faire éclater avec plus de splen- 
deur la puissance de Dieu, lorsqu'il n le ressuscite, 
« ayant délié les liens de la mort, parce qu'il n'était 
« pas possible qu'il fût retenu par elle > (Actes 11,24); 
et qu'il lui donne sujet de tenir ce magnifique lan- 
gage : « Je vis, et j'ai été mort, et voici, je suis vivant , 
« au siècle des siècles > (Apoc. I, 18). Pour entrer 
dans la pensée de notre apôtre, il faut savoir s'élever 
au-dessus de la foi de catéchisme. Croire que Dieu a 
ressuscité Jé^us-Christ, voir dans cette résurrection 
une preuve de sa mission divine, un gage de notre 



GH. ïy 20-33. POUR LES ÉFHÉSIEN3. 53 

résurrection future, un type de notre résurrection 
spirituelle, ce n'est pas là ce que TApôtre veut de 
nous. Il veut que nous contemplions avec surprise, 
avec adoration, Dieu ressuscitant Jésus-Christ d'entre 
les morts, et que, sentant toute notre incrédulité 
confondue par ce spectacle, nous apprenions à nous 
écrier : Quelle merveille! quelle puissance! Que n'a 
pas fait Dieu en Jésus-Christ? que ne peut-il pas faire 
en nous qui croyons ? 

Et il l'a fait asseoir. Tous les commentateurs s'ac* 
cordent à dire que le changement de temps qu'on 
remarque dans l'original, et que nous avons cru de- 
voir conserver dans la traduction, ne doit s'expliquer 
que par la liberté de la construction grecque, et que 
le sens est le même que si l'Apôtre eût dit : « Qu'il a 
« déployée en Christ en le ressuscitant des morts et 
« en le faisant asseoir, etc. » Mais nous pensons que 
ce changement tient à une nuance délicate qui a 
échappé à leur attention. D'abord, c'est essentielle* 
ment sur la résurrection de Jésus-Christ que saint 
Paul veut fixer les regards de ses lecteurs. Le réveil- 
ler (c'est le sens propre du terme grec) quand il était 
mort, c'est la grande marque de puissance que Dieu 
a donnée; et auprès de cela, c'était peu de chose que 
de l'élever, une fois ressuscité, et de le faire asseoir 
à sa droite. Aussi, dans l'endroit correspondant du 
second chapitre, en parlant de la puissance de Dieu 
déployée dans les croyants, l'Apôtre commence par 



H PB£MTÊB£ PBI£B£ PE l'APÔTBE G0. J, 20-23. 

dire qu'ils étaient morts et que Dieu < les a fait revi* 
< vre mec Chri$t > (II, 5); ce n'est que plus tard, et 
sous forme de développement, qu'il ajoute qu'il les a 
f fait asseoir ensemble dans les lieux célestes <n 
c ChriiU » Ensuite, et surtout, il y a cette différence 
entre Jésu^Gbrist ressuscité des morts et Jésus'^ 
Qhrist transporté à la droite de Dieu, que le premier 
est un fait d'expérience, qui a été vu, tandis que le 
second est un objet de foi, qui est invisible. Or, l'A* 
pôtre, voulant appeler ici l'expérience et la vue au 
recours de la foi, pouvait bien dire : Cette puissance 
de Dieu, que je le prie de vous faire connaître, il Ta 
déjà déployée, devant les yeux des hommes, en res^ 
suscitant Christ d'entre les morts; mais il ne pouvait 
pas dira dans le même sens : Il l'a déployée en le 
faisant asseoir à sa droite. Il rappelle l'un de ces faits, 
et révàle l'autre; de là l'emploi du participe pour le 
premier, et du prétérit pour le second. Peut-être une 
étude approfondie du texte sacré ferait^elle découvrir 
quelque nuance semblable dans plusieurs endroits 
où l'ordre des pensées fléchit sans cause apparente, 
ce qui arrive assez souvent dans les écrits de saint 
Paul. 

A sa droite. En faisant asseoir quelqu'un à sa main 
droite, et surtout sur son trône, un monarque rele- 
vait au plus haut degré de gloire, et partageait avec 
lui l'honneur de la puissance souveraine. Voyez là 
place donnée à Bathscéba (1 Rois II, 19) ; la prière 



CH. i, 20-33. POUR LES iPHisnais, 5B 

de la mère des fils de Zébédée (Mattb, XX, 21) ; et 
surtout la prophétie relative au Messie (Ps. CX, 1), 
et son accomplissement (Âpoc* HI^ 21)« Ge langage 
employé pour décrire Télévatioa de Jéau^-Christ a 
quelque chos6 de figuré, sans doute; mais où çom^ 
meuce la figure? où s'arrête la réalité? Nous ne sau^ 
rions faire ce discernement, et aussi n'est-il pas né* 
cessaire. 

AiHks$us dé foui tumit etc« Au«-dessu8 de tout autre 
nom servant à marquer la majesté ou Tempire^ L'A- 
pôtre en a cité quatre ; mais ce qu'il a dit de ces 
quatre serait également vrai de touq le) nutres titr69 
qu'on pourrait citer encore, qu'on les emprunte au 
présent ordre de choses, ou à cet ordre futur que 
Jésus^hrist est venu fonder dans le monde, mais 
qui n'y existe encore que dans son germe spirituel, 
et que le même Apôtre appelle < la terre à venir » 
(Hébr, II, 5), et ^int Pierre < les nouveaux cieux et 
€ la nouvelle terre, où la justice habite > (2 Pierre 
in, 48). Toute puissance, présente ou future, terres* 
tre ou céleste (Rom. VIII, 37), amie ou ennemie 
(1 Cor. XV, 24, 25), est ou sera soumise à Jésus* 
Christ. K Dieu l'a souverainement élevé et lui adonné 
€ un nom (ou plus exactement, le nom) qui est au- 
€ dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout 
c genou se ploie, de ceux qui sont dans le ciel etsuf 
€ la terre et sous la terre, et que toute langue (de la 
€ terre, du ciel ou de l'enfer) confesse que Jésus* 



56 PREMIÈRE PRIÈRE BE l'AFÔTRE GH. I^ 20-23. 

< Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père > 
(Phil. II, 9, H). 

C'est ici le second acte de la puissance de Dieu dé- 
ployée en Christ ; mais il n'est pas visible comme le 
premier. Ce mort, Dieu a commencé par le ressusci- 
ter sur la terre ; et puis, ce ressuscité, il le transporte 
de la terre au ciel, le fait asseoir à sa droite, et met 
toutes les puissances de l'univers sous ses pieds, sans 
en excepter la mort elle-même, qui l'avait tenu un 
moment lié par ses cordeaux (1 Cor. XV, 25), et 
« celui qui a le pouvoir de la mort, > le Diable 
(Hébr. II, 14). Sous la terre, sur la terre, dans le 
ciel : Dieu fait parcourir au Fils de l'homme en quel- 
ques jours ces trois degrés qui épuisent tout l'ordre 
des choses existantes, « afin qu'il tienne le premier 
« rang en toutes choses » (Col. I, 18), < et qu'au nom 
« de Jésus tout genou se ploie, de ceux qui sont au 
« ciel, et sur la terre, et sous la terre, et que toute 
a langue (des anges, des hommes ou des démons) 
« confesse que Jésus est le Seigneur, à la gloire de 
« Dieu le Père > (Phil. II, 10, 11). Celui que vous 
avez vu couché dans le sépulcre, voyez-le régnant 
à la droite du Père. Il a franchi la plus grande dis- 
tance qui soit dans l'univers; étant « descendu dans 
c l'abîme, » et puise monté au ciel i» ( om. X, 6,7). 
« Celui qui est descendu est aussi celui qui est monté 
« au-dessus de tous les cieux, afin qu'il remplît toutes 
« choses > (Éphés. IV, 10). Bien plus : c'est par l'en- 



GH. I^ 20<^. POUR LES ÉPHÉSIËNS. 8? 

droit où ses ennemis pensaient l'avoir vaincu qu'il a 
été « plus que vainqueur. > C'est parce qu'il s'est 
tant abaissé que Dieu l'a tant élevé (Phil. Il, 9); 
ce$t pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et 
lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ; et 
c'est « par la souffrance de la mort, qu'il a été cou- 
€ ronné de gloire et d'honneur » (Hébr. II, 9). 

Comment douter, après cela, de la puissance de 
Keu envers nous qui croyons? Quel que puisse être 
et le degré de misère où vous gémissez, et le degré 
de gloire où vous aspirez, le Dieu de Jésus-Christ 
peut toujours vous tirer de l'un et vous conduire à 
l'autre. Ce degré de misère est-il plus bas que la 
mort? Eh bien ! c'est de la mort que Dieu a tiré Jé- 
sus-Christ. Ce degré de gloire est-il plus haut que le 
trône du Père? Eh bien ! c'est sur ce trône que Dieu 
a fait asseoir Jésus-Christ, c Toutes choses sont à 
« vous, et vous à Christ, et Christ à Dieu » (1 Cor. 
m, 22, 23). 

Et il a assujetti toutes choses sous ses pieds. Citation 
du Ps. VIII, 7. Comment saint Paul applique-t-il à 
Jésus-Christ un psaume qui ne parait avoir pour 
objet que de célébrer la gloire de Dieu dans l'homme 
tel qu'il est sorti des mains de son Créateur, et un 
verset de ce psaume que le psalmiste a pris soin de 
rattacher clairement par le développement qu'il en 
fait lui-même au récit de la Genèse, comme on peut 
s'en convaincre en rapprochant Ps. VIII, 8, 9 de 



58 FREMIEBË PRIÂELB DE L'aPÔTBE Gfi. 1^20-33. 

Gen. I, 26? Il ne faut pas répondre que F Apôtre 
n'a entendu qu'accommoder à son sujet un endroit 
de l'Ancien Testament qui y est réellement étranger, 
fio^nme nous ornons nos écrits ou nos discours de 
citations d'auteurs anoiens ou modernes qui pensaient 
à tout autre chose. Car, outre qu'une telle accommo- 
dation convient peu, en général, au Saint-Esprit, ci- 
tant le Saint-Esprit, elle est tout à fait inadmissible 
pour le Psaume VIII, que le Seigneur lui-même s'est 
appliqué dans une circonstance solennelle (Matth. 
XXI, 16), et spécialement pour le verset 7, que saint 
Paul a cité deux autres fois, en l'appliquant toujours 
k Jésus-Christ, et en raisonnant d'après cette appli- 
cation (1 Cor. XV, 27, et Hébr. II, 6-9). Nous ne 
pensons pas cependant que l'Apôtre, ni le Seigneur, 
aient vu dans le Psaume VIII une prophétie propre^ 
ment dite, dont ils aient entendu marquer l'accom- 
plissement; le Psaume VIII se rapporte trop claire- 
ment à la création de l'homme, et vraisemblablement 
les contemporains de David, peut-être David lui- 
même, n'y ont pas vu autre chose. Mais entre la 
simple accommodation et la prophétie positive, il y 
a des nuances intermédiaires, fort importantes à re-» 
marquer pour l'intelligence de l'Ancien Testament, 
et qui tiennent au caractère préparatoire et préfigu- 
ratif de l'économie lévitique. Du commencement à 
la fin de l'Ancien Testament, Jésus-Christ est partout 
présent à la pensée du Saint-Esprit, alors même qu'il 



CH. t^ 20-23. POUR tE9 ÉPHÉSIBNS. BO 

ne l'est peut-être pas à la pensée du prophète qu'il 
inspire ; car ce qu'il nous importe de connaître, c'est 
moins ce que le prophète a pensé dire que ce que le 
Saint-Esprit a voulu dire par lui. Cet Esprit voit plus 
loin que ceux dont il emprunte l'organe ; et les pro-^ 
phètes, qu'un apôtre nous représente faisant effort 
pour comprendre ce- que révélait par eux « l'Esprit 
« de Christ qui était en eux » (1 Pierre I, H), se* 
raient probablement, s'ils revenaient à la vie, des 
commentateurs très imparfaits de leurs propres écrits. 
De là, dans l'Ancien Testament, bien des traits qui, 
sans se rapporter directement ou exclusivement à 
Jésus-Christ, se rapportent à lui indirectement, et 
dans ce qu'on pourrait appeler leur sens le plus loin- 
tain et tout ensemble le plus profond. Mais ces traits, 
esquissés d'une main plus légère que la prophétie 
proprement dite, ne se dessinent nettement aux yeux 
que dans la vive lumière de la Nouvelle Alliance et 
du 8aint*Esprit, à peu près comme ces caractères 
feiblement indiqués sur le papier, et qui ne devien- 
nent visibles que lorsque nous le plaçons entre le 
jour et nous. Ainsi s'explique Osée XI, 1 , cité par 
Matth. II, 15; Jér. XXXI, 15, par Matth. II, 17; et 
bien d'autres citations de l'Ancien Testament dans lé 
Nouveau, parmi lesquelles le Psaume VIII, cité trois 
fois par saint Paul et une fois par Jésus-Christ, tient 
une place intéressante. Le Psalmiste n*y a vu peut- 
être que la gloire destinée à l'homme dans la créa- 



60 FREHIBRE PRIÈRE JDE L'AFÔTRE GH. I, 20-23. 

tion ; mais le Saint-Esprit, et TApôtre qu'il éclaire, 
y a vu cette gloire, perdue en Adam, et reconquise 
en Jésus-Christ, qui a réalisé la promesse de Genèse I 
et de Psaume VIII, dans un sens plus éloigné et 
plus essentiel, au nom de l'humanité qu'il représente. 
Empruntons les paroles de Harless : < Théodoret 
s'est servi d'une expression peu exacte en appelant 
le Psaume YUI prophétique^ car on ne saurait y voir 
une prophétie proprement dite de Christ; cepen- 
dant la pensée de ce psaume se rattache à Christ 
d'une manière à la fois très simple et très profonde 
pour qui a bien compris le rapport de l'Ancien 
Testament au Nouveau; celui-ci était comme es- 
quissé d'avance dans celui-là par certains traits qui 
devaient demeurer obscurs jusqu'au temps de l'ac- 
complissement, mais qui, vus dans une pleine lu- 
mière, devaient nous apprendre à reconnaître dans 
les soins de Dieu pour l'éducation de l'humanité 
un plan uniforme, dont les divers degrés se répon- 
dent et se pénètrent mutuellement. » L'explication 
de ces textes et d'autres semblables nous est donnée 
par saint Paul lui-même dans ces paroles : « Adam 
« qui était la figure de celui qui devait venir > (Rom. 
Y, 14). Qu'était-il devenu, cet homme créé à l*îmage 
de Dieu et dont la puissance faisait concevoir au 
psalmiste l'espérance d'une élévation future? L'Apô- 
tre dit : « Par le péché d'un seul plusieurs sont 
« morts » (Rom. V, 18); « par la désobéissance d'un 



Gfi. ly 20-23. FOUR LES ÉPHÉSIENS. 6i 

€ seul homme, plusieurs ont été rendus pécheurs » 
(verset 19) ; « la mort a régné par un seul » (verset 17 
comparé avec 1 Cor. XV, 47-49), 

L'homme fut donc soumis aussi à la mort, mais 
Tordre établi par Dieu n'était pourtant pas détruit ; 
l'homme qui possède une puissance souveraine et 
qui est mort en Adam revit en Christ pour l'éternité ; 
l'espérance du psalmiste n'a pas été déçue, elle a 
au contraire été ratifiée en Christ, « le dernier 
« Adam i> (1 Cor. XV, 45). 

/{ Va établi pour tête, au-dessus de toutes choses, pour 
r Église. De Christ, l'Apôtre revient aux croyants; 
car c'est eux qu'il avait en vue, et soit qu'il montre, 
comme il va le faire dans les versets suivants, la 
puissance de Dieu déjà déployée dans le chrétien, 
ou, comme il vient de le faire> celte puissance déjà 
déployée dans le Christ lui-même, c'est toujours pour 
faire connaître aux Éphésiens « quelle est la sura- 
« boudante grandeur de sa force envers nous qui 
« croyons. » Ainsi, les derniers mots du chapitre I 
(« et il l'a établi, » etc.) servent de transition entre la 
première manifestation de la puissance de Dieu et la 
seconde * ; ou , pour parler plus exactement, ils 
montrent que les deux n'en font qu'une pour notre 
Apôtre; tant il unit étroitement le croyant au Sei- 



1 On ne doit pas oublier que la division de la Bible en chapitres et en 
versets n'appartient pas aux auteurs sacrés. Elle a été faite il y a peu 
de siècles^ et souvent avec assez de négligence. 



63 PREMIÈRE FRIÈftE DE L^ÂFÔTRE Gfi. I, 20-23. 

gneur; les membres à la tête. Aussi décrit-il en cet 
endRoit la grandeur de Jésus-Christ, par le côté de 
la nature humaine, dans cette exaltation contingente 
qui a été le prix de son abaissement, tandis que, 
dans l'endroit correspondant de Tépître aux Colos- 
siens, il décrit la grandeur de Jésus-Christ, par le 
côté de là nature divine, et dans cette gloire innée 
qui a précédé Tincarnation et la création elle- 
même *. 

Bien que Christ pût à la rigueur être appelé Id Ute 
de toutes les puissances de l'univers, comme il l'a 
été dans Colossiens II, 10, il paraît assez clairement 
par le verset 23 qu'ici, comme partout ailleurs 
excepté dans ce seul passage de l'épltre aux Colos- 
siens, il est représenté comme la tête de l'Église^ non 
de l'univers, et même comme servant de tête à l'Église 
à l'exclusion du reste de l'univers. Mais, au contraire, 

* Nous empruntons cette réflexion à une note d'Olshausen que nous 
croyons deVoif reproduire en entier : 

« Cet endroit (20-23) tient une place capitale dans la christologle de 
saint Paul. Réuni à deux autres passages non moins importants (Col. I^ 
14-19; Phil. n> 8^ 11)^ il donne à connaître la doctrine de saint Pa»l 
touchant le Christ, sur laquelle TApôtre s'arrête peu ailleurs, parce 
qu'il la suppose le plus souvent connue. Mais tandis que, dans Tépltre 
aux Colossiens, Christ est considéré essentiellement dans son existence 
éternelle, vue en dehors du temps, comme la parole qui était au com- 
mencement^ selon l'expressicm de saint Jeani nous Voyons prédomiaer 
dans l'épltre aux Ëphésiens la nature humaine du Rédempteur, et cette 
nature glorifiée en Jésus-Christ montant au ciel et s'asseyant à la droite 
de Dieu pour régner sur le monde. Sous ce point de vue, notre pas- 
sage se complète par celui de l'épltre aux Philippiens, qui décrit égale- 
ment l'exaltation de Christ (11, 9-11), mais après avoir, dans ce qm pré- 
cède immédiatement (6*8), caractérisé son état d'abaissement dans seâ 
divers degrés. » 



GH. I^ 20-33. POUR LES ÉFHÉSIBNS. 63 

les mots, au^de$su$ de ioules choses nous paraissent se 
rapporter aux choses de tout Vunivers^ non à celles de 
l'Église, et marquer la domination de Christ sur l'u- 
nivers à la différence de son union avec TÉglise \ 
Dieu Ta donné pour tète — par-dessus l'univers tout 
entier — à la seule Église, et l'a fait du même coup roi 
de l'un et tête de l'autre. Vous trouvez peut-être que 
la phrase de saint Paul mêle assez étrangement ces 
deux situations de Jésus-Christ. Mais il faut bien que 
les mots se mêlent quand les choses sont mêlées ; et 
cette confusion même sert à nous faire mieux com- 
prendre la pensée de l'Apôtre. S'il nous montre la 
relation de Christ avec l'univers et sa relation avec 
l'Église se pénétrant et tout ensemble se séparant, 
c'est qu'elles sont à la foi dépendantes l'une de l'autre 
et pourtant distinctes. Dépendantes, parce que c'est 
en tant que Rédempteur de l'Église, c'est pour prix 
de son sacrifice, qu'il areçu la souveraineté de l'uni- 
vers (Philip. II, 9 ; voyez notre note sur le verset 10 
de notre chapitre) ; distinctes, parce qne autres sont 
les rapports qu'il soutient avec Tunivers, autres ceux 
qu'il soutient avec l'Église. Il est au-dessus de l'uni- 



1 Malgré Tautorité de Harless, Olshausen, eit*, qui ne veatont vmf 
dans le toiUes choses de notre verset que les choses qui sont dans l'É- 
glise. Mais, indépendamment de l'ordre des idées de l'Apôtre expliqué 
ci-dessus, comment ne pas voir que les mots au-dessus de toutes choses 
(grec : sur toutes choses) répondent aux mots sous ses pieds du même 
verset, et que les choses qui sont mises au-dessous des pieds de Jésus* 
Christ, sont les mêmes choses au-dessus desquelles Jésus-Christ est mis? . 
Gerlach, et plusieurs autres encore, l'ont entendu comme nous. 



64 PREMIÈBS PRI£A£ DE 1*AFÔTAE GH. I^ 20-23. 

vers, comme un roi est au-dessus de son peuple; 
mais il est sur TÊglise comme une tète est sur son 
corps. L'univers est sous ses pieds et en dehors de 
lui ; mais l'Église est un avec lui; elle est son corps, 
ses membres, et ces pieds même sous lesquels le reste 
est placé. C'est là que l'Apôtre en voulait venir* Il 
n'élève Christ si haut, que pour nous y élever avec 
lui et en lui. Ainsi s'explique, dans notre épitre, le 
croyant assis dans les lieux célestes (chap* II, 6), et 
béni dans les lieux célestes (I, 3), en Christ (I, 20) ; 
ainsi bien d'autres choses ailleurs : le crovant assis 
avec Jésus -Christ sur son trône (Apoc. III, 21), 
régnant avec lui sur la terre (Apoc. V, 10; 2, Tira. 
n, 10), jugeant les anges (1 Cor. \I, 3) etc. Quelle 
gloire, quelle grâce cette doctrine nous fait entre- 
voir! Véritablement, nous avons plus reconquis 
en Jésus-Christ que nous n'avions perdu en Adam. 
Merveilleux accomplissement de la promesse : < toutes 
c choses concourent au bien de ceux qui aiment 
« Dieu > (Rom. Vin, 27), et merveilleux encourage- 
ment pour quiconque succombe sous le poids de son 
infériorité. 

« Crois seulement : » il n'y a si grand mal dont 
Dieu ne puisse tirer un plus grand bien, pour celui 
qui croit. 

Qui est son corps^ la plénitude de celui gut remplit 
tauteê dioses en tous. Cette traduction, adoptée par 
Lausanne 1839, est plus exacte que celle de nos ver- 



GH. ïy 210-23. VOUK LES ÉPHÉSlËNS. 65 

sions reçues. « Celui qui remplit toutes choses en 
€ tous, > c'est Jésus-Christ; et c'est l'Église qui est 
< la plénitude > de Jésus-Christ. Cette explication 
est naturellement indiquée par Tordre des mots, et 
surtout dans le texte grec, qui dit le corps de lui pour 
son corps. Il est évident que les deux moitiés du pre- 
mier membre de la période répondent aux deux moi- 
tiés du second membre : le corps à la plénitude, et de 
lui à de celui qui remplit, etc. Toutes les autres expli^ 
cations qu'on a proposées de la fin de notre verset 
sont forcées, et n'ont été imaginées que pour échapper 
à l'obscurité que l'on trouve dans la nôtre. Cette 
obscurité est réelle ; msds n'est pas impossible à 
éclaircir. 

Remarquons d'abord que tout ce qui est décrit dans 
ce verset se passe entre Jésus-Christ et son Église, 
et qu'il s'y agit seulement de son union avec elle, 
non de ses rapports avec le reste du monde. « En 
« tous, » c'est-à-dire dans tous les siens, dans tous ses 
membres. Outre que ce sens est indiqué par le déve- 
loppement qui commence le chapitre II et auquel ceci 
sert de transition, il est réclamé par la forme sous 
laquelle se présente le verbe que nous traduisons 
remplit; cette forme, qui est particulière à la langue 
grecque, n'est ni la forme active, ni la forme passive, 
mais une troisième forme, tenantde l'une et de l'autre, 
et que les grammairiens ont nommée par cette raison 
moyenne ou intermédiaire. Elle marque que celui qui 



66 PR£MI£A£ PftIÈRS D£ l'APÔTRE GH. ï, â0«>39. 

fait l'action la &it en vue de soi-même. Ainsi, pour ex* 
primer qu'un homme pleure les malheurs d'un autre, 
on emploie l'actif, et qu'il pleure ses pro^wres mal- 
heurs, le moyen; qu'un amiral garnit (on dit en grec 
rm,pUt) sefi vaisseaux de soldats, Tactif, et qu'il en 
garnit le vaisseau qu'il monte luh»raéme, le moyen ; 
etc. Or, saint Paul s'est servi du moyen dans notre 
texte, tandis qu'au chapitre IV, v. 10, < afin qu'il 
« remplit toutes choses, ^^ il s'est servi de l'actif* C'ei^ 
qu'il a'agit là de Christ remplissant ce qui est hors 
^de lui, dans 1? sens où il remplit tout l'univers, en 
ayant parcouru successivement toutes les parties, 
l'enfer, la terre et le ciel, et qu'il s'agit ici de Christ 
remplissant ce qui est un avec lui, dans ce sens où il 
remplit 1^ seule Église ^ 

Christ remplit imto^ choses dans les siens. Cela 
signifie que, comme la tête fournit à tous les mem-» 
bres du corps les sqcs et les esprits qui y entretieni- 
nent la vie et les rendent capables de fonctionner 



* Je ip*étoiine que cette distinction ait échappé à Harless et à 01»- 
hausen qui voient simplement le moyen employé pour Vactif^ par une 
faute de langage {per solaçismum). Getiach a reooimu une iûlei^icii 
dans le choix du moyen ; mais il n'en a pas vu, ce me semble, toute la 
portée, n traduit : « qui remplit toutes choses en tous, pour soi-même, 
« c'est-à-dire en vue de sa propre gloire; » et pariotw il entend « toutes 
les ^Jplatures, tous les êtres. » Mais si le moyen n'exprimait pas plus 
que cela^ on ne voit pas pourquoi saint Paiû ne l'atnrait pas eia^yé 
également au chapitre IV, v. 10, puisque, là aussi, c'est bien en vue 
de sa pfopre gloire qu'il remplit toutes choses. Le moyen, selon nous, 
exprime d'abord et essentiellement, que c'est dans les siens que Jésus- 
Christ remplit toutes choses, ensuite et subsidiairement, qu'il les y 
remplit 4e iuieX ftowr /m. 



GH. t, 2(K2<i. POUR ISS imiBi%Mi 67 

ohacun en sa place, aint^i Christ dommunique k tous 
ses discipleg, en se donnant lui-même à eux, et dans 
une mesure suffisante pour tous leuFS besoins^ des 
grâces spirituelles dont Dieu a déposé en lui le tré- 
sor inépuisable* Il comblé en chacun d'eux tonâ lés 
vides, ceux du cœur, ceux de la conscience et oeus 
de l'èntendeaiient, ceux qui regardent T^rs le ^ps 
et ceux qui regardent vers Féternité, ceux qui tien* 
netit à Tétat normal et ceux qui tiennent à Tétat de 
chute, et tout autre vide qui se peut nominer: dans ce 
siècle ou dans celui qui est à venir; et il les comble, 
en les f oraplis^nt de lui-m^me, mm qu'il est lui- 
même rempli de Dieu. C'est la pensée que VApôr* 
tre développe dans le chapitre IV de notre épîtfe^ 
V* 14 et IS» &ék éUint, Tllglise, qui est la réunion 
vivante de tous les membres de Jéfius-Ghrist, est la 
pléjaitude de Christj e*est-à'dire Tensemble harnoo- 
nique et complet de toutes les grâces et de t^us las 
dons que Jésus^Christ répartit entre tous ses mem-^ 
bres. il semblerait plus naturel de dire que l'Église 
FDssÈDE la pUniiuàe d^ Jhu^Ghmt; mais rexpres^doq 
de notre texte, est k pUn^MAe d$ Jims-Ghriêti dit 
kbmâme chose avec plus d'énergie, et en termes q«i 
rappellent plus vitement que l'Église est »»e i0^ 
Jésus-Christ, Cette union semble si étroite à l'Apôtre 
qu'il va jusqu'à àpf^eler l'ÉgKse Christ danfe la pre** 
mière épître aux Corinthiens (XII, 12); çair les mots ; 
« II en est de même de Christ, > ne peuvent avoir 



68 PREMIÈfiE PRU.RË ])£ l'APÔTBE GH. ï, 20-23. 

d'autre sens que celui-ci : D en est de même du corps 
de Christ, qui est l'Église, Lisez tout ce chapitre; il 
est comme le commentaire de notre verset. 

Deux mots sur les autres passages du Nouveau 
Testament où se trouve le mot plénitude dans le 
même sens qu'il a dans notre texte, ou dans un sens 
analogue. Ce mot s'applique premièrement à Dieu. 
« La plénitude de la divinité » (Col. II, 9), appelée 
aussi, sans complément, € la plénitude > (Col. 1, 19), 
c'est ce fond ineffable de gloire et de grâce qui réside 
en Dieu et remplit en quelque sorte tout son être, 
et qui se communique* d'abord de Dieu à Christ, et 
puis de Christ à nous. € Toute la plénitude a voulu 
< habiter en lui > (dans le Fils), écrit saint Paul aux 
Colossiens (I, 19); et encore : < Toute la plénitude 
« de la divinité habite en lui (en Christ) corporelle- 
« ment > (Col. II, 9). Voilà la plénitude de Dieu se 
communiquant à Christ. Et voici, aussitôt après, la 
plénitude de Christ se communiquant aux croyants ; 
(v. 10) : € Et en lui, vous êtes remplis. » Ces deux 
passages de l'épitre aux Colossiens ont, pour le 
fond de la pensée, beaucoup de rapport avec Éphé- 
siens, I, 23 ; d'autant plus que Christ y apparaît dans 
le contexte, aussi bien que dans la fin de notre cha* 

* Selon Harless^ cette idée de communication est essentielle à la dé- 
finition de la plénitude de Dieu. La plénitude de Dieu, à peu près sy- 
nonyme de la richesse de Dieu (Phil. IV^ 19 ; Ëphés. lU, 8)^ est le Sche- 
ehioah des Juifs^ c'est-à<dire la présence réelle de la majesté divine. 
Elle diffère de la gloire en ce que la gloire est la majesté divine en soi^ 
tundis^que la plénitude est la majesté divine dans sa manifestation. 



GH. I^ 20-23. FOUR LES ÉPHÉSIEN8. 60 

pitre, comme la tête (dans le sens général de ce mot) 
de toutes les puissances de l'univers, et, comme la 
tête (dans le sens spécial du mot) de l'Église qui est 
son corps (Col. II, 10; I, 16, 18). 

Même doctrine en saint Jean (Jean 1, 14-16) :. c La 
€ parole a habité parmi nous, pleine de grâce et de 
c vérité : > voilà la plénitude du Père habitant dans 
le Fils; et voici la plénitude du Fils se communiquant 
à nous : < Et nous avons tous reçu de sa plénitude, 
€ et grâce pour grâce. » 

Nous retrouverons le mot plénitude dans deux en- 
droits de notre épître qui nous paraissent suffisam- 
ment éclaircis par ce que nous venons de dire, et 
que nous nous bornons à indiquer ici, puisque nous 
aurons à y revenir (III, 19) : € Afin que vous soyez 
« remplis jusqu'en toute la plénitude de Dieu. » 
C'est-à-dire afin que vous soyez tellement remplis de 
Christ (v. 17), ou de Dieu en Christ, que toute la plé- 
nitude de Dieu réside en vous (IV, 13) : € Jusqu'à ce 

€ que nous parvenions à l'homme parfait, à la 

« mesure de l'âge de la plénitude de Christ ; » c'est-à- 
dire jusqu'à ce que nous atteignions l'état d'homme 
fait et cet âge spirituel où l'on possède la plénitude 
de Christ. 

Dans les deux endroits que je viens de citer, il est 
question d une plénitude de Christ, ou de Dieu, pour 
chaque fidèle, tandis que dans Éph. I, 23, il n'en 
est question que pour VÉglùe. C'est que le point de 



70 PREMIÈRE PRIÈRE I)E L^APÔTRB CH. II, i-10. 

vue de l'Apôtre a varié. Dans un cas, il s'occupe de 
tout le corps, et par conséquent d*une plénitude coU 
tMhe: dans l'autre, il s'occupe de chaque Membre 
pour soi, et par conséquent- d-une plénitude inditi- 
ânellé. Il suffit à la plénitude tf un membre qu'il soit 
j^leîn dé Christ, quant è lui; mais il faut pour la plé- 
nîfUde dû corps que tous les membres le soient éga- 
lement. Ainsi là plénitude du corps est le résultat de 
là {ilériitùdé de tous lés membres. 

Je disais que ces passages sont sufTisammenÉ éclair- 
cis. Hâiè je m'exprimais maL Qui ne sent que ce mot 
plénitude, comme tant d'autres mots des Écritures 
dîvitifts, ne sont pas, ne peuvent jamais être épui- 
sés par àticune explication humaine? ÎI y resté tou- 
jours un fond où ^analyse ne pénètre pas, et qui se 
éent par le coeur mieux qu'il ne se définit par l'intel- 
Hgence. Nous avons beau faire : notre langage, trop 
étroit, joue toujours dans les choses de Dieu. Grâces 
à Dieu, l'esprit de l'homme va plus loin que son lan- 
gage; mais de combien les réalités de Dieu dépas- 
sent-elles encore et notre esprit et notre imagination 
même! 

3** Cette puissance de Dieu a été déployée, seconde;q[^n|;, datis 
. ^ les croyants. Il, 1- 10. 

1 . Et vous qui étiez fmrts par vos offenses et par vos 
péchéSy 2. dans lesquels vous avez marché autrefois selon 
le siècle de ce monde ^ selon le prince de la puissance de 



CM.TIy i-iO. POUR LE8 l^PHÉSIXlIft. 71 

l'air f de l'esprit qui opère mainteMni dans la fU$ de la 
r^eUion; 3. parmi lesqu$U nauê ausêi avoM tùus viçu 
autrefois dans les convoitises ds noirs shair^ pratiquant tés 
wbmtés de la chair et des pensées^ ei nous étions par 
nature enfants de colère aussi bien que les aulrHt 4. metts 
DieUj qui est riche en miséricorde j par son ^und 
rnnour^ dont il nous a aimés ^ 5. nous qui étions morts par 
nos offenses, il nous a fait revivre avec Christ (vous avez 
été sauvés par grâce) ^ 6. Mil nous a ressuscites avec lui, 
et fah asseoir avec fui da$u les lieux oéleétesj en Jésus- 
Christ y 7. pour montrer dam hs siècles à i^enir kt sura^ 
bondante richesse de sa grâce en sa ionté envers nous en 
Jésus^Christ. 8. Car vous avez été sauvés par la grâce^ 
par la foi; et cria, non par vous^mêmes^ c^est le don de 
JHeUf 9. non par les œuvres, afin que nul ne se glorifié; 
iO. car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en 
Jésus^Christ pour les bonnes ceuvres, que Dieu a prépa^ 
rées afin que nous y marchions. 

Les divisions que nous indiquons pour mieu)^ 
suivre les pensées dé l'Apôtre, ne doivent pas nous 
faire oublier le rapport étroit qui les rattachent les 
unes aux autres. Une seule idée règne depuis I, 4 S, 
jusqu'à II, 40; et presque une seule période, au 
moins, jusqu^à la fin du v. 7. C'est le premier en- 
droit où l'on pourrait mettre un point, selon notice 
ponctuation ordinaire. A la fin de I, 19, il ne doit y 
avoir qu'une simple virgule ; et à la fin du chapitre 
premier, un point-virgule. Si la construction grannna- 



7â PREMIÈRE PRIÈRE DE L'APÔTRE GH. II^ i-IO. 

ticale se développait tf une façon régulière, saint Paul, 
ayant commencé ainsi : Laquelle il a déployée en Christ ^ 
en le ressuscitant d'entre les morts, etc., continuerait à 
peu près de la sorte : et OMSsi en vous, en vous ressus^ 
citant avec Christ quand v<ms étiez morts par les offenses 
et par les péchés, etc. Mais la construction fléchit dans 
le cours de la période, ce qui n'est pas rare dans 
les écrits de notre Apôtre. L'abondance et le mouve- 
ment de ses pensées lui faisaient presque une loi de 
ces infractions à la grammaire, quand la langue où 
il écrivait ne lui eût pas laissé à cet égard beaucoup 
plus de liberté que la nôtre. 

Au reste, cette irrégularité de construction est peu 
de chose auprès de celles qu'on trouve dans le nou- 
veau membre de cette immense période par laquelle 
commence le chapitre IL La pensée de l'Apôtre est 
celle-ci : Et vous (païens convertis), quand vous étiez 
morts par vos offenses et par vos péchés, il vous a 
ressuscites avec Christ, ainsi que nous (Juifs conver- 
tis), quand nous étions morts d'une manière sembla- 
ble. Mais le verbe, il nous a fait revivre, qu'on s'attend 
à trouver à la fin du v. 2, est rejeté plus loin par 
l'écrivain sacré (impatient de recueillir chemin fai- 
sant les Juifs pour les joindre aux païens), et puis, 
lorsqu'il reparaît enfin au v. 5, il s'y montre, non 
plus avce le vous qui devait d'abord l'accompa- 
gner, mais avec un nous, où les Juifs trouvent place 
aussi bien que les païens; de telle sorte que le 



GH. n^ i-10. POUR LES ÉFH£SI£NS. 73 

VOUS du V. 1 désigne les seuls païens convertis, 
le nous du v. 3 les seuls Juifs convertis, et le mus 
du V. 5 et des versets suivants les uns et les au- 
tres réunis. De plus, il est devenu nécessaire par 
là de répéter au commencement du v. 4 le mot 
Dieuy qui est le sujet commun de toute la période 
(il a déployé, il a fait asseoir, il a assujetti, il a établi, 
I, 20-22), mais qu'on aurait pu perdre de vue après 
tant de développements intermédiaires; et en le ré- 
pétant TApôtre a été conduit à le faire précéder d'un 
mais, pour faire contraster sa miséricorde avec Tétat 
moral des païens et des Juifs qui vient d'être décrit, 
et qui ne les rendait dignes que de sa colère. 

Mais il est temps de laisser la période de l'Apô- 
tre, pour nous occuper de ses pensées. Dieu, dit-il, 
qui a pris Jésus-Christ mort, et qui l'a ressuscité et 
puis l'a fait asseoir à sa droite, a déployé sa puissance 
en vous qui croyez d'une manière semblable. Vous 
aussi, vous étiez morts, et nous l'étions comme 
vous; mais Dieu nous a ressuscites, les uns et les au- 
tres avec Christ, et nous a fait asseoir avec lui dans 
les lieux célestes. Mais tandis que l'état de mort d'où 
Jésus-Christ a été retiré, une mort physique et natu- 
relle, n'avait demandé aucun éclaircissement, l'état 
de mort dont les croyants ont été affranchis, une 
mort spirituelle (qui a été suivie d'une résurrection 
spirituelle), a besoin de quelque explication. C'est 
l'objet des trois premiers versets de notre chapitre» 



74 PREMIÈRE PRIÈRE DE l'aPÔTRE CH. H, 1-iO. 

Quand vmt$ étiez morts : Le mot mort a dans TÉcri- 
ture, et plus spécialement dans le langage de notre 
ApôtPC, un sens profond qui embrasse à la fois la 
mort du corps et celle de Tâme, la mort naturelle et 
la mort étertiélle. On le voit cîaîrement dans Rom.V, 
18 et suivants; où le v. 14 se rapporte essentiel- 
lement à la ttifftt physique, et le v. 91 à une mort 
plu$ étendue qu'il oppose à la me éternelle. La 
menace de Dieu à Thomme, 6en. II, IT, renferme 
tout cela. Ne séparons donc pas ces deux morts qu'un 
Hen râyétérieux rassemble, et dont Tune est le type 
et tout ensemble le gage de l'autre. Mais c'est tantôt 
l'une, tantôt l'autre qui prédomine ; ailleurs, c'est la 
mort naturelle; ici, c'est la mort spirituelle. Le choix 
de ce terme en cet endroit est plein d'instruction. 
Outre que ô'est le plus fort de tous <îeux que la langue 
humaine pouvait fournir, il emprunte encore une 
force nouvelle du rapport qu'il indique entre notre 
état naturel et celui de Jésus-Christ couché dans le 
tombeau. Ce rapprochement est plus qu'une simple 
image; il cache un argument et une doctrine. La 
^e de Dieu est aussi complètement éteinte dans 
Phomme naturel que la vie physique l'est dans un 
cadavre; et l'homme naturel est aussi incapable de 
80 régénérer lui-même que le cadavre de se relever 
sur ses pieds. 

Par leê offbn$ta et par les péchés : le premier de ces 
mots marque plus spécialement la transgression se 



CH. TI, 1-dO. POUR LES ÉPHÉSÏENS. 75 

traduisant en at^e^ tandis que le second, qui est plus 
général, en désigne également les mouvements inté- 
rieurs. Ici, f Apôtre dit morts par vos péchêê, et (Col. 
11, 18), morts âmis vés péehéi; l'une dé ces expressions 
indique la causé, l'autre Tétat. 

Dhns lesquds vous av0%fiiarcM autrefois : littérale- 
ment, vous vous êtes promenés. Cette expression in- 
dique un état permatt^ril; et auquel ott s'est tellement 
plié qu'on s'y conforme sans effort ni résolution. 
L^Apôtre s*en sert ailleurs en parlant de la vie nour 
velle que doit mener le chrétieii (Rom. VI, 4y. De là 
encore ce mot admirable de son épître aux Colos- 
siens : <r Selon que vous avez reçu le Seigneur Jésus- 
« Christ, màrcheï en lui * (II, 6). Ceci encore est 
plus qu'une métaphore ; c'est le fond même de llÊVan- 
gîle. Quelle philosophie ! quelle vie ! 

Selon le siécîe de ee inonde : ailleurs, saint Paul ap- 
pelle Vordre de choses généralement établi parmi Tes 
hommes tantôt èe siMe, et tantôt ce monde ; et pour 
lui ces deux locutions sont à peu près synonymes 
(1 Çor. J, 20i Jll.iar 18). Elles RQ diffi^rent qu'en. ce 
que l'tme envisage cet ordre de choses dam le temps 
et dan^ son développemwt historique^ tandis que 
Tautre le contemple, §i Teii peut aip§î. parler, #ws 
l'etpaee et dans son état permanent. A ee siècle, TÉcri- 
tara opposô « le siècle 4 venir i^ (Épbt I, 21, ete.), 
que le cours du temps doit amener j et à ce monde, 
elle oppose les choses « d'en haut » (JeaA VIII, 13), 



76 PREMIÈRE PRIÈRE DE l'APÔTRE fiH. II, 4-10. 

la société < du Père > (XUI, 1) et < la vie éternelle » 
(Xlly 25). Ed combinant ici ces deux expressions, ce 
qu'il ne fait jamais ailleurs, l'Apôtre semble avoir 
voulu indiquer surabondamment que Tordre de 
choses établi, par quelque face qu'on le regarde, 
dans son état permanent ou dans son développement 
historique, est toujours asservi au péché \ 

Selon le prince de la puissance de Cair. L'homme, 
quoi qu'il fasse, est toujours en rapport avec une 
puissance supérieure et invisible, personnelle et vi- 
vante ; si ce n'est avec celle de Dieu, c'est avec celle 
du Diable. Notre épître est parmi les livres de l'Écri- 
ture où l'existence et l'influence réelle du Diable, et 
des esprits malins qui lui sont soumis, sont le plus clai- 
rement établies. Pour nier cette doctrine, il faut faire 
violence aux Écritures, et surtout à celles du Nouveau 
Testament; et ceux qui la nient, outre qu'ils repous- 
sent une révélation qui jette une grande lumière sur 
la condition morale de l'humanité, se privent encore 



i D'aatres entendent par le siècle les mœurs reçues^ la pratique géné- 
rale ; ils citent à Tappui de cette interprétation une locution analogue 
de Tacite, qui dit en parlant des Germains : « Chez eux corrompre et 
se laisser corrompre n'est pas appelé le siècle [corrumpere et corrumpi 
sœculum non vocatur. De Mor. germ,, 19). C'est Vidée que nos -versions 
ont rendue en traduisant : selon le train de ce monde. Harless arrive à la 
même traduction à peu de chose près (selon la vie^ ou selon le cours de 
ce monde), mais par un autre chemin. Il croit pouvoir prouver que le 
sens primitif du mot grec rendu par siècle, c'est la vie. Mais, quand 
cela serait démontré, ce qui nous paratt contestable, nous croirions de- 
voir préférer au sens étymologique de ce mot celui qu'il a partout ail- 
leurs, tant dans le Nouveau Testament, que dans la version grecque des 
Septante de l'Ancien Testament. 



GH. n, i-10. ruUR LES BPHÉSUBKS. 77 

eux-mêmes d'un moven très eificace de combattre le 
péché. Là où la philosophie ne nous offre que des 
idées abstraites, la Bible nous montre des person- 
nalités vivantes, d'un côté le Saint-Esprit, de l'autre 
Satan; et Ton trouvera, en général, que celui qui re- 
jette le dernier ne croit pas non plus au premier, dans 
le sens de la Bible. Il y a une vérité cachée dans le 
proverbe populaire qui définit ainsi l'extrême incré- 
dulité : « Ne croire ni à Dieu ni au Diable *. > ^ 

hi puissance de Vair, c'est la réunion des esprits 
malins qui forment, sous le commandement de Satan, 
un seul corps et comme une armée organisée contre 
Dieu et contre son règne, et qui sont appelés ailleurs 
dans notre épitre c les principautés, les puissances, 

< les dominateurs des ténèbres de ce siècle, les esprits 

< de la malice, dans les lieux célestes > (YI, 12). Leur 
prince, c'est celui qui est nommé ailleurs < Béelzébul, 

' < le prince des démons » (Matth. IX, 34 ; Xn, 24 etc). 
Mais pourquoi cette puissance infernale est-elle ap- 
pelée la puissance de Tatr? 

On ne peut l'expliquer, surtout quand on rapproche 
de notre verset la fin de celui du chapitre VI que nous 
venons de citer, qu'en admettant que les esprits ma- 
lins ont, dans un sens du moins, leur résidence dans 
ces régions supérieures, qui ont pu être appelées 
tantôt € Tair, » comme ici, tantôt « le ciel, > comme 

1 Voir ces pensées développait dans un Discours sur les démoniaques^ 
faisant partie de mon recueil de Sermons, Paris^ 1844. 



79 PREMIERS PRIJBf^ 0£ l'AFÔTRE GH. II, l«iO. 

Luc Xj 31 ; Ap. XII, 8, 12, o^ < Ids Ueux célestes^ » 
comme Éph» YI, 1^ ; et dont aou$ n'essayons pas de 
déterminer la position, en tennet {dua préciis que ne 
le fait l'Écriture, Au reste, le mot àiel désigûe quel- 
quefois dans la Bible, comme dans notre langage 
ordinaire^ toute la région de l'atmosphère ; c'est dan«; 
00 seoâ que le Seigneur parle (les oiqeau^ du ciel 
(Matth. VI, 26). Satan ne devait êtfe banni du ciel 
qu'aies avoir été vaincu par Michel et ses. angea^ 
ainsi qu'il est annoncé au chapitre XU de TApoea- 
lypse^ dauB les verseta cités ci^de&sus; et c'est par 
l'eaprit de prophétie que Jésu^hriat. le contemple 
I^gtâmpg & {'avance, « tombant du ciel comme u» 
« éclair * (LuçX, 31). On peut rapprocher de ces pas- 
sages cet endroit de Job où Satafî apparaît < devant 
c l'Êterti^I» parmi les fils de Dieu, > sans aucun doute 
dans le ciel (Job 1, 6 ; 11^ 1). Il va sans dire qu«f lorsque 
les démona sont représentés comme habitant ou ap- 
paraissant < dans le ciel » ou < dans les lieux céleste^, > 
ces mots désignent une région supérieure par oppo- 
sition à notre terre, et le monde des esprits par oppo- 
sition au monde matériel, mais non le séjour de la vie 
sainte et bienheureuse ; car daps ce dernier sens les 
démons, sont exclus du ciel. Que si l'on demande 
comment ce que nous venons de dire se concilie avec 
ce qui est écrit Jude 6, et 2 Pierre, II, 4, nous n'avons 
pas de réponse précise à cette question. Doit-on dire 
que tout en étant enchaînés dans un lieu de ténèbres, 



GH* 11^ i-lO. fOUH Xj:S ÉFH^ISNI. 79 

les démons peuvent cm sortir» par la penaimon de 
Dieu, comme un prisonnier à qui on laisse la &cttlté 
de sortir parfois de sa prison ? Ou doit^on dire que la 
lieu même de ténèbres oii ils sont relégués peut être 
situé dans les parties nébuleuses de l'atmosphère ^ ? 

Nous n'osons pas suivre les comtnentateurs âur ce 
terrain; mieux vaut, ce nous semble, nous barner 
avec l'Écriture à constater ces trois faits^ l'emprison^ 
nement des démons^ leur séjour dans l'air ou àms le 
ciel» et leur action sur la terre^ sans prétendre lea 
expliquer ou les concilier, puisqu'il s'agit d'un monde 
dont les lois nous $Qnt inconnues* 

De l'esprit qui opère maitUmant 4an& U$ fik de 
la rébellion, nos versions traduisent : f esprit qui 
opère etc. y de telle sorte que c'est le prince de la 
puissance de l'air qui est cet esprit. Mais la phmse 
grecque n'est pas susceptible de cette construction; 



* Cette opinion paraît être celle de Steiger (sur 1 Piefre V, t2) ainsi 
que de Oerl^h «t cte Ha^lei» sur notre tette^ et str Éphés^ VI^ H. Bar* 
less s'exprime ainsi (p. 158) : « Les démons étante selon notre Apôtre^ 
des créatures tspirituellés (Vl^ i% il serait contraâre àti bon sens de se 
les figurer ench^nées à. la terre, comme des corps terrestres. Mais» si 
elJes ne peuvent être des créatures terrestres, elles ne peuvent pas non 
plus être appelées des cré«^tQr«i céiesteê; car ie 9ie4 elt pour i'ÉcriUire 
en général et pour notre Apôtre en particulier, le séjour de ce qui est 
par et cKtId. D'après cela, rien ne serait plus juste que le taâsonrfettwni! 
d'Ocuménius : « Nous l'appelons prince, dit-il ; mais sa dominatioa es^ 
an-dessous du ciel et non au-dessus. Or, celui qui est au-dessous du 
ciel est sur la terre, ou dai^ les airs. l\ dodt doqc être dans les airf# 
puisqu'il est un esprit; et que le séjour des airs convient seul à lana- 
tnre des esprits.» £t expliquant le verset 19 du chapitre VI, il l'explique 
par notre verset, et donne aux mots a dans les lieux célestes,» le même 
sens qu'au mot air dans notre verset. — Olshausen s'exprime d'une ma- 
nière molos ^nrèté9|6t, ce nous semble, pli«s sii^. 



80- PREMIÈRE PRIÈRE DE l'âPÔTRE GH. IT^ i-iO. 

et à moins de supposer que TApôtre se soit écarté, 
sans raison assignable, des lois constantes du lan- 
gage, il faut nécessairement traduire ainsi que nous 
Tavons fait. C'est la puissance de Vair qui est ap- 
pelée resprii qui opêre^ etc. Cela se conçoit. Il y a 
sans doute plus d'un esprit malin qui agit dans le 
monde; il n'est pas nécessaire de sortir de notre épître 
pour le prouver (chap. VI, 12). Mais, de même que 
toutes les puissances infernales mentionnées dans ce 
verset sont appelées ici une puissance, parce qu'elles 
sont envisagées dans l'unité de leur organisation, ainsi 
tous les esprits malins qui opèrent dans le monde ont 
pu être appelés un esprit, parce qu'ils sont considérés 
dans l'unité de leur action. Le royaume infernal est 
présenté successivement ici sous deux faces : en soi, 
et l'Apôtre l'appelle « la puissance de l'air; » dans 
ses rapports avec le genre humain, et il l'appelle 
« l'esprit qui opère maintenant dans les fils de la 
< rébellion; > et Satan, qui gouverne à la fois les 
démons, comme roi et comme général d'armée, est 
appelé tour à tour le prince de cette puissance, et le 
prince de cet esprit. Le mot maintenant^ opposé au 
mot autrefois^ qui se trouve au commencement de 
notre verset, met en contraste l'état des croyants, 
sur qui l'esprit malin a cessé de régner (bien qu'il 
n'ait pas cessé pour cela de les tenter), avec celui des 
irrégénérés, sur qui il règne encore. Il peut servir 
encore à mettre en opposition le siècle présent avec 



CH. Uy 1-10. POUR LES ÉPHÉ8IBNS. H\ 

le siècle à venir, où la puissance des démons doit 
être anéantie. 

Les fils de la rébellion : expression empruntée à la 
langue hébraïque, et analogue à celle d'enfants de c(h 
Ure que nous trouverons dans le verset suivant* Elle 
signifie des créatures rebelles, comme cette autre ex- 
pression signifie des objets de colère; mais avec un 
degré de plus d'énergie. Entre la rébellion et Tirré- 
généré, entre la colère de Dieu et lui, elle indique 
un étroit rapport, une dépendance mutuelle, qu'on 
peut comparer à la relation intime de T enfant avec 
son père. On lit ailleurs : c enfant de ténèbres, enfant 
€ de ce siècle, > etc., et encore : c enfant de lumière, 
c enfant de paix, > etc. 

Parmi lesquels nous aussi avons tous vécu autrefois. 
Nous, Juifs convertis. Us sont nommés ici à côté des 
païens comme ils l'avaient été dans le chapitre I, 
mais dans l'ordre inverse. Quand il s'est agi de la 
possession du salut, l'Apôtre a nommé d'abord les 
Juifs, et puis il s'est hâté de leur adjoindre les païens ; 
le nous du V. 12 est pour les Juifs, le vous aussi du 
V. 13 pour les païens, et le nous du v. 14 pour les 
uns et les autres. Ici, où il s'agit de la mort spiri- 
tuelle qui a précédé la conversion, il nomme d'a- 
bord les païens, et puis il se hâte de leur adjoindre les 
Juifs; le vous du v. 1 est pour les païens, le nous 
aussi du V. 3 pour les Juifs, et le nous du v, 5 pour 
les uns et les autres. 



82 PR£HIÈB£ IPRIÊRE DE l'âPÔTHE GH. II^ 1-10. 

Dans les eontoùises de notre chair ^ pratiquant les vo- 
lontés de la chair et des pensées. Dans le premier mem- 
bre de cette phrase, la chair désigne, comme en 
beaucoup d^autres endroits, le principe général du 
péché dans la nature humaine; dans le second, où 
la chair est distinguée d'avec les pensées^ Tun de ces 
mots désigne plus spécialement les péchés qui ont 
leur siège dans les sens, et l'autre, ceux qui en sont 
indépendants. La même distinction se retrouve dans 
2. Car. VII, 1 . On voit par là que le mot chair ^ dans son 
premier sens, qui est le plus commun, embrasse tout 
l'homme, et s'emploie de la perversité humaine tout 
entière, tant de l'esprit que du corps. Mais d'où 
vient que ce nom lui a été donné ? Ce n'est pas que 
la matière soit le principe du péché; c'est là une idée 
païenne ou gnostique, non une idée chrétienne. Mais 
c'est que le côté extérieur et visible de la nature hu- 
maine auquel le nom de chair revient de droit, est 
aussi celui par lequel elle se montre aux regards hu- 
mains, assujettie d'abord à l'infirmité et à la mort, 
puis à la convoitise et au péché \ Il est à remarquer 
que saint Paul emploie une ou deux fois le mot corps, 
à peu près comme le mot cAair (Rom. VII, 24; VIO, 
12); d'autres fois il les réunit (Col. II, 11). 

Et nous étions des enfants de colère. Il s'agit évi*- 
demment ici de la colère de Dieu (Col. III, 6, 

1 Voir Olshausen sur Rom. VII^ 14, depuis aip^ jusqu'^ Geistj 
p. 254, 2^. 



CH. ÎI, t-lO. roUR LES ÉPHÉSIENS* 83 

Jean III, 30, etc.). Cette colère n'est sans doute pas 
une colère passionnée, comme celle de l'homme; 
mais c'est une colère réelle ; c'est le saint déplai- 
sir avec lequel Dieu voit le péché, et dont nous 
pouvons avoir une idée par la colère sainte que 
l'homme ressent quelquefois (Éph. IV, 26 ; par 
exemple Moïse, Ex. XXXII, 9) et surtout par la colère 
attribuée à Jésus-Christ (MârcIÏI, 5), où nos versions 
ont traduit avec indignation ^ sans doute parce qu'on a 
eu peur de la traduction littérale. Gardons-nous 
d'imiter les cotnmentateurs téméraires qui se sont 
appliqués à effacer ce trait du caractère de Dieu. Il est 
de ceux qui appartiennent essentiellement aii vrai 
Dieu, qui s'est révélé dans les Écritures. Ce n'est pas 
un Dieu abstrait, impassible, gouvernant froidement 
le monde, comme se le figurait une secte païenne*, 
et comme se le figure encore la philosophie moderne; 
c'est un Dieu personnel, vivant, agissant sur ses créa- 
tures, susceptible de recevoir des impressions, et ca- 
pable également d'une sainte colère contre le mal et 
d'un saint amour pour le bien. Aussi bien cette colère 
et cet amour se correspondent de telle sorte que l'on 
ne saurait refuser l'une des deux à Dieu sans lui re- 
fuser en même temps l'autre ; cette remarque est de 
Lactance, dans son traité, sur la colère de Dieu: « Si 
Dieu ne peut «^irriter contre les impies et les injustes, 

^ Les épicuriens dépeignaient la nature divine « séparée et éloignée - 
de nos intérêts. » 



84 PREMIÈRE PRIÈRE PE l' APÔTRE GU. 11^ i-10. 

il ne peut aimer non plus les justes et les pieux. Car, 
dans des choses contraires, il faut qu'on soit remué 
dans Tun et l'autre sens, ou qu'on ne le soit dans 
aucun*. > L'oubli de la doctrine de la colère de Dieu, 
de nos jours, « a exercé, dit Gerlach, une influence 
pernicieuse sur les relations diverses dans lesquelles 
l'homme tient la place de Dieu, et en particuher sur 
le gouvernement de la famille et de l'État. » 

Par nature. Ce mot renferme une instruction im- 
portante, dont on a vainement cherché à se débarras- 
ser par des explications forcées. Si l'Apôtre se fût con- 
tenté de dire : Nous étions des enfants de colère, on 
aurait pu croire que chaque homme n'est devenu un 
objet de la colère de Dieu que par sa faute indivi- 
duelle, et qu'il n'a contracté le péché que par habi- 
tude ou par imitation. Mais le mot par nature^ qui est 
employé plusieurs fois dans le Nouveau Testament, 
et toujours pour marquer les caractères essentiels et 
le développement propre d'une chose, par opposition 
aux qualités accessoires et à l'influence extérieure 
(Rom. II, 10; Gai. II, 15; IV, 8), nous avertit que 
ce qui provoque la colère de Dieu n'est pas seule- 
ment dans l'individu, mais dans la race et dans la 
nature humaine, bien entendu dans la nature déchue 
et non dans la nature primitive et normale. 

Plus cette expression, enfants de colère par nature^ 
est étrange, plus l'intention de l'Apôtre est visible; 

*V, 9. 



I 



CH. 11^ i-iO. l'OUR LES ÉPHÉSIENS. 85 

et son langage est encore plus fort que s'il eût dit : 
nous étions pécheurs parnature. Notre texte achève de 
s'expliquer par Rom. V, 12 et suivants, où TApôtre 
fait dériver la disposition naturelle au mal du péché 
du premier homme. Saint Paul dit ceci des Juifs; mais 
les mots qui suivent aussitôt étendent sa pensée à tous 
les hommes sans exception. Au reste, s*il a pris soin, 
en reconnaissant que les Juifs étaient enfants de colère 
aussi bien que les autresy d'ajouter qu'ils l'étaient par 
nature, c'est vraisemblablement pour ne pas laisser 
oublier que sous un autre point de vue, par l'alliance 
de Dieu avec eux, ils étaient dans une condition fort 
différente de celles des païens. Il importait que les 
lecteurs de notre épître ne perdissent pas de vue les 
privilèges des Juifs, pour comprendre ce que l'Apôtre 
avait à leur dire dans la suite de ce même chapitre ; 
(v. H et suivants). 

Mais Dieu, gui est riche en miséricorde, par son grand 
amour, dont il nous a aimés, nous a, etc. Entre la misé- 
ricarde et la grâce il y a cette nuance que la première 
regarde plus spécialement à notre misère, la seconde 
à notre culpabilité. La grâce est déterminée par la 
miséricorde, qui l'est elle-même par l'amour; en 
d'autres termes. Dieu nous pardonne nos péchés, 
parce qu'il a pitié de la misère à laquelle ils nous ex- 
posent ; et il a pitié de notre misère, parce qu'il nous 
a aimés. Mais pourquoi nous a-t-il aimés? par son 
grand amour. Cet amour ne se détermine, ne s'e^-» 



86 PREMIÈRE PRIÈRE DE l'APÔTRE GH. II, i-iO. 

plique que par lui-même* Parvenu là, on ne saurait 
remonter plus haut, on s'arrête devant cet amour 
ineffable, qui est le premier principe de notre ré- 
demption, comme il Test de la création et de tous les 
ouvrages de Dieu. L'amour est le commencement du 
comnaepcement; il est de fond de Djeu ï> qui est le 
fond de tout; c Dieu est amour. > Si l'Apôtre s'est 
servi de cette expression inusitée, son amour dont il 
nous a aimés, au lieu de dire, l'amour dont il nous 
a aimés, c'est pour marquer plus clairement que cet 
É|,mour n'a sa cause qu'en lui-même, et qu'il va de 
Dieu à nous, non de nous à Dieu(l Jean IV, 10). 

« Morts par nos péchés, » Dieu ne pouvait pas 
nous aimer en nous-mêmes, encore moins nous aimer 
d'un grand amour; mais, dans la richesse de sa mi- 
séricorde, dans la plénitude de son amour, il nous a 
aimés en Christ, et nous a fait revivre à une vie nou- 
velle et bienheureuse j> (Harless). 

Nqus qui étions morts^ etc. La misère et l'impuiS''^ 
sance de l'homme sont la mesure de la miséricorde 
et de la puissance de Dieu (Rom. V, 8; Ex, XXXIV, 
5, etc.)* L'original indique une nuance qui échappe 
dans la traduction : même étant morts par nos of- 
^Jenseg, 

// nous a fait revivre avec Christ; et non, comme le 
traduisent nos versions reçues, que celle de Lausanne 
1839 a suivies : il nous a fait revivre ensemble avec 
Christ. 



eu. 11; 1-10. FOUR LES ÉPHÉSISKS. 87 

Ce mot ensemble exprime une nuance qui n'est pas 
indiquée par l'original ; il ne s'agit pas ici de notre 
réunion avec les autres chrétiens, mais de notre réu- 
nion avec Christ. Même remarque sur le verset sui- 
vant et sur Col. II, 13. Ce qui a entraîné les tra- 
ducteurs à cette faute, c'est probablement qu'ils n'ont 
pu comprendre que l'Apôtre ait pu dire au commeui- 
ment du v. 6 que Dieu nous a ressuscites et fait 
asseoir dans les lieux célestes avec Christ, et à la fin 
de ce même verset qu'il nous a fait tout cela en Jésusf 
Christ^ Mais c'est qu'il a voulu réunir deux idées qu'il 
a exprimées ailleurs séparément (avec Christ, Col. Il, 
13; en Christ, Éph. I, 3), par une de ces accumula- 
tions de pensées qui caractérisent son style, à la fois 
concis et abondant, 

La pensée de l'Apôtre, il nous a fait revivra avec 
Christ, un moment interrompue par une courte pa-- 
renlhèse, est reprise en ces termes : il nou$ a ressus- 
cites avec lui^ et fait asseoir avec lui dans les lieux cé- 
lestes* Le premier de ces trois verbes exprime, dans 
un seul terme général, le changement que Dieu a fait 
dans notre condition : nous étions mortel et il nous a 
fait revivre. Les deux autres développent cette idée 
générale et la partagent en deux idées particulières, 
dont Tune correspond à la résurrection de Jésus- 
Christ et l'autre à son ascension; voyez I, 20. 

Mais dans quel sens Dieu nous a^t-^il ressuscites avec 
ChriU et fait asseoir avec lui dans les lieux célestes? Il 



88 PREMIÈRE PRIÈRE DE l'APÔTRE CH. II, 1-10. 

n'est pas question ici d'une résurrection future et 
d'une ascension future au ciel; le temps du verbe, 
aussi bien que le contexte, indique qu'il s'agit d'une 
chose déjà arrivée. Il n'est pas question non plus 
d*une simple ressemblance de notre condition nouvelle 
avec celle de Jésus^Christ; les expressions de l'Apôtre 
indiquent clairement une participation réelle à l'œuvre 
que Dieu a accomplie en son Fils. Mais cette partici- 
pation, en quoi consiste-t-elle? Sur ce point, deux 
sentiments sont en présence. 

Calvin, que la plupart des commentateurs réformés 
ont suivi, voit ici cette communion intérieure et spi- 
rituelle avec Christ où nous entrons par la foi, et 
plus spécialement en recevant le Saint-Esprit. Mais, 
outre que cette interprétation ne rend pas bien 
compte de ces mots : il nous a fait asseoir avec lui dans 
les lieux célestesy elle n'est pas exactement en har- 
monie avec le but de l'Apôtre en cet endroit. S'il 
parle de notre résurrection avec Christ, ce n'est pas, 
comme dans Rom. VI, 4, ou dans Col. III, 1, pour 
nous exciter à une vie sainte, mais pour nous faire 
admirer la puissance et la miséricorde de Dieu dé- 
ployées dans notre salut; et « il ne s'occupe pas tant 
du changement intérieur accompli dans le croyant, 
que de l'œuvre de sa rédemption accomplie hors de 
lui, en Christ > (Gerlach). Harless et Olshausen, reje- 
tant cette première interprétation, voient ici l'œuvre 
de notre salut accomplie tout entière, comme en 



GH. llj i-iO. POUR LES ÉPHÉSrBNS. 89 

germe, dans le Sauveur, et rapprochent de notre pas- 
sage Rom. Vni, 30. € Il faut expliquer notre texte, 
dit Harless, par le rapport de la personne de Christ à 
chaque fidèle, et non par le rapport de chaque fidèle 
à la personne de Christ. Christ est notre tête et notre 
Rédenopteur (I, 22 et 7). Sa résurrection et son as- 
cension nous sont garants qu'il est le Rédempteur 
(Rom. IV, 24, 25). C'est donc en lui, ressuscité et 
monté au ciel, que l'espérance et la réalité de la ré- 
demption nous sont données ; et sa résurrection et son 
ascension sont nôtres, parce que c'est la résurrection 
et l'ascension de notre Rédempteur. > Aussi le même 
commentateur ne veut-il pas qu'on explique notre 
verset par Col. II, 13, où le fidèle est dépeint 
comme entré personnellement (par le baptême, v. 12) 
dans une communion spirituelle avec le Seigneur. 
Mais nous ne saurions nous ranger à cette opinion. 
Col. Il, 12, 13 nous paraît avoir trop de rapport avec 
Éph. II, 5, 6, pour que l'Apôtre n'ait pas traité le 
même sujet, dans les deux endroits, et l'idée niême 
du baptême peut être sous-entendue dans notre texte. 
De plus, la manière dont le verset que nous expli- 
quons est amené, et surtout ces mots : vous qui étiez 
morts par vos péchés, avec le développement qui les 
suit, nous semblent indiquer que l'Apôtre a voulu 
appeler l'attention des chrétiens d'Éphèse sur le 
changement personnel qui s'est accompli en eux, que 
son langage ne s'applique à eux qu'en tant et depuis 



90 PREMIÈBS PIOJl&E P£ l'AFÔTRE GH. U, i, 10. 

qu'ils ont cru au Seigneur, et que le moment de leur 
résurrection avec Christ n'est pas celui de sa résur- 
rection, mais celui de leur conversion. 

Entre les deux interprétations que nous venons 
d'indiquer, l'une purement suljj^ctmf et l'autre pure* 
rement olyectwe^ dont chacune a un côté vrai, mais 
sans épuiser la pensée de l'Apôtre, il y en ^ une troi- 
sième intermédiaire, qui participe à chacune des deux 
autres, et à laquelle nous croyons devoir nous arrêter. 
L'Apôtre parle tout ensemble de Tœuvre intérieure 
qui s'est accomplie dans le chrétien quand il a cru, 
et de l'œuvre extérieure qui a été accomplie d'avance 
pour lui dans la personne de Jésus-Christ; et la pre- 
mière (qui est postérieure dans l'prdre du temps) ga- 
rantit h seconde^ Nous avons été ressuscites et nous 
sommes montés au ciel, dans la personne de Christ 
notre représentant; mais nous n'avons été unis à 
Christ, ni par conséquent associés à son œuvre^ que 
par notre foi. La foi en Christ forme entre Christ et 
nous une union mystérieuse et spirituelle, mais réelle 
et vivartte, par laquelle nous entrons en partage de sa 
nature, de sa personne, et de son histoire* 

Il « demeure en nous et nous en lui ï> (Jean XV, 
4); il « habite dans nos cœurs, par la foi > (Éph. III, 
16, 17); nous sommes « participants de Christ » 
(Hébr. III, 14), et par lui, « de la nature divine » 
(2 Pierre I, 4); « membres de son corps, de sa chair 
et de ses os (Éph. V, 30); Christ est en nous comme 



CH. II, 1-iO. POUR LES ÉPHÉSIENS. 91 

le Père est en lui (Jean XVII, 23), et prie ainsi pour 
nous : « Qu'ils soient un; comme toi, Père, es en 
€ moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous ! » 
(Jean XYII, 21). C'est parla que nous mourons avec 
Christ mourant, que nous ressuscitons avec Christ 
ressuscitant, et que nous montons aux cieux avec 
Christ montant aux cieux (Rom. VI, 46; VII, 4; 
Éph. I, 3; Col. II, 13; III, 1, etc.); ce qui lui arrive 
nous arrive, et l'histoire entière du Fils de l'homme 
se reproduit en l'homme qui croit en lui, non par une 
simple analogie morale, mais par une communication 
spirituelle, qui est le vrai secret de notre justification 
comme de notre sanctification, et de notre salut tput 
entier. Ce n'est pas le lieu de développer cette doc-^ 
trine, qui étonnera plus d'un lecteur peut-être, et il 
n'y a pas de développement qui en puisse éclaircir à 
fond le mystère. Mais elle nous paraît seule prendre 
la Parole inspirée telle qu'elle est, et sans l'affadir par 
des métaphores perpétuelles; et seule aussi avoir la 
plénitude de la vérité et de la vie, parce qu'elle nous 
met en rapport direct avec la personne vivante de 
Christ, L'idée chrétienne ne suffit pas, il nous faut la 
réalité chrétienne; les dons de Christ ne suffisent pas, 
il nous faut Christ lui-même. 

Telle est, selon nous, la pensée de l'Apôtre dans 
notre verset. Elle réunit et combine le sens de Harless 
avec celui de Calvin. Dieu nous a, par la foi, tellement 
unis à JésuS'Christ, que nous sommes ressuscites et 



93t PREMIÈRE PRIÈRE DE l'APÔTRE GH. II, 1-10. 

montés âu ciel, avec lui et en lui; l'Apôtre dit Tun et 
l'autre dans le même verset, réunissant ainsi deux 
idées, qu'il exprime ailleurs séparément (avec lui, 
Col. II, 13; en lui, Éph. I, 3). Est-ce par une de ces 
accumulations de pensées qui caractérisent son style? 
Peut-être; mais nous sommes portés à croire que 
cette réunion tient encore à une autre cause. Cha- 
cune des deux prépositions employées successive- 
ment par l'Apôtre correspond, ce nous semble, à 
l'une des deux faces par lesquelles il nous montre le 
chrétien associé à l'exaltation de Christ. Nous avons 
été exaltés avec Christ^ le jour que nous avons cru 
personnellement en lui, et nous avons été exaltés en 
Christ le jour que Christ lui-même a été exalté en 
notre nom et en celui de tous les élus. 

Vous avez été sauvés par grâce. Nous avons déjà fait 
remarquer que saint Paul a substitué le nous au vous 
dans le v. 5, ce qu'il continue de faire dans les 
versets suivants (7, 40), pour embrasser tous les 
croyants, Juifs et Gentils, dans un même salut. Mais, 
comme c'est à des Gentils qu'il écrit, il retombe na- 
turellement dans le vous chaque fois qu'il prend le 
ton de l'avertissement ou de l'instruction. Cette ex- 
pression, vous avez été sauvés (traduction plus littérale 
que celle de nos versions, vous êtes sauvés)^ marque 
que, pour le croyant, uni avec Jésus-Christ, ainsi 
qu'on vient de le voir, le salut est tout acquis dans le 
Sauveur; c'est danslemême esprit que l'Écriture dit 



GU. U^ 1-10. POU A LES ÉPHÉSIENS. 93 

ailleurs : c Celui qui croit âu Fils a la vie éternelle » 
(Jean III, 36). L'Apôtre y revient au v. 8, où les 
mots qu'il ajoute, c par la grâce, par la foi, » font 
assez connaître qu'il a entendu parler, non d'un salut 
purement objectif et virtuel, mais d'un salut subjectif 
et personnel. Il est donc dans l'ordre, et dans l'in- 
tention de Dieu, que le croyant se tienne assuré de 
son salut; et le doute sur ce point, bien qu'on le 
trouve chez de vrais enfants de Dieu, est pourtant un 
état malade de l'âme. L'ériger en principe, et taxer 
d'orgueil l'assurance du salut, c'est montrer qu'on 
fait dépendre le salut de la justice propre et non de 
la seule justice de Dieu ; car pourquoi ne pourrait- 
on sans orgueil s'attribuer un bien qu'on croit avoir 
€ reçu » (1 Cor. IV, 7)? 

L'Église romaine est conséquente avec sa doctrine 
sur le mérite des œuvres en condamnant l'assurance 
du salut; et saint Paul ne l'est pas moins avec sa 
doctrine sur la grâce toute pure (Rom. IH, 24), en 
écrivant aux chrétiens d'Éphèse ; c Vous avez été 
« sauvés par grâce. » 

Ces mots forment une parenthèse après laquelle 
l'Apôtre reprend son développement, un moment 
suspendu, de la résurrection du croyant avec Christ. 
En les liant au développement par une addition que 
rien ne justifie dans l'original, nos versions ont privé 
leurs lecteurs d'une leçon utile. La doctrine que l'A- 
pôtre a commencé d'exposer lui paraît tellement 



9i PREMIÈRE PRIERE DE L^ÀPÔTBE OU. Il, 4-iO. 

remplie de la grâce de Dieu, qu'il s'arrête au milieu 
de sa phrase, et qu'anticipant sur la conclusion de 
notre fragment (8-10), il laisse échapper de son 
cœur trop plein cette exclamation : « Vous ayez été 
< sauTés par grâce ; > et, par la manière dont sa pa- 
renthèse est enclavée dans la phrase, il nous fait 
comprendre comment la grâce de Dieu est engagée 
dans la doctrine. 

Dam le$ siècles à venir. Cela ne signifie pas dans tes 
générations hmainês futures (et c'est à tort qu'on a 
cité comme parallèle 1 Tim. 1, 16), mais, dans l'éco- 
nomie nouvelle et glorieuse que le Seigneur doit 
substituer un jour à l'ordre de choses actuel, et que 
saint Patll appelle ailleurs le siècle à venir (I, 21), le 
monde à venir (littéralement le globe à venir, Hébr. 
Il, 5), etc. Ces mots êclaireissent une expression que 
nous avons trouvée trois fois dans le premier chapi- 
tre, à la louange de êa gloire (12, 14), on à là loUange 
de la gloire de sa grâce (6). La grâce de Dieu en Jésus- 
Christ envers nous qui croyons commence sans doute 
à être reconnue dans l'économie actuelle, et notre 
épitre en est une preuve éclatante; mais elle ne éera 
pleinemeiït comprise et dignement célébrée qu'après 
que -€ Christ, notre vie, aura été manifesté » (Col. III, 
4), et que « ce que nous serons, i» nous, enfants de 
Dieu, l'aura été en lui et avec lui (1 Jean III, 2). 

Vam avez éli sauvés par la grâce, par la foi. Une 
nuance importante est perdue dans la traduction : à 



GH. n^ i-iO. POtR LES ÉPHÉâlENS. 9K 

ces deux par correspondent dans l'original deux pré- 
positions différentes, dont l'une, placée avant la grâce, 
indique la cause, et l'autre, placée avant la fM, le 
moyen. 

La version de Lausanne a rendu cette nuaticé 
d'une manière assez exacte, mais un peu pesante : 
« C'est par la grâce que vous êtes sautés, par le 
€ moyen de la foi. * Nous préférons Tune ou l'autre 
de ces deux traductions, que nous trouvons dans de 
vieilles Versions catholiques : « Vous M^s sauvés de 
€ grâce par la foi, * ou, t C'est la grâce qui vou« a 
i sauvés par la foi. > Cette dernière surtout est fort 
heureuse, et nous l'aurions adoptée dans notre texte, 
sans notre respect scrupuleux, pefut-être excessif, 
pour le tour de lapenàée dans l'original. Une nuance 
analogue, sans être exactement la môme, est indi- 
quée Rom. IV, 16 : « C'est par la foi afin que ce ôoil 
€ selon la grâce. * 

Notre verset détermine le vrai rappwt de la grâce 
à la foi, et récipro(}tiement. La grâce ei^ Ict cause 
première du salut ; la foi est le moyen par lequel W 
nous est approprié; ou, si l'on veut, la première est 
le principe objectif du salut, la secoûde en est le 
principe subjectif. La grâce donne le salut, ^ la foi 
le fait; celle-ci peut être appelée la main de l'homme, 
celle-là, la main de Dieu. Puisque la grâce n'agit 
que par la foi, la grâce n'a point de prise où la foi 
n^est pas^ et cette immense miséricorde, déployée en 



90 PREMIÈRE PRIÈRE DE l'APÔTRE GH. II^ 1-iO. 

Jésus-Christ mort et ressuscité, est pour celui qui 
ne croit pas comme si elle n'était point. Mais aussi, 
puisque la foi n'est qu'un instrument de la grâce, il 
faut exclure de l'idée de la foi tout ce qui, de près 
ou de loin, en ferait une condition méritoire. La foi 
n'est qu'un moyen que la grâce a choisi; et elle l'a 
voulu choisir de telle nature que tout mérite humain 
fût anéanti : telle est la portée de la conjonction afin 
que dans le passage de l'épître aux Romains que 
nous venons de rapporter : c C'est par la foi, afin 
€ que ce soit selon la grâce. » (Voyez encore Rom. III, 
26.) Cependant cette déclaration si expressive ne suf- 
fit pas encore à saint Paul; ce qu'il a dit sous la 
forme positive, il va le redire sous la forme néga- 
tive, pour ne laisser au cœur humain aucune possi- 
bilité d'échapper à la doctrine de la grâce la plus 
gratuite. 

Et cela, non par vous-mêmes, c'est le don de Dieu ; 
non par les (swcres, afin que nul ne se glorifie. Par cela 
il faut entendre, non la grâce ou la foi, mais le salut, 
qui est l'idée renfermée dans le verbe : « Vous avez 
€ été sauvés. > Ce salut qui est c par la grâce, par la 
€ foi, > n'est point par vous-mêmes^ ni par les œuvres 
(littéralement « de vous-mêmes, > ni « des œuvres ;> 
c'est ici une troisième préposition), soit que < non 
« par les œuvres, :> soit un simple éclaircissement de 
€ non par vous-mêmes, > soit que l'on doive, avec 
un degré de plus d'exactitude, opposer < non par 



CH. II, 1-10. POUR LES ÉPHÉSIENS. 97 

« vous-mêmes * à c par la grâce, > et t non par les 
€ œuvres » à c par la foi. > Quoi qu'il en soit, le fond 
de la pensée de TApôtre est limpide comme la lu- 
mière du jour. Nous la retrouvons en termes non 
moins clairs, Tite El, 4 et suivants. (Voyez encore 
Gai. II, 16; Phil. UI, 9; Rom. IV, etc.) On ne con- 
cevrait pas qu'avec ce texte sous les yeux, des hom- 
mes, qui se disent soumis aux Écritures, puissent 
rejeter la doctrine de la grâce, si Ton ne se rappelait 
une pensée, que le réformateur Bucer exprimait 
en ces termes dans une note sur le v. 4 de notre 
chapitre : « Ces paroles sont assez claires et très 
faciles à comprendre^ pourvu que le Seigneur nous les 
rende également faciles à croire. ^ 

C'est le don de Dieu; on se sert quelquefois de ces 
paroles pour prouver que la foi est un don de Dieu. 
Mais ce n'est pas exactement la pensée de l'Âpôtre ; 
c'est le salut qui est un don de Dieu *. Cependant la 
foi est un don de Dieu, en tant qu'elle est l'un des 
éléments de ce salut donné tout entier de Dieu. 
Aussi notre Apôtre écrit-il aux Philippiens : « Il vous 
« a été donné de croire. » 

Afin que, l Cor. I, 31 ; 2 Cor. X, 17, etc. Il faut 
laisser à cette particule son sens propre, et ne pas 



^ Dans ce sens, un ancien commentateur a raison de dire : « Le don 
de Dieu^ ce n'est pas la foi^ mais le salut par la foi. » Seulement il se 
serait exprimé plus exactement en disant : Ce n'est pas la foi, mais le 
salut. 

1 



96 PREMIÈRE PRIERE DE L^APÔTRE GH. n^ 1-10. 

l'expliquer par en sorte que. L'anéantissement de 
la justice propre et de la gloire propre n'est pas seu- 
lement une suite nécessaire du sajut gratuit, c'est en • 
coreiin but que Dieu s'y est proposé, t L'Écriture, 
dit Harless, voit souvent un dessein où nous ne 
voyons qu^une conséquence, parce qu'elle pénètre 
au dedans des rapports que nous n'apercevons que 
par le dehors. » 

Car nous sommes son ouvrage y eto. Le rapport de^ 
œuvres à la |ii est indiqué aussi nettement ici que 
oelui de la foi à la grâce l'a été dans le v. 8, 4 non 
« par les œuvres, mais pour les bonnes œuvras. » 
Gela est admirable. Ce petit mot concilie saint Paul 
et saint Jacques mieux que tous les commentaires. 

Par la grâce, par le moyen de la foi, pour les 
bonnes œuvres, voilà les trois degrés par lesquels 
se développe le salut, selon l'Apôtre; la grâce 
en est le principe, I^ foi le moyen, et les bonnes 
œuvres le résultat. La gratuité de Dieu ne parait 
pas moins dans le troisième que dans les deux 
autres» Loin que les bonnes œuvrer d'un étiré- 
tien doivent lui faire méconnaître la gratuité de son 
salut, elles la font éclater, au contraire, et cela d'au- 
tant plus qu'elles sont plus pures et plus abondantes. 
Car lui, qui les fait, est « Vouvrage de Dieu, ayant été 
% créé en J^sus-Christ^ pour les bonnes œuvres. » Créé, 
c'est créé ; ce mot, qui résume toute la doctrine qui 
précède, nous apprend que la régénération d'une 



GH. 11^ i-iO. POUR LES ÉPBdsi£lf$. 99 

âme est ^ussi réeUement un aliquid eçc nihilo que la 
création du monde ; l'introduction d'un principe nou- 
veau dans l'homme, non le développement d'up 
germa existante (Voyez Éph. IV, 24; Gai. VI, 15; 
Tite III, 5; 2 Cor. V, 17, etc). Or, nous sommes 
créés « pour lejs bonnes œuvres ; » et cela contre 
tout à la fois, et combien peu elles nous appartien- 
nent, et combien elles sont nécessaires. 

Que Dieu a préparées, etc. Ostervald a traduit : 
i< Pour lesquelles Dieu nous a préparés, afin que 
€ nous y marchions. » Cette traduction est rigoureu- 
sement admissible ; mais, outre qu'elle est moins con- 
forme que l'autre au génie de la langue originale, 
elle ne fait que répéter, en l'affaiblissant, une pensée 
déjà exprimée. Comment l'Apôtre, qui vient de dire 
que nous avons été créés pour les bonnes œuvres, 
pourrait-il ajouter que nous avons été préparés pour 
elles ? Non ; mais pour nous mieux convaincre que 
rien ne vient de nous dans nos bonnes œuvres, l'A- 
pôtre, ayant dit d'abord que nous B.voïisété créés pour 
ellesy ajoute maintenant qu'elles ont été préparées pour 
nous, par une sorte d'harmonie préétablie entre le 
cœur du croyant et sa vie. Par un salut qui nous est 
donné tout fait, nous entrons dans un chemin de 
bonnes œuvres tout prêt, et où il ne nous reste plus 
qu'à marcher, pas à pas, de bonnes œuvres en bon- 
nes œuvres, en suivant le plan de Dieu, et non en 
nous en traçant un à nous-mêmes. La vie de Jésus- 



iOO PREMIÈRE PRIERE DE l'APÔTRB. CH. II, 1-10. 

Christ est le parfait modèle, d'un pareil chemin de 
bonnes œuvres; appliquons-nous à Timiter. Que nous 
y marchions : comme « nous avons marché autrefois 
< selon le péché de ce monde. > La sainteté ne doit pas 
être un état moins permanent pour le chrétien, que 
l'était pour lui le péché avant sa conversion. 



IV 

SECONDE PRIÈBE DE l' APÔTRE POUR LES ÉPHÉSIENS. 
Ghap. II, 11-111,21. 

Nous réunissons sous un même chef la seconde 
moitié du chapitre II et tout le chapitre III (II, H-III, 
21 ), comme nous avons fait la dernière moitié du 
chapitre I et la première du chapitre II (1, 15-11, 10); 
et nous donnons à Tun de ces fragments le nom de 
la prière qui le termine (III, 14-21), comme nous 
avons donné à Tautre celui de la prière qui le com- 
mence (I, 15-19). Ainsi, tout ce que TApôtre écrit 
aux Éphésiens depuis I, 15 jusqu'à la fin du cha- 
pitre ni se trouve enfermé entre deux prières. On peut 
ajouter que ces deux prières sont étroitement unies 
entre elles, et que la seconde n'est que l'achèvement 
de la première, qui avait été comme suspendue par 
des développements intermédiaires. L'Apôtre, ayant 
passé d'abord de sa prière pour les Éphésiens au dé- 
veloppement de la puissance de Dieu, déployée en 
Jésus-Christ et dans les chrétiens d'Éphèse, revient, 
{lar un nouveau développement de la grâce accordée 



102 SECONDE PRIÈRE DE l' APÔTRE GH. 11^ 11-111^ 21. 

à ces Gentils, à sa prière commencée, et répand enfin 
tout son cœur pour eux devant Dieu. On a coutume 
d'appeler les trois premiers chapitres de notre Épître 
sa partie dogmatique, par opposition aux trois derniers 
qui contiennent l'application pratique ; et cette divi- 
sion est fondée^ Mais quelle dogmatique que celle de 
notre Apôtre ! quelle exposition de foi que celle qui 
se réduit à une action de grâces, suivie de deux 
prières, ou, si Ton veut, d'une prière ! que la théo- 
logie de rÉcriture sainte est différente de celle de 
nos formulaires et de nos confessions de foi, même les 
|)lus fidèles ! 

Cependant la ferveur des sentiments ne trouble pas 
l^ordre des pensées ; et c'est encore un caractère du 
style de saint Paul. Dans le développement où nous 
entrons, il continue de montrer aux Éphésiens la 
grâce que Dieu leur a faite ; mais il la montre sous 
un nouveau point de vue. Ces Gentils, autrefois ex- 
clus de l'alliance que Dieu avait traitée avec Israël, 
ont été maintenant rendus participants de la pro- 
messe, en Jésus-Christ, par le ministère des apôtres 
et par celui de saint Paul en particulier; ce qui Tex- 
cite et Tencourage tout ensemble à prier pout* qu'ils 
recueillent à pleines mains le fruit de leur communion 
nouvelle avec le peuple de Dieu et avec Dieu lui-même. 
De ià trois parties dans ce morceau : les Gentils asso- 
ciés avec Israël et réconciliés avec Dieu (II, H-22); 
le ministère de TApôtre auprès des Gentils (III, 1-13); 



CH. n, 11-22. POUR LES ÉPHÉSIBN3. l03 

et la prière de TApôtre pour les Gentils qui oht cru 

(ni, 14-21). 

i« Ijeft Gentils associés avec Israël et réconcilias avee; Dieu, 
II, 11-22. 

1 1 . Cesl pourquoi souvenez-vous que vous, autrefois 
les Gentils dans la chair j appelés incirconcision par ce qui 
est appelé circoncision, faite de main dans la chair^ 
12. vous étiez en ce temps-là hors de Christ^ séparés de 
la république ^ d'Israël et étrangers aux alliances de la 
promesse, n'ayant point d'espérance et sans Dieu dans le 
monde. 13. Mais maintenant en Jésus^Christ, vous qui 
étiez autrefois loin avez été rapprochés par le sang de 
Christ. 14. Car lui-même est notre paix, qui des deux 
choses en a fait une, et a renversé le mur mitoyen de la 
clôture. 15. Ayant aboli, en sa chair, l'inimitié, la loi des 
commandements en ordonnances, afin qu'il créât les deux 
en lui-même pour être un seul homme nouveau, en fai- 
sant la paix ; 1 6. et quHl réconciliât les uns et les autres 
en un seul corps avec Dieu, par la croix, ayant tué en elle 
r inimitié, il. Et étant venu, il a évangélisé la paix à 
vous qui étiez loin, et à ceux qui étaient près; 18. car 
par lui, nous avons accès les uns et les autres, en un seul 
Esprit, auprès du Père. 19. Ainsi donc, vous n'êtes plus 
étrangers ni forains, mais concitoyens des saints et gens 
de la maison de Dieu ; 20. ayant été édifiés sur le fon^ 

^ Ou commufiouté. 



104 SECONDE PRIÈRE DE L^iUPÔTRE CH II, 11-22. 

demetfU des apôlres et prophèleSj la première pierre de 
V angle élanl Jésm-Chrisl lui-même; 21 . en qui tout ïédi-- 
fiée bien coordonné croît pour être un temple saint au 
Seigneur. 22. En qui vous aussi êtes édifiés^ pour être 
une habitation de Dieu en esprit. 

Souvenez-vous. Il est écrit : « Soyez reconnaissants ; > 
ce qui signifie avant tout, soyez reconnaissants en- 
vers Dieu (Col. III, 15). Il faut que les Gentils qui 
ont cru se rappellent quelle a été leur condition pre- 
mière (11, 12), comment « Jésus-Christ, et Jésus- 
« Christ crucifié » les en a retirés (13-18), et les a 
placés dans la condition toute contraire dont ils jouis- 
sent aujourd'hui (19-22). Ceci nous intéresse direc- 
tement. Les Éphésiens sont ici les représentants des 
Gentils en général; ainsi s'explique l'emploi singu- 
lier de l'article dans ces mots : « Vous, autrefois les 
« Gentils^ > au lieu de « vous, autrefois Gentils, » nous 
sommes les enfants des Gentils, et, s'il y a avait une 
différence à faire entre Gentils et Gentils, nos pères de- 
vraient être rangés dans la classe la plus ténébreuse, 
étant de ceux qui ont été tout à la fois les plus éloi- 
gnés de toute communication avec le peuple d'Israël, 
et les plus dépourvus des lumières même de la phi- 
losophie. Mais ce dernier point est de peu d'impor- 
tance en comparaison du premier, et l'Apôtre met 
tous les Gentils sur la même ligne, quelles qu'aient 
pu être leurs lumières naturelles. Si l'Évangile n'eût 
pas été apporté à nos pères, nous serions encojœ 



GH. H^ 11-22. FOUR LES EPHÉSIENS. 105 

aujourd'hui dans Tétat où avaient été les Éphésiens 
avant leur conversion, et que saint Paul décrit par les 
traits suivants : 

Les Genlils dans la chair ^ etc. Ces mots « dans la 
€ chair > doivent avoir la même signification ici, et 
dans la fin de notre verset. Les Éphésiens étaient 
Gentils dans la chair ^ comme les Juifs étaient circon- 
cis dans la chair. Il manquait aux premiers le signe 
extérieur et visible de l'alliance avec Dieu, la circon- 
cision. Mais, avec ce signe, il leur manquait encore 
la grâce intérieure et invisible dont il est le sceau 
(Rom. IV, 11), cette autre t circoncision qui ne se 
€ fait point avec la main i> (Col. II, 11), « la circon- 
€ cision du cœur, en esprit » (Rom. Il, 28). Cette se- 
conde pensée est celle sur laquelle TApôtre s'arrête, 
et qu'il développe dans le v. 12. Ce n'est pas ainsi 
que l'entendaient les Juifs, qui, pour être « d'Israël, » 
n'étaient pourtant pas « Israël d (Rom. IX, 6). A leurs 
yeux, « la circoncision (extérieure) faite de main dans 
< la chair » était le point essentiel; leur privilège 
était de la posséder, et ils l'appelaient fièrement « la 
circoncision ; i> en être privés était le malheur des 
Gentils, qu'ils appelaient avec dédain « l'incirconci- 
€ sion. > Dans les derniers mots de notre verset, l'A- 
pôtre jette en passant un blâme indirect sur cette 
tendance charnelle ; car, outre qu'il ne manque au- 
cune occasion de la combattre (Rom. Il, 25-29 ; 
Col. II, H, etc.), il lui importait de faire comprendra 



106 SECONDE PftïÈRE 1)E l'APÔTRE CH. II, 11-22. 

en cet endroit, où il allait rabaisser la condition des 
Gentils au-dessous de celle d'Israël, qu'il le faisait 
dans un autre esprit que ses compatriotes, et que le 
rtiàlheur des Gentils était mdins encore l'absence du 
signé c[ue l'absence de la grâce sigtiifiée, sans la- 
quelle le signe devenait inutile aux Juifs eux-iilêmes. 
Au reste, ôii voit ici à la fois rim][)Ortalilce du signe 
extérieur de l'alliance, et son insuffisance. On pouvait 
âiroii* le signe iSails avoir la grâce signifiée, mais dn 
bë pbuvâit avoi^ la grâce signifiée sans avoir le signej 
on lie le pouvait du moins dans l'ordre général des 
dispensations divines, bien que la chose ne fût pas 
ithpossible eri sbi hi sans exemple (Rom. IV, 10, H). 
Kàpprochëz de ce passage la manière dont nôtre 
Seigneur s'eiprimë ati sujet du baptême, qui deVàit 
remplacer la circoncision comme signe de la nouvelle 
alliandé (Mai^c XVÎ, 16) : « Celui qui aura cru et qui 
t aura été baptisé sera sauvé ; mais celui qui n'aura 
c pas cru (baptisé oU non) sera condamné. > C'est 
dans lé même esprit que le Seigneur, ayant déclaré ' 
hédeSsslit'e la doublé naissanfee et « d'eau et d'Esprit * 
àû V. 5 de Jean 111, ne parle plus qtte de « l'Esprit » 
au V. 6. 

^ Par ce jwi est appelé circoncision^ faite de inain en* la 
chair. LocUtioti elliptique, pour : ce qui est appelé cir- 
concision [à cause de la circoncision), faite de main dans 
là chair. On peut traduire également « qui s'appelle 
€ circbtifcision. > L'Apôtre indiquerait alors que c'est 



CH. Il, 11-22. POUtl lÊS ÉPHÉSIÈNS. iOI 

le nom que les Juifs Éé dotitient à eux-mêmes, tan- 
dis que là version reçile, que nous avons suivie, iiî- 
dl(Jtlfe en même teitlps qtie c'est le nom que leut 
donnent les Gentils. Nous nous décidons pour cette 
dérniëre version, pat^cé qu'elle ajoute aux pensées 
que noua avons expoi^es ci-dessus une nuance im- 
portante, et qui doit être reprise plus bas, v. 14 
et 18, celle de l'antagonisme qui existait entre les 
Gentils et les Juifs, qui se jetaient les uns aux autres, 
avec un égal dédain, les épithètes d'iticircbncis et de 
circoncis. 

Hors de ChHsl. Après avoir montré les Gentils 
dans lé V. Il privés de la circoncision extérieure, 
et àVôir ddiirié à entendre qu'ils l'étaient par consé- 
quent aussi de la circoncision spirituelle, TÂpôtre 
développe cette seconde pensée, et décrit dans le 
V. 12 la conditioh religieuse des Gentils, privés de 
toute lumière divine, et oomplétemeht livrés â la 
nature aveugle et pervertie. Rapprochez de ce tableau 
celui (Ju'il en fait encore IV, 17-19 : « Hors de 
« Christ, » trait général, que l'Apôtre subdivise en- 
suite eri plusieiîft autres. Mais celui-là les contient 
tous eiï germe. « Nul ne va àli Père que par le Fils ; » 
et Chrifet renferme eri lui seul toutes les espérances 
religieuses de Thumariité dslns tdus les temps. 

JésûS'ChHÈli c'est-à-dit*e le Christ, riianiffesté dans 
l'hdmme Jésus, n'a J)arù qu'avec la nouvelle alliance; 
aussi remarquez que l'Apôtre dit ici < hors de Christ ^% 



UO SECONDE PRIERE DE L^APÔTRE CH. II, 11-2Î. . 

sabbats, l'holocauste continuel et les sacrifices, etc. 
Dq. tout cela, les Gentils étaient séparés^ ou, selon 
l'énergie de l'expression originale qui marque une 
intention du fondateur, ils eit étaient ei^clus^ De là, 
par uqe suite nécessaire, ils étaient privés de cet 
autre privilège, dont le premier n'était que l'enve- 
loppe et la garde extérieure : ils étaient c étrangers 
< aux alliances de la promesse; ^ à cette ^lliq.nc6 que 
Dieu avait traitée avec Abraham, et renouvelée plu- 
sieurs fois avec sep d^scendants, ce qui fait que 
l'Apôtre la désigne par un mot mis au pluriel (comme 
dans Rom. IX, 4, 5, où il met également au m^me 
nombre le mot promesse). On i^ait que cette alliauiîe 
était f^ite PR vertu d§ h promesse, et que cette pro- 
messe avait pour ntget la vf nue du Christ dan^ la far 
mille d'Abraham et sur la torre 4pnné6 à Abr^hau)* 
li^s Gentils, bien que compris pour l'avenir dans la 
promesse, n'étaient point entrés dans l'ailiappe et n'y 
devaient pas entrer avant l'avènement du Christ. 
Jusque-là, la promesse était déposée dans le s@in 
d'Israël, et, par cette constitution dont nous paillions 
tantôt, tout à la fois garantie à ce peuple et mis^ iipr^ 
de la portée de tou3 les autres. 

N'ayant point d'espérance etsan^ Dieu dan^ le moiule. 
Ainsi séparés du peuple de Christ, les Gentils l'étaient 
aussi du Dieu de Christ; et ils ne pouvaient entrer eu 
communion avec Pieu sans entrer avec rapport avec 
Israëh Je ne connais rien dans l'Ëcriture qui donne 



Cg. n, il-Sâ. (DUE L£S ÉPSisIBNS. 411 

une plus haute idée des privilèges d'Israël, et, par 
analogie, des privilèges du peuple de Dieu et d& «oa 
Église dans tous les temps, Nous pouvons dire d« 
Talliance visible de Dieu ce que nous disions tautôt 
du signe visible de cette alliance : $voir part k y^U 
liance visible est insuffisant, mais nécessaire, du 
moins dans Tordre général des dispensations divines; 
et, dans ce sens, il y a de la vérjté dans cejte maxime 
si justement décriée pour l'abus qu'on pn a fait : 
€ Hors de l'Église point de salut. » Seulçment, il ne 
faut pas se tromper sur ce qu'est l'Église, Dieu a un 
peuple sur la terre, et il faut, quand on veut jouir de 
la grâce, se rattache^ à ce peuple de Dieu, dépositaire 
de ses promesses pt de sa parple. Apprenons encore 
de cet endroit Pestime que nous devons faire d'Jsraël, 
nous qui n'avons pu venir à Dieu qu'en deven£^nt en 
JésuS'Christ, un avec Israël, si bien que nous somn^e^ 
appelés nous-mêmes « l'Israël de Dieu !► (Gai. YI, 16). 
Les Gentils donc sont sans espérance. L'espérance 
dont il est iei question est celle qui ^e rapporte ^ la 
promesse ci^-dessus rappelée; c'est l'iespérance d'un 
Sauveur, et par conséquent du salut; puis, pî^r exten* 
sion, l'espérance de la vie éternelle et de touta yvm 
félicité. Cette espérance se trouvait chez le Juif 
croyant, et, pour se justicier devant Agrippa, il suffit à 
saint Paul de lui prouver qu'il n'est coupable que d'en 
avoir attendu l'accomplissement : « Et maintenant 
4 je comparais en jugement pour l'espérance de la 



412 SECONDE PRIÈRE DE l' APÔTRE CH. II, il-22. 

« promesse que Dieu a faite à nos pères, à laquelle nos 
« douze tribus, qui servent Dieu continuellement nuit 
« et jour, espèrent de parvenir; et c'est pour cette es- 
« pérance, ô roi Agrippa, que je suis acccusé par les 
t Juifs > (Actes XXVI, 6,7). Mais le Gentil n'avait rien 
de semblable. Autre est l'attente d'une vie future, qui 
existait dans le paganisme, mais superstitieuse et ridi- 
cule chez le peuple, vague et incertaine chez les phi- 
losophes, autre est Tespérance du salut et d'un Sau- 
veur, telle que l'avaient les Juifs, mais auquel les 
Gentils étaient si loin de s'attendre, qu'ils n'en sen- 
taient pas même le besoin déterminé, n'ayant pas 
connu la vraie nature ni la coulpe du péché. Je dis le 
besoin déterminé : car le sentiment obscur de ce besoin 
a toujours existé chez les païens, tant anciens que 
contemporains; et il a paru, tantôt par les aberra- 
tions étranges de la justice propre en recherche 
d'une expiation, tantôt par la paix à la fin trouvée 
dans la doctrine de la croix. 

Le Gentil est en même temps sans Dieu (littéra- 
lement athée) dans le monde. Non que les païens 
n'aient rien connu de Dieu (Rom. I, 19, 20), ni que 
les philosophes ne se soient élevés même à l'idée d'un 
Dieu unique, spirituel et Créateur, bien que tout cela 
ait été très confus dans l'esprit même des plus sages. 
Mais, eussent-ils eu les notions plus nettes de nos 
déistes modernes, ce dont il s'en faut beaucoup, ils 
n'en seraient pas moins sans Dteu, ou athées, au 



CB« n^ 11-22. fOUB LES ÉPUÉSIEN8. 113 

sens dé l'Âpôtre. Car leur Dieu, n'étant pas le Dieu de 
Jésus-Christ, n'est pas non plus le Dieu de l'homme, 
€ le Dieu vivant et vrai, > qui se communique 
à l'homme, qui vit dans l'homme, qui sauve, sanc- 
tifie et console l'homme. « Le déisme ne trouve Dieu 
que dans le ciel ; le panthéisme ne le trouve que sur 
la terre; le christianisme seul le trouve à la fois dans 
le ciel et sur la terre** >! Ajoutons que le déisme et le 
panthéisme n'ont pas même ce qu'ils paraissent avoir; 
car le Dieu qu'on ne trouve que dans le ciel n'est pas 
même le Dieu du ciel, et le Dieu qu'on ne trouve que 
sur la terre n'est pas même le Dieu de la terre. Les 
mots « dans le monde » sont un dernier coup de pin- 
ceau qui relève l'horreur du tableau. Être « sans 
c Dieu > est toujours affreux; mais combien affreux 
surtout € dans le monde, ï> dans ce pauvre monde 
qui a tant besoin de Dieu, étant si criminel et si misé- 
rable. C'est sur la face de ce monde que le Gentil est 
jeté sans Dieu*. Au reste, « sans Dieu dans le 
c monde » répond à « séparés de la république d'Is- 
t raël, > comme « n'ayant point d'espérance, ï> ré- 
pond à « étrangers aux alliances de la promesse. > 

Voilà la condition des païens, telle que Dieu la voit. 
Qui veut travailler à les en retirer? qu'il entre active- 
ment et de toute sa puissance dans l'œuvre des Mis- 

* Harless. 

« « The wide, vain world, wherein ye wandered up and down, un» 
holy and unhappy. » ( Wesley, Explanatory notes upon the new Testa • 
ment.) 

8 



444 SECONDE PRIÈRE DE l'aPÔTRE GH. II^ 11-32. 

sions, qui n'a pas d'autre objet, et qu'il se dise : Tel 
serait mon état, si Jésus-Christ n'avait été annoncé 
à nos pères par les missionnaires d'autrefois! Car 
l'unique moyen par lequel des Gentils puissent être 
délivrés de cette affreuse misère, c'est « Jésus-Christ 
« et lui crucifié, » C'est ce que l'Apôtre fait voir pour 
les Éphésiens dans les v. 13-18. 

Mais maintenant, en Jésus- Christ ^ c'est-à-dire, 
maintenant que vous êtes en Jésus-Christ, Être « hors 
€ de Christ, > voilà le titre et le résumé de leur mi- 
sère précédente, et tout le v. 12 n'a été qu'un déve- 
loppement de ce commencement. Être « en Jésus- 
« Christ » (l'Apôtre ajoute cette fois au nom de 
Christ celui de Jésus, qui ne pouvait lui être donné 
dans le v. 12, où il s'agit du Messie annoncé parles 
prophètes, mais non encore manifesté dans l'homme 
Jésus), être « en Jésus-Christ, » c'est le titre et le 
résumé de leur condition nouvelle, et tout ce qui suit 
n'est que le développement de ces deux mots. 

Vous qui étiez autrefois loin avez été rapprochés (lit- 
téralement : êtes devenus près). Ces expressions, loin 
etpréSy empruntées à Ésaïe XLIX, 1 et LVII, 19, dési- 
gnent, dans le langage du Nouveau Testament, et 
aussi dans celui de la théologie judaïque, la position 
respective des Gentils et des Juifs (Actes II, 39). Les 
Gentils, autrefois exclus d'Israël et étrangers à l'al- 
liance (v. 12), ont été rapprochés depuis qu'ils sont 
en Jésus-Christ. Rapprochés, de qui? d'Israël, ou du 



GH. 11^ il-Sâ. POUR LES ÉFBÉSIENS. 115 

Dieu d'Israël? Les v. 14 et suivants sont parmi 
les plus difficiles de notre épître; et cette difficulté 
tient en grande partie à la question qui vient d'être 
indiquée, et qui se représente à chaque pas, pour les 
motsjpaio?, inimitié , etc. De là une assez grande di- 
vergence entre les commentateurs, suivant le parti 
qu'ils prennent sur ce point. Nous pensons que l'es- 
pèce de confusion dont on se plaint ne peut être com- 
plètement éclaircie, parce qu'elle est dans la pensée 
de l'Apôtre et dans la nature des choses. Le Gentil, 
également éloigné d'Israël et du Dieu d'Israël, ne pou- 
vait se rapprocher de l'un sans se rapprocher de 
l'autre; et ces deux rapprochements se touchent 
et se pénètrent dans les v. 13-18, comme le font les 
deux éloignements correspondants dans le v. 12. 
Mais, bien que l'une et l'autre idée soient présentes à 
la fois à l'esprit de l'Apôtre, chacune des deux pré- 
domine tour à tour dans son développement. Celle 
des deux qui y occupe la première et la principale 
place, c'est la réunion des Gentils avec Israël. Cela 
nous paraît résulter, et des versets qui vont nous oc- 
cuper, et de la description de l'ancienne condition du 
Gentil (v. 12), et de celle de sa nouvelle condition 
(v. 19-22), et aussi du commencement du chapitre 
suivant, notamment du v. 6. Dans tout cela, la réu- 
nion avec Israël apparaît sur le premier plan, et la 
réunion avec Dieu sur le second; bien entendu que le 
plan dont nous parlons est celui du développement 



116 SECONDE PBIÂRE DE L'APÔTRE GH. 11^11-22. 

de TApôtre en cet endroit, non celui des choses en 
soi; car, à ce dernier point de vue, la réunion avec 
Dieu précède et domine tout le reste. Aussi, dans les 
trois premiers versets de ce développement (13-15), 
c'est de la réunion avec Israël qu'il s'agit essentielle- 
ment, nous ne disons pas exclusivement; et puis, 
l'Apôtre passant insensiblement, et dans le courant 
d'une période, à l'autre face de son sujet, il s'agit, 
au contraire, non exclusivement, mais essentielle- 
ment, de la réunion avec Dieu dans les derniers ver- 
sets (16-18). 

Par le sang de Christ. C'est par le sang de Jésus- 
Christ que les Gentils sont réunis avec Israël, comme 
c'est par ce sang que les uns et les autres sont ré- 
conciliés avec Dieu. Comment? L'Apôtre nous l'ex- 
pliquera dans les versets suivants, où les mots <t vous 
€ avez été rapprochés ï> sont développés par le v. 14, 
et les mots « par le sang de Christ, j> par la pre- 
mière moitié du v. 15. 

Lui-même est notre paix. Ce n'est pas assez qu'il 
« nous annonce la paix ^ (v. 17), ni même qu'iU fasse 
« la paix y> (v. 15) ; « il est lui-même notre paix. » Tout 
dans notre épître attire nos regards sur la personne 
même de Christ. C'est dans cette personne vivante 
que nous avons part à tous les dons de Dieu ; le vrai 
christianisme n'est pas une doctrine, mais une vie, la 
vie de Christ en nous et de nous en lui, spirituelle- 
ment, mais réellement. — Il y a ici une allusion au 



GH. n^ li-2â. POUR LES ÉFHÉSIENS. HT 

titre de « Prince de paix » qui est donné au Messie 
dans Ësaïe IX, 6, et à son nom de Siloh^ qui signifie 
pcudfitaimr (Gen. XUX, 10). — On a coutume de «ter 
ces mots, « il est notre paix, » pour prouver que 
Jésus-Christ nous réconcilie avec Dieu. Cette pensée 
y est bien renfermée impKcitement; mais ce n'en est 
pas le sens propre et principal. L'Apôtre entend par 
là que Jésus-Christ est la paix du Gentil avec Israël, 
ainsi qu'il le montre aussitôt après. 

Qui des deux choses en a fait t»ne, et a renversé h 
mur mitoyen de la clôture. L'Âpôtre nous montre d'a«- 
bord Jésus-Christ agissant sur les positions^ q\i'i\ con* 
fond en renversant le mur qui sépare le Gentil du 
Juif; et ensuite il le montre (v. 15) agissant sur les 
personnes qu'il rassemble en créant de nouveau tant 
Gentils que Juifs en lui-même. D'abord, le côté né- 
gatif de la réunion, la barrière enlevée; ensuite, le 
côté positif, les esprits transformés. Cette nuance in* 
téressante, indiquée dans l'original par l'emploi du 
neutre au v. 14 et du masculin au v. 15, est perdue 
dans nos versions reçues. Nous avons tenu à la ren- 
dre dans notre traduction, quoique nous n'ayons pas 
réussi à le faire d'une manière qui nous satisfasse. 
L'expression originale annonce la figure qui va sui- 
vre, et signifie que Jésus-Christ a mis en un les deux 
côtés que séparait jusqu'à lui un mur de séparation. 

C'est la loi, ainsi que saint Paul l'explique au 
V. 15, qui est ce mur de séparation qu'il appelle 



118 SECONDE PRTÈRE DE L^AFÔTRE GH. 11,11-22. 

« le mur mitoyen de la clôture, » non par un 
vain pléonasme, mais pour distinguer deux points 
de vue de la loi. A m regarder que k peuple juif, 
la loi est une barrière élevée autour de lui, sem- 
blable à ces clôtures qui entourent une vigne, et qui 
lui servent tout ensemble de limite et de défense. 
Le mot que nous rendons par clôture, et qui des- 
cend d'.un verbe qui signifie enfermer une chose pour 
la protéger, est celui dont Jésus-Christ s'est servi, 
(Matth. XXI, 33) dans la parabole des vignerons, en 
parlant de la barrière (la loi) que le Père de Famille 
(Dieu) élève autour de sa vigne (l'Église de l'Ancien 
Testament). Il correspond au mot hébreu dont Ésaïe 
s'est servi dans la même parabole, que Jésus-Christ 
lui a empruntée (V, 2), où les Septante l'ont traduit 
par le mot grec employé par saint Paul dans notre 
texte (nos versions ont traduit haie dans les deux 
cas) ^ Mais, à regarder la position respective des Juifs 
et des Gentils, cette même loi est un mur mitoyen qui 
les sépare, et qui ne laisse aucun espoir d'union entre 
eux tant qu'il subsiste. 

Ayant aboli en sa chair V inimitié, la loi des com- 
memdements en ordonnances. 

En sa chair : c'est-à-dire par sa mort; même pen- 
sée que l'Apôtre a exprimée au v. 13 en ces mots 
a par le sang de Christ, » et qu'il exprime au v. 16 
en ceux-ci : « par sa croix. » Voyez l'endroit corres- 

* Les rabbins donnent aossi à la loi le nom de haie ou clôture. 



CH. 11^ 11-22. FOUR LES ÉPHÉSIENS. 119 

pondant de Tépître aux Colossiens I, 22 : « Nous a 
« maintenant réconciliés par le corps de sa chair, par 
« sa mort ; » et encore (II, 14) : « Ayant effacé Fobli- 
<c gation qui était contre nous, laquelle consistait 
« dans les ordonnances, et nous était contraire; 
« et il l'a entièrement annuUée en l'attachant à la 
« croix. » C'est en mourant, c'est dans sa chair que 
Jésus-Christ reçoit à notre place le coup que la loi 
nous destinait, et c'est « par la mort » qu'il « détruit 
a celui qui a le pouvoir de la mort » (Hébr. II, 14), 
Merveilleux paradoxe! Rapprochez de notre texte 
Jean VI, 51; Rom. VIII, 3. N'oublions pas quel est 
a le chemin nouveau et vivant » que Jésus nous a 
ouvert pour « entrer dans les lieux saints » (Hébr, X, 
19, 20), et a soyons reconnaissants! » 

Les mots rinimitié sont placés de telle sorte que 
l'on peut, avec une égale facilité, ou avec une égale 
difficulté, les rattacher à ce qui précède, et traduire : 
t< Ayant renversé le mur mitoyen de la clôture, Tini- 
cc mitié, » ou à ce qui suit, et traduire ainsi que nous 
l'avons fait ci-dessus. Dans l'un et l'autre cas, rini- 
mitié est une expression abrégée pour la cause de 
Vinimitié; mais dans le premier, c'est le mur de sé- 
paration figurant la loi qui est appelé de ce nom ; 
dans le second, c'est la loi elle-même. Nous devons 
avouer que les meilleurs commentateurs modernes 
se sont décidés pour la première interprétation 
(Harless, Olshausen, Gerlach, etc.) ; malgré cela, 



120 SEGOltPE PRIÉBE DE l'AFÔTRE GH. n^ ii-32) 

nous nous rangeons parmi ceux qui préfèrent la se- 
conde, parce que la construction de la phrase, tou- 
jours embarraifeée quoi qu'on fasse, nous laisse le 
choix libre, et qu'il nous paraît dès lors plus naturel 
de partager la période de telle sorte que la figure se 
trouve toute d'un côté, et l'explication toute de l'au- 
tre. « Ayant renversé le mur mitoyen de la clôture, » 
voilà la figure; et en voici l'explication : « Ayant 
«c aboli, dans sa chair, l'inimitié, » etc. Ajoutez 
que cet ordre d*idées correspond exactement à celui 
de la fin du v. 16 : « Ayant tué l'inimitié en elle » 
(c'est-è-dire en sa croix), qui confirme ainsi notre 
explication. Quoi qu'il en soit, cette différence n'af- 
fecte pas le fond de la pensée. Dans la figure ou 
dans l'explication, c'est toujours la loi qui est, selon 
l'Apôtre, la cause de l'inimitié qui existe entre le 
Gentil et le Juif. Cela se conçoit, et l'histoire le con- 
firme. En constituant Israël comme un peuple à part, 
et en le séparant de tous les autres, non-seulement 
par une doctrine et une mission toute spéciale, mais 
encore par des formes extérieures et visibles, qui 
avaient le double caractère d'un privilège et d'une 
barrière, telles que le culte réservé à un seul temple, 
les règles de la pureté légale, l'observation du sab- 
bat, et par-dessus tout la circoncision, la loi mosaïque 
créait entre le peuple élu et tous les autres une haine 
naturelle, inévitable, et dont on trouve des preuves 
constantes dans toute l'histoire des guerres des Israé- 



Œ. n5ii-22. POUB LES ÉPHÉSDSNS. 121 

lites avec leurs voisins, et enfin avec les Romains. 
Ces guerres ont un caractère particulier qui tient 
à ^isolement national et religieux du Juif, source de 
hauteur et d'éloignement de son côté, de jalousie et 
de haine du côté de ses adversaires. Comment s'ai- 
mer quand les Gentils étaient pour les Juifs des pro- 
fanes avec lesquels il ne leur était pas permis de 
manger, et les Juifs pour les Gentils des fanatiques 
dont l'orgueil n'était égalé que parleur superstition? 
On voit, en lisant les auteurs païens, que les Gentils 
méprisaient autant les Juifs pour être circoncis, que 
les, Juifs méprisaient les Gentils pour ne l'être pas. 
Point de réconciliation possible, tant que la loi sub 
sistait telle quelle, et c'est en la détruisant que Jésus- 
Christ a fait la paix. Mais il faut bien s'entendre sur 
cette loi qui engendre l'inimitié et que Jésus-Christ 
a détruite. Ce n'ei^ pas la loi dans toute son étendue, 
ni dans toutes ses applications. Dans un sens, l'Ëvan- 
gile € établit la loi » (Rom. lU, 31), et Jésus-Christ a 
déclaré qu'il « n'est pas venu l'abolir, mais l'accom- 
€ plir > (Matth. V, 17, 18). Aussi l'Apôtre prénd-ii 
soin de bien caractériser la loi dont il entend parler. 
La loi des commandements en ordonnances. Ces deux 
compléments, des commandements et en ordonnances, 
servent à marquer avec précision la partie, ou le côté 
de la loi que Jésus^hrist a détruit par sa mort. 
D'abord, c'est la loi c des commandements. > Ce n'est 
pas la loi servant de fondement à l'alliance de Dieu 



iS2 SECONDE PRIÈRE DE l'APÔTRE GH. II^ 11-^. 

avec son peuple (Ex. XXIV, 7, 8), et préparant l'éco- 
nomie de la grâce par la promesse (Éph. II, 12), par la 
prophétie (Rom. III, 21), et par les types (Gai. IV, 21 ; 
Hébr. X, 1, etc.); mais c'est la loi qui impose des 
obligations, sanctionnées par des récompenses et des 
peines (Rom. X, 5), et que saint Paul fait contraster 
si souvent avec la grâce dans ses épîtres (Rom. III, 
20-23 etc.). Peut-être le pluriel employé par l'Apôtre 
(les commandements) doit-il servir en même temps a 
faire contraster la multiplicité des prescriptions légales 
avec l'unité de l'esprit évangélique. La loi dit : Fais 
ceci ou fais cela, évite ceci ou évite cela ; mais l'Évan- 
gile réduit tout au seul commandement de l'amour, 
et ce commandement même il l'impose moins par un 
précepte qu'il ne l'écrit dans k cœur par le Saint- 
Esprit. Cette première restriction ne sufiBt pas à notre 
Apôtre pour éclaircir sa pensée. Le mot commandement 
a encore un sens trop étendu ; non-seulement il peut 
s'appliquer au fond même de la loi morale proclamée 
dans l'Ancien Testament et en particulier sur le mont 
Sinaï, mais il s'emploie même des obligations de la 
morale évangélique (1 Jean II, 3), y compris l'obli- 
gation de croire ( 1 Jean III, 23^ 24). De là le second 
complément, qui restreint le mot commandements, 
comme ce mot restreignait celui de Ipi : « en ordon- 
< nances. > La plupart des commentateurs entendent 
par là les prescriptions cérémonielles de la loi; mais 
ce n'est pas exactement la pensée de l'original. Le mot 



Gfi. II; H-29. POUR LES ÉPHÉSIBNS. 123 

rendu par ùrdmnances ne se trouve nulle part avec 
Tacception bien déterminée de prescriptions cérimo' 
niellesy pas même dans GoL II, 14, où il ne peut être 
question de la loi cérémonielle seulement, puisqu'il 
s'agit en cet endroit du pardon des péchés en gé- 
néral, et plus spécialement du pardon accordé aux 
Gentils, qui n'avaient rien à faire avec la loi cérémo- 
nielle. Dans notre texte, il ne peut pas être question 
non plus de la loi cérémonielle toute seule; car ce 
n'est pas la seule partie de la loi à la condamnation 
de laquelle Jésus-Ghrist nous a soustraits, soit Juifs, 
soit Gentils ; et ce n'est pas la seule non plus qui sé- 
parait les deux peuples • La restriction ici indiquée 
ne porte pas tant sur l'objet des commandements 
(allemand : Inhait) que sur leur esprit ou leur forme. 
« Les commandements en ardonnancesy ^ ce sont les 
commandements dans leur forme la plus impérieuse, 
la plus menaçante, et tels qu'ils apparaissent à notre 
Apôtre lorsqu'il les appelle ailleurs « la lettre qui 
« tue, 5 par opposition à « l'esprit qui vivifie *. » 

Ainsi l'Apôtre développe lui-même le mot ordon- 
nances, ou plutôt le verbe qui lui correspond et qui 
n'a pas d'équivalent exact en français (Gol. II. 20), 
en ces mots : t Ne prends point, ne goûte point, ne 
« touche point. » Au reste, ces dernières paroles (voyez 

> La lettre signifie la loi qui est écrite^ soit dans le livre^ soit sur la 
pierre^ et que TApdtre met en contraste ayec la loi d*amour écrite dans 
le cœur par V Esprit, Ce passage est cité souvent dans un sens qui n'a 
aucun rapport avec la pensée de Tautenr sacré. Voyez encore Rom. VII, 6. 



124 SECOIOIB PBIÈBE DE l'AVÔTBE GH. II, li-âS. 

encore le v. 16), font voir que ait les commandements 
c en ordonnances » ne sont pas exactement les pres- 
criptions cérémoniélles de la loi, c'est pourtant plus 
spécialement cette partie de la loi que l'Apôtre a en 
vue, et que les commentateurs que nous venons de 
combattre* se sont plus mépris sur le sens des mots 
de l'Apôtre que sur sa pensée. Aussi bien, c'est prin- 
cipalement, bien que ce ne soit pas exclusivement, le 
côté çérémoniel de la loi qui mettait inimitié entre 
les Gentils et les Juifs. Jésus-Christ a détruit, par sa 
mort, cette inimitié, en détruisant la loi mosaïque, en 
tant qu'elle imposait des obligations multipliées, avec 
le ton du commandement et sous des sanctions ter- 
ribles. 

Telle nous paraît être l'interprétation véritable de 
ce passage, l'un des plus diflBciles de notre épître, et 
l'un de ceux aussi sur le sens desquels les esprits 
sont le plus partagés. Nous ne croyons pas nécessaire 
d'indiquer toutes les autres interprétations qu'on en 
a données. Nous ne pouvons cependant passer entiè- 
rement sous silence celle de Hai'less, qui a été autre- 
fois celle de Chrysostome, et d'autres commentateurs 
considérables \ Selon eux, V inimitié mentionnée par 
saint Paul n'est pas celle qui existe entre les Gentils et 
les Juifs, mais celle qui existe entre les hommes, Juife 
ou Gentils, et Dieu ; le mur mitoyen n'est pas celui qui 

^ Elle a été sni^e également par Gerlaeh, avec cette nuance qu'il em- 
tend par inimitié, non rinimitlé des hommes contre Dieu, mais la 
sainte colère de Dieu contre les hommes (Éphés. II, 3; Rom. Vj 10, ^c). 



GH. II; il~S2. POUR LES ÉFHÉSIENS. 125 

sépare Tun de l'autre les deux peuples, mais celui qui 
sépare l'un et l'autre de Dieu; et la loi de$ commande- 
mmts (que Jésus-Christ a abolie quant aux ordonnances^ 
aiusi traduit Harless), est, par une suite nécessaire, 
une loi commune aux Juifs et aux Gentils. Mais nous 
ne saurions admettre ni que Vinimitié nommée au 
V. 15 puisse être autre chose que l'opposé de la^Miû; 
nommée au v. 14, et qui, de l'aveu de Harless, est 
la paix entre le Gentil et le Juif; ni -que ces deux 
membres de phrase « qui des deux choses en a fait 
€ une, et a renversé le mur mitoyen de la clôture, ^ au 
lieu de tenir ensemble comme les deux parties d'une 
même image, doivent être séparés l'un de l'autre, 
et appliqués à deux objets tout à fait distincts, le 
premier à la réconciliation des Gentils avec les Juifs, 
le second à celle des uns et des autres avec Dieu ; ni 
enfin que la loi des commandements en ordonnances, ou 
même seulement, la loi des commandements puisse 
désigner autre chose que la loi donnée à Israël. L'in- 
terprétation que nous avons suivie est, avec quelques 
différences légères celle d'Olshausen, dont le com- 
mentaire est postérieur à celui de Harless, et qui 
pense que le rapprochement opéré par Jésus-Christ 
entre les Gentils et les Juifs fait l'objet de tout ce pas- 
sage de notre épître (H-22) même des v. 16-18. 
Nous sommes d'accord avec lui, ainsi que nous l'a- 
vons expliqué plus haut, avec cette restriction que, 
selon nous, l'Apôtre n'a pu traiter cette matière sans 



126 SECONDE PRfÈBE BB L^APÔTRE GH. II, 11-22. 

s'occuper en même temps du rapppochemeat opéré 
par Jésus-Christ entre les Gentils et Dieu, et que ce 
dernier sujet prédomine même dans les trois versets 
que nous venons de citer, sans toutefois que le pre- 
mier y soit abandonné. 

Afin quHl créât j etc., et quHl réconciliât^ etc. La des- 
truction de la loi, telle que saint Paul l'a définie, par 
la mort de Jésus -Christ, a eu un double but et un 
double résultat : premièrement, de faire du Gentil et 
du Juif en lui-même un seul homme ; secondement, de 
réconcilier Vun et Vautre avec Dieu ; deux choses qui 
devaient concourir également à cette paix qu'il venait 
établir entre eux. Le même rapport est indiqué entre 
la mort de Jésus-Christ et la création nouvelle du 
croyant (Rom. VIII, 4, 6, 1 Pierre, II, 24, etc.); et 
entre la mort de Jésus-Christ et la réconciliation du 
croyant avec Dieu, en cent endroits. Au reste, les 
deux intentions ici marquées paraissent se rapporter 
plus spécialement, chacune, à l'une des deux choses 
qui ont été dites ci-dessus de Jésus-Christ, l'une en 
style figuré (v. 14), l'autre en style propre (première 
moitié du v. 15), de telle sorte que ces mots : « Afin 
« qu'il créât les deux eu lui-même pour être un seul 
« homme nouveau, faisant la paix, > correspondent à 
ceux-ci : « II est notre paix, qni des deux choses en 
« a fait une, et a renversé le mur mitoyen de la 
« clôture ; ^ et les mots : « afin qu'il réconciliât les 
« uns et les autres en un seul corps avec Dieu, par 



GH« 1I> ii'212. POUR LES ÉPHÉSIENS. i9f7 

c la croix, ayant tué en elle Tinimitiéy » à ceux-ci : 
c Ayant détruit l'inimitié en sa chair, la loi des corn- 
c mandements en ordonnances. > 

Afin quil créât Us deuxy en lui-même^ pour être un 
seul homme nouveau, faisant la paix ^ Le peuple juif 
d'une part, le peuple gentil de l'autre sont person- 
nifiés chacun en un seul homme. Jésus-Christ prend 
l'un et Vautre de ces deux hommes, et, l'ayant associé 
d'abord à sa mort, l'associe ensuite à sa résurrection 
(Rom. VI, 4, 5), et le crée de nouveau, dans sa per- 
sonne; de telle sorte que de deux qu'ils étaient, ils de- 
viennent en Christ un seul homme nouveau. Que faut- 
il entendre par ce seul homme nouveau? Est-ce 
V Église, dans laquelle ce Gentil et ce Juif sont désor- 
mais unis, et dont tous les membres composent sous 
Christ qui en est la tête, un seul corps (Éph. IV, 16), 
qu'on pourrait appeler un seul homme nouveau? Ou 
bien est-ce la vie nouvelle, qui a été formée dans l'un 
et dans l'autre, qui est nommée ailleurs l'homme 
nouveau (Éph. IV, 24; Col. III, 10), et qui serait nom- 
mée ici un seul homme nouveau, comme étant dans 
le Gentil converti et dans le Juif converti une seule et 
même vie? Ou enfin, est-ce Christ lui-même, vivant 
dans l'un et dans l'autre, et formant en eux l'homme 
nouveau, qui dès lors est nécessairement le même 
dans tous deux ? Le premier de ces trois sentiments 

^ Oa : « Afin que des deux il créât en soi-même un seul homme nou- 
veau. » 



138 SECONDE PBIÈB£ PB l'ap6tRE GH. II^ li*i2. 

est celui de plusieurs commentateurs; le secood celui 
de Harless, et le troisième celui d'OIshausen, qui 
s'exprime en ces termes : « Paul représente Christ 
lui-même comme le type véritable et unique de l'hu- 
manité, le représentant de la race, en qui les deux 
peuples séparés sont ramenés à une parfaite unité. 
Comme Adam seul est le vieil homme, en qui et par 
qui le vieil homme se transmet à tous les individus de 
la famille humaine^ ainsi Christ est seul l'homme 
nouveau, en qui et par qui tous reçoivent l'homme 
nouveau, créé selon Dieu en justice et en sainteté. » 
De ces trois interprétations, la première nous paraît 
devoir être rejetée, parce qu'elle ne sort pas naturel- 
lement du texte et que l'Église ne peut guère être ap- 
pelée un homme. Nous balançons entre les deux 
autres; nons penchons cependant pour la dernière. 
Elle nous paraît seule entrer pleinement dans l'inten- 
tion de rApôtre, qui veut évidemment tout expliquer 
par la personnalité vivante de Christ, et par Tunion 
du croyant avec lui. Seule aussi elle laisse au mot m 
son sens propre, qu'il doit conserver étant opposé au 
mot deux : à l'idée d'unité, l'interprétation d'Harless 
substitue celle de conformité. Christ, créant de nou- 
veau, en soi-même, le Juif et le Gentil, les transforme 
l'un et l'autre en sa propre personne ; dans le Gentil 
converti on ne voit plus rien de gentil ; dans le Juif 
converti on ne voit plus rien de juif, mais on voit 
dans Tun et dans l'autre Christ seul ; et c'est ainsi que 



GH. 11^ 11-^. POUR LES ÉPBÉSIXNS; i% 

de deux qu'ils étaient, ils sont devenus un seul 
homme, en lui. N'est-ce pas la pensée exprimée dans 
Gai. m, 28, et surtout dans GoU III, 10, 11 : « Ayant 
€ revêtu le nouvel homme? * 

Faisant la paix : il est assez facile de voir que ces 
mots se rapportent à Jésus-Ghrist, pour que nous 
ayons cru pouvoir nous dispenser d'ajouter, avec 
Martin et la version de Lausanne, devant le participe 
faisant la particule en, qui ôte toute équivoque à cet 
égard, mais qui altère légèrement le sens. Faire la 
paix, n'est pas un moyen que Jésus-Ghrist emploie, 
c'est l'œuvre même qu'il accomplit. Le participe pré- 
sent marque très bien que Jésus-Ghrist accomplit 
cette œuvre par sa présence personnelle, et il y a 
dans cette courte phrase incidente, faisatu la paix, 
quelque chose de plein et de tranquille qui peint à 
l'esprit la réconciliation qu'il opère entre les deux 
peuples. Au reste, remarquez bien comment il les 
réconcilie. Ge n'est pas en faisant passer le Juif à la 
o^pdition du Gentil, ni même en faisant passer le 
Gentil à la condition du Juif, mais en les faisant pas- 
ser l'un et l'autre à une condition nouvelle, en soi- 
même, et en les unissant d'abord à soi pour les unir 
ensuite entre eux. Voilà le secret de toute union vé- 
ritable, tant entre les corps qu'entre les individus: il 
ne s'agit pas pour les autres de venir à nous, ni pour 
nous d'aller à eux ; mais il s'agit pour eux et pour nous 
d'aller à Ghrist, dans lequel seul nous pouvons être 



130 SEGOIO» PBIJBBE DE L^APÔTRE GH. 11^ ii-SS. 

efficacement et réellement unis. Saint Paul dit cela, 
il est vrai, d'hommes irrégénérés, qui ont à subir un 
changement radical; mais cette remarque s'applique, 
en se modifiant suivant les cas, à toute union, même 
entre chrétiens. Sous ce point de vue, le grand 
moyen de procurer Tunion entre les frères, c'est de 
s'attacher au Seigneur ; et chaque progrès dans sa 
communion est un pas fait, en ce qui nous concerne, 
vers cette union tant désirée. C'est par là qu'un chré- 
tien, qui soupire après elle, fût-il seul à en sentir le 
besoin, peut y travailler dan^ son cabinet, seul à 
seul avec son Dieu. 

Et qu'il réconciliât les uns et les autres, en un seul 
corps af)ec Dieu^ par la croix^ ayant tué en elle fini- 
mitH. Nous avgns déjà fait remarquer que cette se- 
conde raison donnée de l'œuvre de Christ répond 
plus spécialement à la seconde partie de cette œuvre^ 
telle qu'elle a été décrite dans les v. 14 et 15, 
comme la première raison correspondait à la pre- 
mière partie de cette même œuvre. Il suit de là que 
notre verset et le commencement du v. 15, que 
nous avons expliqué (p. 118 et suivantes) servent à 
s'éclaircir mutuellement. Nouveau motif pour nous 
de croire que nous ne nous sommes pas trompés en 
faisant dépendre V inimitié au v. 15 de ce qui suit 
et non de ce qui précède; en même temps que cela 
nous porte à croire que l'inimitié au v. 16 est la 
même dont il a été parlé au v. 15, savoir celle 



GH. II, ii-22. BOUR LES ÂBffiËSIBNft. 1^1 

qui existe entre, le Geatil et le Juif, plutôt c^ e^ 
qui existe entre les hommes et Dieu, rious avouons 
cependant qu'ici^ et dans les deux vensets^qui suivenit,^ 
les deu^ réconciliations, celle du Gentil avec le Jm% 
et celle de tous les deux avec Dieu, se touchent et^sd 
pénètrent de telle sorte qu'il faut renoncer à en. faire 
un discernement exact. C'est Tune qu c'est l'autee 
qiii ressort dans notre verset, suivant que l'on â{^ie 
sur la pensée de réconcilier avec Dim^ ou sur celle^^ir: 
Vun et Vautre dans^ itn. même canps. flinimiiiéy xn&ti^ 
tipnnée. à la fin du v. 16, peut bien étrô au^sitoeUft 
qui sépare les hommes de Dieu ; la paix^ mentiourt 
née au v. 17, et évapgélisée tant au Gentil qu'au 
Juif; (et qon entre le Gentil et le Juif), doit bicua 
^tre aa moiQs. autant la paix de l'un eti da Tiaitre 
avec Dieu que leur paix réciproque; et au v> 18 l'ulie 
et l'autre pensées tiennent une égale place» Cette 
espèce de confusion De nous surprend pas* Plus 
l'Apôtre avançait dans son développement et péné- 
trait dans l'intérieur de son sujet, plus» les. deux lér' 
conciliations devaient s'unir et se confondre par lôur 
racine commune, en DieUé 

En un seul corps^. Ce corps, est-ce l'%lise (Ëph« I, 
S3), dans laquelle le Gentil et le Juif sont désormais 
réunis par la foi. en Jésus-Christ? Ou bien est^ele 
corps de Jésus-Christ lui-même, auquel l'un et l'autre) 
ont été unis par une création nouvelle> et daas leqi»«^ 
l'un et l'autre sont réconciliés avec Dieu sur la croix,?. 



182 SECONDE PEIÉRE DE l'APÔTRE CH. Il, li-22. 

L'une et l'autre interprétations peuvent se justifier 
par le contexte et par des parallèles, notamment par 
des parallèles de Tépître aux Colossiens qui^'sont ici 
d'un grand poids, la première par Col. III, 15; 
1 Cor. X, 17, etc.; la seconde, par Col. I, 22; 
Rom. VII, 4, etc. Elles sont d'ailleurs étroitement 
unies, et Ton pourrait les adopter toutes deux à la 
fois : le Gentil et le Juif sont réconciliés ensemble 
avec Dieu, d'abord dans le corps propre de Jésus- 
Christ, et ensuite dans cet autre corps de Jésus- 
Christ qui est l'Église; d'autant plus qu'aux parallè* 
les que nous venons de citer en faveur des deux sens 
proposés, on en peut ajouter d'autres qui les rassem- 
blent tous les deux, tels que Rom. XII, 5 : « Nous 
ce sommes un seul corps — en Christ. > Cependant la 
même raison qui nous a fait pencher pour l'inter- 
prétation qui voit Christ dans le « seul homme nou- 
« veau » du v. 15, nous porte à voir aussi le corps de 
Christ dans le « seul corps » du v. 16 : la personne 
même de Christ, et la réconciliation du Gentil et dfli 
Juif entre eux et avec Dieu par cette personne et 
dans cette personne, voilà ce que l'Apôtre a constam- 
ment ici devant les yeux. Ajoutons que cette inter- 
prétation s'accorde mieux avec les mots réconcilier et 
par la croix dont elle est précédée et suivie, et que le 
parallèle qu'on cite en sa faveur (Col. I, 22), tire une 
grande force de l'analogie frappante que présente 
son contexte avec celui de notre verset. 



GH. Uy 11-22. FOUR LES ÉPH£31£NS. 13S 

Toutefois, surpris de voir qu'Olshausen se soit 
décidé pour la première interprétation» et Harless 
pour la seconde, on aurait attendu le contraire d'a- 
près l'opinion de chacun d'eux sur « le seul homme 
€ nouveau » du v. 15; il semble que les rôles soient 
intervertis. 

Ayant tué Vinimitié : expression remarquable, dont 
on peut rapprocher Osée XIII, 14 : « J'aurais été ta 
« peste, ô mort ! et ta destruction, ô sépulcre 1 » 

Et étant vmUy il a évangélisé la paix à vous qui étiez 
loin et à ceux qui étaient près; ou, d'après une leçon 
qui paraît préférable, et la paix à ceux qui étaient 
prés. Ceux même qui étaient c près » ont eu besoin 
que Jésus-Christ leur « évangélisât la paix; » l'Évan- 
gile est une chose nouvelle, quoique, dans un sens 
différent, pour le Juif comme pour le Gentil. L'Apô- 
tre, qui nous a montré plus haut Jésus-Christ « étant 
€ la paix, » puis Jésus-Christ « faisant la paix, » nous 
montre maintenant Jésus -Christ « évangélisant ou 
€ annonçant la paix. > Dans son essence, dans son 
œuvre, dans sa parole, partout se retrouve ce carac- 
tère de c Prince de paix, » par lequel la prophétie 
l'avait défini, et dont il se plaît lui-même à marquer 
sa mission, soit avant sa mort (Jean XIV, 27), soit 
surtout après sa résurrection (Jean XX^ 21, 26); le 
même esprit distingue la prédication de ses apôtres, 
comme le fait voir le commencement ou la fin de 
presque toutes leurs épîtres. 11 faut bien reconnaître 



Ià4 SECONDE PRIÈRE DE l'APÔTRE CH. II, li-22, 

(Jue la paix dont il est question dans ce verset est 
essentiellement la paix avec Dieu ; la construction 
de là .phrase et le mot évangeliser l'indiquent assez 
clairement ; la paix rétablie entre le Gentil el le Juif 
n'est pas sortie de la pensée de FApôtre, mais elle y 
apparaît sur le second plan. On ne s'étonnera pas 
d'entendre dire à TÂpôtre que JésuS-€hrist a ëvan- 
gélisé la paix aux Gentils en même temps qu'aux 
Juifs, bien qu'il n'ait pas proprement et personnel- 
lement porté îa parole chez les Gentils (Matlh. XV, 
24, etc.). Mais il suffit qu'il ait annoncé la paix pour 
le Gentil comme pour le Juif; sans compter que le 
datif < à vous qui étiez loin, à ceux qui étaient près, » 
dépend moins du verbe évangeliser que du substantif 
la paixy surtout avec cette autre leçon qui lit ce sub- 
stantif deux fois. Le mot étant venu est important à 
cette place : il marque la présence et l'action per- 
sonnelle de Jésus-Christ. Il a « évangélisé la paix » 
par lui-même, comme il « fait la paix » en lui-même, 
et comme « il est la paix » lui-même. C'est toujours 
le même point de vue, et ce point de vue est fonda- 
mental. Comparez à ceci le sens du mot venir appli- 
qué au Seigneur dans l'Évangile de saint Jean. 
(I, 9, 11 ; m, 19; YI, 14; IX, 39; XI, 27; XII, 46; 
XV!, 28. Dans I, 9, venant se rapporte à la lumière et 
non à Vhomnte.) On a trouvé étrange que l'Apôtre 
parle ici de Christ venant^ après avoir^ dans les versets 
qui précèdent, décrit son œuvre de réconciliation 



OH, ir, 44-Î2. POUR les éphésiens. 435 

qu'il n'a pu faire qu'après être venu. Mais cette diffi- 
culté ne nous paraît pas sérieuse : l'Apôtre n'avaft 
pas de raison pour se tenir à Tordre des temps ; c'es"t 
Tordre des pensées qui lui importe, et Ton compreïïA 
qu'il ait voulu attirer notre attention sur la personne 
et Tœuvre de Christ, avant de la fixer sut sa prédi- 
cation • Si cette réponse ne paraît pas suffisante, on 
peut rattacher le commencement du V.* 17, 'pour ïe 
développement de la pensée, au commencement du 
V. 14, au lieu de le ï^attacher à ïa fin du v. 16 ; cela 
est d'autant plus facile que les v. 14-16 ne forment 
qu'une seule phrase, « Christ est notre paix, qui, etc, 
c Et étant venu, il a évangélisé la paix. » Olshaùséii, 
cependant, a vu là une difficulté réelle ; et ne pou- 
vant s'expliquer d'ailleurs qu'il soit question dé fe 
prédication de l'Évangile par Jésus-Christ et avant sa 
mort, par laquelle seule il est devenu notre paix, il 
entend la venue de Jésus-Christ dans notre verset de 
sa venue en Esprit (Jean XIV, 18), c'est-à-dire de Tef- 
fusion du Saint-Esprit, et sa prédication de celle qu'il 
a faite dans tout le monde par l'organe de ses apô- 
tres. Cette explication nous paraît forcée; et les rai- 
sons qui Tont fait adopter à Olshaùsen nous semblent 
provenir* d'un respect scrupuleux pour Tordre des 
temps, qui n'était pas dans la pensée de notre Apôtre. 
Car par lui nous avons accèSy les um et les antres^ m 
un seul esprity auprès du Père. Ce verset est un de 
ceux qui présentent, avec le pliis de darté et d'exac- 



136 SECONDE fBIÈBE DE l'APÔTRE CH.II^ 41-22. 

titude la doctrine de la Trinité. L'œuvre des trois 
personnes y est exactement marquée. Le Père, est 
le terme auquel nous devons aboutir; le Fils, la 
porte par laquelle nous devons passer pour arriver 
au Père ; TEsprit, le guide qui doit nous faire fran- 
chir cette porte. 

Suit le tableau de la condition nouvelle des Êphé- 
siens. Le commencement en est la contre-partie du 
v. 12. 

Vous fCétes plus étrangers ni forains. Nous tradui- 
sons ainsi un mot grec que nous ne savons comment 
rendre exactement en français. Il marque un état in- 
termédiaire entre celui d'étranger et celui de citoyen, 
et s'emploie d'un homme qui a obtenu droit de do- 
micile dans un pays étranger sans y obtenir droit de 
bourgeoisie. On le trouve dans 1 Pierre II, il, et 
dans Actes VII, 6, 29, où il est appliqué à Israël sé- 
journant en Egypte, et à Moïse séjournant en Ma- 
dian\ Les Gentils ne sont plus des étrangers; ils 
ne sont pas non plus des forains, associés à Israël par 
une faveur passagère; ils sont citoyens, avec tous les 
droits des natifs. 

Concitoyens des saints. Le nom de saint est donné 
quelquefois aux croyants de l'ancienne alliance; mais 



1 C'est aussi le terme employé par les Septante dans la traduction du 
mot hébreu^ qui est rendu dans nos versions par forains dans Lévi- 
tique XXir^ iO^ 11; et peut-être saint Paul a-t-il eu ce passage en vue en 
écrivant ce verset. Remarquez que le forain (v. 10) est opposé à celui 
qui e$t né dam la maison (v. 11). 



CH. II, ii-22, POUR LES ÉPHÉSIENS. 137 

il l'est plus spécialement, surtout dans saint Paul, à 
ceux de la nouvelle. En appelant les Gentils convertis 
< concitoyens des saints , i» ssûnt Paul dit plus encore 
qu'il ne ferait en les appelant concitoyens d'Israël; 
sans compter que cette dernière expression ne serait 
plus à sa place. Les temps ont marché ; les Israélites 
croyants ont avancé de leur côté, tandis que les Gen- 
tils avançaient du leur, et de c vrais Israélites, » ils 
sont devenus c saints en Jésus-Christ. » Ainsi, les 
Èphésîens ont trouvé plus a en Jésus-Christ » que ce 
qui leur manquait autrefois c hors de Christ. » Cette 
dernière remarque s'applique plus justement encore 
au trait suivant : Gens de la maison de Dieu^ ou, selon 
une traduction que nous préférerions si le mot n'eût 
vieilli dans cette signification, domestiques de Dieu. 
Non-seulement vous n'êtes plus « sans Dieu, » mais 
vous avez été admis même dans la maison et dans la 
famille de Dieu (III, 15); vous êtes devenus «gens de 
c sa maison; i» que dis-je? ses enfants. Expressions 
étonnantes et qui seraient vraiment téméraires si nous 
ne les avions apprises de la Parole de Dieu même ! Que 
c'est bien le cas de s'écrier avec saint Jean : « Voyez 
c quel amour le Père nous a témoigné ! » (littéralement 
donné, 1 Jean III, 1). C'est une chose bien douce que 
de pouvoir se dire qu'on fait partie de cette famille 
de Dieu et de cette société des saints sur la terre. 
On éprouve particulièrement ce sentiment en étu- 
diant l'histoire de l'Église et la prophétie, et nous 



13B SEGOimE FRIÈBE DE l'A^TBE GH. Tl, 11-22. 

nous «souvenons de l'avoir vivement éprouvé en 
lisant l'excellent livre de Guers : Histoire cArégée 
é$ l'ÉgKse de Jésus-ChrisL Souvent le petit nombre 
des ^fents de Dieu nous cause une impression 
•péttîble d'isolement. Mais, à la lumière de This- 
Mve et de la prophétie, on voit derrière soi une 
longue chaîne de témoins de Jésus-Christ qui remonte 
jusqu'aux jours de son premier avènement, et devant 
«oi une autre chaîne de témoins qui doit descendre 
jusqu'au temps de son retour; et les saints vivants, 
donnant une main aux saints endormis dans le Sei- 
f neui^, "et l'autre aux saints qui sont encore à naître, 
»ô sentent unis à tout ce qu'il y a, à tout ce qu'il y a 
eu, et à tout ce qu'il y aura de plus excellent sur la 
terre. C'est là que l'on comprend toute la portée de 
l'expression de l'Apôtre : « Concitoyens des saints, 
« gens de la maison de Dieu, > autant du moins qu'on 
peut lé tfompt^etidre sur la terre. 

Étant édifiés. Après avoir appelé les nouveaux 
chrétiens « gens de la maison de Dieu, » l'Apôtre les 
cortipaï^e aux pierres de l'édifice fondé sur Jésus- 
Christ. Ces deux images, bien que différentes, sont 
liées l'uîle à l'autre. L'une et l'autre tiennent à la 
comparaison de l'Église avec une maison ; mais, dans 
Tùne, c^est la maison intérieure, la famille, qu'on a 
devant les yeux; et dans l'autre, c'est la maison ex- 
térieure, l'édifice. Le substantif français maison est 
stlsèeptiblé dé Ces deux sens, aussi bieh que le sub- 



m. hy il-Sl. TOUR LES ÉPHÉSnSNS. iSD 

stantif grec qui lui correspoiïd ; mais il y a oéféi de plœ 
m grec qae le verbe édifier se rapporte au mot hm»- 
vdH à peu près comme il se rapporte m mot édifiée 
dans notre langue. Rapprochez de notre verset 
1 Pierre II, 4-6, où la même figttï^ ^st suivie av^ec un 
plus grand développement; là, Christ « la première 
t pierre de Tangle, uue piwfe vivante, élue, pré- 
« cieuse, * les chrétiens sont « édifiés (sur Itti) comme 
« des pierres vivantes, i> et l'édifice qu'ils forment est 
« une maison spirituelle, d Le temple, ou le taber- 
nacle, construit d'après un type céleste que Dieu a 
montré à Moïse sur la montagne (Ex. XXV, 9, 10), a 
servi de base à cette image. On la retrouve dans 
1 Tim. m, Î5; mais dans Hébr. IIÏ, 6, le mot maison 
doit être pris, non dans Tacception d'édifice, mais 
dans celle de famille, comme dans notre v. 19, avec 
cette nuance que saint Paul désigne les chrétiens, là, 
comme étant la maison, et ici, comme étant de la mai- 
son; c'est qu'ils sont l'un et l'autre à la fois. Ils ap- 
partiennent à la maison de Dieu, et tout ensemble, ce 
sont eux qui la constituent. 

Sur le fondement des apôtres et prophètes. Par les pro- 
phètes, il faut entendre, non les prophètes de TAn- 
cien Testament, mais ceux du Nouveau, comme dans 
le chapitre III, 5, où il ne peut y avoir aucun doute à 
cet égard. On comprendrait difficilement d'ailleurs 
que les prophètes de l'Ancien Testament fussent ap- 
pelés le fondement de l'Église chrétienne; on aurait 



440 SECONDE PRISllE DE l'A^TRE GH« U, 11-33. 

peine à expliquer aussi pourquoi ils ne seraient nom- 
més qu'après les apôtres, et surtout pourquoi leur 
nom ne serait pas précédé de l'article. Saint Paul au- 
rait dit sans doute c des apôtres et de$ prophètes, » 
s'il eût voulu parler des prophètes de l'Ancien Testa- 
ment; nous pensons même qu'il l'aurait dit s'il eût 
voulu désigner les prophètes du Nouveau Testament 
comme distincts des apôtres, ainsi qu'il le fait dans 
1 Cor. XII, 29; Éph. IV, 11, etc. Il nous paraît 
qu'ici et dans le v. 5 du chapitre suivant, apôtres 
et prophètes sont deux noms donnés aux mêmes 
hommes. Us sont appelés apôtres, en tant que char- 
gés de rendre témoignage de Jésus-Christ (Actes I, 
22); et ils sont appelés probablement prophètes pour 
montrer qu'ils ne sont en rien inférieurs aux mi- 
nistres inspirés de l'Ancien Testament, et qu'ils ap- 
portent les promesses de la nouvelle alliance comme 
les prophètes d'autrefois apportaient ceux de l'an- 
cienne. Tel est le sentiment de Harless. Si on ne 
l'adopte pas, il faudra voir ici, avec Olshausen, les 
prophètes du Nouveau Testament, qui ont travaillé de 
concert avec les apôtres à la fondation de l'Ëglise. 

Sur le fondement des apôtres^ c'est-à-dire sur les 
apôtres eux-mêmes, qui sont appelés le fondement 
de l'Église comme ils le sont encore (Apec. XXI, 14), 
et comme Test saint Pierre en particulier (Matth. XVI, 
18), parce que la parole qu'ils ont annoncée, et puis 
écrite par le Saint-Esprit, sert d'appui à notre foi. 



ou. 11^ il-3S* FOUR LES ÉPHÉSIMS. 141 

Mais TÉglise ne repose sur eux que parce qu'ils repo- 
sent eux-mêmes sur Jésus-Ghrist, qui est la première 
pierre de l'angle servant de lien aux coins du fonde* 
ment et portant ainsi, en dernière analyse, l'effort de 
l'édifice tout entier. Aussi n'est-il plus question que 
de lui dans les deux versets qui suivent. Ce nom de 
« pierre de l'angle > lui est encore donné dans 
Ésaïe XXVIII, 16, cité par 1 Pierre II, 4, et dans 
Ps. CXVIII, 22, cité par le Seigneur, Matth. XXI, 42. 
Ainsi expliquée, l'image de l'Apôtre marque avec 
une égale exactitude les rapports et les différences de 
la situation des chrétiens, des docteurs inspirés, et du 
Seigneur dans l'Église; nous sommes les pierres de 
l'édifice, eux le fondement, et lui, le fondement du 
fondement. 

En qui, c'est-à-dire en Jésus-Christ; et c'est en- 
core à Jésus-Christ et non au temple que ces mots se 
rapportent au commencement du verset suivant. Au 
V. 20, l'Apôtre nous a montré le temple spirituel 
édifié sur Jésus-Christ, ainsi qu'il le fait 1 Cor. III^ 
12. Ici, il nous le montre coordonné en Jésus-Christ 
et croissant en Jésus-Christ. L'Église n'est pas seule- 
ment appuyée sur Jésus-Christ; mais c'est en lui 
qu'elle prend son unité et l'accroissement. En même 
temps qu'il est le fondement de l'édifice, il en est * 
aussi le lien. C'est s'écarter quelque peu de l'image 
pour nous mieux faire entrer dans la réalité des 
choses. L'Apôtre revient par là à cette grande vérité, 



êi3 SEGOMPB VKÈm m ikéiànm gh. is, 41-23. 

sur kqi&eUa nous Favotts va tant insister àm& tout» le 
oommeocem^nt de notre épitre : e'est que o'estm 
J^m^Gkriêt que nous ayons la vie de l'âme, comaM 
o'esft efotts le Dieu <»réateur que < noua avona lavi^y 
% le mouvement et Fêtite «^ (Actes XVII, 28). Voyesj 
les notes i^ur I, 3, 13; II, 6, eto. Même remarque 
su^r GoL II, 6, 7 : c Gomme donc; vous ave& reçu le 
« Seigneur Jésus-Christ, marchez m lui^ étant enraff 
«^ (pnés et édifiés m 1m%; > littéralement simidifUs «tf 
^^i^ de telle sorte que les deux idées qui se rattaohei^ 
aux deux prépositions sont réunies avec une concision 
qa^motre langne>ne.paul: reproduire. Ânn^s^e, eii 
eet endroit,, deux images^ sont rassemblées, dont; cha^^ 
eune répond à l'une de ces idées: enraqinés en Jjéau&^ 
Ghrist comme un arbre dans la terre, fondés.&ur Je-* 
su^Christ comme une maison sur le sol. 

Smni au Smjfnmty littéralement dans le Seigneur. 
Ii9 tQmpl0.de Jérusalem était saint; mais le temple 
spirituel dont parle ici l'Àpôtre est « sajpt dqns le 
«.Seigneur, ». parce que les pierres en sont «déspii^rres 
c> vivantes» » et vivantes. « dans, le Seigneur : » non*» 
velle invasiondu réel dans le figuré. 

ËM qui xxm^ êtes auspi édi^s : vous aussi, GetUtli, 
édifiés en Jésus-Christ avec les saints, vous entrez 
dans la structure du temple spirituel. Nous rappor- 
tons et», g^î à Jésus-Christ, comme au commencemei^t 
du V. ^.1 ; bien qu'on pût aussi traduire damUiwl^ et 
le rapporter au temple. 



CH« a^ ii-3S. FOUR Lss BfHssuurs. i43 

Pour être um habkalion de Dieu en e^^riL 6'est sans 
saiaon que nos versions ont traduit tahmach; le mot 
grec ne renferme pas cette allusion particulière. Si 
ron veut suivre l'image, il vaut mieux entendre pas le 
mot traduit par habitation un compartiment du tempte, 
qui serait à l'ensemble à peu près ce qu'une chapelle 
est à une église. Mais le temple n'étant pas^ dnsi (i& 
visé, il estr plus simple de donner au mot qui nom 
occupe le sens général à'kalntcdion^ san^ figure. 

L'Église entière, composée des Israélites et defii 
Gentils, forme « un temple saint au Seigneur ; » les 
Gentils, cette portion dd l'Église, forment < une hf^i- 
« tation de Dieu en esprit; » et ailleurs, chaque fidèle 
est appelé « un temple du Saint-Esprit » (1 Cor. VI, 
19 ; 1 Cor. III, 16). Les derniers mots de notre ver- 
set, qui répondent à ces mots du verset précédent : 
« un temple saint dans le Seigneur, » signifient qu'il 
s'agit ici d'une habitation spirituelle de Dieu dans cette 
€ maison spirituelle i> (1 Pierre^ II, 5 ; voyez 2 Cor. 
VI, 16) . C'est par son Esprit que Dieu habite ainsi dans 
son peuple (Rom. VIII, H ; 1, Cor. III, 16). On peut 
même traduire : « une habitation de Dieu par l'Es- 
< prit, » et Harlessse décide pour cette traduction. 
Mais celle que nous avons suivie nous paraît plus natu- 
relle, et présente au fond la même pensée ; les œuvres 
spirituelles sont les œuvres du Saint-Esprit. Seule- 
ment, l'expression en esprit, moins précise et aussi 
plus étendue que l'autre, marque à la fois ces deux 



144 stcKmta nusiE de l'apAtius ce. iii^ 1-43. 

choses que Thabitation de Dieu dans le Gentil converti 
se fait par VEtprUde Die» et qu'elle se fitit dan$ l'e$prU 
de Tlwmme; aussi Tune et Tautre sont indiquées dans 
m, 16 (par son Esprit, dans Thomme intérieur), où 
ri4>ôtre reprend et développe la dernière pensée de 
notre verset. Peutrêtre aussi les mots en eeprit doivent- 
ils contrasta avec les mots dans la chair (littéralement 
enehair) du v. 11, pour marquer par ud dernier trait le 
changement qui s'est accompli dans les Gentils. L'Es- 
prit a succédé à la chair. 

2* Ministère de saint Pànl anprès des Gentils. III, 1-13. 

1. C^esi pourquoi mai Paul, prisonnier de Jésus- 
Christ^ pour vous Gentils. % Si toutefois vous avez ap- 
pris la dispensatian de la grâce de Dieu qui nCa été 
donnée en votre faveur^ 3. et qu'il m'a fait connaître 
par révélation le mystère, comme je l'ai écrit précédem- 
ment en peu de mots; 4. par où vous pouvez apercevoir 
en Usant quelle est l'intelligence que j'ai dans le mystère 
de Christ, 5. qui n'a point été donné à connaître aux fUs 
des hommes en d'* autres générations, comme il a été révélé 
maintenant à ses saints apôtres et propliites par l'Esprit; 
6. que les Gentils soni cohéritiers et du méms corps, et 
participants également à sa promesse en Christ par 
V Évangile, 7. dont j'ai été fait ministre, selon le don de 
la grâce de Dieu, qui m'a été accordé selon l'efficace de 
sa puissance; 8. cette grâce m'a été donnée, à moi, le 



GH. m^ i-13. POTTR LES ÉPHÉSIENS. 44â 

moindre de tous les saints^ d'annoncer chez les Gentils la 
richesse insondable de Christ, 9. et de mettre en lumière 
devant tous quelle est la dispensaiion du mystère caché 
dis les siècles en Dieu, qui a créé toutes choses^ 10. afin 
que fût donnée à connaître maintenant aux principautés et 
aux puissances dans les lieux célestes, par l'Église, la 
sagesse infiniment variée de Dieu, 1 1 . selon le dessein des 
siècles quil a formé en Jésus-Christ noire Seigneur^ 12. 
en qui nous avons hardiesse et accès en confiance par la 
foi en lui : 1 3. aussi je vous prie de ne vous point relâcher 
dans mes tribulations pour vous, qui sont votre gloire. 

Cest pourquoi moi Paul^ prisonnier de Jésus-Christ^ 
pour vous Gentils... La période demeure suspendue, 
jusqu'au v. 14, où la répétition des mots c'est 
pourquoi en indique la continuation. Cette raison 
seule suffirait pour nous empêcher d'admettre, avec 
quelques commentateurs, que la pensée interrompue 
soit reprise au v. 8, ou au v. 13, sans compter que 
Tordre des idées se comprend mieux avec notre ex- 
plication ; tous les meilleurs interprètes sont d'accord 
là-dessus. Il ne fallait pas ajouter avec nos versions 
reçues les mots je suisy qui, en complétant la phrase 
que saint Paul a laissée inachevée, en altèrent la liai- 
son avec la fin du chapitre précédent; ce n'est pas: 
c^est pourquoi je suis prisonnier^ mais c'est : cest 
pourquoi je prie pour vous. 

Les versets 2-13, forment une longue paren- 
thèse ; et tout le chapitre III, au moins jusqu'à la fin 

10 



146 SECONDE PEIÈBE DE l'aPÔTRE GH. III^ 1-13. 

du V. 19, une seule période. Après avoir écrit les v. 
19-22 du chapitre H, sur les Gentils associés avec l'Is- 
raél croyant pour former en commun le temple qui 
s'élève sur Jésus-Christ et en Jésus-Christ, et où Dieu 
habite en esprit, TApôtre se sent pressé de prier pour 
qu'ils accomplissent toutes les obligations d'une voca- 
tion si sainte et qu'ils en recueillent tous les fruits. 
C'est dans le même esprit que nous l'avons vu, dans 
le chapitre I, v, 15 et 16 (voir p. 31, 32), excité par la 
grâce qu'ils ont déjà reçue à en demander pour eux de 
nouvelles; ces deux prières se correspondent et Ton 
peut regarder la seconde comme le développement de 
la première. Mais ayant voulu préparer les esprits à 
la prière qui va suivre, par quelques mots sur son 
ministère, moi Paul, prisonnier de Jésus-Christ^ pour 
vous Gentils y ce nouveau sujet l'arrête par son im- 
portance, sans le détourner de son idée principale; 
de là le développement, incident mais essentiel, qui 
forme une parenthèse de douze versets. 11 importe 
que les Gentils comprennent bien la nature de l'apo- 
stolat de saint Paul, l'objet que Dieu s'y est proposé, 
et l'utihté des souffrances qui l'accompagnent. Ces 
trois idées, qui expliquent l'intercession de l'Apôtre 
et la font paraître plus puissante, sont indiquées déjà 
dans le V. 1 , et puis développées dans les suivants, ifoî, 
Paul : cet Apôtre des Gentils si connu dans les Églises 
sous ce nom, qu'il se plaît à prendre dans certaines 
occasions où cette intervention personnelle doit forti- 



GH. III^ 1-13. POUR LES ÉPHÉSIENS. 147 

fier l'autorité de son langage (Gai. V, 2), et en relever 
la tendresse (Philém. 9, 19), ou Tun et Tautre à la fois 
(2Cor. X, 1). Ici, ce nom propre a pour objet d'inspirer 
plus de confiance aux Éphésiens dans son intercession 
en leur faveur, surtout étant joint avec les mots pri' 
smnier de Jésus- Christ. Il y a intercession et interces- 
sion. Les prières qui sont faites pour nous sont d'au- 
tant plus efficaces que celui qui les présente a plus 
de crédit auprès du Seigneur, par sa position ou par 
sa piété personnelle. Celui qui prie pour les Éphé- 
siens, c'est Paul, cet apôtre choisi, chéri, et singu- 
lièrement honoré de Dieu (1 Cor. XV, 10). C'est de 
j^hisfsul prisonnier de Jésus*Christ; c'est-à-dire, que 
Jésus-Christ a comme fait prisonnier dans l'intérêt de 
sa cause ; ainsi que les liens de l'Évangile (Philém. 13) 
sont les liens dont l'Évangile Ta attaché (voyez IV, 
1 ; 2 Tim. I, 8; Col. IV, 3). Cette circonstance, qui 
relève ailleurs l'intercession de l'Apôtre auprès de 
Philémon en faveur d'Onésime (« étant tel que je suis, 
« Paul, vieillard, et même maintenant prisonnier de 
< Jésus-Christ » Philém. 9), relève ici par une raison 
semblable son intercession auprès de Dieu en faveur 
des Éphésiens. Dieu ne peut qu'écouter favorablement 
son serviteur souffrant pour sa cause ; outre que le 
chrétien qui a le plus souffert est aussi, toutes ehoses 
égales d'ailleurs, le plus éprouvé et par conséquent 
celui qui a le plus « d'espérance, i> ou comme nous 
dirions d'assurance, dans la prière comme dans tout 



148 SECONDE PRIÈBE DE L'APAtRB GH. IH^ 1-13. 

le reste (Rom. V, 3-5), Pour vous Gentils, c'est-à-dire 
dans votre intérêt (voyez v. 13, et Col. I, 24; Actes 
IX, 15; Rom. XV, 15, 16); etc. 

Si toutefois vous avez appris (littéralement entendu). 
Les mots si toutefois supposent que TApôtre n'était 
pas entièrement assuré que ceux à qui il écrivait fus- 
sent bien instruits de ce qu'il va dire ; et autrement, 
pourquoi le dire ? en même temps que le mot entendu, 
indique que s'ils en étaient instruits c'était comme 
l'Apôtre l'avait été lui-même de leurs dispositions 
(I, 15), par le témoignage d'autrui, et non par des 
relations personnelles. Ceci confirme ce que nous 
avons dit dans notre introduction, que cette lettre 
n'était pas destinée aux seuls Éphésiens, mais à plu- 
sieurs Églises, dans le nombre desquelles il s'en trou- 
vait que l'Apôtre connaissait moins et dont il était 
moins connu. Selon Harless, si vous avez appris signi- 
fie : « Si vous avez appris > par ce que j'ai écrit ci- 
dessus dans cette lettre (v. 4); et il fait observer que 
les anciens se servaient souvent du mot entendre où 
nous nous servirions de celui de lire, parce que les 
manuscrits, étant peu nombreux, se lisaient en géné- 
ral à haute voix. Mais alors le doute exprimé par saint 
Paul (< Si toutefois, > etc.) > ne se comprendrait pas; 
et notice explication nous paraît bien plus naturelle. 

La dispensation. Il s'agit ici, non de la manière 
dont l'Apôtre dispense aux Gentils les révélations 
qu'il a reçues de Dieu, mais de la manière dont 



GH. ni^ 1-13. PODB LES ÉPHÉSIENS. 149 

Dieu dispense à l'Apôtre la charge qu'il lui a commise. 
Le mot ministère, employé dans nos versions, et 
même le mot administration^ adopté dans celle de 
Lausanne 1839, bien qu'il faille s'en servir ailleurs 
pour traduire le même terme grec, par exemple 
1 Cor. IX, 17, serait équivoque dans notre verset; et 
c'est l'une des occcasions où la version de Lausanne 
nous parait avoir abusé de ce principe, fort bon en 
soi, mais sujet à plus d'exceptions qu'elle n'en recon- 
naît, que le même mot grec doit être rendu partout 
par le même mot français. Au reste, la manière dont 
Dieu a dispensé à l'Apôtre sa charge est exposée 
dans les versets suivants. Je dis dans les versets sui- 
vants, et non, comme le font Harless et Olshausen, 
par les mots « par révélation > du v. 3, parce qu'il 
me paraît que la dispensation de Dieu à l'égard de 
l'Apôtre a une signification plus étendue et qui em- 
brasse, avec le moyen dont Dieu s'est servi pour 
l'éclairer, l'objet de son apostolat, les souffrances qui 
l'accompagnent et tout ce qui fait l'objet des pre- 
miers versets de notre chapitre. Nous expliquerions 
plus volontiers le mot dispensation^ ainsi que le fait 
Gerlach : « Cette disposition de Dieu, dans toute l'ad- 
ministration de son règne, en vertu de laquelle il m'a 
confié une grâce particulière en faveur des Gentils. > 
Ce que l'Apôtre suppose pouvoir n'être pas bien 
connu de tous ses lecteurs, ce n'est pas sa vocation 
à l'apostolat en général, mais les caractères parti- 



150 SECONDS PRIÈRE SE l'AfÔTRS GH. m, i-13. 

culiers de cette vocation en ce qui concerne Tévan- 
gélisation des Gentils, Il appelle l'objet de cette dis- 
pensation une grâce (ainsi que dans les v. 7 et 8), 
parce que l'apostolat, et en général le ministère évan- 
gélique dont Dieu revêt quelques-uns de ses enfants, 
est, tout aussi bien que le salut qu'il accorde à tous, 
un don gratuit et dont quiconque le reçoit est abso- 
lument indigne (Rom. XV, 15; 1 Cor. III, 10, rap- 
proché de I, 4, où il est question de la grâce géné- 
rale, etc.). Les souflFrances attachées à ce ministère 
ne lui ôtent rien de ce caractère ; elles ne sont pour 
saint Paul qu'un don de plus de la grâce de Dieu (Phil. 
1, 29). Notre verset éclaircit Col. 1, 25 où l'Apôtre ap- 
pelle, par ellipse, la dispensation de DieUy ce qu'il ap- 
pelle ici dispensation de la grâce de Dieu; et je ne puis 
voir sur quoi se fondent Harless et Olshausen pour don- 
ner au mot dispensation^ dans cet endroit de l'épître 
aux Colossiens, un sens différent de celui qu'il a ici. 
Et qu'il m^a fait connaître par révélation le mystère ; 
ou, savoir^ qu^il m'a fait connaître, etc. ; explication 
du verset précédent, et plus spécialement du mot dis- 
pensation. — Par révélation : allusion à l'histoire rap- 
portée dans Actes IX; voyez Gai. I, 12. Le mystère : 
expliqué au v. 6. Ce mystère n'est pas exactement 
le même que celui dont il a parlé dans 1, 9; mais c'en 
est une partie. Là, il s'agissait du plan général que 
Dieu avait formé pour « la plénitude des temps, » ce 
qui embrassait l'Église tout entière, et plus encore; 



CH. m, 1-13. POUR LES ÉPHÉSQSNS. 151 

ici, il s'agit du plan spécial qui concernait la voca- 
tion des Gentils. Ainsi que je l'ai écrit précédemment en 
peu de motSy non pas dans une précédente lettre, qui 
se serait perdue, comme Ta supposé saint Chrysos- 
tome, mais dans la partie de cette même lettre qui a 
précédé. Il faut expliquer de même 1 Pierre V, 12, 
et même 1 Cor. V, 9. Ce dont TApôtre a parlé pré- 
cédemment dans cette lettre, ce n'est pas « la révé- 
« lation » à laquelle il a eu part, mais « le mystère » 
qui lui a été révélé. Il a fait en effet l'objet de plus 
d'un passage des deux premiers chapitres, et notam- 
ment de la seconde moitié du chapitre H. 

Par où vous pouvez apercevoir en lisant quelle est V intel- 
ligence que fat dans le mystère de Christ. En lisant, » 
c'est-à-dire en entendant lire en public. « Le mystère 
« de Christ, > c'est le mystère qui se rapporte à Christ. 
Les Éphésiens sont invités à cet endroit k juger h pa- 
role de saint Paul pour discerner Tintelligence du 
mystère de Christ qu'il y fait paraître ; mais ailleurs 
les lecteurs de l'Apôtre sont invités à se soumettre à sa 
parole, comme à une parole de Dieu (1 Thess. II, 3) 
qui doit c les juger » (Jean XII, 48). Ces deux choses 
ne sont-elles pas contradictoires? Non. La foi et le 
sentiment servent tour à tour à nous affermir dans la 
vérité. Les hommes auxquels saint Paul écrit ont 
commencé par croire à la Parole de Dieu ; mais une 
fois qu'ils ont cru, il se développe en eux, par cette 
foi même, un sentiment exquis de la vérité qui les 



152 SECONDE PRIÈRE DE l'APÔTRE GH. IH^ 1-13. 

rend capables de discerner la voix de Dieu; et, reve- 
nant alors à la Parole qui les a touchés, ils la recon- 
naissent pour ce qu'elle est, avec une conviction 
nouvelle, plus sentie et plus personnelle que la pre- 
mière. II nous en arrive de même. Parce que nous 
croyons la Bible inspirée, nous en recevons les en- 
seignements avec soumissioi;; mais cette soumission 
même, ayant formé en nous un instinct de vérité, 
sans parler de l'instinct naturel qui n'est jamais en- 
tièrement étouffé, nous jugeons de l'inspiration de la 
Bible, et nous disons, en nous plaçant devant ce livre : 
a Voix d'un Dieu et non d'un homme! » N'est-ce pas 
ce que vous avez éprouvé, comme les Éphésiens, en 
lisant les deux premiers chapitres de cette épître? 
N'avez-vous pas vu une preuve nouvelle de son in- 
spiration dans ce qu'il dit et dans la manière dont 
il le dit? Eh bien ! vous avez fait ce que doivent faire 
les Éphésiens, et sans plus vous contredire qu'ils ne 
le feront en prenant conseil tour à tour de la foi et 
du sentiment personnel. Seulement, il importe que 
ce sentiment soit juste; et pour cela il faut qu'il ait 
été développé par la vérité révélée elle-même. 

Lequel [mystère) na point été donné à connaître aux 
fik des hommes, en d'autres générations comme il a été 
maintenant révélé à ses saints apôtres et prophètes, etc. 

On demande pourquoi saint Paul n'a pas dit aux 
prophètes (de l'ancienne alliance) au lieu de aux fih 
des homm^; et quelques commentateurs ont voulu 



GH. ni^ 1-13. POUR LES SPHÉSIENS. 153 

même que la seconde de ces expressions soit ici sy- 
nonyme de la première, en s'appuyant sur cette 
singulière raison que des prophètes, Ézéchiel en 
particulier, sont appelés parfois f fils d'homme, » 
comme s'il n'était pas facile de voir que c'est en tant 
qu'hommes, et non en tant que prophètes, qu'ils ont 
reçu ce nom. Ce qui embarrasse les commentateurs 
s'explique aisément, ce nous semble. Il était naturel 
et logique de s'exprimer ainsi que l'a fait l'Apôtre ; 
car le côté négatif qu'il relève dans la première partie 
de sa période regarde tout le genre humain, tandis 
que le côté positif qu'il relève dans la seconde ne 
regarde qu'un nombre d'hommes déterminé; cette 
ignorance était de tous (prophètes, Israélites, Gentils), 
tandis que cette révélation n'était faite qu'à quel- 
ques^ns. Nous dirions d'une manière semblable : la 
vaccine a été ignorée des hommes, jusqu'à ce qu'elle 
fut découverte par un médecin d'Ecosse ; et il serait 
aussi étrange de dire : ignorée des médecins que de 
dire : découverte par les hommes. Par une raison 
semblable, les expressions générales, en d'autres gé- 
nérations y donné à connaître ^ sont opposées à ces 
expressions spéciales, maintenant^ révélé; c'est que 
la négation est générale, l'afiSrmation spéciale. D y 
a, de plus, dans le choix de ce mot, fils des hommes, 
comme le fait observer Harless, quelque chose qui 
marque l'ignorance et la misère du genre humain, et 
le besoin qu'il avait de cette révélation, qui a été 



184 SECONDE P&IÈBE DE l'APÔTRE GH. HI^ i-i3. 

enfin accordée âux apôtres et prophètes de la Nou- 
velle Alliance ; car c'est de ces prophètes-là, évi- 
demment, qu'il est ici parlé, et la signification du 
mot prophète en cet endroit détermine celle qu'il Êiut 
lui donner dans II, 20. 

Au reste, saint Paul ne dit pas que le mystère ait 
été autrefois absolument ignoré; il dit seulement 
qu'il n'a pas été connu comme il a été maintenant ré- 
véU aux apôtres^ etc. Les prophètes de l'Ancien Tes- 
tament ont su quelque chose de la vocation des 
Gentils, puisqu'ils l'ont annoncée plus d'une fois, 
ainsi que l'atteste le Nouveau Testament lui-même 
(Jean V, 39, 46; Rom. IX, 25; Actes XID, 47, etc.); 
mais entre la lumière qui leur a été accordée, et celle 
qui l'a été aux apôtres, il y a toute la différence qui 
sépare la foi de la vue, et l'espérance de l'accom- 
plissement. Cette différence est bien marquée dans 
Luc X, 23, 24, où Ton voit les anciens prophètes 
pressentant l'économie évangélique tout juste assez 
poursoupirer après unepleine lumière (Voyez encore 
2 Pierre I, 19); et pourtant Jésus-Christ ne compare 
en cet endroit les prophètes qu'avec les apôtres tels 
qu'ils étaient avant l'effusion du Saint-Esprit. La dis- 
tance devient bien plus grande encore au jour de la 
Pentecôte, et c'est alors que se réalise complètement 
cette étonnante parole du Seigneur (Matth. XI, 11) : 
« En vérité, je vous dis qu'entre ceux qui sont nés de 
€ femme, il n'en a été suscité aucun plus grand que 



CM. III^ 1-13. POUR LES ÉPHÉSISNS. 185 

« Jean-Baptiste ; toutefois celui qui est le moindre 
« dans le royaume des cieux, est plus grand que lui. » 
Ajoutez à cela que les prophètes de TAncien Testa- 
ment se faisaient sans doute des idées imparfaites 
et fausses, sur la manière dont l'alliance devait être 
étendue aux Gentils ; loin de comprendre que c'était 
a par Christ et par l'Évangile > (6), ils se figuraient 
probablement que c'était par la circoncision et les 
observances de la loi, parce que la plupart des pré- 
dictions que Dieu leur inspirait sur ce sujet s'expri- 
ment en termes figurés et comme si les Gentils 
devaient être appelés à la communion de ces obser- 
vances. Ce point est capital dans notre épître, où 
l'Apôtre traite en détail du rapport des Gentils au 
peuple de Dieu, avant et après leur conversion 
(II, 11 -fin); et il est décisif dans l'histoire de l'Église, 
puisque c'est de là que dépendait la propagation uni- 
verselle du christianisme. Dieu révéla sa volonté 
à cet égard aux apôtres assemblés à Jérusalem 
(Actes XV). Mais saint Paul fut appelé à faire péné- 
trer cette lumière nouvelle dans tout le monde, et à 
la défendre contre tous les contradicteurs. Si un pro- 
phète de l'Ancien Testament venait à ressusciter, tel 
qu'il a vécu, et que nous pussions comparer ses lu- 
mières rehgieuses avec celles d'un enfant chrétien, 
nous serions vraisemblablement confondus de l'infé- 
riorité du premier; et ce rapprochement, en ache- 
vant de nous éclaircir Matth.*XI, 11, pourrait nous 



186 SECONDE PRIÈBE DE L'àPÔTBB GB. IH^ 1-13. 

donner une idée toute nouvelle de la grâce que 
TËglise â reçue au jour de la première Pente- 
côte. 

A ses saints apôtres et prophètes. Les prophètes sont 
ici les prophètes du Nouveau Testament, et la si- 
gnification de ce mot dans notre verset, où elle est 
hors de doute, nous paraît déterminer celle du même 
mot dans H, 20, ainsi que nous Pavons, dit en expli- 
quant cet endroit. Ici, comme là, nous pensons, 
avec Harless, que les apôtres et prophètes ne sont 
pas deux classes d'hommes inspirés, mais les mêmes 
hommes chez qui l'inspiration est envisagée à la 
fois par deux faces, Tapostolat et la prophétie; ces 
hommes, ce sont les apôtres. 

Ses apôtres et prophètes, c'est-à-dire les apôtres 
et prophètes de Dieu ; car c'est à Dieu que se rap- 
porte nécessairement le pronom correspondant dans 
le verset suivant (c sa promesse >), et son nom, sans 
avoir été prononcé dans les versets qui précèdent 
immédiatement le nôtre, est implicitement renfermé 
dans les verbes donner à connaître et révéler. Saints 
apôtres : cette épithète a quelque chose qui étonne. 
Quand De Wette y a vu un indice que Tépître aux 
Éphésiens n'était pas l'ouvrage d'un apôtre, il a porté 
un de ces jugements prompts et téméraires dont cer- 
tains commentateurs des Écritures sont trop remplis. 
Mais nous ne faisons pas difiSculté de reconnaître que 
l'expression qui y a donné lieu est insolite dans le lan- 



CE. m, 1-13. POUR LES ÉPHÉStBNS. 157 

gage des écrivains sacrés : les prophètes et les apôtres 
sont appelés par les autres du nom de saints, mais ne 
se le donnent guère à eux-mêmes. Si saint Paul le 
fait ici, c'est probablement pour relever le contraste 
qu'il établit entre les dépositaires de la révélation 
évangélique et t les fils des hommes » privés de cette 
lumière. Cette remarque est confirmée par Col. 1, 26. 
Il ne faut pas oublier que l'épithète saint, soit dans 
TAncien, soit dans le Nouveau Testament, n^équi- 
vaut pas exactement au terme correspondant de 
notre langue. Elle s'emploie essentiellement d'une 
personne (ou aussi d'une chose) mise à part et réser- 
vée pour le service de Dieu, de telle sorte qu'elle 
appelle moins l'attention sur la sainteté personnelle 
de l'homme que sur la faveur de Dieu qui l'a choisi. 
Les apôtres et prophètes sont des hommes consacrés 
pour l'œuvre de Dieu (Jean XVII, 17-19); voilà tout 
ce qu'emporte le titre que leur donne ici saint Paul, 
et qui, dans sa bouche, est le simple énoncé d'un 
fait et non une louange. Aussi, remarquez qu'il en- 
visage ici les apôtres et prophètes comme formant 
un corps, et que c'est à ce -corps, non à l'un des 
membres qui le composent, qu'il applique l'épithète 
saint, comme il l'applique souvent ailleurs à l'en- 
semble des fidèles, mais jamais à un individu. 

Que les Gentils sont cohéritiers ( avec Israël ) et 
du même corps y et participants également à sa 
promesse, en Christ, par l'Évangile. Voilà l'objet. 



iSS SECONDS PRIÈRE DE l'Ap6tR£ GH. ni, 4-13. 

indiqué par l'Apôtre lui-même, de ce mystère 
qui vient d'être révélé aux « apôtres et pro- 
« phètes » du Seigneur. C'^t la vocation des Gen- 
tils , admis à partager désormais tous les privi- 
lèges d'Israël, et à les partager, non par la loi, mais 
« en Christ, > qui est le fondement de leur salut, et 
« par l'Évangile, > qui en est le moyen*; les mots 
« en Christ ^ se lient, non avec celui de « proraes- 
« ses, > mais avec celui de « participants. > L'exten- 
sion de l'Évangile à tous les peuples nous paraît 
aujourd'hui une chose toute simple; mais, ce que 
nous trouvons si naturel, soit pour y avoir été 
plies par l'habitude, soit par l'enseignement de l'Es- 
prit de Dieu, était, au temps de l'Apôtre, une in- 
croyable nouveauté. Que de grâces dont nous jouis- 
sons comme si elles nous étaient dues, et dans 
lesquelles nous reconnaîtrons, quand nous serons 
pleinement éclairés, un déploiement merveilleux des 
perfections divines. Peut-être aussi tel point de 
la révélation qui est pour nous un grand mystère 
sera plein de clarté pour les générations qui nous 
suivent. 

Les trois mots grecs qui marquent que les Gentils 
partagent désormais tous les privilèges des Juifs, ne 

1 Cette vocation est appelée un mystère dans un sens différent de ce- 
kii que ce mot présente au lecteur français : non parce qu'elle est ob- 
scure en soi^ mais parce qu'elle a été cachée dans les temps précédents, 
ainsi que PApôtre l'explique au v. 9; le même terme a été employé 
dai^s le même sens, dans 1, 9. 



CM. m, 1-13. POUR LES ÉPHÉSIENS. IM 

peuvent se rendre en français avec Fénergie concise 
de Toriginal. Harless et Olshausen pensent que les 
deux derniers servent à développer le premier; le 
« cohéritier, » étant appelé « membre du même 
« corps, 1» à regarder ce qu'il e$ty et « participant 
< également de la promesse > à regarder ce qn'U 
possède^. Mais cette distinction ne nous paraît pas 
indiquée dans les expressions de l'Âpôtre ; il nous 
semble avoir voulu seulement accumuler les termes 
pour marquer que les Gentils étaient de tout point 
égalés aux Juifs. — Cohéritiers de cet héritage dont 
il a parlé I, 14, 18; non héritier avec Christ, comme 
Rom. I, 18, mais héritier avec Israël. Du même corps 
(I, 23; II, 16). La promesse, c'est-à-dire l'objet de la 
promesse (Voyez Gai. III, 22, etc.). Il s'agit ici, non 
de la promesse du Saint-Esprit, comme Gai. III, 14, 
mais de la promesse du Messie et des grâces que Dieu 
nous accorde en lui (H, 12). 

Selon l'efficace de sa puissance (Voyez I, 19). Cette 
puissance s'était déployée en saint Paul d'une façon 
spéciale, en faisant d'un ennemi acharné de Jésus- 
Christ le plus dévoué de ses apôtres. < Il appartient 
au Seigneur d'élever des hommes de rien ; c'est à. 
faire de grandes choses avec rien que paraît l'eflfi- 
cace de sa puissance » (Calvin). 

Cette grâce m'a été donnée, à moiy le moindre de 

» Ftnœnliches Verhxltniss et Saschliches VerhxUnUs (Harless). 



160 PBBKIÈRE PRiiBB DE L'APÔTRE GH. in, 1-43. 

tous les saints. Selon Harless, ces mots forment une 
exclamation qui se détache du contexte, comme celle 
qui coupe le v. 5 du chapitre H; et l'infinitif annon- 
cer explique, non le mot grâce du v. 8, mais le mot 
dm du V. 7 : « Selon le don qui m'a été donné, » sa- 
voir « d'annoncer, » etc. C'est qu'il semble peu natu- 
rel à Harless d'admettre dans une parenthèse, car tout 
ceci en est une (Voyez notre explication sur le v. 1), 
un point d'arrêt, tel que nous le supposons à la fin du 
V. 7. Cette raison ne nous paraît pas décisive, et nous 
nous en tenons à la ponctuation reçue. Un arrêt peu 
marqué, tel que l'indique notre point-virgule, suffit 
à 1^ fin du V. 7; et plus la parenthèse de l'Apôtre est 
longue, mieux on conçoit qu'il la suspende par un si 
léger repos. On doit éviter, en exégèse, de multi- 
plier les parenthèses, et surtout les parenthèses dans 
les parenthèses. Enfin, la grâce d'annoncer, etc., se 
comprend mieux que le don d'annoncer, etc. 

Le moindre : le mot employé par saint Paul ne se 
trouve nulle autre part, ni dans l'Écriture, ni chez 
les auteurs profanes. C'est un comparatif formé 
d'un superlatif, et qu'il faudrait traduire moindre 
que le plus petit, comme si le superlatif seul n'eût 
pas suffit à l'humilité de saint Paul. Ailleurs, il 
se compare avec les autres apôtres, et se dit « le 
« moindre des apôtres, indigne d'être appelé apô- 
« tre, ayant persécuté l'Église de Dieu » (1 Cor. XV, 
9). Ici, il fait plus encore : il se compare avec les 



CH. III, 1-13. POUR LES ÉPHÉSIENS. 161 

fidèles, quels qu'ils soient, et se met au-dessous des 
plus petits d'entre eux; il est, à ses propres yeux, 
le dernier des saints, et « le premier des pécheurs » 
(1 Tim. I, 15). On ne peut douter que ce langage, 
dans un tel homme et dans un écrit inspiré, ne soit 
sincère; et alors, qu'il est remarquable ! C'était don- 
ner exactement l'exemple de ce précepte de son 
épître aux Philippiens (II, 3) : « Estimez les autres, 
« par humilité, plus excellents que vous-mêmes » 
(littéralement,, estimez-vous les uns les autres plus 
excellents que vous-mêmes). Vrai paradoxe moral, 
dont la clef est dans ces mots, par humilité. Par 
l'humilité, le chrétien est porté à se juger sévèrement 
lui-même, et la charité lui vient en aide en le fai- 
sant juger favorablement d'autrui. Chacun, d'ail- 
leurs, lisant dans son propre cœur et non dans 
celui des autres, n'aperçoit qu'en lui-même ce 
fond du péché, qui en est le côté le plus mauvais, 
quoique le moins visible, et il peut toujours espérer 
que chez les autres, quelles que soient les appa- 
rences, ce fond, caché à ses yeux, est meilleur qu'en 
lui. Dans l'endroit qui nous occupe, ce sentiment de 
sa petitesse est relevé chez l'Apôtre par la vue de la 
grandeur de sa vocation; plus Dieu l'élève, plus il 
tient à s'abaisser. Il met sa charge très haut et très 
bas sa personne ; par oii il apprend aux ministres de 
l'Évangile comment ils peuvent concilier dans leur 
ministère la dignité avec l'humilité. Ceci nous instruit 

11 



162 SECONDE PRIÈRE DE l' APÔTRE GH. m, 1-13. 

en même temps dans quel esprit l'Apôtre exalte si 
fort sa charge (3-5, 7, 8, etc.). Ce n'est pas qu'il 
veuille s'élever lui-même, puisqu'il s'abaisse au con- 
traire si profondément. Ce n'est pas même qu'il 
veuille faire reconnaître et respecter son apostolat, 
comme en écrivant aux Galates (I, H); mais, d'ui)e 
part, il est ému tout le premier et comme subjugué 
par la gloire de sa mission auprès des Gentils ; et, de 
l'autre, il prépare ainsi ses lecteurs à se confier en 
son inspiration et à compter sur son intercession^ 

D'annoncer (littéralement d'évangéliser) chez le$ Gen- 
tils la richesse insondable de Christ. (Voy. Coloss. I, 
23, 25.) — La richesse de Christ, ce n'est pas h 
richesse des biens qu'il réserve aux siens (Hébr. X, 
34), ni même la richesse de sa grâce, comme quçl- 
ques-uns l'ont pensé, mais c'est, comme dans Rom. 
U, 33 (la richesse de Dieu) etPhil. IV, 19 (la richesse 
de Dieu, en gloire, en Jésus-Christ), la richesse qu'il 
possède en soi, la mesure surabondante de sa gloire 
céleste, et à peu près ce que l'Apôtre appelle ailleurs 
« sa plénitude > (I, 23; III, 19; IV, 13). Cette ri- 
chesse de Dieu est l'espérance de notre pauvreté, à 
laquelle saint Paul se plaît à l'opposer. Insondable: 
« Mais quelqu'un dira : Si cette richesse est iuson- 
dable, comment peux-tu la prêcher? L'Apôtre ré- 
pond : Je prêche cela même, qu'elle est insondable » 
(Théodoret). Prêcher n'est pas sonder. 

El mettre en lumière devant tous, littéralement, et il- 



GH. ni, 1-43. POUR L£S ÉSHÉSIBNS. 163 

lummer tous quelle est la dispensation du mystère caché 
dès les siècles en DieUj qui a créé toutes choses. Le verbe 
rendu par illuminer est le même qui est employé dans 
I, 18. L'action d'illuminer les hommes n'appartient, 
à proprement parler, qu'à Dieu (1,18; Ps. XIII, 4); 
mais elle est attribuée ensuite à la Parole de Dieu, par 
laquelle Dieu nous éclaire (Ps. CXIX, 130 ; 2 Cor. IV, 
4) ; enfin elle l'est ici, et ici seulement, à l'Apôtre, par 
lequel cette Parole nous est transmise. Par une raison 
semblable, l'endurcissement du cœur est attribué 
une fais au prophète (Ésaïe VI, 10), au lieu qu'il Test 
ailleurs, soit au Seigneur (Jean XH, 40), soit à 
l'homme lui-même (Matth. XIII, 15; Actes XXVIII, 
27); ce qui se concilie par cette remarque, que la 
cause, ou plutôt l'instrument de cet endurcissement, 
c'est la Parole, qui procède de Dieuj qui est annoncée 
par le prophète^ et que Vhomme rend pernicieuse pour 
lui par son. incrédulité, de salutaire qu'elle était en 
soi. L'illumination prêtée à l'Apôtre dans notre ver- 
set diffère de celle qui est prêtée à Dieu dans I, 18, 
en ce que celle-ci est intérieure, étant opérée par le 
Saint-Esprit, tandis que celle-là est extérieure, étant 
fiiite par la prédication. Cependant illuminer n'est 
pas synonyme d'enseigner, ainsi qu'on l'a dit; le pre- 
mier terme a sur le second l'avantage de mettre l'es- 
prit du lecteur en rapport avec la lumière qui est en 
Dieu et dans son Évangile. Le mot tous signifie tous 
les hommes, tant Juifs que Gentils. £n prêchant 



164 SECONDE PRIÈRE DE l'aFÔTRE GH. m, i-i3. 

rËvangile aux Gentils, l'Âpôtre éclaire les Juifs aussi 
bien que les Gentils sur le plan de la grâce ; et les 
anges eux-mêmes pourraient être compris dans le 
mot tous, d'après le v. 10 : car autre est la prédica- 
tion de l'Évangile aux Gentils, mentionnée au v. 8, 
autre Tinstruction donnée sur la dispensation de Dieu 
par cette prédication, instruction qui s'étend à tous 
les hommes et au delà même du genre humain. Ainsi, 
le V. 8 nous présente la vocation des Gentils; le v. 9, 
cette vocation révélant les desseins de Dieu à toute 
la race humaine ; et le verset 10, cette vocation révé- 
lant ses perfections aux anges eux-mêmes. On pour- 
rait aussi, en expliquant le mot tous par les mote 
parmi les Gentils du v. 8, l'entendre des Gentils seu- 
lement, comme dans Col. I, 23 et 28, passage quia 
beaucoup d'analogie avec le nôtre. On entendrait 
alors Villumination du v. 9, non plus de l'effet produit 
par Yévangëlisation du v. 8, mais de cette évangélisa- 
tion elle-même ; et le commencement de notre verset 
se confondrait à peu près avec la fin du précédent. 
Mais cette répétition nous parait peu vraisemblable; 
et la suite du v. 9, c quelle est la dispensation du 
€ mystère, etc., > qu'on ne peut dans aucun cas, ce 
nous semble, regarder comme synonyme de « la ri- 
€ chesse insondable de Christ, » ne présenterait pas 
un sens satisfaisant. Ajoutons que l'interprétation que 
nous avons d'abord proposée, et qui a été adoptée 
également par Harless et Olshausen, est confirmée 



CK. m, \'\9. POUR LES ÉPHÉSIENS. 465 

par un verset du même endroit de l'épUre aux Colos- 
siens, qu'on pourrait alléguer en faveur de l'autre. 
Ce sont les v. 27 et 28, où la distinction est établie 
entre les Gentils, qui sont tous appelés à la connais- 
sance de Jésus-Christ, et les saints^ auxquels Dieu 
donne à connaître, par la vocation des Gentils, 
€ quelle est la richesse de la gloire de ce mystère. » 

Quelle est la dispensaiionj et non la communication, 
comme on le lit dans nos versions, d'après une leçon 
que les autorités les plus considérables en critique 
s'accordent à rejeter. Le mot dispensation a le même 
sens ici que dans le v. 2, et dans I, 10. C'est la ma- 
nière dont le mystère est dispensé de Dieu, le plan 
divin d'après lequel il se développe. 

Du mystère caché depuis les siècles (depuis le com- 
mencement des temps, de toute éternité). Ces'mots 
nous font connaître le sens du mot mystère, sur lequel 
les habitudes de notre langue pourraient nous don- 
ner le change. C'est moins une chose obscure en soi 
qu'une chose que Dieu a tenue longtemps cacfcce pour 
ne la découvrir aux hommes, ou du moins ne la leur 
découvrir complètement (v. 5), que dans les temps 
évangéliques. Notre mot secret, s'il n'avait je ne sais 
quoi de maigre et de petit, rendrait mieux que celui 
de mystère le terme original. Ce secret, dont la mani- 
festation était réservée pour les temps évangéliques 
et dont il est question dans plusieurs endroits du Nou- 
veau Testament, c'est tantôt l'économie de grâce en 



166 SECONDE PRIÈBE DE l'AFÔTRE GH. HI^ 1-13. 

général (Êph. I, 9; 1 Cor. II, 7; Matth- Xffl, 35), 
tantôt la participation commune de tous les peuples à 
cette grâce et la formation de TÊglise, où Juifs 
croyants et Gentils croyants sont unis (Rom. XVI, 
25; Col. I, 26). Olsbausen donne ici au mot mystère 
le premier de ces deux sens, tandis qu'il lui donne le 
second aux v. 3 et 4, d'après le v. 6; mais il nous 
semble qu'on ne saurait donner au même terme, dans 
le même développement, deux acceptions distinctes, 
et que le v. 6 détermine la signification du mot my^ 
tère aussi bien dans les versets qui le suivent que dans 
ceux qui le précèdent. Ce n'est pas que l'idée géné- 
rale de l'économie de grâce, qui a rempli le commen- 
cement de notre épître, ne se retrouve encore ici ; 
mais ce n'est pas dans le mot mystère qu'il la &ut 
chercher, c'est dans le mot dispensation. Dans € la dis- 
€ pmsation du mystère, » c'est-à-dire dans la manière 
dont Dieu a réglé la formation d'une Église univer- 
selle, l'économie de grâce occupe, en effet, la pre- 
mière place, car c'est la nature même de l'économie 
de grâce qui la rend, à la différence de celle delà loi, 
accessible à toutes les nations. On doit considérer le 
V. 12 comme un développement de h dispmsatim du 
mystère ; cette dispensation consiste essentiellement 
en ce que c'est, non par la loi de Moïse, mais c par la 
« foi en Jésus-Christ, » et par conséquent par un che- 
min ouvert à tous les hommes, que « nous avons har- 
< diesse et accès, en confiance » auprès du Père (II, 



GH. m^ 1-13. POUR LES ÉFHÉSIENS. 167 

18)« Voyez tout cela confirmé par le passage corres- 
pondant de l'épître aux Colossiens, I, 25-28, et sur- 
tout le V. 27, où le mj/s<ércapour champ [Umfang) les 
Gentils et pour objet Christ. 

En Dieu^ qui a créé toutes choses. Nous supprimons, 
d^aprèsies meilleures autorités, les mots < par Jésus- 
€ Christ, » qui ont été vraisemblablement suggérés 
par Col. 1, 16. Il est fort probable d'ailleurs que saint 
Paul, voulant exprimer la pensée que le texte reçu lui 
prête, n'aurait pas ait par Jésus-Christ^ msis par Christ. 
Le Messie n'est appelé Jésus-Christ qu'à partir du 
moment où le Fils de Dieu est uni à l'homme Jésus ; 
et chaque fois qu'il est question de son action anté- 
rieure à son incarnation, et à plus forte raison de la 
part qu'il a prise à la création de l'univers, c'est le 
nom de Christ ou de Fils qui lui est donné. L'Écri- 
ture est très exacte dans cette distinction. Ainsi, Dieu 
nous a élus < en Christ, i> pour nous adopter « par 
€ Jésus-Christ, » 1,4, 5; les Gentils, qui étaient « hors 
« de Christ, » avant leur conversion, sont, depuis 
leur conversion, « en Jésus-Christ, » II, 12, 13, etc. 
Vous trouverez le nom de Christ appliqué au Messie 
déjà venu en chair, I, 20; mais jamais celui de Jésus- 
Christ appliqué au Messie avant son incarnation. 

Plusieurs ont cru qu'il s'agit ici d'une création 
spirituelle ; mais ni le temps passé auquel le verbe 
est mis, ni l'emploi de ce verbe sans explication, ni 
les mots toutes choses qui l'accompagnent, ne permet- 



168 SECONDE PRIÈBE DE L^APÔTRE GH. lO, i-i3. 

tent cette interprétation. Il s'agit de la création ma- 
térielle ou plutôt de la création universelle, qui em- 
brasse à la fois le monde visible et le monde invisible. 
Mais quelle raison l'Apôtre a-t-il eue pour faire suivre 
en cet endroit le nom de Dieu de cette proposition 
incidente, t qui a créé toutes choses? » Cette ques- 
tion a fort embarrassé les commentateurs. Harless 
se tire de cette difficulté en liant étroitement ces mots 
avec les suivants : « Qui a créé toutes choses afin 
€ que fût manifesté, etc. ; > nous dirons tout à l'heure 
pourquoi nous rejetons cette construction. D'après 
Olshausen et Gerlach, l'Apôtre a voulu rappeler indi- 
rectement que la rédemption par Christ est une autre 
création, et que notre Créateur a seul pu être notre 
Rédempteur; mais cette explication nous paraît avoir 
elle-même besoin d'explication, et ne pas sortir na- 
turellement du texte. Voici, selon nous, la pensée de 
l'Apôtre, qui ne nous paraît guère obscure. Parce que 
Dieu est le Créateur de toutes choses, il est aussi celui 
qui a formé dès le commencement un plan pour 
l'évangélisàtion de toutes ses créatures, et qui pos- 
sède en lui-même le secret qu'il cache à tous les yeux 
jusqu'au temps de l'exécution. C'est à peu près la 
même idée qui est énoncée par saint Jacques traitant 
le même sujet, dans le concile de Jérusalem (Actes 
XV, 18), avec cette nuance que saint Paul rappelle 
plus spécialement que ce plan est de toute éternité 
formé de Dieu, et saint Jacques qu'il est de toute 



GH. in^ 1-13. FOUR LES ÉPKBSIENS. 469 

éternité connu de Dieu; mais en Dieu résoudre et 
prévoir sont un. Le mot de saint Jacques éclaircit 
celui de saint Paul; et celui de saint E^ul, à son tour, 
éclaircit le rapport, un peu obscur, qui lie cette ré- 
flexion de saint Jacques avec son sujet principal. Ce 
rapport est indiqué en ces termes par Bloomfield dans 
son commentaire, sur Actes XV, 18 : « Dieu est im- 
muable. Il a arrêté de toute éternité de fonder un 
royaume spirituel où les Gentils seraient admis aussi 
bien que les Juifs. » 

Afin- que fût donnée à connaitre maintenant aux 
principautés et aux puissances dans les lieux célestes, 
par l'Eglise^ la sagesse infiniment variée de Dieu. 
J'aime mieux donner à la phrase un tour insolite 
en français que de renverser l'ordre de l'original , 
qui ne me paraît pas indifférent. Avec quoi se lie 
la conjonction afin que? Harless répond : Avec les 
mots qui précèdent immédiatement : « En Dieu, qui 
« a créé toutes choses afin que fût donnée à con- 
€ naître, etc. » Nous rejetons ce sentiment par les 
raisons suivantes. D'abord, il est probable que saint 
Paul, ayant employé le verbe créer à l'actif, aurait 
mis à la même voix le verbe donner à connaître, avec 
avec lequel le premier serait si étroitement lié, et 
qu'il aurait dit : Qui a créé toutes choses afin de 
donner à connaître, etc. Puis, le mot maintenant per- 
drait dé son sens, ne trouvant rien qui lui soit op- 
posé dans la phrase « qui a créé toutes choses, > 



ITO SECONDE PBIÈlLE DE L^APÔTBE GH. III^ i-i3. 

tandis qu'il a, dans une autre partie du v. 9, un cor- 
respondant parfait, < dès les siècles. > Enfin, et 
surtout, l'intenfion ici indiquée est trop spéciale pour 
être envisagée comme la fin dernière de toute la 
création. Dieu nous est représenté ailleurs dans les 
Écritures créant toutes choses pour glorifier son nom 
(Prov. XVI, 4), ou pour exalter son Fils, etc. (Col. 
I, 16) ; mais qu'il ait créé toutes choses pour mani- 
fester une perfection déterminée (sa sagesse), à des 
créatures déterminées (les anges), par une œuvre 
déterminée (l'Église), dans un temps déterminé (main- 
tenant), — cela ne nous est jamais dit, ni rien de 
semblable ; et.qui ne sent un défaut d'harmonie entre 
un but aussi particulier que celui-là, et une action 
aussi étendue et aussi générale que la création de 
toutes choses? — Gerlach et d'autres lient afin que 
avec les mots émngéUser et illuminer des v. 8 et 9 : 
€ D'annoncer chez les Gentils, etc., et de mettre en 
« lumière devant tous qu'elle est, etc., afin que soit 
c maintenant donnée à connaître. i> Ce rapport est 
plus satisfaisant que celui qui est proposé par Harless. 
n n'a guère contre lui qu'une chose : c'est que le but 
magnifique indiqué dans le v. 10 serait rattaché à 
l'action d'un homme. Paul évangélisant les Gen- 
tils et illuminant tous les hommes, — afin que 
soit donnée à connaître aux anges la sagesse de 
Dieu, ce rapprochement a quelque chose qui étonne, 
il faut l'avouer. On pourrait répondre à cela cepen- 



GH. III^ 4-43. POUR LES ÉPHÉSISNB. 171 

dant que Paul, faisant l'œuvre de Dieu, par l'Esprit 
de Dieu , a pu faire abstraction de sa personne 
étangélisant et illuminant, pour ne voir que l'Ëvangile 
qu'il annonçait et la lumière de Dieu qu'il apportait. 
Mais j'aimerais mieux lier afin que avec les mots 
caché dis les siècles^ etc. : « du mystère qui a été caché 
« dès les siècles en Dieu, — afin que fïit maintenant 
€ donnée à connaître aux anges. > Il est vrai qu'il faut 
donner alors au mot afin que, un sens qu'il a rare^ 
ment, mais qu'il a pourtant quelquefois : avec Vinten^^ 
tion de (Rom. XI, 32; 1 Cor. XIV, 13; voyez aussi 
Rom. XI, H, etc.) « Dieu a tenu ce mystère caché de 
€ tout temps en lui, — avec l'intention de manisfester 
« maintenant, etc. » Nous emploierions en français 
la préposition pour d'une manière analogue : « Dieu 
« a tenu ce mystère caché de tout temps — pour 
« manifester maintenant, etc. ; > ce qui signifie, non, 
afin de manifester, mais avec l'intention de mani- 
fester. Avec cette explication, la correspondance des 
deux phrases est parfaite : le passif fut donnée à con- 
naiire répond au passif caché, le sens de F un de ces 
verbes contraste avec celui de l'autre, et le mot main" 
tena$U avec les mots dés les siècles. 

Aux principautés et aux puissances dans les lieux 
célestes : aux anges. Il s'agit ici plus spécialement, si- 
non exclusivement, des anges fidèles, qui ont à 
cœur la gloire de Dieu. Ces mêmes anges nous sont 
dépeints ailleurs, veillant sur les disciples du Seigneur 



172 SECONDE PRIÈBE DE L^APÔTRE GH. OT^ 4-13. 

(Matth. Xyniy 10)^ se réjouissant de la conversion 
du pécheur (Luc XV, 7), contemplant les travaux des 
apôtres (1 Cor. IV, 9), assistant aux assemblées chré- 
tiennes (1 Cor. XI, 10), servant les héritiers du salut 
(Hébr. I, 14), et se courbant sur l'Évangile sans pou- 
voir le sonder jusqu'au fond (1 Pierre I, 12). Le 
monde est pour saint Paul un théâtre où Dieu déploie 
ses perfections, aux yeux des esprits célestes: il Ta 
fait au commencement par la création (Job XXXVIII, 
7), et il le fait aujourd'hui, < par l'Église ^ d'une 
manière nouvelle et plus digne encore de leur ad- 
miration. Ce lien établi entre les anges et les hommes, 
en Jésus-Christ, est merveilleux (Voyez la note sur 
I, 10); notre monde et celui des esprits gagnent 
également à être contemplés dans ce rapport. Mais 
ce passage a de plus ce côté curieux et instructif 
qu'il nous donne à entendre que les anges sont sus- 
ceptibles de développement, puisqu'ils peuvent croître 
en lumière spirituelle par la contemplation de l'Église. 
€ La terre, avec l'homme, nous apparaît ici, dit 01s- 
hausen, comme le centre des œuvres de Dieu, comme 
le Golgotha de l'univers ; et ce qui se passe sur elle 
intéresse le reste des créatures, non-seulement comme 
objet de contemplation, mais encore comme moyen 
d'une action réelle qu'il exerce sur eux. 

Par V Église : non par l'Église des Gentils seulement, 
mais par l'Église universelle, formée de ces tous dont il 
est parlé au commencement du v. 9, Gentils ou Juife. 



GH. III; 1-43. POUR LES ÉPHÉSIEirS. 173 

Notre Apôtre, agrandissant peu à peu son sujet, 
sans Tabandonner, a dépassé l'idée par laquelle il 
avait commencé, la vocation des Gentils. Ce n'est plus 
cette vocation seule qui l'occupe, mais la constitution 
nouvelle de l'Église qui s'y rattache, et où la position 
du Juif a changé de face aussi bien que celle du Gentil 
(H, 15); ce n'est plus le mystère seul, mais hdUpen- 
sation du mystère et les principes essentiels de l'éco- 
nomie évangélique. De là, dans la prière qui va suivre 
et qui est la fin de tout ce développement, un carao- 
tère de généralité qui la rend aussi propre à être of- 
ferte pour des chrétiens sortis du judaïsme que pour 
des chrétiens sortis du paganisme, bien que ces der- 
niers en soient l'objet spécial. Les mots dans VÉglise^ 
du V. 21, correspondent aux mots par V Église^ de 
notre verset. 

La sagesse infir^iment variée de Dieu. Infiniment vor 
riie forme un seul mot dans l'original, et c'est 
encore un mot de la composition de saint Paul. 
La sagesse de Dieu se montre sous ce caractère, 
dans l'Église universelle, par la variété des moyens 
que Dieu emploie pour appeler les hommes au salut. 
Cette variété paraît également, soit que l'on compare 
entre elles les diverses applications contemporaines 
de la révélation évangélique : autre est la vocation du 
Juif en Jésus-Christ, autre est celle du Gentil en ce 
même Jésus-Christ ; soit que l'on compare la révéla- 
tion évangélique avec les révélations qui l'ont pré- 



174 SECONDE PRiiUB DE l'aPÔTRE GH. iU, 1*13. 

cédée : autre est Téconomie du Nouveau Testament, 
autre celle de l'Ancien ; autre est aussi, dans les limites 
de TAncien Testament, la dispensation patriarchale, 
autre la dispensation lévitique, autre la dispensation 
prophétique (Hébr, 1, !)• Harless rejette la première 
de ces deux idées, parce qu'il lui semble que la sa- 
gesse de Dieu est parfaitement une, et non variée, 
dans la révélation évangélique, d'après Éph. IV, 4, 5. 
Mais on pourrait opposer une raison semblable à la 
seconde idée, à laquelle Harless s'arrête; car la révé- 
lation de Dieu est une aussi pour le fond dans ses di« 
verses époques, si bien que la foi évangélique est 
appelée < la foi d'Abraham > (Rom. IV, 10), et la bé- 
nédiction évangélique « la bénédiction d'Abraham > 
(Gai. m, 14). La sagesse de Dieu est une à la fois et 
diverse; une même en des temps divers, et diverse 
même dans le même temps. Mais ni cette unité, ni 
cette variété, sur laquelle seule l'Apôtre attire ici 
notre attention, n'a jamais paru plus clairement que 
dans TÉglise universelle, tant dans son développement 
contemporain que dans sa préparation historique. 
S'il fallait choisir entre ces deux points de vue, 
le premier, que rejette Harless, est celui qui nous pa- 
raîtrait le plus nettement indiqué; mais rien n'em- 
pêche de les réunir, et l'un et l'autre sont présents à 
la pensée de l'Apôtre. Le premier se montre surtout 
dans notre verset, en soi, et le second, dans ce ver- 
set, rapproché du précédent. Peut-être losanges eux- 



C9. ni^ i-13. POUR LBS ÉPHÉSIENS. 175 

-mêmes qui admirent c cette sagesse infiniment ya* 
« riée > en fournissent-ils une application nouvelle, 
par le lien que l'Évangile a formé entre eux et nous, 
en Christ, leur maître et notre tête (v. 10, 21, 23). 
Comme manifestation de cette même sagesse, exci- 
tant l'admiration de l'Apôtre, comme elle doit exciter 
ici celle des anges, mé4îtez Rom. XI, 30*33. 

Selon le dessein des siècles ; un dessein qui n'est ni 
d'un jour, ni d'un an, ni d'un siècle, mais de tous les 
siècles, c'est-à-dire, qui a été conçu dès le commen- 
cement. La préposition sehm se rapporte au verbe 
donner à eonnattre. La sagesse de Dieu est donnée à 
connaître maintenant, — selon le dessein que Dieu en 
avait formé de tout temps (I, 9) : c Ayant donné à 
€ connaître le mystère de sa volonté , selon son bon 
« plaisir qu'il avait arrêté en soi-même. > (Voyez en- 
coreTitel, 2;2Tim. 1,9.) 

Qu'il a formé en Jéstàs^ Christ notre Seigneur. Qu'il a 
formé (littéralement fait), c'est-à-dire, qu'il a conçu. 
Olshausen veut qu'on traduise : qu'il a exécuté, et 
l'entend de la réalisation historique du plan divin par 
la mort et la résurrection de Jésus-Christ, tandis que 
nous l'entendons de la conception éternelle de ce 
plan en Christ (I, 4, etc.). Olshausen allègue deux 
raisons en faveur de son interprétation. La première, 
c'est que le temps auquel l'auteur sacré a mis le 
verbe faire la recommande ; nous ne comprenons pas 
cela; ce temps est exactement celui auquel il a mis le 



176 SECONDE PRIÉIUB DE L'AJPÔTRS GH. Ul, 1-13. 

verbe iUrè dans le verset que nous venons de rap- 
peler. La seconde, c'est que le Seigneur reçoit ici le 
nom de Jésus-Christ^ qui ne lui est donné qu'après 
son incarnation (voyez Texplication du v. 9, p. 167). 
Ceci est une raison considérable et à laquelle les mots 
ajoutés à ce nom : notre Seigneur^ donnent encore plus 
de poids. Aussi nous rangerions-nous volontiers à 
l'avis d'Olshausen, si le dictionnaire nous le permet- 
tait. Mais nous pensons que le verbe faire n'est pas 
plus susceptible en grec qu'en français du sens 
qu'Olshausen lui donne en cet endroit, et que lui 
donnent également Robinson dans son Dictionnaire 
du Nouveau Testament et d'autres interprètes. Robin- 
son cite à l'appui de cette traduction plusieurs pas- 
sages dans lesquels le même verbe signifie exécuter 
(Actes IV, 28; Rom. IX, 28; 2 Cor. VIO, 10, 11; 
Gai. V, 17). Mais la ressemblance n'est pas parfaite; 
ce qui le prouve, c'est que dans les quatre endroits 
qui viennent d'être cités, nos versions ont pu traduire 
et ont traduit faire, tandis que traduire ici « le des- 
€ sein qu'il a fait en Jésus-Christ, > c'est donner au 
lecteur la pensée qu'Olshausen repousse. Nous di- 
sons, en parlant d'une résolution, faire ^o\xv exécuter, 
lorsque le régime du verbe est /a cAose qui a. été réso- 
lue, mais jamais lorsque c'est Vacte même de la réso- 
lution; ainsi nous dirons que les ennemis de Jésus- 
Christ ont fait les choses que Dieu avait déterminées 
devoir être faites (Actes IV, 24), mais nous ne dirons 



GB. lU^ 1-13. POÏÏR LBS ÉPHÉSUN8. VTh 

pas que Dieu a /ait? une déterminatian^ une rësohdâon) 

ou un dessein, pour marquer qu'il Fai misa exéo»^ 

tioQ; U en est exactement de même en. grec. Nèusr 

sommes donc obligés de traduise fu'tr ai /brméy tra^r 

duction que nous voyons adoptée t par Hadess^ stois) 

parler d'autres commentateurs, ancienstetlmodemesi^ 

Gsdvin^ Baagel, Flatt, ttc. Resté l'objectioai de Ois* 

haiusen^^ tirée du nom donné ici au Seigneurs Voici 

ncKtoe réponse, qui n'est que: l^xliévelop^psmeiitr d]\xùt^ 

piensée émise par Harless, si nous avons ;biencoinpriaf 

cet auteur. Les derniers mots du v*,il^,piaQés)«[itte 

le commencement de ce verset qui traite duf/a«diviiii 

et le commencement du verset suivant qui. traite der 

saoïréaUmHM^ei servant de passage de Tua à l'autre,, 

reçoiil; de cette position un double aspect qui expliquai 

ce. qui étonae Olshausen. 

Bar(taAtide( l'idée de plan^ l'Apôtre, nous le. moatiner 

dSabond «conçu en Christ, > et remarquez^que oe^ 

nami précèderici celui de Jésus; mais ayant àrprépar* 

rer à la réalisation de ce plan qui fait le sujet du verr* 

set. suivant, il est naturellement amen^é^ à ajouter les 

mots < «lésas, notre Seigneur, > puisque^ ce n!est 

qu'en Jésusr^^lhrist venu en chair que^ %^ n^îMis ^avona 

ç hardiesse etiaccès. > Il y a ellipse dans l'expressioii, 

maia une.elUpae qui ne pouvait guère, être évitée cgtBi 

par une phraee loague et pesante,, telle queveelle^er»<4 

par exemple :. Qu i7 a conçu m Chmtt et réalisi'mJé^ 

iM-GhrM mire Seigneur. Au surplus^. saint Saaid:ne{ 

13 



178 SECONDE PBIÈIUB DE i'aPÔTRE GH. Ul, J-i3. 

craint pas les ellipses, alors même qu'elles pour- 
raient être évitées ; c'est le caractère d'un style aussi 
plein de choses et aussi avare de mots que le sien. U 
y a une ellipse qui a quelque analogie avec celle-ci 
(Tite ni, 5). Je conserve à dessein Tordre grec de la 
phrase : c Non par des œuvres de justice et que nous 
c eussions faites, mais selon sa miséricorde, il nous a 
c sauvés. > Le verbe sauvés s'accorde avec les mots 
qui le précèdent immédiatement selon sa miséricorde, 
mais il ne s'accorde pas avec le commencement de la 
phrase : non par der œuvres de justice^ etc. Si ce 
membre de phrase était séparé du suivant, saint 
Paul n'eût jamais dit : « U ne nous a pas sauvés 
par des œuvres de justice; mais il aurait dit, se- 
lon l'usage constant du Nouveau Testament, il ne 
nous a pas justifiés par des œuvres de justice, etc. 
La première expression renfermerait un pléonasme 
choquant, puisque le salut ^ supposant la perdi- 
tion, implique nécessairement qu'on n'a pas fait le& 
œuvres; je dis le salut dans le sens du Nouveau Tes- 
tament, et non dans le sens français du mot qui, 
malheureusement, confond à peu près le salut avec 
la vie éternelle, et nous fait perdre ainsi un enseigne- 
ment indirect et perpétuel de l'Évangile sur la gra- 
tuité du salut. La phrase de Tite III, 5, sans ellipse, 
eut été : € Il ne nous a pas justifiés par des œuvres de 
< jiistice, mais il nous a sauvés selon sa miséricorde. > 
L'ellipse est bien plus tolérable dans l'ordre grec 



CH. m, 1-13, POUR LES ÉPBÉ8IBNS. 179 

de la phrase que dans le français, parce qu'en met- 
tant sauvés au commencement de la phrase, nous 
Téloignons des mots selon sa miséricorde^ et le rap- 
prochons des mots non par des œuvres de justice; c'est 
le contraire qu'il fallait faire, et que fait l'original. 

En qui nous avons hardiesse et accès en confiance par 
la foi en lui. Ainsi que nous l'avons déjà fait remar- 
quer, ce verset entre pour sa part dans le développe- 
ment de « la dispensaiion du mystère, > et la pensée 
qu'il exprime tient essentiellement à tout ce qui pré- 
cède. Cette économie d'un salut gratuit, qui réside 
en Jésus-Christ, qui s'obtient par la foi en lui, et qui 
produit une confiance filiale, n'est que la réalisation 
de € ce dessein des siècles, > que Dieu « a formé en 
€ Christ; » et c'est elle qui, substituée au régime de 
la loi pour le Juif, et à l'oubli de Dieu pour le Gentil, 
réunit c les deux en Christ en un seul homme nou- 
€ veau, » et sert de fondement à la vocation des Gen- 
tils, à leur union avec les Juifs, et à la formation de 
l'Église nouvelle qui les rassemble les uns et les au- 
tres. 

La hardiesse : l'article devant ce mot, et devant ce- 
lui d'accé5, indique qu'il s'agit d'une hardiesse et d'un 
accès bien connus ; cette hardiesse et cet accès que 
nous avons aujourd'hui, et qui nous manquaient au- 
trefois. Plutôt que de le supprimer, avec nos versions 
et Lausanne 1839, j'aimerais mieux le traduire par 
l'adjectif démonstratif : cette hardiesse, cet accès. 



180 sEGONM fuAbe ^s l'apôtbe gii, ui, li-lS; 

Hardiesse j occis. La première, quant au. Biaade ; le 
sçcond, quant à Dieu, selon Oldaftusen,. Cette^ distine'r 
tien ne nous parait nuUenxant fondée. Une s'agîl ki 
que de nos rapports avec Dieu ; et raccumulatiott d^ 
trois substantifs, développant la pensée que TApôtre 
avait exprimée par un seul danall, 1&, a pour ob- 
jet de marquer la pleine et abondante confiance que 
la foi en Jésus-Christ doit produire. La hardiesse qt 
la confiance sont à peu près synonymes ; cela nous 
Élit penser que le complémeoi < en confiance, > ne 
qualifie que le mot accès et non le mot hardiesse, c La 
c hardiesse, — en confiance, > ne se comprendrait 
guère, tandis que € Taccès en confiance > se corn* 
prend fort bien. Le mot rendu par hardiesse^ signifie 
littéralement le franc parler ; mais cette signification 
étymologique a disparu, ou tout au plus s'est-elle 
conservée dans les endroits où ce mot s'emploie de 
la prière (1 Jean ffl, 21, 22). Elle a feit place à l'idée 
générale de cette espérance que donne au chrétien la 
persuasion que Dieu Ta reçu en grâce et adopté pour 
son enfant. La hardiesse ne diffère guère de la con- 
fiance que par ces deux nuances : d'abord que laAar- 
diesse suppose que nous sommes en présence d'un 
£^utre, et cet autre en droit de nous juger, tandis que 
la confiance a une acception plus étendue; ensuite 
ed .surtout, que la première, dont le siège est propre» 
nggi^fdaii^ la bouche^ marque une assurance visible 
(^pi}^,ré.4re extérieur; tandis que la seconde, doDi^Ié 



dà. m, 1-13. vouR les éphésiens. 1)B1 

i^ége est pi^oprement dans le cœur, marque une as^ 
lttM»a»nce intérieure et invisible, (Voyez pour la pre- 
laière Hébr. Ill,«; X, 19; Jean H, 28; IV, 17 ; V, 12. 
C*ëst un mot particulièrement affectionné par saint 
leto; — et pour la seconde, 2 Cor. IH, 4 ; VUI, '22 ; 
Kv'2.) Au lieu de hardiesse^ d'autres traduisent liberté; 
Liotber traduit Freudigkeit (joie) : chacun de ces termes 
•éésigwe une face de la pensée de TApôtre, sans qu'aux 
Wh l'épuisé complètement. Le mot hardiesse me pk^ 
raît en faire ressortir mieux que les atrtres l'irféfe 
ffi^i^ntieUe. < L'accès en confiance, > ou avec assu- 
l««DCe, est la liberté avec laquelle un fils s'approche 
ÛJè son père (II, 18). — La foi en lui : littéralement: 
la foi de lui, comme Rom. III, 22 ; « 'la foi de Jésus, % 
fwt la foi en Jésus. Nous pensons que dans Col. II, 
4^2^ € la foi de l'efficace de -Dieu > (grec) signifie éga*- 
èemenl « la foi en l'efficace de Dieu. > Hsérless et 
Olshausen l'entenden* 'de « la foi > produite dans le 
cœur par c l'efficace de Dieu. > 

AUÉsije vous prie de ne iDom point relâcher dans mes 
ipibukuiom pour vous, qui sorU votre ghire. Dansle pr6<- 
»rer verset xie aotre obapître, l'Apôtre avait touché à 
Iréfe^idées : sôïi apostolat {* moi «Paul »), l'objet de oet 
aposÉoktf(c po^r vous, Gentils»), eties'é^preuvesdeoet 
apostaktt^ir prisonnier de Jésus-Ghrist »). Ayant dé^- 
vëtoppé les deux premières dans fia longue parenthèse^ 
il est Qàtarel qu'il revienne en finissant à la troisième; 
mais A y revieût en peu de mots, coâivne s'il avait 



182 SECONDE ]?R1£R£ DE L'APÔTRE GH. HI, 1-13. 

hâte d'en finir avec ce sujet personnel, sur lequel il 
ne s'arrête que lorsqu'il y voit une utilité positive pour 
ceux à qui il écrit. Mais les termes dans lesquels il y re- 
vient, peuvent être entendus de plus d'une manière. 

On peut traduire, ainsi que nous l'avons fait : 
< Aussi je {vous) prie de ne vous pas relâcher dam mes 
tribulations pour vous ; ou bien : Aussi je prie [Dieu) 
que vous ne vous relâchiez pas dans mes tribulations pour 
vous: ou enfin : Je prie (Dieu) que je ne me relâche 
pas dans mes tribulations pour vous. 

Écartons d'abord la seconde de ces trois interpré- 
tations. Elle présente des difficultés grammaticales au 
moins égales à celles des deux autres, et elle a de 
plus contre elle la place où notre verset se trouve. Au 
V. t4, ou l'Apôtre reprend la pensée interrompue 
du V. 1, il présente à Dieu une prière pour les Éphé- 
siens. Est-il vraisemblable qu'il termine sa longue 
parenthèse par une autre prière pour ces mêmes 
Éphésiens? 

Restent la première, que nous avons adoptée, et 
la troisième,, pour laquefie se décident Harless et Ois- 
hausen. Il y a quelques difficultés grammaticales des 
deux côtés, mais des difficultés qui se balancent, selon 
nous. Suivant notre interprétation, il faut sous-enten- 
dre, comme régime du verbe demander^ le pronom 
personnel vous ; Je vous demande de ne vous relâ- 
cher point, etc. ; ou bien encore, comme régime du 
rerbe se relâcher ^ le pronom indéfini on : Je demande 



GH. JII^ i>13. FOUR hZS ÉFHESIEKS. 183 

qu'on ne se relâche point, etc., ce qui serait peut-être 
préférable. Selon l'interprétation de Harless et 01s- 
hausen, on a lieu de s'étonner, d'après le génie de 
la langue grecque, et d'après le parallèle de ce pas- 
sage dans l'épître aux Colossiens (I, 24), que le mot 
tribulations soit suivi du pronom personnel de moi. 
Dans cet état de choses, ce sont des raisons d'un au- 
tre ordre qui doivent régler notre choix ; et ces rai- 
sons nous paraissent décisives en notre faveur. 

Premièrement, la pensée en soi. Sans doute, il n'y 
a rien de contraire à la dignité ou à la fermeté de 
l'Apôtre, à prier pour ne perdre pas courage dans 
ses tribulations ; d'autant qu'il demande même ail- 
leurs qu'on se joigne à lui pour demander celte grâce 
à Dieu (VI, 19, 20). Mais il faut convenir pourtant 
que cette idée de découragement personnel étonne 
dans ce développement, où l'attention de l'Apôtre est 
toute absorbée par la gloire de son ministère et par 
la grâce que Dieu lui a faite en l'y appelant. Il est fort 
naturel, au contraire, qu'il prémunisse contre ce dé- 
couragement ses lecteurs, m^ins affermis que lui. On 
trouve étrange qu'il puisse exhorter les autres à ne 
pas se relâcher dans ses tribulations. Mais il y a in- 
tention dans ce contraste, et c'est ce qui fait la beauté 
de la pensée. L'Apôtre ne redoute pas ses épreuves 
pour lui-même ; il ne craint que l'impression fâcheuse 
qu'elles pourraient produire sur l'esprit de ses frères, 
et par cette touchante exhortation : c Ne vous relâ- 



^iS4 SECONDS ÏUiBE DE L^APÔTRE GH. m, i-13. 

f* chez pas dans mesafiQictions, > il montre à la fois et 
«on renonoement à lui-même, et sa confiance dans 
kunamour fraternel. On reconnaît ici le même esprit 
qniiafait écrire Col. I, 24: < Je me réjouis donc main- 
te tenant en mes souffrances pour vous, et j'accomplis 

< le reste des afflictions de Christ en ma chair, pour 

< son corps, qui est TÉglise; > et Phil. II, 17, 18 : 

< Que si 'môme je sers d'aspersion sur le sacrifice et le 
« service de votre foi, j'en suis joyeux; et je m^en 
« réjouis avec vous tous. Vous aussi pareillement 
€ soyez-en joyeux, et réjouissez-vous-en avec mm. » 

iSecondement, le lien de la pensée avec ce qui pré- 
cède. 'L'expression du sentiment personnel que Har^ 
less ^t OIshausen trouvent dans notre verset entre 
bien 'moins dans l'ensemble du développement, «ce 
nous semble, que l'exhortation que l'Apôtre adresse 
ici, setlon nous, à ses lecteurs. Cela est si vrai que 
Harless est obligé de rattacher ce verset aux v. 8 et «9, 
ne trouvant aucun moyen de le lier avec le v. 12, qui 
précède immédiatement. Il n'en est pas deméme>de 
notre interprétation. La confiance et la liberté que k 
foi communique à ces nouveaux convertis doivent les 
engager à ne pas perdre courage dans iles laffiictiens 
aiuixquelles l'Apôtre s'est exposé en leur annonçant 
iésus-Christ, et ;au!xquelles ils pourront être esposéls 
à lever tour en confessaixt scm nom. Voyez un lordre 
d'idées semblables Phil. I, 27-30. 

Enfin., )le motif tallégué |utr l'Apôtre pour ne pas 9t 



OB. lu^ l-rl3. POUR LBs âittteims. 4IIR 

.Felâcfaeer :« ce qui est votre gloire. > On comprend fort 
Jùen ce raisonnement : Ne vous réMcAee^pas dans mas 
tribulations pour vous, — car ced'est ^ire gloire ; mais 
un comprendrait beaucoup moins celui-ci : Je prie 
pour ne pas me relâcher dans mes tribuldtions, — car 
ceci eBt «o^re gloire. Cette considération seule suffirait 
pour justifier notre explication. 

fÀu reste, le sens qu'on donne à C6&:derniers mots, 
ee qui est votre gloiiie^ dépend de celui qu'on a donné 
au commencement du verset. ¥o(re gloire, d'après 
fiarless et Olsliausen, c'est queije ne ^me relâche point, 
c'est Ja fermeté avec laquelle je souffre pour vous ; 
landis que ce sont, d'après nous, les souffrances 
jûttêmes de l'Apôtre pour eux, ou plutôt, tout ensem- 
ble, ces souffrances et la manière dont il les endure, 
ainsi ^que dains deuxtpass^ges analogues (Phil. -I, 28, 
et 2 Thess. 1,4-7). Oue si-l'on demande, avec Harless, 
comment les souffrances de l'Apôtre peuvent être la 
gloire deis Gentils Irtflenéëiàla M, nous répondrons 
d'abord par la doctrine générale de l'Évangile sur 
tes sotlffiratices de Jésus-Christ et des siens (2 Thess. I, 
6, 7; 'Rom. V, 3), ensuite par l'utilité spéciale de ces 
«tmffrances de saint Pad que Dieu avait fait servir 1 
h conversion des Gentils (Col. I, 24), et qu'il faisait 
B^rvh» maintenant à leur affermissement, soit par 'le 
l^oignage d'amotrr que Dieu leur donnait en livrarft'k 
la douleur pour leur bien son serviteur bien-aimé, soit 
par l'exemple de patience que<leu<r donnait saint I^iil 



186 SECONDE PEIÉRE DE l'âPÔTBE GH. III^ 14-21. 

lui-même (Phil. I, 12-14, et Col. II, 1 et 2. Remar- 
quez la conjonction afin que^ qui marque le but des 
souffrances de l'Apôtre). 

Nous pensons qu'en relisant avec attention les di- 
vers parallèles que nous venons de citer, et surtout 
les passages suivants (Phil. I, 12-14; 27-30; II, 17, 
18; Col. I, 24; II, 1, 2), qui sont tous tirés de deux 
épîtres qui furent écrites et expédiées en même temps 
que celle qui nous occupe (voir l'Introduction), on se 
convaincra que l'interprétation que nous avons suivie 
pour notre verset est la seule véritable, et que Scott 
a eu raison de dire, en la comparant avec l'autre : 
« Elle est de beaucoup plus énergique, et de beau- 
coup aussi plus conforme à la manière générale de 
notre Apôtre *. » 

Que les ministres qui souffrent pour l'Évangile mé- 
ditent soigneusement sur ce verset ! 

30 Prière de F Apôtre pour les Éphésiens. III, 14-21. 

14. Cest pourquoi, dis-je^ je fléchis les genoux d(h 
vanl le Père [de notre Seigneur Jésus-Christ.^, 15. du- 
quel toute famille dans les deux et sur la terre tire son 
nom; 16. afin qu'il vous donne, selon la richesse de sa 
gloire, que vous soyez fortifiés en puissance par son £$- 
prit dans Vhomme intérieur, 17. que Christ habite par 

* Ce résultâtes! confirmé par une remarque d'Olshausen, sur Éph. VI, 
19, qu'on trouvera cité dans notre note sur cet endroit. 



GH. III^ i4r2i. POUR LES ÉPHÉSIENS. 487 

la foi dans vos cœ^rSy 18. étant enracinés et fondés dans 
l'amour, afin que vous soyez capables de comprendre^ 
avec tous les saints, quelle est la largeur et la longueur 
et la profondeur et la hauteur, 19. et de connaître 
l'amour de Christ qui surpasse toute connaissance^ afin 
que vous soyez remplis jusqu'à toute la plénitude de 
Dieu. 20. Or à celui qui, selon la puissance qui opère 
en nouSf peut faire par-dessus toutes choses, infiniment au 
delà de tout ce que nous demandons ou pensons, 21. à 
lui la gloire dans l'Eglise en Jésus-Christ, dans toutes 
les générations du siècle des siècles. Amen! 

C'est pourquoi. C'est ici que l'Apôtre reprend la 
prière annoncée au v. 1, mais suspendue par la pa- 
renthèse renfermée dans les v. 2-13. Les mots « c'est 
« pourquoi > se rapportent donc ici, comme dans le 
V. 1, aux derniers versets du chapitre II, et plus spé- 
cialement aux V. 19-22. C'est parce que les Éphésiens 
ont été, par la foi en Jésus-Christ, associés aux Juifs 
croyants et reçus dans la maison de Dieu, que l'Apô- 
tre demande leur accroissement dans la grâce et leur 
accomplissement spirituel. Cette seconde prière de 
saint Paul pour les Éphésiens a ainsi le même motif 
que la première (I, 15-20), dont elle n'est guère que 
la reprise et le développement. Telle est la gratuité 
des dons de Dieu et notre pauvreté propre, que 
nous n'avons pas d'autre titre à des grâces nouvelles 
que les grâces déjà reçues; mais ce titre suffit. Car 
en « commençant une bonne œuvre en nous, » ce 



488 SECONDE PRIÈRE SE l'àPÔTRE G». III^ 14-^. 

Dieu 'fidèle s'est engagé à c l'aooatnplir jusqu'à k 
(cjjottpnëe de Jésus-Christ » .^bîl. I, 6); fiensée em- 
ftruiiktée m Psaume OKXXYIII, que saint Paul parait 
a¥air^u devant les yeux en écrivant le v. 46 de notice 
«(hapitre> ainsi que nous le dirons tout à l'heure : 
•« L'Eterael achèvera ce qui me concerne; Eternel^ 
•« ta JDonté demeure à toujours ; tu n'abandonneras 
< ipoint l'œuvre de tes mains » (Ps. GXXXVIII, 8). 
Autaînt d'applications de cette maxime profonde ^n 
Seig^neur, qui contient la substance de toute la doc* 
trine évangélique : « On donnera à celui qui a, et fl 
€ sera dansl'aboïkiance» (Matth. XIII, 12). 

rDetantiePére, liltéralemenl «ver* le Père » ou « a« 
€ Père ; ^ le choix de la préposition convient moins k 
l'idée ^énoncée de fléchir les genoux qu'à l'idée sous* 
entendue 'de prier. Les geBoux se fléchissent de^ 
t>anï Dieu ; «^ais la prière est dirigée vers hhn^ Les 
n^ots : denotriB Seigneur Jésus^€hrist, manquent dams 
les ^iliainuscrits les plus anciens, et les meilleurs cri-^ 
tiquas s'a^ccordéHt à tes supporimer. Il e^ facile die 
comprendre que les copistes les aient ajoutés^ d'après 
Êphw l^ 3 ; GoL I:, â, etc. Ce n'est pourtant pas le seri 
endroit^ même dahs cette épître, oii saint Paul ait dé* 
signé Dieu s&us le seul aona de P^e^ isans complé* 
ment : H, 18 ; Vi, âft; C<yl. I^ 12. 

Du^l éouk famille dan$le$deuxet sifrla terre tipe 
êoû nam^ Le pronom duquel devrait être rapporté non 
à Jésus^hrist, ma» au Père^ alors môme que les 



Cli. un iÂï^h. POUR LES ÉPBÉSIBNS. IB9 

mots €i dar neire Seigneur Jésus*Christ' > sera4èfn£ 
aoosâr!Vîé£f. Gela est évident dân&letextQ origibal^par 
Uffc&nyaueetque la traduction ne peut pa&- neod^e, et 
siiasr laquelle notre verset ne saurait pourta»4^être 
bieQ compris. Le mot que nous traduisons ftkMiU est 
dârivé' euigrec du motpère^ à peu près comme Ite-mot 
eKiat^BiVBSi dans^ notre langue du mot Créateur. Si 
ntms disions : Je prie le Créateur, duquel 'toute créa*- 
tum tire sion nom, etc., chacun saisirait notre pensée ; 
il y a entre le créateur et la Créature un lien que ce 
ncfm seul de créature rappelle, et* qui dbit nous enga- 
gei? à nous approcher de Dieu avec confiance, ta pen^ 
sée de l'Apôtre est toute semblable. Entre le père (grec> 
ptu&r) et la famille (grec, patria), il y a un lien que ce 
Bomseul^de|)a^ta' rappeHe et qui doit engager les 
membres de la famille à s'approcher de lui avec une 
confiance filiale. La version de Martin a essayé de 
conserver cette nuance en traduisant par parenté le 
mot» que nous rendons par fatntWc; mais, outre que lè 
rapport du mot parenté à père est peu sensible en 
Élançais, ce mot est équivoque; il s'emploie non-seu* 
lement d^ la famille, mais encore de la relation réci- 
proque des membres qui la cemposenti Quelques 
commentateurs ont adopté, en effet, ce dernier sens-; 
dans ce cas, il vaudrait mieux traduire paternité que 
patienté, et la pensée de Tauteur sacré serait que toute 
iéé^ d^ paternité a son type et son origine dans le 
rapportu{ui existe entre Dieu et ses créatures; mai^ce 



190 SECONDE PEIÈBE DE l'aPÔTRE GH. III^ H, 21. 

sens, bien qu'ingénieux, ne se lie pas avec le con- 
texte, et, ce qui est surtout décisif, n'est pas justifiable 
philologiquement, le mot grec |)a<na n'ayant jamais 
la signification abstraite de paiernitéy ni dans les au- 
teurs profanes ni dans le Nouveau Testament, où on 
le trouve en deux autres endroits, Luc II, 4 (la famille 
de David), et Actes III, 25 (la famille de la terre). La 
famille dont saint Paul entend parler dans notre ver- 
set, c'est une famille spirituelle; et c'est pour cela 
qu'il a pu parler, non-seulement d'une famille ter- 
restre, mais encore d'une famille céleste, c'est-à-dire 
des anges. Toute famille spirituelle, soit celle des 
anges dans le ciel, soit celle des Juifs croyants ou des 
Gentils croyants sur la terre, tire son nom du Père, 
l'invoque comme. Père et reçoit de lui le titre d'en- 
fants. Les hommes croyants, Juifs ou Gentils, sont 
appelés c enfants de Dieu, x> et les anges fidèles sont 
également appelés « fils de Dieu > (Job I, 6, etc.). 
Au lieu de « toute famille, » OIshausen traduit < toute 
la famille, » toute la famille de Dieu, tant la partie de 
cette famille qm se compose des hommes croyants 
que celle qui se compose des anges fidèles. Nous con- 
venons que le sens du verset est facilité par cette tra- 
duction ; mais elle est moins en harmonie que la nôtre 
avec l'original, qui n'a pas l'article. Harless traduit 
ainsi que nous ; « toute famille. » Luther a traduit : 
Der der rechle Valer ist ûber aJks was da Kinder heisst 
im Himmel und auf Erden, c'est-à-dire « qui est le 



GH. Ill^ U-21. ]>OUE LES EPHESIENS. 191 

€ véritable Père de tout ce qui s'appelle du nom d'en- 
€ fant dans le ciel ou sur la terre. > Cette belle version, 
rend fort bien le fond de la pensée, quoique en s'é- 
cartant des mots. L'objet que TApôtre s'est proposé 
dans ce verset y est clairement exprimé : c'est de 
fortifier la confiance filiale des Éphésiens en Dieu, au 
moment où il va prier le Père en leur faveur. 

Selon la richesse de sa gloire (Voyez I, 17, 18). 

Que vous soyez fortifiés en puissance. On peut l'enten- 
dre de deux manières : ou que vous receviez un ac- 
croissement de puissance, comme être fortifié en lu- 
mière, en charité, etc., serait recevoir un accroisse- 
ment de lumière, de charité, etc. (Harless); ou bien, 
que vous soyez fortifiés avec puissance, avec un dé- 
ploiement éclatant de la puissance divine au dedans de 
vous (Olshausen). Nous préférons cette dernière expli- 
cation, à cause des parallèles, Rom. I, 4, et Actes 
IV, 33; mais en faisant observer qu'il ne faut pas tra- 
duire puissamment comme l'ont fait nos versions. 
Qu'on essaye de cette traduction dans Rom. I, 4, et 
Ton sentira qu'elle affaiblit la pensée de l'original, et 
même qu'elle ne la rend pas exactement. Jésus-Christ 
n'a pas été puissamment déclaré Fils de Dieu par la 
résurrection^ ce qui n'aurait pas de sens; mais il l'a 
♦ été avec un déploiement éclatant de 4a puissance di- 
vine (Éph. I, 20). Au reste, nous ne pouvons douter 
que l'Apôtre n'ait eu présent à l'esprit, en écrivant ce 
verset, le Ps. CXXXVIII, 3 ; « Au jour que j'ai crié, 



ISB SECONDS vtJÈtM i« l'afAtre gh. hi> 14-21. 

♦ tel m'as exaucé, et tu m'as fortifié (littéralement 
« enorgueilli, rempli de confiance) en force dans 
» mon âme ; > en forée correspond à' notre en puis- 
mnce^ et dans mon Ame à notre <ian< l'homme intérieur. 
Le passage que nous expliquons, éclairer par le verset* 
du psaume, l'éclaircit à son tour, et nous montre 
qu'il faut s'en tenir à la traduction de ce dernier pas*- 
sage que nous venons de citer, et ne pas traduire, 
avec quelques commentateurs : < Tu m'as rempli de 
confiance ; la force est dans mon âme > (Stier). On ne 
saurait trop insister sur la lumièreque les^deux Tes^ 
taments répandent l'un sur l'autre* 

Pur son Esprit dans l'homme intérieur. La: langue 
grecque a deux prépositions qui répondent à notre 
préposition unique clans. L'une suppose le mouvement 
et s'emploie quand il est question d'aller dans un 
Ivm ;. l'autre suppose le repos et s'emploie quand il 
eat question d'être dans un lieu. C'est de la première 
que. saint Paul fait usage dans notre vaiset, tandis 
qu'il fait usage de la seconde au verset suivant. Celte 
nuance est importante, et pour la conserver, noua 
traduirions volontiers jusque dam l' homme inUriewty sî 
c^tte traduction n*avait l'inconvénient de l'outrer eè 
içéme de l'altérer un peu. La version de Lausanne;. 
1^9i, quant à l'homme intérieur, n'est ni heureuse ai 
eroote« Bornons-nous à faire remarquer que^le^chcm 
d0)li(ipvéposition dont saint Paul s'est servi nous dét> 
p^mUi^ Saint-Esprit jaloux d'agir sur l'homme inté^ 



CH. III^ i4-2i. POUR LES ÊPHÉSIJBNS. 193 

rieur et de faire pénétrer jusqu'à lui cette force qu'il 
nous communique. Vhomme intérieur, qu'il ne faut 
pas confondre avec l'homme nouveau (Éph. IV, 24) 
ou avec l'homme spirituel (1 Cor. II, 15), c'est la 
partie la plus intime de notre être, par opposition à 
ce qui est extérieur (2 Cor. IV, 16; Rom. VII, 22), 
ce fond de notre nature où tout le reste a sa racine et 
ff duquel procèdent les sources de la vie » (Prov. IV, 
23); ou, comme s'exprime saint Pierre, « l'homme 
< caché du cœur. > C'est ce fond de l'homme que le 
Saint-Esprit va chercher; car le caractère et la mission 
propre du Saint-Esprit est d'opérer sur cette partie 
intime de notre esprit; d'où il arrive que le mot spi- 
rituel désigne également ce qui est opéré |)ar l'Esprit 
de Dieu ou ce qui est opéré dans Vesprit de l'homme^ 
ou l'un et l'autre à la fois, sans que cette équivoque 
touche au fond de la pensée, puisqu'il s'agit des 
mêmes objets, vus seulement sous deux faces di- 
verses. On peut avoir, sans cette action intérieure 
du Saint-Esprit, une certaine connaissance de la 
vérité ; et même une connaissance assez étendue 
et assez précise pour nous rendre capables de l'expo- 
ser et de la défendre. Mais cette connaissance est 
comme en dehors de nous ; elle s'arrête à la région 
de l'intelligence, ou du moins à celle du sentiment ; 
elle ne pénètre pas jusqu'au fond, jusqu'à ce que le 
Saint-Esprit la prenne et la fasse entrer dans l'homme 

intérieur. Cette œuvre est clairement décrite et dis- 

13 



194 SECONDE PRIERE DE L'APÔTRE GH. UI^ 14-21. 

tinguée d'avec la révélation extérieure qui s'écrit sur 
les pages d'un livre ou sur des tables de pierre, tau- 
disque le Saint-Esprit écrit « sur les tables charnelles 
« du cœur * (2 Cor. III, 3). Alors seulement il se fait 
•un vrai renouvellement dans le cœur, « le renouvel- 
« lement du Saint-Esprit , * comme l'appelle notre 
Apôtre (Tite III, 5). Alors aussi la foi prend un carac- 
tère vivant, parce qu'elle a pénétré jusqu'aux racines 
de la vie, et un caractère personnel, parce qu'elle 
repose désormais, non sur le témoignage d'autrui, 
mais sur l'expérience propre (Jean IV, 42). Celui qui 
croit de k sorte « a le témoignage au dedans de lui- 
« même » (1 Jean V, 10); il ne reçoit plus la vérité sur 
l'évidence des preuves, mais il la sent instinctivement 
d'une manière qui a quelque analogie avec celle dont 
Dieu la contemple, et il n'en peut pas plus douter 
qu'il ne peut douter de lui-même*. 

L'action du Saint-Esprit, que nous avons cherché 
à caractériser, est celle du Saint-Esprit donné sous 
la nouvelle alliance et à ceux qui ont déjà cru en 
Jésus-Christ (Jean VU, 39). H y a une action plus 
générale du Saint-Esprit qui précède la foi et la pro- 
duit (1 Cor. Xn, 3), et qui s'est exercée déjà sous 



* Il y a, de nos jours, bien des chrétiens 'qui ont cru sincèrement au 
Seigneur, et qui pourtant demeurent vacillants, incertains, abattus, et 
plus vaincus que vainqueurs. Ne serait-ce pas l'œuvre du Saint-Esprit, 
décrite dans notre verset, qui leur manque? Ne seraient-ils pas sem- 
blables aux disciples de TAncien Testament, ou tout au plus à ceux 
du Nouveau, avant la Pentecôte ? 



GH. m, 14-21. POUR LES ÉPHÉSIENS. 495 

TAncien Testament (Psaumes LI, 13, 14). Cette ac- 
tion générale, les Éphésiens Tavaient déjà éprouvée 
(II, 18), et c'est ce qui encourage TApôtre à de- 
mander pour eux cette autre action plus spéciale et 
plus intime du même Esprit, comme il Ta fait dans' 
I, 17 (à rapprocher de I, 13). Parce qu'ils ont été 
scellés du Saint-Esprit, TApôtre demande pour eux 
le Saint-Esprit. Cette contradiction apparente s'ex- 
plique par la remarque que nous venons de faire : 
il y a Saint-Esprit et Saint-Esprit, ou pour parler plus 
exactement, bien qu'un apôtre n'ait pas craint l'ex- 
pression, moins précise, mais plus énergique (Jean 
Vn, 39), il y a plus d'une opération du Saint-Esprit. 
Une fois entrés dans la voie du Seigneur, les progrès 
que nous sommes appelés à faire ne sont que de 
nouveaux développements d'un germe déjà reçu. 
C'est pour cela que les mêmes termes qui servent à 
décrire les commencements de ta vie divine dans 
l'homme, servent également à en décrire l'accrois- 
sement et même l'accomplissement final; mais il faut 
donner alors à la signification de ces termes une 
extension graduelle, qui se proportionne à ce déve- 
loppement successif. Par une raison semblable l'A- 
pôtre souhaite, dans le verset suivant, à des hommes 
qui sont déjà en Christ (I, 13; II, 13), et en qui 
Dieu habite en Esprit (II, 22), « que Christ habite 
€ dans leurs cœurs par la foi. > Harless et Olshausen 
ont vu là une difficulté sérieuse ; nous n'y en voyons 



196 SECONDE PRIÈRE DE L^VPÔTRE CH. UI, U-21 . 

pas plus que dans notre verset, où TApôtre souhaite 
l'action du Saint-Esprit à des hommes qui ont été 
déjà scellés du Saint-Esprit (I, 13; II, 18, etc.). Et 
comment expliquer autrement Jean II, 11 : « Et ses 
« disciples crurent en lui; * ou Jean XV, 8 : « C'est 

< en cela que le Père sera glorifié, que vous portiez 
c beaucoup de fruit ; et vous deviendrez nies disciples; i^ 
ou 1 Jean V, 13 : « Je vous ai écrit ces choses, à 

< vous qui croyez au nom du Fils de Dieu, afin que 
« vous croyiez * ? » 

Que Christ habite par la foi dans vos cœuifs. La grâce 
que TApôtre demande ici pour les Éphésiens est une 
conséquence de celle qu'il a demandée dans le verset 
précédent; ou si l'on veut, c'est la même grâce vue 
par un autre côté. En ajoutant en sorte que, avec nos 
versions, on rend les choses plus claires qu'elles ne 
sont dans l'original. 

Saint Paul fait allusion à Éph. Il, 22, où il a ap- 
pelé les Gentils convertis « une habitation de Dieu 
« en Esprit > (1 Cor. VI, 19). Le Saint-Esprit est 
dit également « habiter en nous * (Jacq. IV, 5). 
Christ habite en nous par la foi (Gai. H, 20) : cela 
ne signifie pas seulement que la foi en Christ est dans 
notre cœur; Christ lui-même y habite réellement, 
mais spirituellement, « comme Dieu en Christ » (Col. 
II, 9), par l'Esprit, qui est appelé également l'Esprit 



t 

mots. 



D'après la leçoii reçue. De bons critiques suppriment les derniers 



eu. III, i4-24. POÏÏR LES ÉPHÉSIENS. 497 

de Dieu et TEsprit de Christ. « Nous (le Père et moi) 
« viendrons vers lui, * dit Jésus-Christ (Jean XIV, 
23), en parlant de celui qui l'aime, « et nous ferons 
« notre demeure chez lui. » Nous Tavons déjà dit : 
ce n'est pas l'idée de Christ qui nous sauve, nous 
sanctifie ou nous console, c'est Christ lui-même ; ce 
ne sont pas s%; dons, c'est lui-même, que nous avons 
besoin de recevoir. Voilà la vraie présence réelle, à 
laquelle nous croyons de tout notre cœur; mais elle 
s'accomplit « par la foi, » non par la communion, 
qui a seulement cela de particulier qu'elle peint aux 
yeux, par une vive et touchante image, cette présence 
de Christ en nous qui est le privilège constant de la 
foi. 11 faut lire à ce sujet Calvin, dans son Institutim 
et sur le VP chapitre de saint Jean. Dans ce chapitre, 
qu'on a coutume de citer de préférence pour établir 
la doctrine cathohque romaine ou la doctrine luthé- 
rienne de la Cène, il n'est pas question de la Cène, 
mais de la foi; voyez v. 35, à rapprocher du v. 54. 
Étant enracinés et fondés dans r amour, afin que vous 
soyez capables de comprendre, avec tous les saints, 
quelle est la largeur et la longueur, et la profondeur 
et la hauteur. Nos versions, renversant cet ordre, 
traduisent : « Afin qu'étant enracinés, etc., vous 
« soyez capables, etc. » Mais la grammaire ne per- 
met pas cette construction de la phrase grecque, 
malgré les exemples qu'on en a cru trouver dans 
Rom. XI, 31 ; l Cor, IX, 15; 2 Cor, II, 4, et Gai, 



198 SECONDE PRIÈRE DE L'APÔTRE GH. lU, 14-21. 

II, 10, mais qui n'offrent pas d'analogie réelle avec 
notre verset. Il est vrai que, selon notre traduction, 
les participes enracinés et fondés ne s'accordent pas 
régulièrement avec la fin du verset précédent ; mais 
il y a intention dans cette irrégularité, qui fait mieux 
ressortir la pensée des deux participes, et dont nous 
avons des exemples ailleurs dans saint Paul (Éph. 
IV, 2, et surtout Col. II, 2). Harless et Olshausen 
sont d'accord pour traduire ainsi que nous l'avons 
fait, et il ne nous paraît pas douteux qu'ils n'aient 
raison. Seulement la difficulté, selon nous imagi- 
naire, que ces deux commentateurs trouvent à la 
prière du verset précédent, ainsi que nous l'avons 
dit plus haut, les a jetés l'un et l'autre dans des ex- 
plications forcées du rapport qui unit le commen- 
cement du V. 18 au V. 17. Ce rapport est, selon 
Harless, une condition^ sans laquelle Christ ne saurait 
habiter dans le cœur des Éphésiens : « pourvu que 
« vous soyez enracinés, etc., y> et, selon Olshausen, 
une explication de la manière dont Christ habite dans 
leurs cœurs : « comme il habite en ceux qui sont 
« enracinés, etc. i^ Nous voyons tout simplement ici 
l'état spirituel que l'Apôtre souhaite aux Éphésiens, 
dépeint par un nouveau trait, mais par un trait qui 
se rattache à celui qui a été décrit dans le v. 17. C'est 
quand Christ habite en nous, que nous habitons en 
lui, et que nous sommes enracinés dans son amour. 
Ainsi les premiers mots du v. 18 ne font que com- 



CH. in, 14-24. POUR LES ÉPHBSIENS. 199 

pléter et éclaircir la pensée du v. 17. Il est intéres- 
sant de remarquer que les deux mêmes grâces que 
saint Paul demande ici pour les Éphésiens l'action du 
Saint-Esprit en eux, et l'habitation du Saint-Esprit 
dans leurs cœurs, sont aussi promises, et dans le 
même ordre, par Jésus-Christ à ses disciples, dans 
Jean XIV et XV, la première tenant la principale 
place dans le chap. XIV, et la seconde dans le 
chap. XV; et encore, que la seconde de ces deux 
grâces est représentée dans le chap. XV de saint Jean, 
aussi bien que dans Éph. III, 17 et 18 alternativement 
comme une habitation de Christ en nous et comme 
une habitation de nous en Christ (Jean XV, 4, 5, 7), 
ou dans son amçur (9, 10, etc.). 

On demande si ces mots dans Vamour doivent s'en- 
tendre ici de l'amour du Seigneur pour nous, ou de 
notre amour pour lui. D'après Harless, qu'a suivi 
Olshausen, il faut l'entendre du second ; l'amour n'est 
pas alors le sol dans lequel saint Paul souhaite que 
les Éphésiens soient enracinés, mais la disposition 
avec laquelle ils s'y attachent; quan|; au sol, c'est 
Christ, dont le nom est sous-entendu, à peu près 
comme s'il y avait : « Étant enracinés et fondés, avec 
« amour (en Christ). » Il cite Col. I, 23; II, 7, et 
II, 2. Nous ne saurions adopter ce sentiment. C'est 
sous-entendre en Christ sans nécessité, et donner aux 
mots dans l'amour un sens différent de celui qui se 
présente tout d'abord à l'esprit; et il nous semble 



200 SECONDE PRIÈRE DE l'APÔTRE CH. Itl, 4i-21. 

qu'il entre moins dans l'esprit de TApôtre de décrire 
la disposition personnelle du croyant que d'exalter 
la grandeur infinie de Y amour dont le Seigneur Ta aimé . 
C'est la même raison qui nous a décidés à inter- 
préter les mêmes mots de Tamour du Seigneur, à la 
fin de 1, 4. Nous pensons que c'est aussi dans l'amour 
du Seigneur que saint Paul souhaite de voir les 
Ephésiens enracinés et fondés. Ou, si l'on veut, 
c'est dans l'amour en général, sans que la distinction 
soit faite entre l'amour qui unit le Seigneur à nous, 
et celui qui nous unit à lui; car, au fond, c'est 
un même amour qui, après être descendu de Dieu 
à nous, remonte de nous à Dieu, par une nouvelle 
grâce de Dieu. Cette dernière remarque explique- 
rait pourquoi l'Apôtre n'a pas ajouté, comme il 
le fait au verset suivant, le complément de Christ^ 
ou de Dieu, pour éclaircir sa pensée. Que si l'on 
prend le mot amour dans cette acception plus large 
et moins déterminée, le fond de la pensée reste le 
même, puisque c'est toujours l'amour de Dieu qui 
est le principe de tout ce qu'il y a d'amour dans 
l'Évangile, et que l'amour même dont « nous l'aimons, 
< parce qu'il nous a aimés le premier, » est encore 
un don de son amour. Toujours est-il que celui qui 
a Christ habitant dans son cœur par la foi, est c en- 
c racine et fondé dans l'amour, * dans l'amour de 
Dieu, ou dans l'amour qui « vient de Dieu » (1 Jean 
IV, 7), ou en Dieu lui-même qui f est amour » (8), 



GH.IIT, 14-21. POUR LES ÉPHÉSIENS. 201 

peu importe, enraciné, comme un arbre dans le sol ; 
fondé, comme une maison sur le roc; et si fermement 
attaché que ni orages, ni torrents, ni venls ne peu- 
vent Tarracher de son lieu. 

Remarquez le lien qui unit ce qui va suivre avec 
ce qui a précédé ; il est indiqué par deux afin que 
(v. 18 et V. 19), qui dépendent Tun de Tautre. Nous 
avons vu dans les v. 14 et 15 ie fondement de la con- 
fiance avec laquelle TApôtre prie pour les Éphésiens; 
nous venons de voir dans les v. 16 et 17 et le com- 
mencement du 18 l'objet de sa prière; nous allons en 
voir maintenant le but; d'abord le but prochain, que 
les Éphésiens connaissent Tamour de Christ (fin du 
V. 18 et. commencement du 19), ensuite le but final, 
auquel le premier n'est qu'un acheminement, qu'ils 
soient remplis jusqu'à la plénitude de Dieu (fin du 19). 

Afin que vous soyez capables de comprendre. Le verbe 
grec que nos versions rendent par que vous puissiez^ 
marque de grands eflforts pour parvenir à compren- 
dre; c'est pour conserver cette nuance d'énergie que 
nous avons donné la préférence à Lausanne 1839. 
Au reste, on comprend pour croire, et tout ensemble 
on croit pour comprendre. Il faut un commencement 
d'intelligence pour croire en Jésus-Christ; mais il 
faut aussi avoir cru, et être affermi dans la foi, pour 
recevoir une nouvelle mesure d'intelligence. Voyez 
Col. I, 9, 10 et notre note sur Èph. 1, 17. 

Avec tous ks saints: plus spécialement» ayec ces 



â02 SECONDE PEliRE DE l'apAtRE GH. UI^ ii-2i . 

saints d'Israël, qui sont les premiers appelés, et aux- 
quels vous avez été récemment associés par la foi en 
Jésus-Christ (II, 13, etc.). En même temps, cette pen- 
sée incidente rappelle un trait essentiel de la vérité 
et de la sainteté chrétiennes. L'amour fraternel rend 
tout commun entre les enfants de Dieu ; non pas 
seulement la^ propriété, comme on Ta vu dans TÉglise 
primitive de Jérusalem, mais aussi le trésor spirituel, 
la lumière, l'action, le progrès, tout enfin. Dans 
l'Église, tout se fait en famille, et le corps a d'au- 
tant plus de vie que les membres sont plus unis entre 
eux. L'isolement, qui est souvent une condition de 
force dans le monde, est toujours une cause d'affai- 
blissement dans l'Église. 

Quelle est la largeur^ la longueur ^ la profondeur et la 
Iiauteur. Qe quoi?Harless et Olshausen, qui ont suivi 
Chrysostope, Théodoret, etc., répondent : du mys- 
tère dont il a été parlé dans le v. 9, et d'après l'ex- 
plication qu'ils ont donrjée des mots dans Vamour, on 
ne voit pas quelle autre réponse ils pourraient don- 
ner. Mais nous, qui entendons ces mots de l'amour 
du Seigneur, nous avons une réponse bien plus fa- 
cile. Il ne s'agit pas du mystère, qu'il faut aller cher- 
cher bien des versets en arrière, et encore dans une 
parenthèse, mais de l'amour du Seigneur, dont l'A- 
pôtre vient de nous entretenir au commencement de 
notre verset, dont il va nous entretenir encore dans 
le verset suivant, et dont son âme est toute remplie. 



GH. m^ 14-^1. poui^ Li;s éphesiens. 203 

Ainsi, les mots, « comprendre quelle est la lon- 
« gueur, 1^ nous paraissent expliqués par ceux qui les 
suivent tout aussitôt ; < Gonnaitre l'amour de Christ 
« qui surpasse toute connaissance. > Au reste, la 
marche des idées serait plus claire, si la division du 
texte par versets était faite avec plus de soin. Selon 
nous, le V. 18 n'aurait dû commencer qu'au?: nîots 
« Afin que vous soyez capables, etc., i^ et le v. ^9 
aux mots « afin que vous soyez remplis, etc. > Le 
croyant, qui a été représenté tantôt comme enraciné 
et fondé dans l'amour du Seigneur, l'est ici comme 
enveloppé de toutes parts de cet amour, qui s'étend 
dans tous les sens autour de lui à perte de vue. Sus- 
pendu au sein de l'amour infini, comme la terre au 
sein de l'espace, il regarde devant lui, à côté de lui, 
au-dessus de lui et au-dessous de lui, pour prendre 
la juste mesure de cet amour qui l'a sauvé ; mais tout 
cela n'aboutit qu'à constater l'impossibilité de le me- 
surer. La largeur? A sa droite et à sa gauche, l'im- 
mensité. La longueur? Devapt lui et derrière lui, 
l'immensité. La profondeur? Sous ses pieds l'im- 
mensité. La hauteur? Au-dessus de sa tète, encore 
l'immensité. Quelques commentateurs ont cherché 
une signification particulière dans chacune de ces 
quatre dimensions de l'amour du Seigneur. On a vu, 
par exemple, dans la largeur, cet amour s'étendant 
à tous; dans la longueur, cet amour durant éternel- 
lement ; dans la profondeur, cet amour nous tirant 



204 SECONDE PRIÈRE DE L^APÔTRE CH. IIl, 44r21. 

du fond de Tenfer ; et dans la hauteur, cet amour 
nous élevant au troisième ciel. Mais, sans parler de 
ce qu'il y a d'arbitraire dans ces explications, cette 
précision de détails nous paraît étrangère à la pen- 
sée de notre Apôtre, et ne sert qu'à rapetisser ce 
qu'elle pense éclaircir. 

Et connaître V amour de Christ qui surpasse toute 
connaissance. Cette belle antithèse est naturellement 
amenée par ce qui précède, où l'on a vu le croyant 
faisant effort pour comprendre l'amour du Seigneur, 
et ne réussissant qu'à comprendre qu'il est incom- 
préhensible. L'antithèse est dans les habitudes de 
style de saint Paul (Gai. II, 19; 2 Cor. VIII, 2; Hébr. 
II, 14, etc.). Elle est d'ailleurs dans l'essence de 
l'idée chrétienne, qui apparaît dans le monde comme 
un paradoxe perpétuel, par l'opposition où elle se 
trouve avec tout l'ordre des maximes reçues. Aussi 
le langage de Jésus-Christ est-il tout rempli d'anti- 
thèses, qui seraient recherchées si elles n'étaient si 
profondes, et qui tiennent à ce qu'il parle dans un 
monde où la vérité a perdu son empire sans y per- 
dre ses droits (Rapprochez Phil. IV, 7). 

Afin que wus soyez remplis jusqu'à toute la plénitude 
de Dieu. Voici le but du premier but indiqué dans le 
V. 18, et la dernière fin de la prière de l'Apôtre. En 
recevant Christ dans l'homme intérieur par le Saint- 
Esprit, on comprend l'amour de Christ, autant qu'il 
peut se comprendre; et en comprenant l'amour de 



CH. III, 14-21. POUR LES ÉPHÉSIENS. 205 

Christ, on est « rempli jusqu'à toute la plénitude de 
« Dieu ; » c'est-à-dire on est rempli graduellement de 
la gloire de Dieu (2 Cor. III, 18), jusqu'à ce qu'à la 
fin cette plénitude de gloire qui réside en Dieu, et 
qui fait comme le fond de Dieu, se communique tout 
entière au croyant. Le croyant est rendu « participant 
« de la nature divine >^ (2 Pierre I, 4) , « parfait 
« coinme Dieu est parfait > (Matth. V, 48). Voyez ce 
que nous avons dit sur la plénitude de Christ, et de 
Dieu, en expliquant I, 23. Quelle vocation ! Est-il 
possible que ce soit la nôtre? En lisant de telles 
choses, le croyant se dit : Suis-je vraiment chrétien ? 
tant est petit le commencement qu'il trouve en son 
cœur. Mais il s'écrie le moment d'après : Que je suis 
heureux d'être chrétien ! car ce commencement lui 
répond de toute la suite (Phil. I, 6) et contient en 
germe toute la plénitude de Dieu. Quelles que soient 
les langueurs et les douleurs des croyants, un jour 
viendra où « Dieu sera tout en tous! * 

Or à celui qui, selon la puissance qui opère en nous, 
peut faire par-dessus toutes choses; infiniment au delà de 
tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la 
gloire dans l* Église en Jésus-Christ, dans toutes les gé- 
nérations du siècle des siècles. Amen 1 Cette doxologie, 
qui termine à la fois la prière de l'Apôtre et la pre- 
mière partie de son épitre, serait remarquable par- 
tout; mais elle l'est doublement à cette place. Après 
que saint Paul apôtre, parlant par le Saint-Esprit, a 



SECONDE PRIÈRE DE L' APÔTRE GH. Ill^ 14-21. 

fait effort pour dépeindre ce qu'il appelle ailleurs « la 
€ surabondante grandeur de la puissance de Dieu en- 
« vers nous qui croyons > (1, 19), le voici qui confesse 
sa propre insuffisance; et, après les plus magnifiques 
promesses que le langage humain soit capable d'ex- 
primer, voici le Saint-Esprit finissant par déclarer 
que tout ce qui se peut exprimer est encore infini- 
ment au-dessous de la réalité qui est en t)ieu. Nous 
avons beau nous élever, même sur les pas d'un 
apôtre; nous ne pouvons contempler, après tout, que 
« les bords des voies de Dieu > (Job XXVI, 14), et il 
faut toujours finir par « des soupirs qui ne se peu- 
« vent exprimer » (Rom. VIII, 26). Aussi bien, rien 
autre ne nous peut sufiire que cette déclaration d'in- 
suffisance; rien de moins ne répondrait au besoin 
vague et immense de notre cœur. Tout ce que l'es- 
prit parvient à saisir nettement et la bouche à énon- 
cer avec précision, est incapable de nous satisfaire. 
Ainsi, cette fin étonnante et inattendue est exacte- 
ment ce qu'il nous fallait. — Rien ne saurait retenir 
ou limiter la puissance de Dieu envers nous ; ni rien 
en lui, ni même rien en nous ; ni aucunes bornes 
mises à sa puissance, car elle n'en connaît point, ni 
même la faiblesse de nos prières et ^imperfection de 
notre connaissance, car il peut dépasser toutes nos 
demandes et toutes nos conceptions. 

Mais hélas! Si ce même langage, qui est infiniment 
au-dessous de la réalité qui est en Dieu, était infini- 



GH. III, 14-2i. POUR LES ÉPHÉSIENS. 207 

ment au-dessus de la réalité qui est en nous? Imagi- 
nez un christianisme pratique conçu d'après le seul 
texte des Écritures et sans égard à l'expérience per- 
sonnelle des croyants; imaginez ensuite un christia- 
nisme pratique conçu d'après la seule expérience des 
croyants et sans égard à ce qui est écrit. Ne dirait-on 
pas de deux religions différentes? En passant de 
l'Écriture à notre expérience, on se croit tombé du 
ciel sur la terre, pour ne pas dire, quelquefois, dans 
l'enfer... Assortissons notre christianisme; et veuille 
le Seigneur nous apprendre à mettre notre expérience 
en harmonie avec ses promesses! Véritablement, nous 
avons besoin d'un nouveau baptême du Saint-Esprit. 

Par-dessus toutes choses^ infiniment aurdessus de tout, 
eltc. Ce pléonasme, omis dans nos versions, et même 
dans Lausanne 1839, est dans l'original et doit être 
reproduit dans la traduction. Il y a une intention 
manifeste dans cette accumulation de termes*. 

Selon la puissance : celle du Saint-Esprit (v. 16; 
I, 19). 

A lui la gloire. Si Ton tient à ajouter le verbe 
sous-entendu, j'aimerais mieux dire « à lui est la 
€ gloire, * que « à lui soit la gloire, j> comme le font 

^ YiuepexxepicTdOu. On retrouve ce mot^ ouïes mots analogues com- 
posés avec l'adjectif luepicaéç, Marc VI, 51 ; VII, 37; 2 Cor. XI, 2, 3 ; 
1 Thess. III, 10 ; V, 13 ; et on les trouve construits avec le génitif, comme 
ici, Matth. V, 37. Ils répondent à l'hébreu in>, in^-Sv, T«D in>, 
dont ce rapprochement achève de déterminer le sens dans Esaïe LVI, 
12, littéralement: «grand surabondamment beaucoup; » mais non^ 
comme Tont rendu nos versions, « plus grand. » 



208 SECONDE PBIÈBE DE L'APÔTRE GU. lU, ii-^i. 

nos versions; d'abord parce que la présence de Tar- 
ticle devant le mot gloire favorise cette traduction, 
ensuite parce que l'Apôtre nous paraît avoir voulu 
plutôt déclarer que la gloire appartient à Dieu, 
qu'exhorter à la lui rendre. La même remarque 
s'applique à presque toutes les doxologies bibliques, 
le verbe y étant généralement sous-entendu. Au sur- 
plus, la nuance que nous indiquons ici est peu sensible. 

DansV Église^ en Christ. Il y a une autre leçon : c et 
« en Christ, » ou c en Christ et dans l'Église. > Mais 
nous croyons, avec Harless et Olshausen, que le texte 
reçu doit être préféré. — « Dans l'Église en Christ, » 
c'est-à-dire, selon Olshausen, dans l'Église qui est en 
Christ. Mais nous n'hésitons pas à rapporter avec 
Harless, « en Christ » au mot « gloire. » C'est « en 
€ Christ » que la gloire appartient et doit être reûdue 
à Dieu € dans l'Église, » parce que ce n'est qu'en 
tant qu'unie avec Christ que l'Église peut donner 
gloire à Dieu. Ailleurs il est dit que nous devons glo- 
rifier Dieu ou lui rendre grâces « par Christ » 
(Col. III, 17), parce qu'il est le médiateur par lequel 
toutes nos prières doivent passer. L'expression « au 
€ nom de Christ» (Éph. V, 20; Jean XIV, 13, 
14, etc.) réunit l'une et l'autre de ces deux idées. 

Dans toutes les générations du siècle des siècles. 
L'Apôtre dit ordinairement, pour exprimer la même 
pensée : « Aux siècles des siècles » (Gai. I, 5; Phil. 
IV, 20; 1 Tim. I, 17; 2 Tim. IV, 18; Apoc. I, 6). 



CH. III, 14-21. POUR LES ÉPHÉSIBNS. 209 

Les siècles sont alors les périodes dans lesquelles l'é- 
ternité est censée divisée, et les siècles des siècles sont 
ces périodes se succédant et formant l'éternité par leur 
réunion indéfinie. Dans Texpression de notre texte, 
qui répond à une expression hébraïque de Daniel VII, 
18, et qu'on retrouve en cet endroit dans la version 
des Septante, le siècle paraît désigner l'éternité elle- 
même, et le siècle des siècles, c'est l'éternité renfer- 
mant dans son sein les périodes successifs dont nous 
venons de parler*. 

Quant au mot générations, que nos versions rendent 
par âges, il a parfois le même sens que nous venons 
de reconnaître au mot siècles (Ps. Cil, 25) auquel on 
le trouve réuni (Col. I, 26); mais il s'emploie cepen- 
dant plus spécialement des périodes moins considé- 
rables du développement humain et de la vie humaine 
(Ps. LXXII, 5; Luc I, 50). Peut-être est-ce pour cela 
que saint Paul s'en est servi dans notre texte, où il 
traite de la gloire rendue à Dieu < dans l'Église * et 
par conséquent sur la terre. Les générations seraient 
alors les périodes du temps, et les siècles les périodes 
de l'éternité, qui succèdent au temps. Si cette re- 
marque, qui est d'Olshausen, paraît un peu subtile, 
on peut ne voir ici qu'une de ces accumulations de 
termes semblables dont saint Paul fait souvent usage 
pour épuiser une idée. 



* On trouve une fois dans les Septante (2 Esdras IV, 38) cette expres- 
sion : « Jusqu'au siècle du siècle. » 

14 



On a coutume de diviser notre épître en deux par- 
ties : la première, qu'on appelle la partie dogmatique, 
qui se compose des trois premiers chapitres ; la se- 
conde, qu'on appelle la partie morale, qui se com- 
posé des trois derniers. Nous ne rejetons pas cette 
division, pourvu qu'on ne l'entende pas à la manière 
de certains catéchismes, qui traitent le dogme et la 
morale comme deux branches distinctes et parallèles 
de la religion chrétienne, et dont on pourrait inter- 
vertir l'ordre sans trop d'inconvénient. Rien de sem- 
blable chez notre Apôtre. Pour lui, la foi chrétienne 
donne naissance à la vie chrétienne, comme l'arbre 
porte son fruit; et comme on ne saurait avoir ni 
l'arbre sans le fruit ni le fruit sans l'arbre, la pre- 
mière partie de son épître n'est pas sans application 
morale (II, 10), ni la seconde sans principes de doc- 
trine (IV, 24). De plus, nous l'avons déjà fait remar- 
quer, il s'est moins proposé d'exposer la doctrine 
du salut dans sa première partie, que de glori- 
fier la grâce toute gratuite et toute puissante par la- 
quelle nous avons été sauvés; et l'on entrerait mieux 
dans l'esprit qui a présidé à l'arrangement de son 
épître en disant, avec Harless, « qu'après avoir rap- 
pelé à ses lecteurs ce que l'Évangile leur a donnée il 
leur montre ce que ce même Évangile demande 



DE LA DIVISION DE l'ÉPÎTRE. 241 

d'eux; * ou, avec Théodoret, t qu'après leur avoir 
déployé les richesses de la bienfaisance divine, il les 
excite à accomplir les devoirs de la vertu chrétienne. » 
On pourrait intituler la première partie : Action de 
grâcesy et la seconde Exhortation. Cet ordre, admira- 
blement expliqué dans Titell, 11, 12, se retrouve 
assez généralement dans les écrits de notre Apôtre, et 
il n'y est nulle part plus marqué que dans Tépître 
aux Éphésiens, où Ton ne peut méconnaître, en pas- 
sant du chap. III au chap. IV, un changement de ton 
et de sujet. Néanmoins, comme ce changement se 
fait sans interruption ni secousse, que la seconde 
partie se lie à la première, comme les subdivisions 
de Tune et de l'autre se lient entre elles, et que 
l'Apôtre n'a probablement jamais songé à cette divi- 
sion, nous avons cru mieux faire de nous en abstenir 
et de ne voir dans l'épître entière que le développe- 
ment d'une seule matière, dont les diverses parties 
s'engendrent mutuellement, et qui, prenant son ori^ 
gine dans les hauteurs célestes de l'élection et de la 
prédestination, descend par degrés jusqu'aux humbles 
détails de la vie domestique. Pourquoi rompre le 
cours de cette unité si belle et en même temps si in- 
structive? 

Au reste, voici l'ordre que l'Apôtre a suivi dans les 
trois derniers chapitres. Nous y trouverons d'abord 
Yunité fraternelle^ qui doit régner dans l'Église chré- 
tienne (IV, 1-16) ; puis la me nouvelle, à laquelle sont 



212 l'unité fraternelle. ch. iv, i-6. 

appelés les Gentils qui ont cru (IV, 17-V, 20); après 
cela, les préceptes particuliers de la vie domestique 
(V, 21-Vl, 9); enfin les moyens de grâce, par lesquels 
le chrétien peut se maintenir dans la foi et dans l'o- 
béissance (VI, 10-20)- Suit la conclusion de Tépitre 
(VI, 21-fin). 



L UNITE FRATERNELLE. 
Chap. IV, 1-16. 

l» L'unité de l'esprit. IV, 1-G. 

1. Je vous exhorte donc, moi ^qui suis prisonnier 
dans le Seigneur, à marcher d'une manière digne de 
la vocation dont vous avez été appelés; 2. avec toute 
humilité et douceur, vous supportant avec patience les uns 
les autres dans l'amour, 3. vous appliquant à garder 
l'unité de Vesprit dans le lien de la paix. 4. Il y a un 
seul corps et un seul esprit^ comme aussi vous avez été 
appelés dans une seule espérance de votre vocation; 5, un 
seul Seigneur, une seule foi, vn seul baptême ; 6. un seul 
Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et au m- 
lieu de tous, et au dedans de tous. 

Je vous exhorte donc. Ce donc pourrait faire allusion 
à ce qui précède immédiatement, III, 16-21, et le lien 



GH. IV, 1-6. l'unité fraternelle. 213 

des deux chapitres serait alors dans cette pensée : 
Puisque vous avez une telle puissance, usez-en pour 
marcher dans la sainteté ; à peu près comme dans 
2 Cor. VII, i : < Ayant donc ce^ promesses, bien- 
€ aimés, purifions-nous de toute souillure, etc. » Mais 
il est plus naturel de penser que TApôtre prend le 
motif de son exhortation dans tout ce qu'il a dit plus 
haut sur Texcellence de la vocation chrétienne, qui 
crée tout ensemble chez celui à qui elle est adressée le 
vouloir, le devoir et le pouvoir. C'est dans les mêmes 
termes que notre Apôtre rattache la partie morale de 
répîtreaux Romains, à la partie dogmatique (Rom. 
XII, 1). Là, comme ici, le développement qui précède 
l'exhortation finale est terminé par le mot 4me», qui 
semble servir de limite aux deux parties de l'épître. 
Moij qui suis prisonnier dans le Seigneur. C'est 
à peu près la même pensée que l'Apôtre a expri- 
mée au commencement du chap. Ill en ces termes : 
« Moi, prisonnier de Jésus-Christ. » Seulement, 
tandis que ces derniers mots n'indiquaient que le 
motif de l'emprisonnement de Paul, ceux qui com- 
mencent le chap. IV indiquent, en outre, l'esprit 
dans lequel il subit sa captivité. Saint Paul n'est 
pas un prisonnier ordinaire; c'est un prisonnier 
chrétien, et qui n'est prisonnier que parce qu'il 
est chrétien. Il souffre comme chrétien et en chré- 
tien (1 Pierre IV, 15, 16). Une telle captivité, loin 
de l'humilier, ne fait qu'ajouter à la confiance avec 



2U l'unité pfutbrnelub. ch. IV, 1-6. 

laquelle il prie Dieu pour les Éphésiens (IIl, 1) et à 
Tautorité avec laquelle il exhorte ici les Éphésiens au 
nom du Seigneur. £n même temps elle lui fournit 
Toccasion de leur donner Texemple de cette humilité 
et de cette douceur qu'il veut surtout leur recomman- 
der (Phil-ffl, 17). 

A marcher d'une manière digne dt la vocation dont 
vous avez été appelés. Le verbe marcher, ainsi que nous 
l'avons observé ailleurs, indique un état permanent 
(notes sur H, 2; II, 10). Les mots qui suivent expli- 
quent clairement le lien qui rattache la seconde partie 
de Tépître à la première et confirment ce que nous 
avons dit tantôt à ce sujet. Le mot digne est pris dans 
la même acception que dans Matth. III, 8, où nos ver- 
sions l'ont rendu par commabU. Que votre vie, dit 
TApôtre, soit en harmonie avec votre vocation (1, 18). 
Il ne s'agit pas de se rendre digne d'une vocation qu'on 
souhaiterait d'obtenir, mais bien de répondre à une 
vocation dont on a déjà été appelé* La même pensée 
est exprimée, Col. I, 10, en ces termes : « Marcher 
^ d'une manière digne du Seigneur. > Elle est éclair- 
cie par 2 Tim. I, 9, et 1 Pierre, 1, 16. 

Avec toute humilité et douceur. Ces deux dispositions 
sont les deux principaux mobiles de la vie chrétienne, 
et c'est par là que ceci se rattache aux derniers mots 
du V. 1 , en même temps que ce sont les deux condi- 
tions essentielles de l'unité d'esprit, et c'est par là 
que ceci se rattache au développement qui va suivre. 



CH. IV, 1-6. l'unité fraternelle. 216 

On ne saurait assez se pénétrer de cette pepsée, que 
l'humilité et la charité font l'essence et le fond même 
de la sainteté chrétienne. Sans doute, l'esprit de 
Jésus-Christ est aussi un esprit de force; mais cette 
force même est la force de Tagneau, une force dont le 
principe est dans l'humilité et la charité. Ces deux 
traits sont à la base du caractère de notre Apôtre, 
comme le montre ici sou état de captivité, et ailleurs 
le commencement de son discours aux pasteurs 
d'Éphèse (Actes XX), Ils soqt également à la base de 
la première exhortation du Seigneur qui nous soit 
rapportée dans les évangiles (Matth. V, 3-5), et du 
caractère même du Seigneur défini par lui-même 
(Matth. XI, 29) : c Je suis doux et humble de cœur, 9 
Que ces deux dispositions soient aussi les conditions 
essentielles de « l'unité de l'esprit j> entre les frères, 
c'est ce qu'un moment de réflexion suffit pour faire 
comprendre, et ce que Je même Apôtre établit ail- 
leurs (Phil. II, 2, l'unité de l'esprit; 3, première 
condition, l'humilité; 4, secoiide condition, 1^ cha- 
rité ; après quoi il cite l'exemple de Jésus-Christ au 
V. 5). Ce sont les deux traits caractéristique^ qui dis- 
tinguent la vertu chrétienne d'avec la vertu stoï- 
cienne : celle-ci prône la sécheresse de cœur au lieu 
de la charité, et l'orgueil au lieu de l'humilité. Hélas ! 
quand recevrons-nous instruction? — Voyez encorç, 
pour l'humilité, Prov. XIII, 10. 

Vous supportant avec patience l^ uns et les autres 



216 l'unité fraternelle. ch. iv, 1-6. 

dans Vamour. Les mots avec patience indiquent la na- 
ture du support recommandé par l'Apôtre, tandis 
que les mots dans l'amour en indiquent le principe 
(Voyez 1 Cor. XIII, 4). Cette construction de la phrase 
grecque, qui a été suivie par Harless, est bien plus 
naturelle que celle qui Ta été dans nos versions et 
même dans Lausanne 1839. Olshausen rattache égale- 
ment le complément avec patience au participe suppor- 
tant ; mais il reprend les mots dans Vamour pour la 
phrase suivante. Nous allons revenir là-dessus.' 

Vous appliquant à garder Vunité de Vesprit. On peut 
entendre par là, avec certains commentateurs (An- 
selme, la plupart des commentateurs catholiques, 
Calvin etc.), l'unité de l'esprit des hommes, c'est-à- 
dire l'accord de sentiment qui doit régner entre les 
chrétiens; ou, avec d'autres (Chrysostome , Har- 
less, etc.), l'unité de l'Esprit de Dieu, c'est-à-dire cette 
unité que le Saint-Esprit opère. Ne serait-il pas pos- 
sible de réunir ces deux sens, d'après une remarque 
que nous avons déjà faite sur une certaine équivoque 
qui règne dans l'acception des mots esprit et spm- 
tuel? S'il faut opter, nous nous déciderons sans ba- 
lancer pour la seconde interprétation. Outre qu'elle 
donne au mot esprit sa signification à la fois la plus 
expressive et la plus ordinaire, elle a pour elle l'ar- 
ticle qui précède ce mot (en grec, comme en fran- 
çais, on dirait plutôt dans le premier sens, l'unité 
d'esprit que Vunité de V esprit; voyez cependant le 



CH. IV, 1-6. l'unité FRATERNELLE. 217 

V. 13); Texpression correspondante de II, 18, dans 
un même esprit (littéralement dans un esprit un), où 
il s'agit incontestablement du Saint-Esprit; et surtout 
le V. 4 de notre chapitre où il est également certain 
que l'Esprit désigné par les mots un seul esprit (litté- 
ralement un esprit un) est le même dont runité a été 
mentionnée dans le verset précédent, et que c'est le 
Saint-Esprit, comme nous le verrons en expliquant 
le V. 4. Il ne faut pas s'étonner de voir les chrétiens 
•exhortés à garder une unité qui est le fruit du Saint- 
Esprit. Car, s'il n'est pas en leur pouvoir de la créer, 
il dépend d'eux de la troubler. D'ailleurs, ceci tient 
au mystère perpétuel de l'action réciproque et com- 
binée de Dieu et de l'homme. N'est-il pas question ail- 
leurs « de contrister le Saint-Esprit de Dieu » (Éph. IV, 
30) et « de l'éteindre » (1 Thess. V, 19)î plus encore, 
les chrétiens ne sont-ils pas exhortés « à être remplis 
€ de l'Esprit » (Éphés- V, 18)? Voici l'Apôtre parvenu 
au sujet qu'il a principalement devant les yeux durant 
ces six premiers versets : « l'unité de l'Esprit. » L'unité 
qu'il recommande ici diffère d'avec l'unité ecclésiasti- 
que, dont on parle beaucoup aujourd'hui. L'unité ecclé- 
siastique est celle qui existe entre tous les membres 
d'une même Église extérieure et visible, tandis que l'u- 
nité de l'Esprit est celle qui règne entre tous les mem- 
bres du corps de Jésus-Christ. Par la première, nous 
sommes associés avec une partie seulement des vrais 
fidèles, et nous le sommes aussi à des hommes qui 



2i8 l'unité fraternelle. ch. IV, 4-6. 

n'ont pas la foi; par la seconde, nous sommes unis 
aux seuls vrais chrétiens, et à tous les vrais chrétiens. 
Celle-là est recommandée par la lettre et par Tesprit 
de l'Évangile, et elle est un fruit de la charité et de 
l'unité même de l'Esprit qui nous occupe ici ; mais 
elle peut être trop recherchée, et si on lui subor- 
donne, ou si on lui égale seulement, ce qui finit de 
même, les intérêts de la saine doctrine ou de l'amour 
fraternel, elle se change en un principe faux et dan- 
gereux. Celle-ci au contraire, n'étant qu'une face de 
l'amour fraternel, est absolue comme lui, et ne sau- 
rait jamais être trop avidement poursuivie. La place 
seule que lui donne ici notre Apôtre suffit pour en 
montrer l'importance. Qui de nous, voulant exposer 
les obligations morales du croyant, aurait songé à 
commencer par l'unité de l'Esprit? Il est vrai que 
saint Paul a pu être déterminé en partie pour cet 
ordre, par ce qu'il a dit ci-dessus des païens réu- 
nis avec les Juifs; mais il a une autre raison plus 
profonde pour commencer comme il fait. C'est 
que la vie chrétienne est essentiellement une vie 
commune et que l'union des membres entre eux 
est aussi nécessaire à la santé du corps, que l'u- 
nion de chacun d'eux avec la tête. C'est encore 
par là que saint Paul commence ses exhortations 
aux Philippiens (II, 1 et suivants); et aux Corin- 
thiens (1 Cor. I, 10 et suivants, etc.). Aussi, ce 
qui est encore plus décisif, c'est par ce même endroit 



GH. IV, 1-6, l'unité FRATERNEUJl. 219 

que le Saint-Esprit a commencé, quand il a voulu 
donner au monde le spectacle d'une Église chré- 
tienne (Actes II, 42-47 ; IV, 32-35)- Cette unité fra- 
ternelle a des promesses spéciales pour la paix de 
rindividu (1 Jean III, 14); pour la prospérité de 
TÉglise (Ps. CXXX, fin); et pour la conversion du 
monde (Jean XIII, 35). Tout cela s'est vérifié dans 
l'histoire de l'Église prin^itive, dont nous venons de 
citer l'exemple. Nous pensons que chacun fera sur c« 
point l'expérience que nous faisons nous-mêmes : c'est 
que plus nous étudions le Nouveau Testament, plus 
nous voyons grandir devant nous la place qu'y oc- 
cupe l'amour fraternel, à côté de la charité générale, 
dont il est soigneusement distingué (2 Pierre I, 7). 
C'est notre profonde et douloureuse conviction que 
nous avons beaucoup plus à apprendre sur cette ma- 
tière que ne pensent la plupart des hommes pieux de 
notre époque ; que nous ne nous faisons pas une jyçte 
idée du degfé jusqu'où peut et jusqu'où doit dèç lors 
aller l'unité fraternelle (car qui ose regarder en face 
le précepte de i Cor. I, 10?); et qu'il y a plus 
d'une question qui trouble aujourd'hyi l'Église et 
dont la solution, réservée à Tamour fraternel, sera 
vainement cherchée ailleurs dans le lien de la paix. 
Olshausen, qui rapporte les mots dam V amour ^ au 
commencement du v. 3, au lieu de les rattacher 
comme nous à la fin du v. 2, est obligé par là de tra- 
duire la fin du V. 3 autrement que nous ne Tavons 



220 l'unité fraternelle. ce. iv, 1-6. 

fait. Voici, d'après liri, la pensée de TApôtre : « Vous 
appliquant, dans Tamour, à garder cette unité de 
TEsprit qui est formée par le lien de la paix. » La 
place des mots dans Vamour, la correspondance exacte 
de la seconde moitié du v. 2 avec le v. 3, la con- 
struction naturelle de ce dernier verset, tout nous fait 
préférer l'interprétation ordinaire, pour laquelle Har- 
less se {prononce également. 

Par le lien de la paix on peut entendre, ou bien le 
lien qui procure la paix, et alors ce lien n'est autre 
que l'amour lui-même, qui est appelé (Col. III, 14) 
le lien de la perfection ; ou bien le lien que la paix 
procure, c'est-à-dire tous les moyens de conciliation 
qu'inspire l'esprit de paix. Le premier sens a été 
adopté par Harless, après Bengel ; nous préférons le 
second, qui nous paraît plus naturel. La paix «11e- 
méme fournit le lien, ou est le lien, par lequel 
nous devons maintenir l'unité de l'Esprit (Voyez 

I Cor. III, 3). Remarquez l'ordre suivi par l'Apôtre. 

II veut qu'on maintienne l'unité par la paix. On suit 
communément l'ordre inverse : on cherche la paix 
par l'unité. On croit qu'il faut commencer par se 
mettre d'accord, et qu'alors seulement on pourra 
goûter ensemble l'amour et la paix fraternelle. Mais 
selon saint Paul, au contraire, il faut commencer par 
l'amour et la paix, et alors seulement on se mettra 
d'accord. Cette différence est admirable, et une phi- 
losophie profonde est cachée dans la marche indiquée 



CH. IV, 1-6. l'unité FRATERNBLIE. 221 

par TApôtre. Ceux qui attendent d'être bien d'accord 
pour s'aimer, pourront n'avoir jamais ni accord ni 
amour. Mais ceux qui commencent par l'amour, fus- 
sent-ils d'abord de sentiments divergents, finiront 
par se mettre d'accord. Cela se fera sans convention 
ni parti pris, par un besoin du cœur que l'amour 
aura créé. Voyez un mari et une femme qui s'aiment 
tendrement, voyez deux frères qui sont unis par une 
étroite amitié; que de fois ne les voit-on pas, quoi- 
que partis de points de vue divers, opposés peut- 
être, arriver enfin à s'entendre de telle sorte qu'ils ne 
sont qu'un cœur et qu'une âme? Vous croyez que 
c'est l'harmonie de leurs vues qui a rapproché leurs 
cœurs; non, c'est le rapprochement des cœurs qui a 
produit l'harmonie des vues. Il en arriverait de 
même, sur une plus grande échelle, dans une Église 
dont tous les membres s'aimeraient < les uns les 
€ autres fortement d'un cœur pur i> (1 Pierre I, 22), 
L'amour créerait le désir, le besoin de s'accorder; et 
entre vrais chrétiens, avec ce désir, avec ce besoin, 
la plupart des causes de divergence seront ôtées, et 
celles qui demeurent seront effacées ou voilées, mal- 
gré qu'on en ait. L'amour par l'accord, c'est le che- 
min naturel de l'orgueil et de l'égoïsme ; « les péa- 
€ gers et les gens de mauvaise vie en font autant; > 
mais raccord par l'amour, c'est le triomphe d'une 
charité divine. 

L'Apôtre a indiqué d'abord les conditions de l'unité. 



222 l'unité fraternelle. ch. iv, i-6. 

Thumilité et la douceur (v. 2); puis les moyens de 
l'unité, Tamour, qui supporte les différences, et Tes- 
prit de paix qui les prévient ou les efface (v, 3, 4). 
Dans les trois versets qui suivent, il en indique les 
motifs. Cette unité à laquelle il exhorte les croyants, 
elle existe; Dieu Ta faite ; il ne faut que la laisser pa- 
raître; entre eux, tout ce qui est essentiel est com- 
mun, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. 

Voici un de ces passages où la doctrine de la Tri- 
nité est clairement rappelée sans être exposée 
directement. Car on ne saurait méconnaître qu'il est 
question du Saint-Esprit dans tout le v. 4, du Fils 
(qui porte plus spécialement le nom de Seigneur), 
dans tout le v, 5, et du Père dans le commencement 
du v. 6. Cette même doctrine est rappelée une se- 
conde fois dans la récapitulation qui termine le v. 6 : 
« Au-dessus de tous, au milieu de tous, au dedans de 
« tous. > La première fois, TApôtre nomme d'abord 
le Saint-Esprit, parce que le v. 4 se lie mieux de la 
sorte avec le v. 3 ; mais la seconde fois, il suit Tor- 
dre habituel. — Une seule fois le Fils est nommé le 
premier, sans que nous en puissions discerner la 
cause (2 Cor. XIII, 43). — (Voyez encore Rom. XI, 
36; 1. Cor. VIH, 6; XU, 4-6; Éph. II, 22.) 

Un seul corps et un seul Esprit. On pourrait croire 
qu'il s'agit ici de deux unités distinctes, l'une spiri- 
tuelle et invisible; l'autre extérieure et visible; et 
c'est ainsi que l'explique Gerlach. Mais cette distinc- 



GH. IV, 4-6. L^UJVITÉ FRATERNELLE. 223 

tion ne nous parait pas être dans la pensée de l^Â- 
pôtre, non plus que nous ne Tavons su voir, avec 
Olshausen, dans le ch. II, v. 16 et 17. Outre que 
Tassociation ecclésiastique nous paraît différente de 
l'unité que saint Paul recommande en cet endroit, 
1 Cor. XII, 3 nous semble- prouver clairement (sur- 
tout quand on le lit dans l'original) que ces deux 
unités tiennent ensemble, et même qu'elles ne sont 
qu'une seule et même unité. Le corps n'est donc pas 
ici l'Église visible, mais l'ensemble des croyants 
unis sous une même tête, Christ; et c'est le Saint- 
Esprit qui forme ce corps, parce que a'est lui qui 
unit les croyants à Christ. Ce t seul corJ)s » est donc 
l'ouvrage de ce « seul Esprit; ^ et l'Apôtre nous 
montre dans l'une et dans l'autre expression l'unité 
du Saint-Esprit; avec cette nuance que la première 
nous le dépeint un dans son œuvre, et la seconde, 
un dans son essence. 

Comme aussi vous avez été appelés dans une seule es- 
pérance de votre vocation. Il s'agit toujours du Saint- 
Esprit, auquel appartient plus spécialement la voca- 
tion des fidèles, bien qu'elle puisse être attribuée 
ailleurs au Père ou au Fils. L'emploi de la préposi- 
tion dans a quelque chose qui étonne, et nos versions 
ont éludé la difficulté en y substituant la préposition 
à. Mais c'est changer un peu la pensée. Il veut faire 
ressortir ici, non la fin à laquelle nous avons été ap- 
pelés, mais la manière dont nous avons été appelés, 



224 l'unité fraternelle. gh. iv^ i-6. 

ou, si Ton veut, T esprit de notre vocation. Même 
remarque sur Gai. I, 6 (c qui vous a appelés dans la 
€ grâce 1 ou « en grâce f), 1 Cor. VII, 15 (c Dieu 
(c nous a appelés dans la paix i ou c en paix >) et 
1 Thess. IV, 7 (« Dieu ne nous a pas appelés à la 
c souillure, mais dans la sanctification » ou € en 
a sanctification »). 

Un seul Seigneur^ une seule foi, un seul baptême. 
Tout ceci se rapporte à Jésus-Christ. Il y a un seul 
Seigneur, une seule foi en lui, un seul baptême en 
son nom. On demande pourquoi la sainte Cène n'est 
pas nommée ici aussi bien que le baptême; la réponse 
nous paraît facile. Ce passage est de ceux où figurent 
seulement les points fondamentaux, les premiers 
éléments de la foi. Or le baptême est là plus à sa 
place que la communion, soit parce qu'il est le pre- 
mier pas dans la vie chrétienne, soit parce qu'il y 
tient un rang plus considérable que la Cène. Il est 
également mentionné sans elle dans Hébr. VI, 1, 2, 
et dans Matth. XXVIII, 19, 20. Nous n'aurions pas 
songé à cette difficulté, tant elle nous paraît aisée à 
lever ; mais ce sont les commentateurs luthériens qui 
l'ont imaginée, et il y a quelque chose d'instructif 
dans la peine qu'ils prennent pour la résoudre. C'est 
qu'ils n'oublieraient jamais, eux, la Cène, en nom- 
mant les articles les plus essentiels de la religion. 
Cette différence entre eux et les auteurs sacrés ne 
tiendrait-elle pas à ce que la Cène a dans le système 



CH. IV, 4-6. l'unité fraternelle. 225 

théologique luthérien une place qu'elle n'a pas dans 
rEcriture sainte? 

Un seul Dieu et Père de tous; non pas de tous 
les hommes, mais de tous les croyants (Voyez Mal. 
II, 10). 

Au-dessus de tous, au milieu de tous, el au-dedans de 
tous. D'après le texte reçu : « au-dedans de vous tous; :» 
ou bien « de nous tous; > mais les meilleurs critiques 
suppriment l'un et l'autre de ces pronoms, Harless, 
Olshausen, Lachmann, etc. Après avoir montré qu'il 
y a un seul Esprit, un seul Père et un seul Dieu , 
l'Apôtre fait un pas de plus, et rappelle en terminant 
que € ces trois là sont un. > C'est un seul Dieu, 
en trois moments ou sous trois aspects différents. — 
Le Père, c'est Dieu régnant « au-dessus de tous; > 
le Fils, c'est Dieu descendu sur la terre et séjournant 
«au milieu de tous; > le Saint-Esprit, c'est Dieu 
pénétrant dans les cœurs et habitant « au dedans de 
< tous. x> L'explication que nous proposons ici des 
mots a au milieu de tous » s'écarte des opinions 
reçues. Parmi ces opinions, la plus soutenable est 
celle qui a été suivie par Harless. Il traduit « par 
« tous, > traduction aussi permise que la nôtre par 
la grammaire; et il pense que cette expression fait 
allusion au Fils agissant par le moyen de ceux qui 
croient en lui, comme la tête agit par le moyen des 
membres (IV, 16; Col. II, 19). Notre explication 
nous paraît avoir sur celle-là deux avantages : le pre- 

15 



226 l'unité fraternelle. ch. iv, 7-16. 

mier, qu'elle est plus semblable à elle-même, en ce 
qu'elle attribue aux trois propositions un sens de 
localité^ tandis que l'autre attribue ce sens à la pre- 
mière et à la troisième, mais en prête un d'une tout 
autre nature à celle du milieu; le second, c'est qu'elle 
est, ce nous semble, aussi naturelle que l'autre est 
recherchée. Dieu sur nous, Dieu parmi nous, Dieu 
avec nous, Dieu en nous, quoi de plus conforme à 
l'attitude ordinaire sous laquelle la Bible nous pré- 
sente les trois personnes de la Trinité? Et quoi de 
plus propre à nous faire sentir leur unité que cette 
action unique et progressive d'un Dieu qui descend 
d'abord du ciel dans la société des hommes, et qui 
pénètre enfin de la société des hommes dans le fond 
de notre cœur? 

2« La diversité des dons. IV, 7-16. 

7« Mais à chacun de nous^ la grâce a été donnée selon 
la mesure du don de Christ. 8. Cest pourquoi H est 
dit : Qi Étant monté en haut, il a emmené captive une 
<K multitude de captifs , et il a donné des dons aux 
€ hommes. » 9. Or, gw'tJ soit monté, qu^est-ce, si ce 
n'est quHl était aussi descendu dans les parties les plus 
basses de la terre? 10. Celui qui est descendu est lui" 
même aussi celui qui est monté par-dessuè tous les deux, 
afin qu'il remplît toutes choses, 

M. Et hi^méme a donné les uns comme apôtres, d'au* 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle. â27 

très comme prophètes, d'autres comme évangélistes, d'au- 
ires comme pasteurs et docteurs, 12. en vue de la prépara- 
tion des saints à ïœuvre du ministère, pour l'édification 
du corps de Christ; \3.jusquà ce que nous parvenions 
tous à Vunité de la foi et de la connaissance du Fils de 
Dieu, à Vétat d'homme fait, à la mesure de Vâge de la 
plénitude de Christ; 14. afin que nous ne soyons plus de 
petits enfants, ballottés et emportés par tout vent de doc- 
trine, par la tromperie des hommes, par leur adresse 
dans les artifices de V égarement, 15. mais quêtant 
vrais ^ dans V amour nous croissions à tous égards en celui 
qui est la téte^ Christ ^ 10. duquel tout le corps lié et 
uni ensemble par toutes les jointures de communication, 
selon la force qui est dans la mesure de chaque partie, 
opère t accroissement du corps, pour sa propre édifi- 
cation dans ïamour. 

Mais à chacun de nous, etc. L'unité de l'Esprit 
n'exclut pas. la diversité des dons. L'unité dans la 
diversité, et la diversité dans l'unité, c'est la loi de 
Dieu lui-même, qui est un dans son essence, mais 
divers dans ses perfections, et même dans sa per- 
sonnalité, d'après la doctrine chrétienne de la Tri- 
nité; et Dieu s'étant peint dans tous ses ouvrages, 
cette loi a passé dans les œuvres de la grâce, comme 
dans celles de la nature. L'Église y obéit comme tout 
le reste. L'Esprit y est un, mais les dons y sont di- 
vers, le Seigneur les distribuant à chacun dans la 
mesure qui lui plaît* Il était dès lors nécessaire de 



L^UNJTÉ FRATERNELLE. CH. IV, 7-16. 

prémunir les chrétiens contre les tentations de jalou- 
sie ou de gloire propre que cette différence pouvait 
faire naître, par un abus naturel au pauvre cœur hu- 
main, et dont TÉglise primitive n'a pas été exempte. 
De là les exhortations de notre Apôtre dans notre 
texte, et encore Rom. XII, 5; 1 Cor. XII, 4-30; ainsi 
que des autres apôtres, Jacq. III, 1; 1 Pierre IV, 10. 
Cette diversité, bien entendue, relève l'unité d'esprit 
loin de la troubler ; et cela principalement par ces 
deux raisons, que tous les dons spirituels provien- 
nent d'une source commune, Jésus-Christ, et que 
tous se rapportent à une fin commune, l'édification 
de son corps, c'est-à-dire de l'Église. La première 
fait le sujet des trois premiers versets du développe- 
ment de l'Apôtre (8-10) ; la seconde, des versets qui 
suivent (11-16). Avant d'appeler notre attention sur la 
distribution des grâces, il la fixe d'abord un moment 
sur le distributeur. Ce distributeur, « c'est ici Jésus- 
Christ, parce qu'il s'agit des fonctions ou des mi- 
nistères (1 Cor. Xil, 5), tandis que dans 1 Cor. XII, 
H, où il est question des dons, c'est le Saint- 
« Esprit > (Gerlach)^ 

Cest pourquoi il est dit. Littéralement : il dit^ en 
sous-entendant Dieu ou le Saint-Esprit; ou elle dity 

1 Olshausen explique autrement que nous le rapport de MO avec 
l'ensemble du développement. Au lieu d'appuyer^ comme nous le fai- 
sons, sur les mots selon la mesure du don de Christ dans le v. ly 
et sur les mots tV a donné des dons dans le v. 8^ il appuie sur ceux-ci 
à chacun de nous, dans le v. 7^ et aux hommes, dans le v. 8; et. 



CH. IV, 7-16. l'unité praterneue. 289 

en sous-entendant VÉcrUure^ ce qui est plus vraisem- 
blable, d'après Rom. IV, 3; IX, 17; 1 Tim. V, 18, 
et cet endroit remarquable, Gai. III, 8, où TÉcriture 
est personnifiée, et comme confondue avec l'Esprit 
qui l'inspire. L'expression dont saint Paul s'est servi 
dans notre texte, en sous-entendant le sujet, se re- 
trouve Rom. XV, 10; Gai. III, 16, et 1 Cor. VI, 
16; elle correspond à celle-ci : < Il est écrit. > Mais 
venons au fond de la citation. Les citations de l'An- 
cien Testament dans le Nouveau sont au rang des 
problèmes les plus compliqués de l'exégèse ; et parmi 
ces citations, celle-ci est une des plus difficiles. Deux 

selon lui, Tobjet essentiel des v. 7-10^ et la citation qui y est faite de 
TAncien Testament, est de prouver que les dons de Jésus-Christ sont 
pour tous les membres de TÉglise, pour les païens aussi bien que pour 
les Juifs. C'est en se plaçant au même point de vue que le même com- 
mentateur entend « Tunité de Tesprit » recommandée dans le y. 8 de 
Tunité qui doit régner entre les chrétiens sortis du judaïsme et ceux qui 
Tétaient du paganisme. Ce point de vue nous semble erroné ou tout au 
moins trop restreint. Quand notre Apôtre a voulu montrer aux Éphé- 
siens la miséricorde que Dieu a fait paraître dans leur vocation, on 
comprend qu'il ait distingué leur condition d'avec celle des Juifs, pour 
faire sentir aux premiers que Dieu les a appelés de plus loin encore 
que les seconds. Mais pourquoi cette distinction serait-elle suivie lors- 
qu'il s'agit des relations mutuelles des membres de l'Église d'Éphèse^ 
qui renfermaîf d'anciens Juifs sans doute (Actes XIX, 8-17), mais qui 
se composait pourtant essentiellement d'anciens païens, comme notre 
épltre nous l'a si clairement donné à connsdtre. Ajoutons, en ce qui 
concerne les versets que nous avons sous les yeux (IV, 7-10), que le 
rapport que nous avons indiqué (Christ, le distributeur suprême des 
dons) s'offre plus naturellement à l'esprit que celui qui est indiqué par 
Olshausen (les dons distribués à tous, même païens); et surtout, que la 
première interprétation explique sans peine la réflexion dont l'Apôtre 
fait suivre la citation qu'il fait de l'Ancien Testament (v. 9, 10), tandis 
qu'on ne sait comment en rendre compte avec la seconde. Olshausen a 
bien senti cette difficulté (p. 230), et ne nous parait pas l'avoir résohie 
(p. 285). 



S30 l'unité FAAT£RNEUE. gh« it^ 7*16* 

choses demandent à être expliquées : comment l'A- 
potre a-t-il pu appliquer à Jépus-Ghrist l'endroit qu'il 
cite, et qui est tiré du Pçaume LXYIII (v. 18)? et eom^ 
ment a-t-il pu, en le citant, s'écarter, ainsi qu'il le fait> 
tant du texte hébreu que de la version des Septante? 
Quelques commentateurs ont été si embarrassés de 
la première question qu'ils ont imaginé que l'Apôlre 
a emprunté sa citation, non au Psaume LXYIII, 
mais à un vieux cantique chrétien ; et d'autres l'ont 
été si fort de la seconde» qu'ils ont proposé de re- 
toucher, d'après notre texte^ et le texte hébreu du 
Psaume LXYIII, et celui de la version de ce Psaume 
dans les Septante. Évidemment, ce sont là des sup- 
positions forcées, et qui n'ont dû le jour qu'à l'em* 
barras des interprètes. Mais il n'est pas nécessaire 
de recourir à des partis si désespérés { et les deux 
questions que nous venons d'indiquer nous paraissent 
trouver leur solution dans une étude plus approfondie 
des rapports de l'Ancien Testament avec le Nouveau, 
côté important de l'exégèse, sur lequel notre texte 
jette, par ses difficultés mêmes, une précieuse lu- 
mière* 

Commençons par nous rendre compte de l'objet du 
Psaume LXYIII en général, et en particulier du sens 
du verset cité par notre Apôtre» 

Le Psaume LXYIII» l'un des plus beaux comme 
des plus difficiles de tout le recueil, peut être consi- 
déré comme un développement des paroles qui en 



CH. IV, 7-16. l'unité fratebnbub, 23i 

composent le premier verset, et qui sont empruntées 
au livre des Nombres. C'est la prière que Moïse avait 
coutume de prononcer, dans le désert, chaque fois 
que l'arche était transportée d'un lieu dans un autre : 
« Or, il arrivait qu'au départ de l'arche. Moïse disait : 
< Lève-toi, ô Éternel! et tes ennemis seront disper- 
« sés^ et ceux qui te haïssent s'enfuiront de devant 
« toi. Et quand on la posait, il disait : Retourne, 
t ô Éternel! aux dix mille milliers d'Israël > (Nomb. 
X, 85, 36). 

L'arche était le signe visible de la présence in- 
visible de Dieu au milieu de son peuple* Elle ga-* 
rantissait à la fois la défaite de tous les ennemis 
de Dieuj et la délivrance de son peuple. C'est de-^ 
vaut elle que s'arrêtent les eaux du Jourdain (Jos. 
III, H, 14-17) > et que tombent les murs de Je- 
rico (VI, 6-16). Avec elle, les Israélites se flattent 
d'être invincibles (1 Sam. IV, 3-5); mais Dieu con- 
fond cette fois leur formalisme impie en les livrant, 
avec l'arche elle-même, entre les mains des Philistins, 
malgré la peur que ceux-ci avaient d'abord ressentie 
en entendant dire : « Dieu est venu au camp! » (7). 
Sans elle, Héli tient la cause d'Israël perdue, et en 
apprenant qu'elle a été prise, il tombe de son siège 
et se tue; sa belle-fille meurt aussitôt après en met- 
tant au monde Icabod, par un enfantement préma- 
turé, et en disant : a La gloire est transportée d'Is- 
raël, car l'arche de Dieu est prise » (15 -fin). Voyez 



232 l'unité fraternelle. ch, iv, 7-16. 

encore 1 Sam. V, 3; XIV, 18; 2 Sam. XI, H; 
XV, 25; Jér. III, 16, etc. Ceci explique Tarche 
portée devant les Israélites dans le désert (Nomb. X, 
33), et la double prière dont Moïse, accompagnait le 
départ de l'arche et son repos; c'était le gage visible 
de Dieu conduisant son peuple, et présidant tour à 
tour à sa marche et à ses stationnements dans le 
désert. 

Plus tard, cette même arche fut transportée sur la 
colline de Sion, par les soins de David, après qu'il 
eut pris la cité bâtie sur cette colline et soumis tous 
ses ennemis (2 Sam. V, 7, 9; VI, 10; VII, 1). Cet 
événement tient une place très considérable dans 
l'histoire religieuse de l'Ancien Testament; tout aussi 
considérable pour le moins, quoique moins éclatante, 
que la construction du premier temple par Salomon, 
qui ne fit qu'achever l'ouvrage commencé par son 
père en faisant porter l'arche de la colline de Sion à 
celle de Morija, et en lui donnant pour demeure, au 
lieu d'un simple pavillon, un temple magnifique. 
L'arche montée au sommet de Sion, c'était le gage 
visible de Dieu prenant possession de cette montagne 
(Ps. IX, 12), y établissant son règne (Mich- IV, 7), 
y sacrant son Fils (Ps. II, 7), et de cette hauteur 
(Ps. ex, 2), gouvernant son peuple élu (Ésaïe LU, 7), 
en attendant qu'il soumît à son empire tous. les 
royaumes du monde (Ésaïe II, 2, 3, etc.). Sion, sur- 
montée de l'arche, c'est le centre de toute la théo- 



CH. IV, 7-16. l'unité FRATERNELLE. 233 

cratie, de la prophétie messianique, de Télection 
dlsraêl et de la vocation des Gentils. Il ne faut, pour 
s'en convaincre, que remarquer les institutions par 
lesquelles David marque le transport de l'arche, et 
les cantiques par lesquels il en célèbre la mémoire 
(1 Chron. XVI; Ps. CXXXH); surtout le v. 8, qui 
est répété par Salomon dans la dédicace du temple 
(2 Chron. VI, 41); car l'arche est l'âme du temple. 
C'est aussi à ce grand événement que paraît se 
rapporter le Psaume LXVIII; et comme il y est ques- 
tion d'une procession solennelle (27), il est vraisem- 
blable que David l'a composé à l'occasion de la trans- 
lation de l'arche, et peut-être pour être chanté dans 
cette cérémonie même. Ewald, dans son Commentaire 
sur les Psaumes, adopte sur l'origine de ce psaume 
une opinion qui est d'accord, pour le fond, avec celle 
que nous venons d'exposer. Seulement, ce n'est pas 
la translation de l'arche ni même la dédicace du pre- 
mier temple qui a fourni le sujet de notre psaume ; 
mais la.dédicace du second temple (Esdr. VI, 15, 16). 
Mais c'est s'écarter sans nécessité de la suscription 
du psaume, qui l'attribue à David, auquel appartient 
toute la collection des LXXJI premiers psaumes. De 
plus, l'allusion manifeste qui est faite dans le v. 1 
de notre psaume à la prière de Moïse , s'explique 
moins bien pour la dédicace du second temple, où 
l'arche manquait, ayant disparu vraisemblablement 
dans le désastre de la prise de Jérusalem par Nébu- 



234 l'unité PftATERNBLLE. GH. tV, 7-16» 

cadnetsar. Du moins, il n'en est plus parlé après 
(2 Chron. XXXV, 3, et Jér. III, 16). 

Voici Tordre des pensées du psaume. Après avoir 
rappelé la prière de Moïse , et représenté la présence 
de Dieu au milieu dlsraël comme un sujet de terreur 
pour les ennemis de Dieu, et de consolation pour son 
peuple (2-4), le Psalmiste nous montre d'abord Dieu 
conduisant autrefois son peuple dans le désert, et le 
bénissant plus spécialement au pied du Sinaï (5-11); 
puis, le mettant en possession du pays de Canaan , 
par une éclatante victoire remportée sur ses rois 
(12'-15)^ ensuite, faisant choix de la montagne de 
Sion pour y fixer à jamais sa demeure, après avoir 
subjugué tous ses ennemis (10-19); enfin, assurant 
les siens qu'il les délivrera toujours à l'avenir, et les 
ramènera des pays les plus éloignés (20-24) ; allusion 
prophétique à la fin de la captivité, comme dans 
2 Chron. VI, 36-39. Suit une courte description de 
la solennité de la translation de l'arche (25-28); après 
quoi, le Psalmiste conclut en annonçant que Dieu, 
qui règne au plus haut des cieux aussi bien que sur 
la montagne de Sion, donnera la force à son peuple^ 
et soumettra à sa domination toutes les nations de là 
terre (29-fin) \ 



1 Nous voudrions corriger ainsi qu'il suit la traduction de quelques 
endroits de ce psaume, fort obscure, sinon inintelligible, dans nos ver- 
sions reçues. — Verset 5 : « Psalmodiez son nom ; dressez le ehemin à 
«celui qui marche dans les déserts » (voyez Es. XL, 3). 7: « Dieu con- 
« duit dans la maison ceux qui étaient délaissés (Ps. CVII,7), il met en 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle, 838 

Telles étant les pensées du Psaume LXYIII, expli^ 
quons, par uile paraphrase, les v. 16-19, qui en foW 
ment Comme le point central et culminant, et surtout 
le verset cité par l'Apôtre. « D'autres montagnes, 
celles de Basan, par exemple^ sont bénies de Dieu, 
isont fertiles et élevées; mais aucune n'égale celle de 
Sion, que Dieu a choisie pour y habiter. Le Seigneur 
monte sur cette montagne, au milieu de son innom-** 
brable armée^ c'est-à-dire du peuple d'Isrâél. La 
gloire de Sinaï est transportée en Sion. Le Seigneur 
est monté sur le sommet de Sion en emmenant cap- 
tifs ses ennemis; et, comme un vainqueur qui reçoit 
des présents des vaincus, il a pris des dons, fruit de 
sa victoire, pour les hommes, et même pour ceux qui 
avaient été d'abord rebelles, afin d'habiter sur Sion 

« prospérité ceux qui étaient dans les fers ; même les rebelles qui ha- 
«bitaient une terre aride. » 14, 15 : « Quand vous reposerez tran- 
« quiliement dans les parcs (comme des brebis bien gardées)^ vous 
« brillerez comme les ailes argentées de la colombe, et comme son plu- 
« mage d'un vert doré. Quand le Tout«Puissant dispersera les rois du 
« pays, une lumière éclatante (littéralement, l'éclat de la neige) suc^ 
« cédera aux ténèbres. » 16 : « La montagne de Basan est une mon- 
a tagne de Dieu ; la montagne de Basan est une montagne élevée, 
« Pourquoi ètes-vous jalouses, montagnes élevées, de cette montagne 
a que Dieu a choisie pour y demeurer? Oui, l'Éternel y habitera à 
« perpétuité! » 18 : « Le Seigneur est au milieu d'eux; Sinaï est dans 
« le sanctuaire. » (Sion maintenant la gloire de la loi dans celle de 
la grâce, comme Tarche garde les tables sous le propitiatoire.] 19 : 
« Tu as pris des dons, pour les hommes, même pour les rebelles, afm 
« d'habiter en Jéhovah, en Dieu. » 25 : « Ils ont vu ta marche» ô Dieu ! 
« la marche de mon Dieu, de mon Roi dans le sanctuaire !» 28 : 
« Là marchait à leur tête Benjamin le petit ; les princes de Juda, avec 
« leur cortège; les princes de Zabulon et les princes de Nephtali. » 
31 : « Les veaux des peuples (les puissants), qui s'humilient avec des 
« morceaux d'argent (des présents). » 



236 l'unité fraterneub. ch. iv, 7-46. 

et au milieu de son peuple en Roi suprême, en Dieu 
plein de gloire. » Nous voyons dans le v. 18, non 
l'armée des anges, mais l'armée dlsraél, désignée 
par des termes semblables dans la seconde prière de 
Moïse (Nomb. X, 36). La hauteur sur laquelle le Sei- 
gneur monte nous paraît être celle de Sion, ou, si 
l'on veut, sur le premier plan, celle de Sion; et sur 
le second plan seulement, celle des cieux (v. 34), le 
règne de Dieu en Sion figurant son empire suprême 
et éternel. 

Au surplus, le mot hébreu rendu ici par hauteur, 
s'emploie ailleurs, tantôt du ciel, séjour de Dieu 
(Ps. VII, 7, 8, etc.), tantôt de la montagne du Sanc- 
tuaire (Ézéch. XVII, 23; XX, 40; XXIII, 14). Enfin, 
nous traduisons « tu as pris des dons pour les 
« hommes, » ainsi que l'ont fait nos versions, et non, 
comme le font Olshausen et Harless : « Tu as pris des 
€ dons consistant en hommes ; tu as reçu en offrande 
€ des hommes. » Cette traduction nous parait peu na- 
turelle. La nôtre suppose une ellipse assez forte, nous 
l'avouons, puisque c tu as pris des dons entre les 
«hommes » (traduction littérale de l'hébreu), signifie, 
selon nous, « tu as pris des dons pour les distribuer 
« entre les hommes, i» Mais cette ellipse est-elle plus 
forte que celle de 1 Chron. 29, 14 : c Toutes ces 
« choses viennent de toi, et c'est de ta main que nous 
€ te les présentons? » Évidemment, il faut sous-en- 
tendre les ayant reçues. Dans l'un et l'autre passage, il 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle. 237 

s'agit de recevoir pour donner ensuite; l'idée de re- 
cevoir étant omise dans Tun, pourquoi Tidée de donner 
ne le serait-elle pas dans l'autre? Que si cette ellipse 
paraissait inadmissible^ naus traduirions alors, non 
comme l'ont fait Olshausen et Harless, mais comme 
Ewald : t entre les hommes, » ou « au milieu des 
c hommes; > ce qui est le sens naturel de la préposi- 
tion hébraïque, et le m«me qu'elle a, au verset pré- 
cédent, dans les mots : < Au milieu d'eux. > 

Il faudrait entendre alors par les hommes tous ceux 
[qui sont représentés comme entourant ici le Sei- 
Igneur, c'est-à-dire tout à la fois ses ennemis vaincus 
[desquels il prend ces présents et son peuple auquel il 
les distribue, comme un prince victorieux qui reçoit 
|les hommages de l'armée tributaire en présence et 
)ur l'avantage de ses propres soldats. Ainsi Dieu 
[répartit entre les Israélites les terres qu'il a conquises 
curies Cananéens. 

Les rebelles seraient alors les ennemis vaincus^ qui 
kont contraints de rendre hommage, le voulant ou 
[on, à leur nouveau maître. — Dans l'une et dans 
iutre interprétation, la pensée d'une répartition des 
pus reçus des vaincus entre les enfents d'Israël est 
ifermée, explicitement selon l'une, implicitement 
fon l'autre, dans notre verset; si Dieu prend des 
ésents, ce n'est pas pour lui-même* 
[Venons maintenant à la première des deux ques- 
Ions que nous nous sommes posées. Comment 



238 l'unité fratbrnbue. ch. iv, 7-16. 

r Apôtre a-t-il pu appliquer le Psaume LXVIII, 19 à 
Jésus-Christ? 

Nous ne répondrons pas que le Psaume LXVIII 
renferme une prophétie messianique. Nous ne le 
pensons pas; il y a bien de la différence entre la ma- 
nière dont Jésus-Christ est ici et celle dont il est dans 
le Psaume XVI ou dans le LIIP chapitre d'Ésaïe. 
Nous ne dirons pas même qu'il y ait ici une parole à 
double sens et qui, tout en se rapportant aux événe- 
ments contemporains dans son application prochaine, 
se rapporte aussi à Jésus-Christ dans une application 
plus lointaine, mais pourtant directe et intentionnelle, 
comme ÉsaïQ VII, 14, ou Ésaïe XXXV, 5, 6. Nous ne 
voyons ici de prophétie proprement dite d'aucun 
genre. Et pourtant nous sommes persuadé que le 
rapprochement fait par l'Apôtre entre son sujet et le 
Psaume LXVIII n'est pas une simple accommodation, 
mais un rapprochement réel qui entre dans la pensée 
du Saint-Esprit et qui fournit une argumentation très 
sohde. C'est qu'indépendamment de la prophétie pro- 
prement dite, par laquelle l'Ancien Testament feit de 
temps en temps invasion expressément et explicite- 
ment dans les choses du Nouveau Testament, il y a 
entre les deux Testaments un rapport plus caché, plus 
profond et plus permanent, qui fait de l'Ancien Tes- 
tament tout entier une économie préparatoire et ty- 
pique. Nous en avons déjà parlé en expliquant Éph. I, 
22, où le Psaume VIII est cité, à peu près comme le 



CH. nr, 7-16. l'unité fraternelle. 

Ps. LXVIII Test ici. Jésus-Christ et son règne c'est le 
dernier terme vers lequel tendent, de près ou de loin, 
et auquel vont converger et viennent à la fin aboutir 
toutes les révélations de l'un et de Tautre Testament. 
Le Dieu qui s'est manifesté dans l'Ancien Testament, 
en se mettant en rapport avec les patriarches. Moïse 
et les prophètes, est le même Dieu qui, dans le Nou- 
veau Testament, s'est manifesté en chair et mis en 
rapport avec nous dans la personne de Jésus-Christ. 
Un plan commun, un but identique, un même esprit 
et une même doctrine unit les deux Testaments; les 
développements seuls diffèrent, parce qu'ils se pro- 
portionnent aux temps et aux besoins. Les prédic- 
tions proprement dites sont ce qu'on pourrait appeler 
les points saillants de ce rapport, seuls capables de 
fixer l'attention du lecteur superficiel. Mais, une fois 
averti par elles, Tesprit qui pénètre plus avant dé- 
couvre dans les prescriptions légales, dans l'histoire, 
partout, des ressemblances à la fois plus profondes et 
plus étendues, qui ne font que croître en proportion 
de l'attention avec laquelle on les contemple. Au 
reste, entre ces deux choses, la prophétie et le type, 
il y a cette différence que la première, qui s'annonce 
clairement pour ce qu'elle est, s'adresse aux contem- 
porains, dont elle porte les regards en avant sui* 
l'avenir ; tandis que la seconde, qui a besoin d'être 
découverte, est destinée à la postérité, dont elle ra- 
mène les regards en arrière sur le passé. — c Ainsij 



240 l'unité fraternelle. ch. iv, 7-16. 

dit Harless en expliquant la doctrine du type, le plan 
de notre propre vie ne se révèle réellement à nous 
que lorsque, instruits à l'école de la vérité du but et 
de la signification de la vie humaine, nous jetons les 
yeux en arrière sur la direction qu'a reçue notre jeu- 
nesse. Le ^désordre apparent fait place à un ensemble 
régulier, et là où l'œil affligé n'avait aperçu longtemps 
que contradiction et déchirement, il découvre la main 
paternelle de ce Dieu qui conduisit ses enfants du dé- 
sert au repos de la terre promise. La lumière de l'âge 
mûr qui médite sur les années de la jeunesse, c'est la 
lumière de l'Évangile; la direction de la jeunesse, 
c'est l'histcrire de la théocratie de l'Ancien Testa- 
ment; le voile qui a longtemps recouvert le passé 
tombe de dessus les yeux quand on atteint à l'état 
d'homme fait en Christ. » 

C'est un rapport de ce genre que l'Apôtre fait re- 
marquer entre son sujet et le Psaume LXVUL On voit 
dans ce Psaume le Dieu de l'Ancien Testament, mon- 
tant dans le sanctuaire de Sion, tous ses ennemis 
vaincus, et recevant pour fruit de sa victoire des pré- 
sents qu'il distribue à son peuple. On voit également 
dans le Nouveau Testament Jésus-Christ qui, ayant 
< vaincu par la mort celui qui a l'empire de la mort, > 
monte au ciel, qui est le vrai sanctuaire (Hébr. IX, 
24), et là reçoit, pour prix de son œuvre accomplie 
(Actes II, 24), le Saint-Esprit, dont il répartit les 
grâces à son gré entre les membres de l'Église qu'il 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle, 241 

s'est acquise. Ce n'est pas l'identité dix fait mentionné 
dans le Psaume LXVIII et du fait mentionné dans 
notre épître que TApôtre entend affirmer; mais bien 
l'identité du Dieu de l'Ancien Testanient avec le Dieu 
du Nouveau Testament. Cette identité est telle pour 
lui qu'il donne ailleurs le nom de Christ au Dieu qui 
a conduit les Israélites dans le désert (1 Cor. X, 9. 
Voyez aussi le verset 4). 

Reste la seconde question : Comment saint Paul 
a-t-il pu s'écarter à la fois, dans sa citation, et du 
texte hébreu et de la version des Septante? 

Il est incontestable qu'il s'en est écarté pour les 
mots; et à la première vue on trouve même une sorte 
d'opposition entre ce qu'ils disent et ce qu'il leur 
fait dire. L'hébreu, que les Septante suivent exacte- 
ment, dit, en effet^ ainsi que nous l'avons vu : « Tu 
« as pris des dons entre les hommes, » ou pour les 
hommes ; et saint Paul : « Tu as donné des dons aux 
hommes. » Mais pour qui se rappelle avec quelle 
liberté les Apôtres, à l'exemple de leur Maître, citent 
l'Ancien Testament, il suffit, pour justifier la citation 
de notre Apôtre, de remarquer que, tout en chan- 
geant les mots de l'original, qui n'allaient pas au but 
spécial qu'il se proposait ici ou qui n'auraient pas 
été compris, il reproduit exactement le fond de 
la pensée. Il né touche au texte que pour Péclair- 
cir; car si le Seigneur reçoit des dons, ce n'est pas 
pour lui-même, c'est pour les communiquer aux 

16 



^2 l'unité ^PRA.TERI!rBLL£. GH. IV^ 7-46. 

hommes; et sa conquête est une conquête de charité. 

Cette remarque subsisterait encore alors même que 
Ton verrait dans ces hommes au milieu desquels le 
Seigneur reçoit des présents, dans Ps. LXVIII, 19, 
ses vaincus et ses prisonniers. Seulement, dans Tanti- 
type, les vaincus et prisonniers de Jésus-Christ, ce 
seraient, non ses ennemis, mais ses disciples (Ésaïe 
LUI, 12; Ps. n, 8, etc.); et les dons qu'il refait 
d'eux dans le psaume seraient appelés dans Tépitre 
des dons qu'il leur donne^ parce que nous ne pouvons 
ofiPrir au Seigneur que ce qu'il nous dispose lui-même 
à lui présenter, en sorte que nous ne lui donnons 
que ce que nous recevons de lui, et que lui ne reçoit 
de nous que ce qu'il nous donne*. 

Mais cette liberté même avec laquelle Jésus-Christ 
et les apôtres citent l'Ancien Testament demeure un 
problème difficile, peut-être insoluble pour nous, 
surtout à ce point de vue de l'inspiration qui insiste 
avec tant de force et, si je l'ose dire, avec une sorte 
d'inquiétude, sur la divinité de chaque mot du texte 
sacré. Il nous semble que les auteurs du Nouveau 
Testament n'auraient jamais cité les Écritures de 
l'Ancien comme ils l'ont fait, s'ils n'avaient pas envi- 
sagé l'inspiration d'un point de vue plus large et 
plus élevé. Mais ce n'est pas le lieu d'entrer plus 

* Voir la note de Gerlach sur Éph. IV, 8. — A tout prendre, c*esl 
Texplicatioa que je préférerais. Ëwald aussi traduit « entre les hommes,» 
et ce qui suit « et môme entre les rebelles » s'explique de la sorte 
plus facilement que dans aucune antre interprétation. 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle. 243 

avant dans cette doctrine. Ajoutons toutefois que 
celte liberté de citation ne saurait justifier chet nous 
une liberté semblable, car ici ceux: qui citent sont in- 
spirés aussi bien que ceux qui sont cités. Le Saint- 
Esprit citant le Saint-Esprit, certain de ne pas se 
méprendre sur ses propres pensées, peut se per- 
mettre des modifications et des éclaircissements qui 
nous seraient défendus, à peu près comme ïious 
pourrions user, en citant nos propres écrits, d'une 
latitude que nous nous interdirions en rapportant les 
témoignages d'autrui. 

Or, quil soit monti, qu'esi*ce si ce nest qu'il était 
aussi descendu dans les parties les plus basses de la terre? 
Ce raisonnement est fondé tout entier sur ce mot : il 
est monté (ou, si Ton complète la pensée de rApôtrêi, 
sur ces trois mots : il est monté en haut). N'est-il pas 
bien digne de remarque que, dans le même endroit 
où l'Apôtre traite la parole inspirée avec tant de 
liberté, qu'il ne craint pas de changer les mots poUi' 
ne s'attacher qu'à la pensée, il la traite aussi avec 
tant de respect qu'il n'hésite pas à presser un mot et 
à bâtir sur ce mot toute une doctrine? Il est clair 
qu'il appuierait également, au besoin, sur ce mot 
même de recevoir, qu'il a cru pouvoir reniplacer dans 
sa citation par celui de donner. Cette remarque trouve 
aussi place ailleurs dans les citations que les apôtres 
et Jésus-Christ lui-même font de l'Ancien Testament : 
tantôt ils négligent les mots (Matth. IV, 10, etc.), 



2U l'unité fraternelle. ch. IV, 7-16. 

tantôt ils y insistent beaucoup (Jean X, 34, etc.). Ces 
deux faits (car ce sont des faits incontestables) sont 
difficiles, impossibles peut-être à concilier par une 
théorie exacte de l'inspiration ; mais ils nous instrui- 
sent sur l'usage que nous devons faire des Écritures. 
Il y a telle jalousie des mots et des moindres détails, 
qui n'est pas dans l'esprit de Jésus-Christ et des 
apôtres, et avec laquelle on n'aura jamais l'esprit 
bien en repos, parce qu'une variante, une version, 
une différence légère suffira pour troubler une foi si 
inquiète et si minutieuse. Il y a aussi telle négligence 
des mots et des détails qui n'est pas mieux dans l'es- 
prit de Jésus-Christ et des apôtres, et avec laquelle 
on s'appuiera faiblement sur ce qui est écrit, sous 
prétexte de courir après un ensemble qui n'est écrit 
nulle part et que l'esprit de l'homme est réduit à con- 
struire, au risque d'y mettre beaucoup du sien. Li- 
berté, mais respect; respect, mais liberté. Le secret 
du chrétien, ici comme partout, est dans la parfaite 
confiance du cesur^ et c'est là aussi ce qui importe le 
plus dans la pratique. Mais alor^, dira-t-on peut- 
être, il demeurera quelque chose d'indéterminé et de 
personnel dans l'application de la doctrine de l'inspi- 
ration ; et la question sera en partie une question de 
bonne foi et de piété? Oui; et nous sommes persuadé 
qu'il faut qu'il en soit ainsi. On ne se tirera jamais 
des difficultés de cette doctrine par des formules 
dogmatiques, et l'enseignement intérieur du Saint- 



eu. IV, 7-16. l/UNITÉ FRATERNBLIE. 245 

Esprit, si nécessaire pour tout le reste, Test aussi 
pour l'étude même de la parole du Saint-Esprit. 

Au reste, l'usage que fait l'Apôtre du mot t7 est 
monté montre assez que le rapprochement qu'il vient 
d'établir entre le sujet qu'il traite et le Ps. LXVIII est 
plus pour lui qu'un simple rapprochement ou que ce 
qu'on appelle une simple accommodation. Ce rapport 
qu'il découvre entre le Dieu de l'Ancien Testament 
montant sur la montagne de Sion et le Dieu du Nou- 
veau Testament montant au ciel, est un rapport si réel 
qu'il ne craint pas de presser les mots employés en 
parlant du premier pour l'application qu'il en veut 
faire au second. Pour être plus profond et, si l'on 
peut ainsi parler, plus souterrain que le rapport pro- 
phétique, le rapport typique n'en est pas moins exact 
ni les arguments qu'il fournit moins solides. Seule- 
ment, il est plus facile de s'y tromper; et dans cette 
étude si mystérieuse, il faut bien s'assurer qu'on 
prend pour guide, non l'imagination, mais le Saint- 
Esprit. Le meilleur moyen d'y parvenir est de mar- 
cher humblement dans le chemin tracé par les au- 
teurs sacrés; plutôt être timide que téméraire. 

Ainsi donc, quand il est dit du Seigneur^ qui 
habite dans le ciel, qu'il est monté^ cela suppose 
qu'il est d'abord descendu. Reste à savoir où il 
est descendu? Dans les parties les plus basses^ ou 
dans les parties plus basses de la terre. On peut 
traduire des deux manières; et à cette différence 



246 l'unité fraternelle. ce, iv^ 7-16. 

en correspond une dans la pensée. En effet, ceci peut 
être entendu de deux manières, suivant que la com- 
paraison indiquée est faite entre une partie de la 
terre et une autre partie de la terre, ou qu'elle est 
Élite entre la terre et le ciel {les parties plus basses de la 
terre signifiant alors Us lieux plus bas, cest-à^ire la 
tfirre). Selon cette dernière interprétation, qui est 
suivie par Harless, l'Apôtre ne rappellerait ici que la 
desoente du Fils de Dieu sur la terre, en d'autres 
termes son incarnation. Selon la première, qui est 
adopté^ par Olshausen, il rappellerait en même temps 
sa descente dans les lieux souterrains, c'est^à-Klire sa 
mOrt. Seulement, il faudrait remarquer alors qu'il y 
a une ellipse dans le langage de l'Apôtre. C'est 
comme s'il eût dit ; « Qu'il soit monté, qu'est-ce si 
ce n'est qu'il est descendu? Il est descendu, et même 
jusqu'aux parties les plus basses de la terre; 3? car 
le seul fait qu'il est monté prouve bien qu'il est des- 
cendu sur la terre ; mais il ne prouve pas qu'il soit 
descendu au-dessous de la terre. 

Les principales raisons qu'on allègue pour ne voir 
ici que la descente du Fils »ur la terre^ p'est d'abord 
que ce premier degré d'abaissement pst seul rigou- 
reupçment prouvé par le raisopnement de l'Apôtre, 
ainsi que nous venons de le dire; ensuite, qiië le 
Dieu de l'Ancien Testament n'est pas représenté dans 
le Ps. LXYIII comme desciendant plus bas que la 
terre ; enfin des passages parallèles tels que ceux-ci : 



cH. IV, 7-16. l'unité fraternelle. 247 

Jean III, 13; VI, 33, 38, 41, 42, etc., où Jésus- 
Christ n'est dit être descendu qu'en tant qu'il s'est in- 
carné. 

Pour nous, nous nous décidons pour l'autre inter- 
prétation, par les raisons suivantes : Premièrement, 
elle nous semble indiquée plus naturellement par 
l'expression de l'Apôtre : c les parties les plus basses 
(ou, si l'on veut, les parties plus basses) de la terre, » 
surtout quand on la rapproche de certaines expres- 
sions correspondantes de l'Ancien Testament que 
saint Paul a vraisemblablement eues devant les yeux, 
et qui signifient le plus souvent (je ne dis pas tou- 
jours, voyez Ps. CXXXIX, 18) les lieux les plus bas 
de la terre (ÉsaïeXLÎV, 23), et surtout le séjour des 
morts (Ps. LXIII, 10; Èz. XXVI, 10; XXXI, 16; 
XXXII, 18, 24; rapprochez Ps. LXXXVHI; TjL'am. 
III, 5S). Secondement, cette interprétation rend mieux 
compte du contraste indiqué dans le v. 10 entre la 
descente de Jésus-Christ et son ascension avr^essus 
de tou$ les cieux; à la terre, on oppose le ciel; mais on 
oppose le plus haut des cieux au plus bas de la terre. 
Troisièmement enfin, et surtout, cette interprétation 
justifie mieux, disons plus, justifie seule la con- 
clusidn de l'Apôtre : Afin qu'il remplit toutes cfioêes. 
Dans le langage de l'Écriture, le ciel et la terre ne 
sont que deux des degrés de la création ; et il en 
manque un troisième pour épuiser l'échelle des êtres. 
Ce troisiènie degré estdésigné par le mot aWme dans 



248 l'unité FRATERNELLE. CH. IV, 7H6. 

Rom. X, 6, 7, où nous ne trouvons que les deux de- 
grés extrêmes : « Ne dis point en ton cœur : Qui 
« montera au ciel? Cela est ramener Christ d'en haut; 
« ou : Qui descendra dans Tabîme? Cela est ramener 
« Christ des morts. ï> Il Test par les. mots d^ entre Us 
morts dans Éph. I, 20, où nous trouvons les trois de- 
grés : le premier, dans la mort de Jésus-Christ; le 
second, dans sa résurrection ; le troisième, dans son 
ascension, ainsi que nous l'avons fait remarquer dans 
notre commentaire. Mais le passage le plus remar- 
quable sur cette matière, et qui nous paraît d'autant 
plus décisif en faveur de l'interprétation que nous 
avons adoptée que ce passage a d'aiUeurs plus d'une 
analogie avec le nôtre, c'est Phil. II,5-H, et surtout 
le V. 10, où les trois degrés de l'échelle des êtres 
sont expressément indiqués. 

Au reste, bien que nous voyions dans les expres- 
sions du V. 9 une allusion à l'abaissement de Jésus- 
Christ jusqu'au séjour des morte, nous ne partageons 
pas, non plus qu'Olshausen, le sentiment de quelques 
théologiens, qui ont rapproché ce verset de 1 Pierre III, 
19, et qui y ont vu la doctrine connue sous le nom de la 
descente deJésus^Christ dans les enfers. Nous n'avons pas 
à nous expliquer ici sur ce passage de saint Pierre, 
sur lequel nous ne faisons pas difficulté d'avouer que 
nous n'avons pas une opinion arrêtée. Mais nous 
sommes bien persuadé que, dans le verset que nous 
expliquons, il n'est question que de l'abaissement de 



GH. IV, 7-i6. l'unité fraternelle. 249 

Jésus-Christ jusqu'à la mort, et non d'une œuvre ac- 
complie par lui dans les enfers. 

Par-dessus tous les deux. C'est ce que David appelle 
€ les cieux des cieux » (Ps. LXVIII, 34), ainsi que 
Salomon(1 Rois VIII, 27), et notre Apôtre « le troi- 
* sième ciel » (2 Cor. XII, 2). 

QuilremplU toutes choses. Jésus-Christ, remplissant 
de sa présence et de sa puissance toutes les parties 
de l'univers, depuis le degré le plus bas jusqu'au plus 
élevé, y dispose à son gré de toutes choses. C'est 
donc à lui aussi qu'il appartient de distribuer à son 
gré des dons aux siens pour rendre chacun d'eux 
propre à la part de travail qu'il lui assigne dans 
l'œuvre générale de l'édification de l'Église. C'est 
ainsi que la considération présentée dans le v. 10 se 
lie avec le v. 1 1 , et qu'après avoir rappelé et prouvé, 
par le Ps. LXVIII, la puissance souveraine de Jésus- 
Christ, le distributeur de tous les dons, l'Apôtre nous 
fait remarquer, dans les V. i 1 et suivants, la nature 
diverse des dons qu'il répartit entre les membres de 
son Église* 

Et lui-même a donné. Ce verset se lie étroitement 
avec le précédent par la répétition du mot lui-même. 
Ce même Seigneur qui est monté au plus haut des 
cieux, après être descendu dans les parties les plus 
basses de la terre, est aussi celui qui a distribué des 
dons à son Église et qui y a institué divers ministères. 
Il suit de là, d'abord qu'il est maître souverain dans 



250 l'unité fraternelle. ch. iv, 7-lB. 

la répartition de ses grâces, lui qui remplit toutes 
choses; ensuite, qu'elles tendent toutes fa une fin 
commune, comme elles procèdent toutes de la même 
main. Expliquer cette fin commune, c'est l'objet prin- 
cipal des V. 11-16. Dans le v. 11, l'Apôtre énumère 
les dons les plus importants du Seigneur h l'Église ; 
dans le V. 12, il en indique sommairement le but gé- 
^ néral (l'édification du corps de Christ) ; puis, subdivi- 
sant ce but en deux parties, précédées. Tune de la 
conjonction jusqu'à ce que, l'autre de la conjonction 
afin que, il nous y fait discerner, au v. 13, tin but 
final vers lequel on doit tendre (la pleine maturité du 
corps de Christ), et dans les v. 14, 15, 16, un 6ut 
prochain qu'il faut réaliser dès à présent (le constant 
accroissement du corps de Christ). Le Seigneur a in- 
stitué les ministères (v. 11) pour travailler à l'édifica- 
tion du corps de Christ (v. 12) par l'accroissement de 
ce corps (v. 14-16), en attendant sa pleine maturité 
(v. 13). 

A donné. On peut traduire également a établi, et 
c'est l'expression dont notre Apôtre fait usage dans 
1 Cor. XII, 28. Mais nous maintenons la traduction, 
plus littérale, il a donné, parce qu'elle nous paraît 
destinée à présenter les grâces accordées à l'Église 
comme des dons de Jésus-Christ (Voyez le v. 7, et 
surtout le v. 8). Au reste, au lieu d'énumérer, conime 
on devait s'y attendre d'après ce deriiiér verset, les 
dons du Seigneur, l'Apôtre énumère tes ministères ou 



en. IV, 7-46, l'unité FBATEÏtffïLIJS, 251 

charges qu'il a instituées dans son Église. C'est que 
leg dons de Jésus^Christ sont tous des don$ utiles, 
qui ont pour objet, non l'avantage personnel de ceux 
qui en sont honorés, mais le bien commun de l'Église 
(1 Pierre IV, iO), et qui trouvent leur application 
dans les divers ministères de la parole. Ailleurs 
(1 Cor. XII, 28), l'Apôtre fait l'inverse : il commence 
par rénumération des ministères (apôtres, pro- 
phètes, etc.), et il passe sans transition à celle des 
dons (miracles, guérisons, etc.), d'autant plus qu'il 
ne paraît pas qu'il y eût toujours des désignations 
spéciales pour ceux qui les possédaient (Voyez 1 Cor. 
XII, 30). Ce tour donné au développement de l'Apô- 
tre explique encore comment il n'a pas fait ici une 
énumération plus complète des dons de Jésus-Christ, 
telle qu'il l'a feite, par exemple, dans l'endroit 
que nous venons de rappeler, et telle qu'on devait 
l'attendre d'après les v. 7 et 8 de notre chapitre. 
Une fois engagé dans la contemplation des minis- 
tères, l'Apôtre s'arrê e à ce sujet essentiel, et ne 
s'occupe plus de ces dons que le Seigneur distri- 
buait en outre aux fidèles en général, surtout dans 
les premiers temp3 de l'Église, Il le pouvait d'au- 
tant mieux que mfintionner les ministères, c'était 
mentionner implicitement le§ dons les plus éclatants 
et les plus wtiJeç du Seigneur; qu'il choisit entre tous 
les autres, soit à cause de î^ur importance même, 
soit à cause des instructions qu'il avait à cœur de rat- 



252 l'unité fraternelle. ch. iv, 7-16. 

tacher à cette doctrine. Il faut rapprocher de notre 
. texte, Rom. XII, 6 et suivants; et 1 Cor. XII, sur- 
tout le V. 28, les uns comme apôtres, d'autres comme 
prophéleSy d'autres comme évangélisteSy d'autres comme 
pasteurs et docteurs. Les Apôtres étaient des hommes 
qui avaient été établis par le Seigneur lui-même, di- 
rectement et sans intermédiaire humain (sans en 
excepter saint Paul, Gai. I, 1), et revêtus des grâces 
les plus rares du Saint-Esprit, pour fonder TÉglise 
sur la terre. L'office des prophètes est expliqué dans 
i Cor. XIV ; il avait beaucoup d'analogie avec celui 
des prophètes de l'Ancien Testament. La prédiction 
de l'avenir (Actes XI, 27; XXI, 10, etc.), que l'on 
considère quelquefois comme faisant à elle seule tout 
le ministère des prophètes, parce qu'elle lui a donné 
son nom, n'en était pourtant pas l'objet exclusif, ni 
même l'objet essentiel. Les prophètes, tant de l'An- 
cien Testament que du Nouveau, étaient avant tout 
appelés à prêcher la Parole de Dieu (1 Cor. XIV, 3) ; 
mais ils la prêchaient avec des dons surnaturels, et en 
obéissant à une impulsion particulière du Saint-Esprit. 
Les Apôtres eux-mêmes étaient prophètes (Éphés. II, 
20; III, 5), ainsi qu'évangélistes, bien que les pro- 
phètes et les évangélistes ne fussent pas apôtres. Les 
évangélistes^ dont l'office est moins nettement déter- 
miné dans le Nouveau Testament, paraissent avoir été 
des prédicateurs de l'Évangile, qui pouvaient à la 
vérité être attachés à un poste fixe, comme paraît 



CH. IV, 7-16. L'Ui\lTÉ FRATERNELLE. 253 

l'avoir été Timothée (2 Tim. IV, 5), mais qui, le plus 
souvent, allaient de lieu en lieu annoncer le salut à 
ceux qui ne le connaissaient pas encore (Actes XXI, 
8, rapproché de Actes Vill, 4, 5, 26 et suivants; 
XIV, 7, etc.). Théodoret les définit en ces termes : 
c Us allaient préchant de lieu en lieu. :» Enfin les 
mots pasteurs et docteurs sont vraisemblablement, 
d'après le tour de la phrase tant dans l'original que 
dans la traduction, deux noms différents d'une même 
charge, qui correspondrait assez exactement à notre 
charge de pasteurs. En tant qu'appelés à gouverner 
l'Église, ils sont bergers (c'est la traduction littérale 
du mot que nous rendons par pasteurs), ou conduc- 
teurs àix troupeau (Héb. XIIL 17 ; 1 Pierre V, 2 etc.); 
en tant qu'appelés à prêcher la Parole, ils sont doc- 
teurs. Cette distinction répond probablement à celle 
qui est faite dans 1 Cor. XII, 28, 29, entre les doc- 
teurs et les gouvernements. 

Parmi les quatre ministères que nous venons de 
nommer, il y a une différence essentielle à faire : les 
uns ont un caractère extraordinaire et transitoire, les 
autres un caractère ordinaire et permanent. Il faut 
ranger dans la première classe les apôtres et les pro- 
phètes. Quantaux premiers, en particulier, cela est évi- 
dent par la nature même de leurs fonctions et de leur 
institution. Leur ministère a cessé; mais leur œuvre 
se continue dans l'Éghse et dans le monde par leurs 
écrits, où le témoignage de leur apostolat a été déposé 



254 L^UNITÉ FRATERNÏLLE. GH. IT, 7-16. 

pour tous les siècles. Cela est si vrai, qu'un apôtre 
prononce anathème contre quiconque annoncerait un 
autre évangile^ contraire à ce premier témoignage, 
fût-ce lui-même, ou un ange du ciel (Gai. 1, 8). Cette 
remarque suffit pour répondre à ceux qui se sont ap- 
puyés sur notre verset pour soutenir la perpétuité des 
quatre ministères dails l'Église. Remarquons encore 
que les deux offices extraordinaires correspondent aux 
deux offices ordinaires. Dans tous les temps, le minis- 
tère évangélique ï^enferme deux charges principales : 
celle du missionnaire, et celle du prédicateur à poste 
fixe. Or, les apôtres étaient des missionnaires extraor- 
dinaires, et les prophètes des prédicateurs extraordi- 
naires. Avec les premiers temps, les offices extr*aor- 
dinaires ont passé; et le fond régulier, ordinaire, 
sans inspiration, mais non sans le Saint-Esprit, de- 
meure dans les deux offices qui nous restent : le fond 
de l'apostolat dans les missions, et le fond de la pro- 
phétie dans la prédication*. 

Les Pères de l'Église font observer que l'institution 
du ministère de la Parole ^ qui est attribuée ici à 
Christ, et, ailleurs au Saint-Esprit (1 Cor. XII; 
Actes XX, 28), l'est également au Père (1 Cor. XII, 
28; 2 Cor. III, 6). 

En vue de la préparation des saints à V œuvre du 



1 Les évarigélistes et le» pasteurs ou docteul^ parlent' sur les révéla' 
lions de Dieu; mais les apôtres et les prophètes prononcent ces révéla- 
tions elles-mêmes (Gerlach). 



GH. lY, 7-16. l'unité fbatsrnellb. 255 

ministère. L'Apôtre nous fait comprendre ici qu'en 
appelant notre attention sur les charges de l'Église, il 
n'a pas entendu exclure l'emploi des simples fidèles^ 
Chacun a son don, et sâ part qui y correspond dans 
l'œuvre commune, qui est l'édification du corps de 
Christ. Le ministère des serviteurs de l'Ëglise, tant 
des serviteurs extraordinaires (les apôtres et les pro- 
phètes), que des serviteurs ordinaires (les évangé- 
listes et les pasteurs et docteurs), n'a pour objet que 
de préparer les fidèles pour ce ministère général où 
chacun d'eux doit mettre la main, tout en respectant 
l'ordre établi dans l'Église (Hébr. XIII, 47) et qui 
vient de Dieu (Actes XX, 28 ; 1 Cor. XII, 28^ et le 
verset que nous venons d'expliquer). Au fond^ toutes 
les grâces du ministère évangélique, la prédication 
de la Parole, la célébration des sacrements^ l'admi- 
nistration même et le pouvoir des clefs, appartiennent 
à proprement parler à l'Église, comme Église; et si 
quelques-uns les dispensent, c'est par une mesure 
d'ordre, non par un droit exceptionnel; c'est au nom 
de tous et comme représentants du peuple chrétien. 
Le gouvernement de l'Église est, au fondy un gouver- 
nement républicain ; les pasteurs sont les officiers de 
l'Église^ mais ils n'en sont p^s les chefs ; il y a un 
ministère évangélique, mais non un sacerdoce ou un 
clergé* Nul n'a mieux senti et développé cela que 
Luther {Send$chreibmy wie ma/n Kirùhendimer wwhlen, 
Wakhy § 10, p. 1835). Il faut que le peuple respecte 



250 l'unité fraternelle. ch. iv, 7-16. 

Tordre ecclésiastique; mais il faut aussi que les mi- 
nistres de l'Église respectent les privilèges et la gloire 
du peuple de Dieu. — Méditez 1 Pierre II, 9; sur ce 
beau principe se fonde la recommandation du même 
Apôtre, 1 Pierre IV, 10, 11. (Voyez aussi 1 Cor.XII, 7). 
Harless, Olshausen et Gerlach entendent ces pa- 
roles dans un sens différent. Ils mettent une virgule 
après le mot saints. Selon eux, TApôtre représente 
le ministère de la Parole comme ayant été établi, 
d'abord en vue de la préparation des saints (c'est-à- 
dire pour les rendre accomplis dans le service du 
Seigneur) (2 Cor. XIII, 11; 1 Pierre V, 10), ensuite 
pour l'œuvre du ministère, et enfin pour l'édification 
du corps de Christ ; et ces deux derniers objets du 
ministère ne sont que deux subdivisions de l'idée gé- 
nérale la préparation des saints^ cette idée étant re- 
prise et appliquée tour à tour aux ministres [œuvre 
du ministère), et à tout le troupeau [édification du corps 
de Christ). Leministire est, d'après cette interprétation, 
la charge des officiers de l'Église, et non, comme 
nous l'expliquions il y a un moment, l'œuvre com- 
njune de tous les enfants de Dieu. Les commenta- 
teurs que nous citons pensent que le mot ministère 
n'est pas susceptible du sens général que nous lui 
donnons; mais nous ne saurions voir, ni dans l'éty- 
mologie du mot grec, ni dans l'usage même qui en 
est fait dans le Nouveau Testament , la nécessité de 
le restreindre au seul office des conducteurs de l'É- 



CH. IV, 7-J6. l'unité fraternelle. 257 

glise (Voyez 1 Cor. XII, 5; Rom. XII, 5; 1 Pierre IV, 
H, etc.). Cette objection une fois écartée, deux rai- 
sons nous font préférer l'interprétation que nous 
avons suivie, avecRûckert, etc.; à celle de Harless, 
Olshausen et Gerlach. La première, c'est que toute 
l'Église figure alors, au moins sur le second plan, 
dans l'œuvre générale ; et l'on devait, nous l'avons 
déjà fait observer, s'y attendre d'après les v. 7 et 8» 
Là seconde, c'est que nous ne saurions concevoir que 
les apôtres aient été donnés — pour Vœuvre du mi- 
nistère^ c'est-à-dire pour leur propre œuvre; cela 
n'est-il pas trop évident pour être exprimé? et si 
l'Apôtre le voulait exprimer, ne l'aurait-il pas fait 
en premier lieu, et avant de parler de la préparation 
des saints ? Il nous le semble; et nous pouvons ajouter 
que les derniers mots de notre verset : pour Védifica;- 
tion du corps de Christ, qui expriment l'objet final du 
ministère évangélique, et qui correspondent aux der» 
niers mots du v. 13, et aux derniers du v. 16, tien- 
nent, dans notre interprétation, une place mieux liée 
avec tout l'ensemble du développement de l'Apôtre 
que dans celle que nous combattons. 

Jusquà ce que nous parvenions tous à Vunitê de la 
foi et de la connaissance du Fils de Dieu. Ce n'est pas 
le progrès spirituel de l'individu qui occupe en cet 
endroit l'Apôtre, c'est celui de l'Église. L'accroisse- 
ment de chaque membre ne figure ici qu'en tant 
qu'il est un moyen, et le moyen principal de pro- 



258 ' l'unité VaiLTEBMELLE. GH. IV^ 7-16. 

curer Taccroissement du corps tout entier. Cette 
réflexion, qu'il importe de ne pas perdre de vue 
dans l'explication de tout ce paragraphe, nous donne 
seule la clef du notre verset. L'unité de la foi, et de 
la connaissance du Fils de Dieu, c'est la parfaite har- 
monie des divers membres de l'Église entre eux dans 
les objets de la foi en général, et plus spécialement 
dans l'objet capital de la foi chrétienne, la oonnuis* 
sance approfondie (telle est la portée de l'expression 
originale) du Fils de Dieu (1 Cor. I, 10). Il est vrai 
qu'il existe déjà entre les enfants de Dieu une cer- 
taine unité dans la foi et dans la connaissance de 
Jésus-Christ; cette unité que l'Apôtre a reconnue 
dans les premiers versets de notre chapitre, et qu'il 
a exhorté les chrétiens d'Éphèse, non à faire naître, 
mais à « conserver par le lien de la paix. ^ Mais il 
faut rappeler ici une réflexion que nous avons déjà 
faite sur le chap. III, v. 17 : il en est de cette unité 
comme de toutes les grâces de Dieu, que nous re- 
cevons en germe dès le commencement de la vie 
spirituelle, mais qui demandent à être développées 
jusqu'à la fin. Le progrès, tant de l'Église que de 
l'individu, n'est que le développement des principes 
nouveaux qui ont été reçus dans la conversion. Nous 
croyons, et nous devons croître dans la foi ; nous 
aimons, et nous devons croître dans l'aipour; nous 
sommes un, et nous devons croître dans l'unité* 
L'expérience achève d'éclaircir ce mystère. Entre les 



GH. IV, 7-1(3. l'unité fraternelle. 259 

enfants de Dieu qui vivent de nos jours, il y a assu- 
rément assez de liens communs et d'amour fraternel 
pour qu'on puisse reconnaître chez eux une certaine 
« unité d'esprit. » Et pourtant, qui ne sent qu'ils ne 
sont parvenus à cette entière c unité de foi et de 
c connaissance du Fils de Dieu :» que l'Âpôtre leur 
souhaite dans notre verset? Ce n'est même que par 
un effet de l'unité que nous possédons, que nous 
pouvons aspirer à l'unité qui nous manque. Nous 
sommes surpris que cette remarque ait échappé à 
Olsbausen. Il ne saurait comprendre que l'Apôtre, 
qui a parlé au v. 3 de Vunité d^esprit comme d'une 
chose déjà obtenue, en parle au v, 13 comme d'une 
chose à obtenir ; ni surtout qu'il lui donne pour pre- 
mier nom dans ce verset celui d'unité de foi, la foi 
étant la base et le commencement de toute vie spiri- 
tuelle. Cette difficulté l'embarrasse à tel point qu'il 
a recours, pour y échapper, à une interprétation si 
étrange qu'elle nous paraît se réfuter d'elle-même. 
Pour lui, l'unité de la foi et de la connaissance du 
Fils de Dieu, c'est l'accord de la foi avec la connais- 
sance, c'est-à-dire, comme il s'exprime lui-même, 
cet état d'âme où « la foi, par laquelle la vie chré- 
tienne commence, ayant été élevée au rang de 
connaissance, la foi et la connaissance sont une. ^ 
C'est là éclaircir quelque chose de fort clair par 
quelque chose de fort obscur; singulière faute, dont 
il semble qu'aucun commentateur ne puisse se pré- 



262 l'unité FRATBIOTUE. CH. IV, 7-i6. 

qu'elles ont été manifestées dans le corps entier de 
TÉglise, tandis que dans III, 20, la plénitude de Dieu 

est la réunion complète des perfections divines, telles 
qu'elles se manifestent dans l'individu chrétien. La 
plénitude de Christ (ou de Dieu, ou de Dieu en Christ, 
car c'est la même chose au fond), la plénitude de 
Christ dans l'Église suppose et renferme la plénitude 
de Christ dans chacun des membres dont l'Église se 
compose. C'est la plénitude des plénitudes. 

L'état décrit dans ce verset est celui de la perfec- 
tion absolue de l'Église. Nous ne disons pas de sa 
perfection céleste, car l'Âpôtre ne nous parait pas sor- 
tir de la vie présente, comme le supposent quelques 
commentateurs. On aurait peine à expliquer le mot 
foi s'il parlait de l'économie future où la foi sera 
changée en vue. Â cet égard, nous entrons tout à fait 
dans la pensée de Harless, qui s'exprime ainsi : « Les 
uns, Théodoret, Calvin, etc., entendent ceci d'un 
but à atteindre dans ia vie future; et les autres, saint 
Jérôme, Luther, etc., d'un but à atteindre dans la vie 
présente. Il me paraît également incontestable que les 
uns et les autres ont raison, et que ni les uns ni les 
autres n'ont raison d'une manière absolue. L'Apôtre 
propose ce but à la communauté chrétienne, comme 
un but à poursuivre ici-bas ; mais si ce but sera atteint 
ou non ici-bas, c'est ce dont il ne s'explique pas. i> Ce 
passage n'est donc pas de ceux qui peuvent servir 
d'argument, dans un sens ou dans l'autre, dans la 



(^. IV, 7-16. l'unité PBATBRNpLiB, 863 

controverse du calvinisme avec le wesleyanisoie sur la 
sanctification parfaite. Au reste, c'est en vue de cet 
état de perfection décrit dans notre verset qu'a été 
choisie la conjonction jusqu'à ce que^ par laquelle il 
commence; au lieu que le verset suivant commence 
par afin que. C'est que, dans les v, 14-16, l'Apôtre 
traitera du but actuel, et susceptible d'être immédia- 
tement atteint, du ministère évangélique, l'acîcroisse- 
ment collectif du corps de TÉglise ; tandis qu'ici il a 
traité du but final et éloigné, la pleine maturité de son 
développement et la parfaite unité qui en sera le 
fruit, ta conjonction jusqu'à c$ que est ici d'autant 
mieux en sa place qu'en même temps qu'elle montre 
}e but dans le lointain, elle fait pressentir aussi qu'une 
fois ce but atteint» le ministère de la parole aura fait 
toute son œuvre, et qu'il cessera (1 Cor. XIII, 8-12) 
pour faire place à l'enseignement de Dieu seul (Apoc. 
XXII, S). 

Afin que nou$ ne soytms plus de petits enfants bal- 
lottés et emportés par tout vent de doctrine. On com^ 
prend, d'après ce que nous venons de dire, que 
la conjonction afin que se rattache, non à la pen- 
sée du V, 13, mais à celle des v. H et 12. Parvenir à 
la pleine maturité pour n'être plus enfant et pour 
croître, cela n'a pas de sens. On ne devient pas 
homme fait pour croître; mais on croît pour devenir 
homme fait. Le développement mentionné dans les 
V. 14-16 précède, dans l'ordre du temps, laperfec- 



264 l'unité FRA.TERNELLE. CH. IV, 7-16. 

tion mentionnée dans le v* 13. Dieu a institué le 
ministère de la parole (v. H) pour l'édification du 
. corps de Christ (v. 12), afin qu'en attendant qu'il ait 
atteint sa pleine maturité (v. 13) il croisse en Jésus- 
Christ (v. 14), duquel il tire sa vie (v, 15) : tel est 
l'ordre des pensées de l'Apôtre. 

L'Apôtre parle à la première personne. Tout 
apôtre qu'il est, il n'a garde de se séparer de 
l'Église, surtout ici où il veut faire ressortir la vie 
commune de l'Église et l'unité que le Seigneur y 
maintient dans la diversité de ses dons, et par cette 
diversité même. Le nous, ainsi adopté par l'Apôtre, 
n'a rien qui étonne au v. 13, puisque l'unité de tous 
les enfants de Dieu dont il y est question ne dépend 
pas de la perfection personnelle de saint Paul; ni 
même au v. 15, puisque saint Paul ne se flattait pas 
d'avoir atteint cette perfection personnelle ; mais on 
est surpris de lui entendre dire au v. 14 : « Afin que 
« nous ne soyons plus des enfants. » Évidemment, on 
ne doit pas conclure de là que saint Paul reconnaisse 
n'être personnellement qu'un enfant (Phil. III, 15). 
Pour lui, le but indiqué dans le v. 14 a déjà été at- 
teint; mais il ne l'a pas été pour tous ses frères. Et 
d'ailleurs, une fois la première personne adoptée, on 
conçoit qu'il continue de s'en servir jusqu'à la fin de 
son développement, sans qu'il faille en presser l'em- 
ploi dans les moindres détails. 
L'état du petit enfant, image en d'autres endroits 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle. 265 

de la simplicité et de la docilité, l'est ici de la mobilité 
et de la faiblesse ; dans 1 Cor. III, 1 , et XIV, i20, il est 
opposé à la maturité et à la fermeté de l'homme fait. 
Le petit enfant est ouvert à toutes les impressions, et 
semblable à un frêle esquif que les vagues et les vents 
ballottent çà et là; ce qui est doublement périlleux 
dans un monde tel que celui où nous vivons et où 
nous sommes constamment exposés à la tromperie 
(littéralement la jonglerie ou la tricherie) d'hommes 
exercés dans l'art de séduire et d'égarer les âmes, 
(Rapprochez Hébr, XIII, 9; Jacques I, 6.) Nous tra- 
duisons le dernier mot du verset égarement plutôt 
qu'erreur, parce que le terme grec renferme l'idée, 
non pas d'une opinion fausse seulement, mais d'un 
égarement criminel et immoral loin de la vérité. Il est 
employé 1 Thess. II, 3; 2 Thess. II, H; 1 Jean IV, 
6; Jacques V, 20, etc.). On pourrait traduire encore 
séduction, comme dans Matth. XXVII, 64. 

Mais quêtant vrais dans V amour. Le verbe grec que 
nous traduisons étant vrais signifie proprement dire 
vrai. Nous pensons que saint Paul lui donne dans cet 
endroit un sens plus étendu, celui de demeurer fidèle 
à la vérité et de s'y tenir fermement attaché. C'est 
une liberté que les auteurs preniient quelquefois, 
lorsque la signification un peu nouvelle qu'ils prêtent 
à un mot est d'ailleurs conforme à l'étymologie*, et 

* Les Septante se sont servis dii même verbe en traduisant les der- 
niers mots de Proverbes XXI, 3, qui sig^nifient : « pratiquer la justice, » 
ou a faire ce qui est droit. » 



266 l'ohité fbaternslijs. gh. iv, 7-16. 

Buffisanment éclaircie par le contexte, comme elle 
nous parait l'être ici. Harless s'en tient à l'acception 
commune, dire trai, être iincèrê^ par opposition à la 
iéduetion dt ï égarement dont il est parlé à la fin du 
verset précédent. Mais il me paraît n'avoir pas consi* 
déré que la disposition ici recommandée par l'Apôtre, 
est opposée, non à la conduite de ces séducteurs qui 
égarent les âmes en parlant contre la vérité, mais à 
celle des enfants qui se laissent gagner à la séduction, 
et qu'elle doit marquer, par conséquent, non la sin- 
cérité du discours^ mais la fermeté dans la vérité, 
Olshausen a traduit : t être, ou marcher dans la vé- 
« rite ; » et nous adopterions volontiers cette traduc» 
tion. Les mots qui suivent, dans Vamow^ c'est-à^ire 
dans cet amour qui unit les chrétiens entre eux, 
comme il les unit à Jésus-Christ, nous rappellent, ici 
comme dans la fin du verset suivant, que le corps de 
Christ ne peut prospérer et croître que dans l'unité 
et dans l'amour fraternel, pensée essentielle dans le 
développement de l'Apôtre et qu'il ne perd pas de 
vue un moment. Olshausen et Harless en jugent au- 
trement; et au lieu de rattacher, comme nous le fai- 
sons avec les versions reçues, le complément dam 
l'amour au verbe qui précède, ils le lient à celui qui 
suit ; Olshausen : « qu'étant dans la vérité, nous crois- 
« sionsà tous égards dans l'amour, en lui, etc.; «Har- 
less : « qu'étant sincères, nous croissions à tous 
« égards dans l'amour pour lui, etc. » Nous pensons 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle. Î67 

que cette dernière construction doit être décidément 
rejetée, soit à cause de sa diCTiculté grammaticale, 
Boit parce que l'amour que nous devons à Jésus- 
Christ n'est pas le point capital du développement 
de l'Apôtre. La construction d'Olshausen, qui ne 
change rien au fond de la pensée, nous déplairait 
moins; mais il nous semblerait également étrange 
que le verbe étant vrais fût seul et sans complément, 
et que le verbe croître en eût un si grand nombre. 

Que nouê croissions à tous égards en celui qui est la 
iêtej Christ. Comme les mots dans ïamour marquent 
le rapport de notre accroissement avec nos frères, les 
mots en lui en marquent le rapport avec Jésus-Christ, 
double rapport des membres entre eux et des membres 
à la tête, qui fait le fondement de l'unité chrétienne. 
Littéralement, on devrait traduire, si on le pouvait, 
vers lui (anglais : inio him); la préposition ici em- 
ployée contrastant avec celle qui Test au commence* 
ment du verset suivant, de lui {from him). L'une 
marque "que c'est vers lui que tend notre accroisse^' 
ment, l'autre que c'est de lui qu'il procède; comme 
on pourrait dire que le développement des membres 
du corps part de la tête et aboutit à la tête. Une troi- 
sième préposition, en lui {in him), employée ailleurs, 
marquerait que c'est en Christ que notre accroisse'» 
ment s'accomplit, c De lui, par lui et pour lui (littéra- 
lement, vers lui) sont toutes choses > (Rom. I, 36). 
Au reste, le mot saillant du verset est celui-ci : que 



268 l'unité fraternelle. ch. iv, 7-16. 

nous croissions^ par opposition à des chrétiens qui de- 
meureraient dans l'état d'enfance et de fluctuation. 

Duquel tout le corps ^ etc. Rapprochez de ce verset 
4 Cor. XII, 14 et suivants, et surtout Goloss. Il, 19, 
parallèle qui jette du jour sur notre verset (« un ac- 
« croissement de Dieu, » c'est un accroissement qui 
a son principe en Dieu). Lié et uni ensemble : image 
tirée de ces parties voisines du corps qui s'engagent 
les unes dans les autres, par où elles se tiennent et 
s'affermissent réciproquement. L'idée d'ordre paraît 
exprimée par le premier des verbes ici employés, et 
l'idée de force par le second. Toutefois cette distinc- 
tion ne paraît pas à Harless suffisamment démontrée. 
Par toutes les jointures de communication^ : sont-ce les 
jointures par lesquelles la tête communique aux 
membres les principes de la vie? ou par lesquelles 
les membres se les communiquent les uns aux autres? 
A choisir, nous nous déciderions, avec Harless, pour 
le premier sens; mais nous les admettons l'un et 
l'autre à la fois, parce que cette double transmission 
a lieu, et dans le corps humain, et dans le corps de 
Christ. Le mot que nous traduisons communication 
signifie une communication abondante (2 Pierre I, 5 
avec 8) et s'emploie plus spécialement de la commu- 
nication du Saint-Esprit (Gai. III, 5; Phil. I, 19; 
1 Pierre IV, 11 avec 2 Pierre I, H). 

* Ou d'entretien. Nous traduirions Golossiens U^ 19 : « duquel tout le 
« corps, par les jointures et les liaisons, étant entretenu (ou pourvu) et 
« uni ensemble, s* accroît d'un accroissement de Dieu. » 



CH. IV, 7-16. l'unité fraternelle. 

' Selon la force qui est dans la mesure de chaque partie. 
Tous les membres du corps ne reçoivent pas, dans 
ce commun développement, le même degré de force 
et de croissance ; chacun en reçoit ce qui lui est néces- 
saire, en proportion des fonctions qui lui sont échues. 
De même dans l'Église, chaque membre de Jésus- 
Christ est partagé, dans la distribution des grâces du 
Seigneur, selon la position qu'il occupe dans TÉglise 
et l'œuvre qui lui est confiée. 

Opère V accroissement du corps. Il eût suffi de dire son 
accroissement; mais les mots du corps préviennent toute 
équivoque et rappellentque c'est de l'accroissement de 
tout le corps qu'il s'agit, non de celui de telle ou telle 
^partie ; en même temps que les mots dans Vamour, qui 
terminent cette belle description, nous rappellentque 
cet accroissement général s'opère dans l'unité et dans 
l'amour fraternel • t Le but, dit Harless, est le progrès 
de l'ensemble, et ce but ne saurait être atteint par Té- 
goïsme; il ne Test que par l'amour, qui sent aussi bien 
le besoin général que son besoin personnel et qui, loin 
de faire servir à diviser les membres par la jalousie 
ce que Christ leur dispense pour les unir (1 Cor. XII, 
7), se montre également disposé à transmettre ce qu'il 
possède et à recueillir ce qui lui manque. » 

Quelques autorités critiques considérables lisent 
chaque membre au lieu de chaque partie. Cette variante 
n'affecte en rien la pensée; mais il vaut mieux, à tout 
prendre, garder la leçon reçue. 



VI 



LA VIE NOUVELLE. 
Chap. IV, 17-V, 20. 

1° La régénération. IV, 17-24. 

17. Voici donc ce que je dit et ce que je reeommmde 
instamment dans le Seigneur : c'est que vous ne marchiez 
plus ainsi que marchent eneore le reste des Gentils, dans la 
vanité de leur intelligmce, 18. ayant leur pensée obscur- 
cie» séparés de la vie de Dieu, par rignorance qui est en 
euiv, par l'endurcissement de leur cçeur; 19. lesquels^ 
ayant perdu tout sentiment^ se sont livrés à l'incontinence 
pour commettre toute sorte dHmpureté at>«c avidités 20. 
Mais vous^ ce n'estpas aimi que vous avez appris Chrisi^ 
21* si du moins vous l'avez entendu et li vous avez été 
enseignés en lut, ainsi que la vérité est en Jésus ^ 22. pour 
que vous déposiez quant à votre première conduite le vieil 
homme qui se corrompt selon ks convoitises de la séduc- 
tion^ 23. que vous soyez renouvelés dans l'esprit de votre 
intelligence^ 24. et que vous revêtiez l'homme nouveau, 
créé selon Dieu en justice et en sair^eté de la vérité. 

L'Apôtre, décrivant k changement mpral qui doit 



GH. IV^ 17-24. LA VIB MOUVBUiE. 271 

â6 faire dans un Gentil qui embrasse l'Évangile, ex* 
plique d'abord ici l'idée générale de cette vie nouvelle 
[la régénération); il en explique ensuite les obligations 
particulières, qu'il subdivise en obligations de juêtice 
(IV, 25-V, 2) et de sainteU (V, 3-20). 

Voici donc c€ que je dis. L'Apôtre reprend F exhor- 
tation commencée au v. 1 de notre chapitre. Cette 
exhortation ae présentait d'abord avec un caractère 
général : c Je vous exhorte à marcher d'une manière 
c digne de la vocation dont vous avez été appelés; » 
mais, dès le v. 2, elle fléchit et s'engage dans un su- 
JQt particulier, « l'unité de l'esprit, » dans la diversité 
des dons et des ministères, qui n'ont tous qu'un 
même but, l'édification du corps de Christ. Après 
cette espèce de digression, l'Apôtre revient à la pen- 
sée générale^ et dans les v. 17 et suivants, qui font 
suite au V. 1, comme le montre le rapport même 
des expressions, il avertit les Éphésiens convertis à 
Jésus-Christ de vivre d'une vie nouvelle, conforme & 
l'esprit de Jésus-Christ, et entièrement différente de 
celle qu'ils ont menée autrefois et que mènent encore 
les Gentils inconvertis. Cet ordre a quelque chose 
d'étrange, et, à coup sûr, à la place de l'Apôtre, nous 
aurions fait suivre le v. 1 sans intervalle du v. 17, et 
mis l'article de la régénération en tête de la seconde 
partie de notre épitre. Mais plus la marche du déve- 
loppement de l'Apôtre nous étonne, plus elle nous 
instruit sur l'importance prépondérante qu'il attache 



272 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 17-24'. 

à € Tunité de T esprit, » et sur l'influence qu'il lui at- 
tribue sur tout le reste. Voyez les notes sur le v. 3 
de ce chapitre. 

Ce que je recommande instamment. Le verbe grec, le 
même à peu près qui est employé dans 1 Tim. V, 21 ; 
2 Tim. II, 14; IV, 1, a une énergie étymologique 
qui se perd dans la traduction. Il signifie proprement 
attester, et cette idée de témoignage y demeure vague- 
ment attachée et lui communique quelque chose de 
solennel lorsqu'il prend, comme ici et dans les autres 
endroits que je viens de citer, le sens de presser, ex- 
horter (latin : obtesiarî). Le mot de notre langue qui en 
approcherait le plus, c'est celui de protester, que nos 
versions et Lausanne 1839 ont employé dans 2 Tim. 
Il, 14, mais en le détournant un peu de son acception 
reçue. Lausanne 1839 l'a même traduit ici par attes- 
ter, mais au préjudice de la clarté ; il ne faut pas sacri- 
fier le sens à l'étymologie. Le mot conjurer rend assez 
bien la pensée de l'original, avec cette différence seu- 
lement qu'il substitue la nuance de serment à celle de 
témoignage. Nous l'aurions préféré à l'expression un 
peu froide que nous avons adoptée, s'il eût pu entrer 
dans la construction de la phrase. 

Dans le Seigneur. Quelques-uns ont traduit à 
tort : par le Seigneur, ce qu'ils ont entendu d'une 
sorte de témoignage rendu ou de serment prêté 
par l'Apôtre, en invoquant le nom du Seigneur. 
C'est dans le Seigneur que l'Apôtre recommande ce 



GH. IV, 17-24. LA VIE NOUVELLE. 273 

qui va suivre; c'est-à-dire, c'est en tant que croyant 
au Seigneur et servant le Seigneur, et non par aucune 
considération personnelle ou humaine. Il en parle 
avec plus d'autorité et en doit être écouté avec plus 
de soumission. (Voyez Rom. IX, 1 ; 1 Thess. IV, 1.) 
Que vous ne marchiez plus ainsi que marchent encore 
le reste des Gentils. Littéralement comme aussi mar- 
chentf etc., ce qui n'est pas tout à fait la même chose 
que : comme marchent aussi, etc. Il n'est pas superflu de 
prémunir les Éphésiens contre les égarements dé- 
crits dans les v. 18 et 19; puisque aussi bien, c'est 
ainsi que vit tout ce qu'il y a de païens dans le monde/ 
L'adverbe encore^ que nous empruntons à la version 
de Lausanne 1839, nous a paru rendre assez exacte- 
ment la pensée de l'Apôtre, à défaut d'aussi bien, qui 
trouverait difficilement sa place dans la traduction \ 
D'après quelques manuscrits et quelques versions an- 
ciennes, on devrait lire les Gentils au lieu de le reste 
des Gentils. Mais nous pensons, avec Olsbausen, Har- 
less, etc., qu'il faut conserver la leçon reçue, et que 
l'on ne s'en est écarté que parce qu'elle suppose que 
les Éphésiens étaient eux-mêmes des Gentils pour 
l'Apôtre. Mais cela ne doit pas nous étonner. Ils ne 
sont plus Gentils par le cœur, mais ils le sont par la 
naissance; et l'Apôtre maintient, jusque dans l'Église 
chrétienne, la distinction des deux peuples, l'un sorti 
d'Israël, l'autre du sein des nations (ce qui est, ne 

* Comparez xaÔôx; xal, Coloss. Ul, 13, etc. 

18 



274 LA VIE NOtJVBUli. OH. IV, 17-24. 

l'oublions pas, le sens propre du mot Gentils). Il écrit 
bien aux chrétiens de Rome : t Je vous dis donc à 
« vous, Gentils, etc. » (Rom. XI, 13). 

Dans la mniti de leur intelligence. On eût plutôt at- 
tendu de votre intelligence: mais au lieu de décrire 
Tancien état des Gentils convertis, saint Paul décrit 
l'état actuel des Gentils inconvertis et passe ainsi de 
la seconde personne à la troisième. L'ordre de la pé- 
riode y perd, mais la force de la pensée y gagne, la 
réalité présente étant substituée au souvenir du passé. 
Le langage de notre Apôtre est plein de semblables 
irrégularités ; l'esprit le préoccupe plus que la gram- 
maire. — L'intelligence, cette noble faculté par la- 
quelle l'esprit de l'homme se rapproche de Dieu et 
devrait s'élever à Dieu, s'est laissé gagner elle-même 
à cette « vanité, » à laquelle toute t la création a été 
€ assujettie > (Rom. VIII, 20). Privée de la vraie force 
et de la vraie lumière, elle se consume, même dans 
ses plus nobles recherches, en efforts impuissants et 
en spéculations creuses, et ne recueille que des illu- 
sions au lieu de la vérité qu'elle poursuit (Rom. I, 
21) : « Ils sont devenus vains dans leurs mîsonne- 
€ ments. > ^intelligence travaille toujours en vain, 
quand elle pense pouvoir trouver le vrai et le bien 
hors du Dieu vivant. Quelques-uns entendent « la va- 
« nité de l'intelligence > de l'idolâtrie (Actes XIV, 1 8) ; 
mais la pensée de l'Apôtre est plus générale. L'idolâ- 
trie est le développement naturel et comme le dernier 



GH. IV, 17-24. LA VIE NOUVELLE. 275 

mot de cette vanité (Rom. I, 21-23); mais elle en dif- 
fère pourtant comme l'application du principe; et c'est 
surtout l'égarement intellectuel et moral des Gentils 
que notre Apôtre a eu en vue dans cet endroit. 

Ayant leur pensée obscurcie. Littéralement, étant ob- 
sciircig dans leur pensée. La pensée se rapporte à 
riiitelligence comme l'acte à la faculté. Une intelli- 
gence obscurcie engendre des pensées ténébreuses; 
voyez Rom. I, 21, où l'on doit entendre par le cœur 
le fond de la pensée. C'est l'opposé de Êphés. ï, 18. 

Séparés de ta vie de Dieu^ c'est-à-dire de la vie spiri* 
tuelle qui est en Dieu et que Dieu communique à ses 
créatures quand elles ne sont pas séparées de lui par le 
péché* Nous traduisons scjpar^s plutôt qu'éloignés, ainsi 
que nous l'avons fait du même mot dans ÎI, 12, parce 
que le premier de ces mots marque l'action exprimée 
par le participe grec, tandis que le Second ne marque 
que Vétat qui résulte de ce déchirement. Ces deux 
traits, ayant leur pensée obscurcie et séparés de la vie de 
DieUy sont les deux faces par lesquelles se découvre 
€ la vanité dé leur intelligence. » Ils diffèrent l'un de 
l^autre en ce que le premier appartient plus spéciale- 
ment à la conception, le second au sentiment. 

Par Vignorance qui est en eux, par V endurcissement de 
leur coèur. Après avoir décrit les caractères de l'état 
moral des Gentils, saint Paul en indique les causes. Il 
en nomme deux. Harless et Olshausen, observant 
que Vignorance correspond plus spécialement à Tob- 



276 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 17-24. 

scurcissement de la pensée, et V endurcissement à la 
séparation d'avec la vie de Dieu, ont supposé que 
chacune de ces deux causes doit être rapportée à cha- 
cun de ces deux caractères, comme si l'Apôtre avait 
écrit : « Ayant leur pensée obscurcie par l'ignorance 
€ qui est en eux, séparés de la vie de Dieu par Pen- 
€ durcissement de leur cœur. » Cette disposition des 
mots satisfait l'esprit par une p^irfaite symétrie; mais 
est-ce une raison suffisante pour l'adopter? Nous la 
croyons plus ingénieuse que solide, et ne connaissons 
aucun exemple d'une construction semblable. Car ni 
Éph. II, 12, ni II, 14, 15, que cite Harless, n'offrent 
d'analogie réelle avec notre verset ainsi expliqué, sans 
compter que nous ne saurions admettre l'interpréta- 
tion que Harless a donnée du second des passages 
que nous venons de rappeler (Voyez les notes sur 
Éphés. II, 14, 15). Il nous semble, en outre, que, si 
l'interprétation de Harless et Olshausen était fondée, 
TApôtre aurait dit plutôt leur ignorance (ou Vignorame 
de leur esprit), comme il dit aussitôt après V endurcisse- 
ment de leur cœur y que Vignorancequi est en eux; tandis 
que cette locution est toute naturelle s'il a voulu 
marquer que cette ignorance est produite par cet en- 
durcissement. 

Telle est notre pensée. Comme cause de l'égare- 
ment des Gentils, l'Apôtre indique d'abord leur 
ignorance, et puis, comme cause de cette ignorance 
même, leur endurcissement ; de telle sorte que l'en- 



CH. IV, 47-24. LA VIE NOUVELLE. 277 

durcissement du cœur est la cause de la cause et le 
principe de tout le mal. L'homme s'égare dans la 
vanité de son intelligence, parce qu'il ignore Dieu; 
mais il l'ignore parce qu'il a endurci son cœur contre 
les premières lumières qu'il avait reçues de lui. Cet 
ordre est important à remarquer, parce qu'il rejette 
en dernière analyse sur l'homme la responsabilité de 
son égarement et le laisse sans excuse. Saint Paul 
l'explique encore dans Rom. I, 18-23, avec plus de 
développement, quoique avec moins de précision, 
surtout dans le v. 21 : « Ayant connu Dieu, ils ne 
a l'ont point glorifié ni béni comme Dieu, i voilà 
l'endurcissement du cœur ; « ils sont devenus vains 
« dans leurs raisonnements, etc., » voilà l'ignorance, 
avec la vanité de l'intelligence qu'elle enfante, mais 
d'avec laquelle elle n'est pas distinguée, comme dans 
Éphés. IV, 18. Quoi qu'il en soit, la pensée capitale 
est la même dans les deux endroits : le Gentil est 
€ inexcusable i» (Rom. I, 20), parce qu'il a « retenu 
« la vérité dans l'iniquité > (v. 18), c'est-à-dire 
étouffé la vérité par l'iniquité. Le Seigneur explique 
d'une manière toute semblable le développement de 
l'incrédulité dans le cœur, et c'est par là qu'il la con- 
damne : a C'est ici la condamnation (de celui qui ne 
€ croit pas), que la lumière est venue dans le monde, 
« et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que 
« la lumière, parce que leurs œuvres étaient mau- 
€ vaises j> (Jean III, 19). Voyez encore le v. 20. Ils 



278 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 17-24. 

sont incrédules, parce qu'ils ignorent la lumière; 
mais ils ignorent la lumière volontairement, parce 
qu'ils ont endurci leur cœur. Il ne faut donc qu*ob- 
server attentivement l'origine et le développement du 
mal dans notre race, et l'on pourrait en dire autant 
de l'individu, pour reconnaître qu'il est punissable. 
Il est vrai que celui qui veut se séduire lui-même 
pourra encore trouver à contester contre ce raison- 
nement de saint Paul et de Jésus-Christ. Mais à quoi 
bon? Que vous compreniez ou non leur raisonne- 
ment, le résultat en est clairement révélé : c Ils sont 
« inexcusables, i» Celui qui a écrit cela dans le livre 
est aussi celui qui vous le prouvera sur son tribunal. 
N'attendez pas ce moment suprême; mais croyez, et 
repentez-vous. 

Lesquels, ayant perdu tout sentiment. Cette dernière 
image 5e lie à celle par laquelle le v. 18 a fini. 
Le mot que nous rendons par endurcissement s'em- 
ploie proprement de l'état de la peau lorsqu'elle a 
contracté une callosité ; et le mot que nous rendons 
par perdre tout sentiment (anglais, being pasl feeling), 
de cette même peau lorsque la callosité est deven^ue 
si considérable et si dure qu'elle est morte à toute 
sensation de douleur. Mais on peut concevoir de deux 
manières le rapport du v. 19 avec la fin du v. 18; il 
en peut être ou le simple développement, ou bien 
la conséquence. 

Dans le premier cas, le v. 19 servirait à expliquer 



CI. IV, 17-24. U YIE NOUVELLE. 279 

en quoi consiste l'endurcissement du cœur dont on 
vient déparier. Il consisterait non dans la lumière 
de Dieu repoussée, comme nous l'avons dit ci-dessus, 
mais dans l'abandon des Gentils à l'impureté. Cette 
impureté serait alors le principe de l'égarement des 
Gentils, dont les divers degrés seraient : 1^ l'endur- 
cissement du cœur, ou le frein lâché à toutes les con- 
voitises charnelles; 2"* l'ignorance, produite par cette 
vie de péché; 3** la vanité de l'intelligence, produite 
par cette ignorance. 

Dans le second cas, le v. 19 indiquerait les fruits 
que l'endurcissement du cœur a portés, non pas im- 
médiatement, mais médiatement, et, si l'on peut ainsi 
parler, à la troisième génération, en enfantant l'igno- 
rance, qui la vanité de l'intelligence, qui la vie de 
péché. Les degrés de l'égarement des Gentils seraient 
alors : 1"* l'endurcissement du cœur, ou la lumière de 
Dieu repoussée; S** l'ignorance; 3° la vanité de l'in- 
telligence ; 4** enfin la vie de péché, qui serait le der- 
nier terme du développement. 

A ne consulter que l'ordre grammatical, nous pré- 
férerions la première interprétation ; mais nous nous 
décidons pour la seconde, à cause du passage paral- 
lèle de l'épître aux Romains que nous avons déjà cité 
plus d'une fois, Rom. I, 21-24, et encore v. 28-31. 
Le cœur endurci séduit l'esprit, et l'esprit séduit en- 
durcit le cœur encore plus. Nous avouons cependant 
que ce rapprochement n'est pas décisif; car, suivant 



280 LA VIE NOUVELLE. GH. IV, 17-24. 

la manière dont la question est envisagée, on pour- 
rait considérer la vie de péché comme le dernier 
terme du développement ou comme le premier. 
Aussi, dans le passage de saint Jean que nous avons 
rapporté tantôt (Jean III, 19-20), les « œuvres mau- 
< yaises > sont indiquées comme la racine et non 
comme le fruit de l'incrédulité. 

Se sont livrés. Selon Rom. I, 24, 28, ils y ont été 
livrés de Dieu. Il n*y a pas ici de contradiction; ce 
sont deux faces différentes du même sujet. Vue par 
un côté, leur incontinence est un abandon volontaire; 
vue par un autre côté, elle est un jugement de Dieu. 
Dieu a établi dans le monde moral cette loi d'après 
laquelle un homme qui s'endurcit et qui s'éloigne de 
Dieu se livre à tous les péchés; vous trouvez une dif- 
férence semblable entre Esaïe VI, 9, 10, cité par 
Matth. XIII, 14, 15, et ce même passage cité par 
Jean XII, 40. 

Toute sorte d'impureté. L'incontinence est la dispo- 
sition, l'impureté l'acte extérieur. 

Avec avidité. Le mot grec s'emploie le plus souvent 
de l'avidité pour l'argent, de la cupidité ; mais il a 
aussi, comme le mot français par lequel nous le ren- 
dons, un sens plus étendu : il marque l'ardeur insa- 
tiable avec laquelle les Gentils s'abandonnaient aux 
convoitises de la chair. C'est ainsi que ces mots ont 
été entendus par Chrysoslome et Théodoret. D'autres 
les ont traduits diversement : les uns, pour gagner de 



CH. IV, i7-24, LA VIE NOUVELLE. 281 

V argent (Grotius) ; d'autres, dam les excès du manger 
et du boire (Harless, Olshausen); d'autres enfin, à 
Venvij en s' appliquant à se surpasser mutuellement 
(versions reçues). La première de ces interprétations 
est inadmissible ; la seconde ne nous parait pas suffi- 
samment justifiée ; quant à la troisième, en faveur de 
laquelle on pourrait citer 1 Thess. IV, 6, elle se rap- 
proche beaucoup de la nôtre et exprime une idée af- 
freusement exacte. Mais la traduction que nous avons 
suivie nous parait, à tout prendre, la plus naturelle, 
bien qu'il faille convenir que la signification du terme 
grec n'est pas très bien déterminée. Nous y revien- 
drons en expliquant les v. 3 et 5 du chapitre suivant. 

Au lieu d'ayant perdu tout sentiment, certaines auto- 
rités critiques lisent : ayant désespéré. Mais cette va- 
riante n'a pas de valeur et n'est probablement qu'une 
explication de la leçon reçue. 

Cen'est pas ainsi que vous avez appris Christ. C'est- 
à-dire vous n'avez pas appris Christ de telle sorte que 
vous puissiez continuer de mener une telle vie. Ap- 
prendre Christ est une locution remarquable; elle 
s'explique par une observation générale que nous 
avons eu occasion de faire plus d'une fois sur le lan- 
gage de notre Apôtre, et qu'on peut étendre à toute 
l'Écriture. L'Écriture nous présente la vérité sous une 
forme moins abstraite et plus vivante que la théolo- 
gie humaine; elle nous met en présence des choses 
et des personnes plus encore que des idées, et cela 



282 iA VIE NOUVELLE. CB. IV, 17-24. 

est vrai surtout quand elle nous entretient du Sei- 
gneur. Christ lui-même est renfermé dans la parole 
de la vérité, et se communique par elle à Tâme fidèle. 
On reçoit Christ Jean I, 12; Col. II, 6; et ici on 
apprend Christ. Il ne faut pas dire, avec la plupart 
des commentateurs anciens et modernes, que Christ 
est mis ici pour la doctrine de Christ; mais il faut 
apprendre de ce langage que la vraie foi nous fait 
entrer en communion réelle et personnelle avec le 
Seigneur. C'est ce qui fait la différence entre l'ortho- 
doxie et la vie. Le prédicateur orthodoxe prêche la 
doctrine de Christ, et l'auditeur orthodoxe apprend 
et reçoit la doctrine de Christ ; le prédicateur qui a la 
vie prêche Christ (2 Cor. IV, 5), et l'auditeur qui a 
la vie apprend Christ et reçoit Christ. 

Si du moins voy>s Vavez entendu et si vous avez été 
enseignés en lui. L'expression que nous rendons par 
entendre Christ ne peut pas être traduite dans notre 
langue avec une exactitude parfaite. Elle est à peu 
près synonyme de celle que nous avons expliquée 
dans le verset précédent, apprendre Christ. Notre tra- 
duction donnerait à croire que Christ est dépeint ici 
comme celui gum entend parler ; tandis qu'il est dé- 
peint dans l'original comme celui dont on entend par- 
ler. Cela nous paraît prouvé, et par le contexte, tant 
précédent que suivant, et par le cas auquel le mot lui 
est placé, malgré l'explication contraire de Harless et 
d'Olshausen. Le premier cite avec éloge cette para- 



CH, ly, 47-24. LA VIE NOUVELLE. 283 

phrase de Pellipari : a: Si toutefois vous avez réelle- 
ment entendu Christ parlant au dedans de votr^ 
cœur*. » Cependant nous ne saurions traduire : « Si 
« vous avez entendu parler de lui; » ce serait affaiblir 
la pensée, comme on l'affaiblirait au verset précédent 
en traduisant : « Ce n'est pas ainsi que vous avez 
ff appris ce qui concerne Christ. j> Nous n'avons rien 
vu de mieux à faire que de traduire littéralement, en 
expliquant qu'il s'agit d'entendre Christ prêché et non 
d'entendre Christ prêchant. Être enseigné en Christ^ ce 
n'est pas, comme le veulent quelques-uns, être en- 
seigné concernant Christ, ni par Christ, ni, comme le 
pensent Olshausen et Winer, être enseigné de telle 
sorte qu'on entre en communion avec Christ; mais 
c'est, comme l'explique Harless, être enseigné, étant 
en Christ, être enseigné comme on l'est quand on est 
en Christ. Cet enseignement suit la communion en 
Christ, il en est le fruit; celui que suppose Olshausen 
la précéderait et en serait le principe. On peut rap- 
procher de cette locution les locutions suivantes : 
« parler en Christ» (2 Cor. XII, 19); « vivre pieu- 
< sèment en Christ » (2 Tim. III, 12); porter du 
« fruit en Christ s> (Jean XV, 3), etc. 

Ainsi que la vérité est en Jésus. Il serait trop loqg cie 
rapporter les nombreuses explications qu'on a propo- 
sées de ces mots. Nous nous bornerons à indiquer les 

1 Si c'était la pensée de saint Paul, il se serait servi du génitif, non 
dé l'accusatif . 



284 LA VIE NOUVEUB. CH. IV, 17-24. 

deux principales, entre lesquelles il nous paraît qu'il 
faut choisir. 

D'après l'une, pour laquelle nous nous décidons, 
le membre de phrase qui nous occupe se lie à ce qui 
précède, et le sens de l'Apôtre est celui-ci : t Si vous 
€ avez été enseignés en Christ, selon la vérité qui est 
« en Jésus, savoir que vous dépouilliez, etc., » c'est- 
à-dire cette vérité en Jésus est, ou enseigne, que 
vous devez dépouiller, etc. 

D'après l'autre, qui a été proposée par Harless et 
suivie par Olshausen, ce membre de phrase se lie à 
ce qui suit, et voici, dans cette hypothèse, la pensée 
de saint Paul : « Si vous avez été enseignés, en lui, à 
« dépouiller le vieil homme, selon la vérité qui est en 
« Jésus*, etc., » c'est-à-dire selon l'exemple de sain- 
teté que nous avons en Jésus; l'Apôtre présentant la 
sainteté par le côté de la vérité, par opposition à la 
séduction qui est le caractère du péché (v. 22), et ap- 
pelant ici « vérité » ce qu'il appelle au v. 24 « la 
€ sainteté de la vérité. » 

Voici les deux raisons principales qui déterminent 
Harless et Olshausen. D'une part, le prgnom vous qui 
accompagne le verbe dépouiller n'étant pas nécessaire 
dans l'original comme il l'est dans notre langue, in- 
dique que l'Apôtre a voulu mettre ici les Èphésiens 



^ Aux raisons qa'ii donne pour prouver que xaOcix; peut^ gramma- 
ticalement, se lier à ce qui suit^ Harless aurait pu ajouter un exemple 
décisif (Col. UI, 13). 



CH. IV, 17-24. LA VIE NOUVELLE. 285 

en opposition ou en parallèle avec quelque autre. Cet 
autre, c'est Jésus : comme Jésps a marché dans la 
vérité, vous aussi, vous devez y marcher. A cela 
nous répondons : Non ; mais cet autre, c'est le Gentil 
inconverti. Le reste des Gentils vivent ainsi que je viens 
de le dire; mais vous, au contraire, vous devez dé- 
pouiller le vieil homme, etc. Et n'est-ce pas dans ce 
sens que saint Paul appuie sur le vous, non-seulement 
au V. 17, mais encore au v. 20, dans la même pé- 
riode à laquelle appartiennent les mots que nous 
expliquons ? D'une autre part, le nom donné dans cet 
endroit au Seigneur, Jésus, disent Harless et Olshau- 
sen, n'est jamais employé par saint Paul séparé du 
nom de Christ, que lorsqu'il veut appeler l'attention 
sur la nature humaine du Seigneur (Hébr. III^ 1; 
IV, 14; VII, 22), et de là il l'est spécialement quand 
il est fait allusion à la mort du Seigneur (2 Cor. IV, 
10, 11; 1 Thess. 1, 10; IV, 14; Hébr. X, 14; Xffl, 
12). Or, le choix de ce nom dans notre verset s'ex- 
plique s'il y est parlé de l'exemple que Jésus nous a 
donné, dans sa nature humaine, tandis qu'il ne s'ex- 
plique pas s'il y est parlé, en général, de la vérité 
qui est en Jésus. Comment l'Apôtre n'a-t-il pas dit 
alors : ainsi que la vérité est en Christ, ou bien, en 
lui? A cela nous répondons, d'abord que rien n'em- 
pêche de supposer, tout en traduisant ainsi que nous 
l'avons fait, que l'Apôtre ait entendu par la vérité 
qui est en Jésus, ou tout au moins compris dans cette 



286 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 17-24. 

vérité, la sainteté qui a paru dans la vie de Jésus; en- 
suite que, sans nier en principe la distinction que 
ces deux commentateurs établissent entre les noms 
de Chmt et de Jésus^ nous n'oserions la presser au- 
tant qu'ils le font ni en rendre un compte aussi pré- 
cis. Autre chose est que l'Apôtre ait eu tdujourâ, 
comme nous l'admettons volontiers, de bonnes rai- 
sons pour choisir l'un de ces noms préférablement à 
l'autre, autre chose que ces raisons nous soient con- 
nues dans tous les cas. Pour noua du moins, nous 
avouons ne les pas bien connaître. Pourquoi, par 
exemple, passe-t-il du noiti de Christ à celui de Jésus, 
dans 2 Cor. ÎV, 4 et 5 ? Harless répond : parce qu'il 
a en vue la mort du Seigneur, comme on le voit par 
les V. 10 et H. Gela peut être ; mais ces versets soiit 
assez éloignés du v. &. Pourquoi encore un change- 
ment analogue dans 2 Cor. XI, 3 et 4? C'est une 
question que nous donnons à résoudre au lecteur, et 
dont nous cherchons encore la solution nous- même; 
quand nous Taurons trouvée, elle pourra servir peut- 
être aussi pour notre verset. 

Les raisons de Harless et d'Olshausen n'étant pas 
de nature à nous persuader, nous nous décidons pour 
l'autre interprétation, parce qu'il nous semble qu'elle 
se présente plus naturellement à l'esprit; qu'elle 
donne à la phrase grecque une construction plus fa- 
cile; qu'elle explique mieux que l'autre pourquoi 
l'Apôtre appuie sur le pronom vous dans le v. 22 ; 



CH. IV, 17-24. LA VIE nouvelle; 287 

qu'elle explique seule le cas auquel il met ce pronom *; 
enfin, qu'en mettant un léger point d'arrêt après le 
mot Jésus, et en détachant ainsi la pensée, « que vous 
« dépouilliez le vieil homme, etc., > d'avec ce qui 
précède immédiatement, elle la rattache à l'exhorta- 
tion commencée au v. 17, « que vous ne marchiez 
« plus, etc., » mais bientôt détournée de son cours na- 
turel, ainsi que nous l'avons vu, ce qui donne à toute 
la période (v. 17-24) un meilleur ordre et un développe- 
ment plus régulier. Ce n'est pas que nous supposions, 
avec quelques commentateurs, que le v. 22 dépende 
directement du v. 17; mais nous pensons que la 
construction du v. 22, « que vous dépouilliez, » cor- 
respond à la construction tout à fait semblable et assez 
inusitée du v. 17, « que vous marchiez, ^ et que Tordre 
de la pensée, un moment interrompu, mais qui est de* 
meure présent à l'esprit de Tauteur sacré, estenfin re- 
pris dans notre verset. La vérité de cette observation 
nous parait surtout sensible dans le texte original '. 
Que mus déposiez, quant à votre première conduite 
(ou, quant à la conduite précédente) le vieil homme 

A U noas semble qae si le "verbe dépouiller était lié aa verbe ensei- 
gner (si vous avez été enseignés à dépouiller)^ il faudrait que le pro- 
nom vous fût mis au nominatif^ et non & Faccusatif. 

• Les deux )ca8à)ç des v, 17 et 21 se correspondent aussi : — ne pas 
marcher ainsi que marchent les Gentils ; marcher ainsi que la vérité 
est en Jésus. Plus j'y réfléchis, plus je suis persuadé que le v. 21 est la 
reprise de la pensée et de la construction commencée au v. 17. Le 
passage parallèle de Tépttre aux Golossiens (UI, 1, 8) me confirme dans 
cette explication; car les mots « vous avez marché autrefois, » y sont 
suivis immédiatement de ceux*ci : « Mais maintenant déposez toutes 



288 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 17-24. 

qui se corrompt selon les convoitises de la séduction. Voici 
d'abord le côté négatif de la régénération : déposer 
le vieil homme ; vient ensuite son côté positif : re- 
vêtir l'homme nouveau. Il va sans dire, du reste, 
que l'une de ces choses ne va pas sans l'autre. Ce 
ne sont pas deux actes différents, mais deux faces 
différentes du même acte. L'image est tirée d'un 
vêtement qu'on dépouille et qu'on revêt. Comparez 
Col. m, 9, 10, 

Les mots quant à la conduite précédente^ qui sont 
littéralement traduits de l'original, ont quelque chose 
de singulier, de peu précis, pour l'expression, mais 
la pensée est claire. 

Déposer le vieil homme quant à la condition pré- 
cédente, c'est le déposer en renonçant à cette con- 
duite, ou, comme s'exprime notre Apôtre dans le 
passage parallèle de l'épître aux Colossiens, « dé- 
« pouiller le vieil homme, avec ses œuvres » (III, 9). 
Cette addition renferme cette instruction importante, 
que la nouvelle naissance, bien qu'essentiellement 
intérieure, doit se montrer au dehors par un change- 
ment de vie *. On sentira mieux la vérité de cette 
explication en lisant, dans l'épître aux Colossiens, ce 
qui précède le passage que nous venons de citer : 

« ces choses, » etc. (Le xat du v. 8 ne peut se rapporter aux autres 
païens, comme celui du v, 7. Se rapporte-t-il aux autres chrétiens ou 
à Christ, V. 4?) 

^ Calvin l'explique un peu différemment : « Quo melius ostendat 
non esse supervacaneam hanc exhortationem apud Ephesios, pristinœ 
vitae memoriam illis rénovât. » 



GH. IV, 17-24. LA JIE NOUVELLE. 

< Déposez la colère^ Vanimositéy etc. ; ne meniez point 
les uns aux autres, ayant dépouillé le vieil homme, 
avec ses œuvres. > Au reste, le vieil homme, qui doit 
être déposé, est à ces œuvres ce que la racine est 
au fruit. C'est le principe intérieur qui dirige 
l'homme irrégénéré, « le cœur mauvais > duquel 
« procèdent les mauvais discours, les meurtres, les 
€ adultères, etc. » (Matth. XV, 20). 

Qui se corrompt selon les convoitises de la séduction. 
Ce sont les convoitises qui viennent d'être décrites 
dans le v. 19. En s'y abandonnant, le vieil homme 
achève de se corrompre. Elles sont appelées « con- 
fia voitises de la séduction, i» non - seulement parce 
qu'elles séduisent l'homme en lui promettant un bon- 
heur qu'elles ne lui donnent jamais, mais encore 
parce qu'elles supposent et entretiennent cette 
« vanité de l'intelligence » dont il a été parlé ci- 
dessus, le mettent en contradiction avec Dieu et avec 
lui-même, et font de tout son être une illusion et un 
mensonge perpétuels; tandis que Jésus-Christ, qui 
est la vérité, remet, au contraire, dans l'homme qui 
le reçoit la vérité et l'harmonie (Voyez aussi Rom. 
VII, H). — Olshausen fait remarquer que tous les 
païens ne se livraient pas aux convoitises de la chair; 
mais, outre que ceux qui en étaient exempts étaient 
des exceptions infiniment rares, et que le mal était 
devenu si universel que l'on songeait moins à s'en 

cacher qu'à le justifier, ceux-là mêmes qui échap- 

49 



â90 LA VIE NOUVBILS. GH. IV^ i7-24. 

paient à la souillure générale étaient asservis à d'au-> 
très convoitises plus subtiles, et avaient besoin, comme 
les autres, de déposer leur cœur naturel et leurs an^ 
oiennea œuvres. Bien plus, ce changement radical est 
également indispensable dans tous les temps et dans 
toutes les conditions (Jean III, 3, 5 ; 2 Cor. V, 47). 

Le dépouillement du vieil homme et le revêtement 
de l'homme nouveau sont présentés ici comme une 
œuvre continue. Les Ëphésiens étaient déjà crééa. de 
nouveau en Jésus^Christ (II, 10); mais ils ne cessent 
pas pour cela d'avoir à lutter contre les penchant& 
auxquels ils étaient autrefois asservis. C'est même 
dans leur nouvelle naissance, une fois accomplie, 
qu'ils puisent les forces dont ils ont besoin pour cette 
lutte, constamment renouvelée. Ce rapport est clai- 
rement indiqué dans le commencement du troisième 
chapitre de l'épitre aux Colossiens, et surtout dans 
la liaison des v. 5 à 10, avec les v. 1 à 4. 

Que vous soyez renouvelés. Ce renouvellement s'ac* 
complit par la force de Djeu, comme l'indique la 
forme passive du verbe employé par l'Apôtre ; mais 
la volonté de l'homme intervient, soit pour concourir 
à l'œuvre du Saint-Esprit, soit pour la contrarier ; 
et de là l'exhortation de l'Apôtre/ Comment expli- 
quer autrement une exhortation au passif, comme 
celle que nous avons ici (Êph. V, 18) et en tant d'au- 
tres endroits? 

Ekm VesprU de votre mHlligence. On peut traduire 



GH. IV, 17-24. LA VIE NOUVELLE. 291 

aussi : par Vesprit de votre intelligence ; et c'est ainsi 
que paraît l'avoir pris Olshausen, dont l'explication 
ne nous paraît pas bien claire. « L'intelligence, dit-il, 
est la faculté de concevoir ce qui est éternel... Dans 
Fétat naturel, cette faculté se trouve réduite à la va- 
nHé (v. 18).. ♦ Ce n'est qu'en Christ qu^elle apprend à 
servir à la loi de Dieu (Rom. VII, 23), étant fortifiée 
dans la régénération... Cette force nouvelle lui vient 
de l'Esprit de Christ communiqué à l'âme ; et c'est là 
ce que l'Apôtre exprime en disant qu'il faut être re^ 
nouvelé par l'esprit de notre intelligence. • N(S>us 
préférons traduire, avec Harless, < soyez renouvelés 
cdansl'esprit de votre intelligence. » Cette expression 
est plus facile à comprendre qu'à analyser. L'esprit 
est oe qu'il y a de plus intime dans l'âme, le principe 
même de la vie intelleetuetle et morale ; et en aver- 
tissant les Éphésiens qu'ils doivent être renouvelés 
dans l'esprit de leur intelligence, l'Apôtre veut leur 
donner à connaître que le changement qui doit s'opé- 
rer ea eux doit pénétrer jusque dans la partie k plus 
profonde de leur être. Ainsi expliquée, l'expression 
de notre texte correspond à peu près à cette autre 
expression de notre Apôtre, « l'homme intérieur. » 
« L'esprit de l'intelligence, dit Théodore de Bèze, est 
ce qu'il y a de plus intime dans l'âme elle-même. » 
Créé selon Dku. Ces paroles, éclaircies par CoL III, 
iO, renferment une allusion manifeste à Genèse I^ 
37 r c Dieu fit Phoinmeà son image. i> Cette ressem^ 



292 LA VIE NOUVELLE. CH, IV, 17-24. 

blance, effacée par le péché, est rétablie par la nou- 
velle naissance, qui a le caractère d'une seconde 
création (II, 10; 2 Cor. V, 17; Gai. VI, 15). Le type 
d'aprèç lequel Thomine est formé dans cette création 
nouvelle, c'est Christ, < le second Adam, » « l'image 
€ du Dieu invisible > (1 Cor. XV, 45; Col. I, 15; 
2 Cor. IV, 4). Aussi le nouvel homme est appelé 
« Christ en nous > (Col. I, 27). 

En justice et en sainteté de la vérité. La traduction 
ordinaire : en justice et en sainteté véritables, n'affai- 
blit pas seulement le sens ; elle le dénature. Ce n'est 
pas le caractère de cette sainteté que l'Apôtre veut 
surtout faire ressortir; c'en est le principe, l'origine. 
Elle est une manifestation, un produit de la vérité, 
qui est en Jésus, comme les convoitises charnelles 
sont des produits de l'illusion et de Perreur qui se 
trouvent hors de lui (v. 22). — La préposition m dé- 
signe l'élément dans lequel la nouvelle naissance 
s'opère, et l'état dans lequel consiste la ressemblance 
de l'homme régénéré avec Dieu. — Les expressions 
justice et sainteté sont plusieurs fois réunies (Luc I, 
75; 1 Thess. II, 10; Tite I, 8). La première désigne 
plus spécialement les dispositions et les actes aux- 
quels nous sommes obligés d'homme à homme et 
dans les relations de la vie ; la seconde, ceux aux- 
quels nous oblige la pureté, mais une pureté dont 
Dieu est le principe. C'est ainsi que l'Apôtre déve- 
loppe lui-même sa pensée; les devoirs de la /tM^we 



GH. IV,25-V,2. LA VIE NOUVELLE. 293 

occupent IV, 25-V, 2 ; et ceux de la sainteté, V, 3-20. 
Dans ce dernier paragraphe, il commence par la 
pureté, et finit par la piété; c'est que la sainteté, 
telle que Tentend l'Apôtre, touche à la piété, mais 
sans se confondre pourtant avec elle (1 Tim. II, 8; 
Hébr. VII, 26). 

2® Péchés contraires à la justice. IV, 25-V, 2. 

25. C'est pourquoi, ayant déposé le mensonge y parlez 
en vériié chacun avec son prochain^ parce que nous som^ 
mes membres les uns des autres. 26. Mettez-vous en co- 
lire et ne péchez point; que le solël ne se couche pas sur 
votre irritation: 27. et ne donnez pas accès au diable, 
28. Que celui qui dérobait ne dérobe pluSy mais plutôt 
qu'il travaille^ faisant de ses mains ce qui est bon, pour 
avoir de quoi donner à celui qui en a besoin. 29. Qu'au- 
cune parole mauvaise ne sorte de votre bouche, mais toute 
parole utile pour l'édification nécessaire^ afin quelle 
donne une grâce à ceux qui l'entendent; 30. et ne con^ 
tristez pas le Saint-Esprit de Dieu, dont vous avez été 
scellés pour le jour de la rédemption. 31. Que toute 
amertume, oupassion, ou coUrCy ou clameur ^ ou parole 
offensante^ soit ôtée de vous, avec toute malice; 32. et 
soyez les uns envers les autres, bom, compatissants, vous 
faisant grâce les uns aux autres, comme aussi Dieu vous 
a fait grâce en Christ. V. 1. Soyez donc imitateurs de 
Dieu, comme des enfants bien- aimés; 2. et marchez 



894 LA VIE NOTmSLLE. CH. IV, 25-V, 2. 

dans Vafnour, comme auêsi Christ fwus a aimés, et s est 
livré pour nous en offrande et en sacrifice, en odeur dé 
bonne senteur à Dieu. 

Dans cet article qui a pour objet les devoirs de la 
usticey ainsi que' dans l'article suivant où il expose 
es devoirs de la sainteté, notre Apôtre présente la vie 
chrétienne par son côté négatif : il indique moins ce 
que le chrétien doit faire que ce qu'il doit éviter. 
Cela s'explique par le sujet qu'il traite dans cette par- 
tie de son épître (IV, 17-V, 20) : le renouveltemeni né- 
oessaire à un Gentil qui entre dans l'Église chrétienne. 

La plupart des préceptes de l'Apôtre n'étaient pas 
nouveaux pour les païens. Les philosophes païens 
avaient bien su interdire le mensonge, le ressenti*- 
ment, l'infidélité, etc., et ils ont là-dessus de fort 
belles maximes. Mais ce qui était tout nouveau, c'é* 
taient les motifs dont l'Apôtre appuyait ces préceptes ; 
et comme ces motifs sont les seuls capables de dé* 
terminer le cœur de l'homme, ils engendraient des 
mœurs nouvelles que la morale païenne savait tout 
au plus prescrire, mais qu'elle ne savait pas réaliser. 
Encore ne les prescrivait-elle pas toujours, la corrup* 
tion des mœurs finissant par fausser les maximes 
elles-mêmes, parce que les passions du cœur sontîn* 
téressées à justifier ce que les lumières de l'esprit 
condamnent (Rom. 1, 32). Cette remarque sur les mo- 
tifs de la morale chrétienne trouvera particulièrement 
son application dans les préceptes qu'on vient de lii*e; 



CHé ît, 25-V, 2. iA Tfla NOtJVBLLB. 

il n'en est pas un qui ne soit appuyé de quelqu'une 
de ces considérations qui n'appartiennent qu'à l'Évan- 
gile et où son esprit se révèle tout entier. Nous reviens* 
drons sur ce sujet en les expliquant; et le premier 
mot de l'Apôtre va nous en fournir déjà l'occasionk 
C^eêt pourquùiy dyani déposé h mensonge, parhM 
en ^Hté chmaiH a^ec êùn prochain, parce que nouk 
sommée membres les uns des autres. C'est à cause de 
ce que l'Apôtre vient de dire siir la nouvelle nais* 
sance que le chrétien doit s'abstenir de mentiri 
Lé choix même des expressions fklt ressortir ce 
rapprochetnent t le chrétien doit dépoter lé tnen*» 
songe, parce qu'il a déposé le vieil hômme^ Que le 
vieil homme vive jians le mensonge, cela sd con* 
çoit ; car « il se corrompt selon les convoitises de là 
€ séduction, » Mais le nouvel homtne n'a de vie qilé 
par la vérité* et pour la vérité. Par la vérité : car 
c'est par elle qu'il a été régénéré. Il a t appris Christ, i 
qui est < la vérité > (Jean XIV, 6); il « a été ensei- 
« gné, selon la vérité qui est en Jésus ; » il c a été 

< créé selon Dieu en justice et en sainteté de la vé- 

< rite. » Pour la vérité : car la connaissance de la 
vérité n'est pas seulement le principe de son chan- 
gement, elle en est encore la fin et le fruit, comme 
nous l'apprend notre Apôtre dans le passage corres- 
pondant dé son épître aUx Colossiens, qui rattache 
plus fortement encore là défense dé mentir à la doc- 
trine de la nouvelle naissance. € Ne mentez point les 



296 LA VIE NOUVELLE. GH. IV, 25-V, 8. 

« uns envers les autres, ayant dépouillé le vieil 
< homme avec ses œuvres, et revêtu l'homme nou- 
€ veau, qui se renouvelle en connaissance (littérale- 
« ment pour la connaissance) à Timage de celui qui 
€ Ta créé » (III, 10). Avec la vérité derrière lui et 
devant lui, comment le chrétien peut-il mentir? 
Le chrétien est l'homme de la vérité. Quelqu'un 
dira peut-être : Ne confond-on pas, en parlant de la 
sorte, la vérité avec la véracité, la conformité de la 
pensée à la réalité avec la conformité du discours à 
la pensée? Nous répondons que ces deux choses sont 
essentiellement unies. L'une comme l'autre est l'ac- 
cord de ce qui est dit et de ce qui est, avec cette 
différence seulement qu'il s'agit ^e Dieu dans un cas, 
et de l'homme dans l'autre. L'une est l'accord de la 
Parole de Dieu avec ce qui est en Dieu ; l'autre est 
l'accord de la parole de l'homme avec ce qui est dans 
l'homme. Le principe est un, et les raisons sont 
communes. La vérité est la véracité en Dieu; et la 
véracité est la vérité dans l'homme. 

A cette première considération, applicable dans 
nos rapports avec tous les hommes, parce qu'elle est 
tirée de l'essence de la foi, l'Apôtre en ajoute une 
seconde, qui ne s'applique directement qu'à nos rap- 
ports avec nos frères en Jésus-Christ : t Parce que 
« nous sommes membres les uns des autres » (Rom. 
XII, 5). S'il ne l'indique pas comme une raison nou- 
velle et distincte de la première, c'est qu'elle est 



CH. IV, 25-V, 2, LA VIE NOUVELLE. 297 

implicitement contenue dans le c'est pourquoi du 
commencement du verset; cette conjonction pou- 
vant faire allusion, non-seulement à ce qui pré- 
cède immédiatement, mais aussi à ce qui précède 
à la distance de quelques versets (15 et 16). Unis 
comme frères et ne formant qu'un seul corps en 
Christ, nous nous devons la véracité les uns aux 
autres, indépendamment de ce que nous devons à la 
vérité en soi. Les membres du même corps doivent 
s'aider et se servir entre eux, loin de se nuire et de 
se tromper mutuellement. Nous sommes donc dou- 
blement obligés à la véracité dans nos relations avec 
nos frères. Ce n'est pas à dire que nous puissions 
jamais nous en dispenser avec ceux du dehors (Rap- 
prochez Gai. VI, 10). Outre que la première raison 
expliquée ci-dessus subsiste tout entière, nous sou- 
tenons avec tous les hommes une relation, moins in- 
time sans doute que celle dont parle ici saint Paul, 
mais qui nous impose une obligation semblable, au 
degré près. Peut-être l'Apôtre a-t-il voulu nous le 
faire comprendre en nous commandant de c parler 
c en vérité chacun avec son prochain. » Dans un endroit 
de l'Ancien Testament, auquel ce commandement est 
emprunté (Zach. VIII, 16), le terme prochain désigne 
plus spécialement le concitoyen ou l'ami ; mais dans 
la citation de saint Paul, il reçoit cette application 
plus étendue que Jésus-Christ, le premier, nous a 
appris à lui donner dans la parabole du Samaritain. 



198 LA VIS NOUVELLE, G8. IV^ S^T, È4 

Les objections oii restrictions qu'on a coutume 
d'apporter au précepte de la véracité nous paraissent 
tomber d'elles-mêmes, au point de vUe élevé où se 
place l'Âpôtre et en présence des motifs auxquels il 
en appelle* Meni^onges de légèreté, mensonges de 
convention, mensonges intéressés, mensonges offi* 
cieux, qu'y a->t^il dans tout cela qui puisse subsister 
devant cette vérité^ dans laquelle seule le chrétien a 
u la vie, le mouvement et l'être? » Peut-on mentir 
avec foi? mentir au nom delà vérité? Mentir poiir 
Dieu, mentir en Jésus-Christ, mentir par le Saint- 
Esprit? Nous ne le pensons pas; et nous ne pensobs 
pas non plus que saint Paul, ni que le Seigneur, eût 
voulu mentir, pour quelque objet que ce soit» 

La place que saint Paul donné à ce précepte en 
montre l'importance pi*épondérante, et nous en pou- 
vons dire autant de celle qu'il lui donne dans GoK 
ni, 9, bien qu'ici cette placé soit la première, et là, 
la dernière» Mais dans l'un et dans l'autre cas, c'est 
la place la plus Voisine de la doctrine de la nouvelle 
naissance, qUi» dans l'épître aux Éphésiens^ ouvre le 
développement, et dans l'épttre aux Golossiens le 
clôt. Le respect pour la vérité est le premier frUit de 
la nouvelle naissance, et l'obligation la plus étroite- 
ment liée au fond de la foi; et le mensonge, dont 
Satan est le père (Jean VIII, 44), ouvre là porte à tous 
les péchés* 

Que l'oii compare à ce verset de saint Paul ce mot 



GH. IV, 2b-V, 2. LA VIE NOUVELLE. SM 

de Ménandre : <x Le mensonge est haï de tout hoitibie 
sage et utile » (c'est*à-dire utile à la société). Le pre^ 
mier fait appel à la vérité en ûiëu et à TalnoUr fra^ 
tertièl, le second, à l'estime de soi^-méme et à l'opi*- 
nion d'autrui ; sur quoi Harless fait cette réflexion ï 
< L'estime de soi-même ne saurait détruire la recher* 
che de soi-même, qui trouvera toujourë dans Tinté* 
rêt propre quelque côté accessible pour la tentation 
de mentir. > 

Meitez^i)ou8 en colère et m péchez point. Évidem- 
ment, TApôtre n'a pas voulu exhorter les Éphésiens 
à se mettre en colère. L'emploi de l'impératif tient 
loi k un idiome de la langue hébraïque (Éwald. Gr. 
Abr., § 618). On dit en hébreu : « Prenez conseil, 
« et il sera dissipé, i> pout* : « Si vous prenez Con- 
« seil, il sera dissipé >(És* VIII, 9); « Cherchez-moi et 
t vivez, * pour : t Si vous me cherchez;^ vous vivrez * 
(Amos V, 4), etc. Voici d'après cela le sens des mots 
que nous venons de citer : « Si vous vous mettez en 
t Dolère, ne péchez poiiit- > Ainsi traduit Olshatisen. 
Harless rejette cette traduction ; mais nous de savons 
pas voir de différence entre elle et celle qu'il lui 
substitué : < Mettez- vous en colère de telle sorte que 
« vous ne péchiez point. i> Ces paroles sont emprun- 
tées au Ps. IV, B, d'après la citatiOîi des Septante. 
Le texte hébreu peut se tcaduire de la sorte ; mais 
uiie autre traduction a été adoptée par nos versions 
i^eçues, et par les meilleurs commebtateuriâ : * Trem- 



300 LA VIE NOUVELLE. GH. lY^ S5-V^ S. 

c blez, et ne péchez point. » En citant les Septante, 
bien qu'ils se fussent écartés du sens de Toriginal, 
saint Paul n'aurait fait que ce que font quelquefois 
les apôtres, lorsqu'ils invoquent un passage de l'An- 
cien Testament comme souvenir, et non comme ar- 
gument. Il nous semble cependant qu'on pourrait 
s'en tenir à la traduction des Septante. La pensée du 
Y. 5 serait alors : c Si vous êtes intérieurement 
émus, ne laissez pas votre ressentiment éclater; si 
vous vous plaignez dans votre cœur, ne laissez pas 
la plainte sortir de votre bouche. » Quoi qu'il en 
soit, c'est probablement dans ce sens que les Sep- 
tante ont entendu le texte hébreu, et que saint Paul 
à son tour a cité les Septante. 

Tout le monde cependant n'est pas d'accord là- 
dessus. Ces mots de l'Apôtre ont été rendus de bien 
des manières. Il faut convenir qu'ils ont quelque 
chose d'étrange ; et qu'on a peine, en particulier, à 
discerner s'il s'agit ici d'une colère répréhensible, ou 
d'une colère légitime. C'est de cette question que 
dépend essentiellement l'explication de notre verset. 

Plusieurs (Anselme, Théophile, Winer) ont cru 
qu'il s'agit d'une colère légitime ou même d'une 
colère sainte, parce qu'en exhortant à ne pas pécher 
dans cette colère, l'Apôtre leur semble donner à en- 
tendre qu'elle est exempte de péché en soi. Cette 
raison paraît d'abord concluante. Il n'est pas dou- 
teux qu'il ne puisse exister une colère sainte. 



GH. IV, 25-V, 2. LA. VIE NOUVELLE. 301 

Elle prend sa source dans des pensées analogues 
à celles qui expliquent ce que l'Écriture appelle 
« la colère de Dieu ; p et s'élève, à la vue des pé- 
chés des hommes, dans un cœur moins touché de 
ses sentiments personnels blessés que de la gloire de 
Dieu offensée. Telle est, vraisemblablement, la co- 
lère de Moïse (Ex. XXXIl, 19); et telle est, certaine- 
ment, la colère de Jésus (Marc III, 5 ; littéralement 
avec colère), et Jean II, 15, où le principe de cette 
colère est expliqué, dans le premier cas par la suite 
du verset, dans le second, par le v. 17. La pensée 
de l'Apôtre serait, selon cette interprétation, que le 
chrétien qui éprouve une colère de cette nature doit 
se garder soigneusement de passer de la colère qu'il 
ressent pour Dieu à une colère mêlée de sentiments 
personnels, ce qui pourrait arriver aisément, surtout 
si cet état d'esprit se prolonge, et ce qui pourrait 
donner accès au diable. C'est ainsi que nous avons 
nous-mêmes compris notre verset avant l'étude spé- 
ciale que nous venons d'en faire; mais aujourd'hui 
nous croyons devoir rejeter cette interprétation par 
les raisons suivantes. D'abord, nous ne voyons pas 
d'où aurait pu venir à l'Apôtre l'idée de parler de 
cette colère sainte, dans une énumération des péchés 
qui ont cours chez les païens et auxquels les chrétiens 
doivent renoncer; le sujet, en soi, serait étrange à 
cette place. Ensuite, cette double recommandation : 
« Que le soleil ne se couche point sur votre irrita- 



302 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 25-V, 2. 

tion, 1 et : c Ne donnez pas accès au diable, » donne 
aussitôt ridée qu'il ne s'agit pas d'une colère bonne 
en soi; et l'explication indiquée ci-dessus ne lève 
qu'imparfaitement cette objection. Puis, le mot que 
nous traduisons irritation^ convient peu, ce nous sem- 
ble, à une colère légitime. Enfin, au v. 31, l'Apôtre 
condamne < toute colère, > ce qu'il n^eût pas fait sans 
restriction, s'il venait de parler d'une colère saii|[e» 
Il s'agit donc d'une colère ordinaire, de celle qui 
a cours dans le monde et dont il est parlé encore au 
V. 31. Mais cette colère n'allant pas sans péché, com- 
ment l'Apôtre a-t-il pu ajouter : « Ne péchez point? » 
Nous ne répoudrons pas, comme l'ont fait certains 
interprètes, qu'il a voulu feire une concession à l'in- 
firmité humaine, comme s'il eût dit : Mettez-vous en 
colère, soit, mais du moins ne vous laissez pas em- 
porter à des actes répréhensibles, L'Écriture ne con- 
naît pas de concession do cette nature ; la morale du 
Sajnt-Esprit est toujours parfaitement sainte. L'Apô- 
tre n'a pas toléré la colère, mais il a prévu qu'il ne 
manquerait pas d'occasions qui l'exciteraient chez 
ses lecteurs, à cause de leur infirmité et de celle de 
leurs frères; et prévoyant cela, il les exhorte à éviter 
soigneusement que cette colère se traduise en actes 
ou qu'elle dégénère en ressentiment. A la vérité, il y 
a déjà du péché dans le premier mouvement intérieur 
de la colère ; mais il y a péché d'une tout autre gra- 
vité dans l'action qui satisfait ce mouvement et dans 



GH. lY^ S5-Y^ â. LÀ VIE NOUYBLLE. 303 

la rancune qui le perpétue. Autre chose est que, sen- 
tant la colère s'allumer en moi, je me retire dans 
mon cabinet et me tienne à genoux jusqu'à ce qu'elle 
soit passée ; autre chose est que je m'y abandonne, 
que j'obéisse à ses inspirations et que je l'entretienne 
dans mon oœur. C'est cette distinction essentielle que 
l'Apôtre a voulu marquer en réservant ici le nom 
de péché au second cas. Dans le premier, on paur- 
rait dire que la colère est plutôt à l'état de tentation 
qu'à l'état de péché proprement dit. Il ne faut pas 
oublier que le précepte de l'Apôtre est une citation 
empruntée à l'Ancfen Testament, où la différence 
entre le sentiment et l'acte est plus marquée que dans 
le Nouveau. Au surplus, dans le Nouveau Testament 
lui*méme, et dans un discours de Jésus-Christ, le 
Sermon de la Montagne (Mattb. V, 22), une distinc» 
*tion semblable est faite entre le sentiment de la co- 
lère, et son explosion en parole, et même entre les 
divers degrés de cette explosion. En outre, si, dans 
ce dernier passage, la leçon sam cause est authenti- 
que, ce qui est douteux, les autorité» étant à peu 
près également partagées pour et contre S il en fau* 



^ Sa pareil oas^ l'argament externe n'étant pas décieif^ rargumeni 
interne est d'un grand poids; et comme il se rencontre que la plupart 
des autorités latines omettent le mot sans cause, tandis que la presque 
totalité des autorités grecques nous le présentent, une question assez 
curieuse s'élève : D'après les idées des pères latins et des pères grecs 
sur la colère, laquelle est la i^ns Traisemblable de ces âeax supposi- 
tions, ou que les premiers aient effacé le mot s'il est authentique, ou 
que les seconds l'aient ajouté s'il ne l'est pas? 



304 LA VI£ NOUVELLS. GH. IV^ 25-V^ 2. 

drait conclure que le Seigneur n'a pas entendu blâ- 
mer en cet endroit un mouvement de colère excité 
par des raisons suffisantes et promptement réprimé. 
Cette pensée a tant de rapport avec celle de notre 
texte, que nous sommes portés à croire que saint 
Paul a fait allusion à cet endroit du Sermon de la 
Montagne. 

Que le soleil ne se couche pas sur votre irritation. 
Peut-être ceci renferme-t-il une allusion à la fin du 
verset du Ps. IV dont l'Apôtre vient de citer le com- 
mencement; un lit de repos, et le coucher du soleil 
sont des idées corrélatives. Quoi qu'il en soit, l'Apôtre 
exhorte le chrétien qui éprouve un mouvement de 
colère à le réprimer sans délai, et à ne le laisser dans 
aucun cas dépasser la fin du jour (Voyez Deut. XXIV, 
15). Ceci nous montre que, parmi les péchés que la 
colère peut enfanter, celui contre lequel l'Apôtre* 
veut plus spécialement prévenir ses lecteurs, c'est le 
ressentiment. C'est chez les chrétiens que doit se vé- 
rifier, dans son sens le plus élevé, cette parole d'un 
poète grec ; c La colère de ceux qui s'aiment dure 
peu de temps ; > et régner, mais selon l'esprit et non 
légalement, cette règle qui obligeait les disciples de 
Pythagore à se réconcilier avant le coucher du soleil, 
s'ils étaient divisés. Cependant, il nous paraît que 
c'est restreindre la pensée de l'Apôtre que de l'ap- 
pliquer exclusivement au ressentiment, comme le fait 
Harless, et après lui Olshausen. Nous pensons que 



GH. IV, 25-V^ 2, LA Vliîî NOUVELLE. 305 

la recommandation : « Ne péchez point, > a un sens 
plus étendu, et qu'elle comprend aussi les actes, et 
surtout les discours auxquels la colère peut pousser, 
et qui sont mentionnés dans Matth. V, 22. Le mot 
irritation rend plus exactement que celui de colère le 
terme original. L'irritation est à la colère ce qu'est 
à la passion Teffervescence du moment. 

Et ne donnez pas accès au diable. Nous ne croyons 
pas nécessaire de nous arrêter à combattre les com- 
mentateurs qui veulent traduire : Au calomniateur. 
Nous nous bornons à renvoyer le lecteur à VI, 11 ; 
2 Tim. II, 26, etc. Mais comment la colère, si Ton 
s'y abandonne et surtout si on la garde, donnera- 
t-elle accès au diable, plus que tel ou tel autre pé- 
ché ? De deux manières, dont Tune regarde l'indi- 
vidu et l'autre l'Église. Quant à l'individu, comme 
rien ne favorise plus le développement de la vie de 
Dieu dans le cœur que l'amour fraternel, rien ne se- 
conde mieux les entreprises du tentateur contre nous 
que l'amertume et l'animosité. Partout où le Diable 
trouve un cœur fermé, il trouve une porte ouverte. 
Mais surtout quant à l'Église : l'union de ses membres 
fait sa force, leur division sa faiblesse. Les querelles 
du dedans livrent la place à l'ennemi commun. C'est 
par une raison semblable que notre Apôtre détourne 
les Corinthiens d'une sévérité excessive à l'égard de 
ceux qui sont tombés, 2 Cor. II, H. Cette sévérité, 

en aigrissant les esprits et en partageant l'Église, 

20 



LA VIE NOjPfVBLLE. CH. IV, 23-V, 2, 

fournirait à Satan un moyen c d'avoir le dessus 
« sur elle. » — « Satan, dit Chrvsostome sur notre 
texte, n'a pas de meilleures occasions que celles 
que lui fournissent les inimitiés. i> « La colère 
« de l'homme n'accomplit pas la justice de Dieu. > 
(Jacq. ï, 20). 

Ici encore, remarquons combien le motif allégué 
pour réprimer la colère est fort et teolennel. Il s'agit 
de ne pas compromettre la paix et la prospérité de 
l'Église, "et de ne pas prêter des armes à cet ennemi, 
toujours présent; toujours actif, pour tirer parti 
de nos divisions et pour agrandir la plus petite 
déchirure en s'efforçant de pénétrer par elle. Rap- 
prochez de cela ce tnot de Sénèque : « Considérez 
aussi combien le bruit de votre clémence vous fera 
d'honneur, et combien de fois on s'est fait d'utiles 
amis en pardonnant x» [De irâ^ 2, 34). Ce même traité 
renferme un autre passage qu^il est intéressant de 
comparer au commencement de notre V. 26 : a Ne 
pas entreï* en colère, et ne pas pécher dans la co- 
lère, sont deux. Comme la médecine a d'autres 
moyens pour maintenir la santé du corps et d'autres 
pour la rétaï)lir, la morale aussi a d'autres conseils 
pour prévenir la colère et d'autres pour la réprimer, i 
(1, 18). 

Que celui qui dérobait. Non pas seulement le voleur 
de profession, mais quiconque était autrefois dans 
flans l'habitude de s*âpproprier le bien d'autrui, par 



C». IV, 35-T, 2. LÀ VIE NOUVELLE. 30? 

quelques moyens que ee soit, tolérés ou non du 
monde et des lois. 

|.v 0^'i^ iroDaille^ faisant àt èes mains ce qui esl bm. 
Nous nous en tenons à la leçon reçue. Les manuscrits 
offrent ici des variantes, entre lesquelles il est diffi- 
cile, et peu important, de choisir. Les uns suppriment 
les mots : ce qui ^st hm^ d'autres ceux-ci : de ses 
mains; d'autres enfin lisent : de ses propres mains. Ce qui 
est bon, c'est-à-dire ce qui est utile et honorable, par 
opposition à l'industrie nuisible et immorale dont il 
vitait auparavant. La même expression est employée 
dans Gai. VI, 10, où nous traduisons : « Faisons ce 
€ <ïui est bon envers tous, » ou comme Lausanne^ 
1839, « Élisons le bien envers tous. > En traduisant, 
avec nos versions reçues : « Faisons du bien à tous, < 
on restreint la bienfaisance recommandée par l'Âpô- 
tre h des sacrifices pécuniaires; et cette restriction 
n'-est pas dans l'original. Le mot du v. 9 qu'on rend 
par le bien est différent : il signifie plus spécialement 
ce qui est honorable, et celui du v. 10, ce qui est 
utile. 

Pour avoir de yuoi donner (littéralement commu* 
niquer) â celui qui en a besoin. Ce motif est admirable. 
Exhorter le voleur à travailler pour gagner hownêle- 
ment sa vie, c'est ce que la morale humaine pouvait 
faire ; mais il n'appartenait qu'à la morale évangé* 
lique de l'exhorter à travailler pour avoir de qum 
donueer. C'est que la première n'admrt qu'une té^ 



308 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 25-V, 2. 

forme; la seconde seule demande une conversion. Le 
motif ordinaire est sous-entendu par saint Paul, qui 
l'exprime ailleurs, 1 Thess. IV, 11, 12; 2 Thess. 
III, 12; mais c'est cette omission même qui est ad- 
mirable. L'Apôtre franchit toutes les considérations 
personnelles pour aller droit au cœur de la morale 
chrétienne, à la charité ; il sait que cet argument est 
le plus efficace aussi bien que le plus pur. Remarquez 
la confiance que ce langage suppose chez celui qui 
écrit en ceux qui lisent; c'est un homme qui a com- 
pris cette belle parole du Seigneur : « Donner est 
« plus heureux que recevoir, j> parlant à des hommes 
qui Y ont comprise ainsi que lui. Aussi bien, l'Évangile 
n'est pas obligé à passer exactement par les degrés 
que se prescrirait en pareil cas la morale humaine; 
car cette même doctrine de la croix qui a fait du vo- 
leur un honnête homme, en fait aussi du même coup 
un homme charitable, un saint, et au besoin un mar- 
tyr. Qui change le cœur, peut changer toute la vie 
en un jour. 

Qu'aucune parole mauvaise (littéralement pourrie). 
Nos versions traduisent malhonnête *j mais c'est empié- 
ter sur l'article suivant où l'Apôtre traite de la pureté, 
et notamment de la pureté dans les discours (V, 4). 
L'expression qu'il emploie ici a un sens plus étendu, 
qu'elle offre également ailleurs (Matth. Vil, 17, 18; 
XII, 33.) Le passage parallèle de l'épître aux Golos- 
siens (IV, 6) confirme cette réflexion : à la parole 



CH. IV, 25-V, 2. LA VIE NOUVELLE. . :J09 

mauvaise de notre texte, il oppose la parole assai- 
sonnée de sel, c'est-à-dire qui porte coup, par le sens 
et la vérité dont elle est pleine ; la parole mauvaise 
est, au contraire nuisible, ou, tout au moins, fade et 
insipide. 

Pour rédification nécessaire, littéralement : pour 
Tédification du besoin. A ce trait correspondent dans 
Col. III, 6, les mots suivants; « Afin que vous sa- 
c chîez comment vous devez répondre à chacun. » 
Voyez aussi Prov. XXV^ 11 (littéralement la parole 
dite en son temps). L'utilité générale ne suffit pas; 
il faut que nos discours s'adaptent exactement au be- 
soin présent. Cette spécialité est indispensable pour 
être utile : des choses fort bonnes en soi peuvent être 
dépourvues de toute vertu, seulement pour être trop 
générales. Les^ généralités engendrent souvent la sté- 
rilité et l'ennui dans les rapports, soit de conversa- 
tion, soit de correspondance entre chrétiens. Point 
d'application, point de fruit. Méditez sous ce point 
de vue les discours de Jésus-Christ , la spécialité est 
un de leurs caractères distinctifs\ 

Afin qu'elle donne une grâce à ceux qui l'entendent. 
L'expression de l'original a été diversement entendue ; 
par les uns : Afin quelle fasse plaisir à ceux qui V en- 
tendent (Théodoret, Robinson, dans son dictionnaire, 



* Piutarque rapporte que Périclès avait coutume de demander aux 
dieux la grâce « de ne rien dire qui ne fût adapté à la nécessité pré- 
sente. » 



340 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 25-V, 2. 

Biiekert); par d'autres : Afn qu'elh fasse du Hm 
(littéraleipent qu'elle accorde Un bienfait) à aux qui 
Vm^m4ent (Harless, Olshausen qui citent 2 Cor. YIII, 
iy 6); par d'autres enfin : Afin quelle donne une 
grâce à ceux qui l'entendent (Gerlach, Lausanne 1839), 
c'est-à-dire qu'elle leur conamunique une bénédiction 
divine (Rom, I, !!)• Nous nous décidons pour cette 
dernière interprétation, qui ne diffère de la seconde 
qu'en ce qu'elle attribue au mot que Harless et Ois- 
bauden rendent par bienfait en général le sens spécial 
d'un bienfait divin et spirituel. Ce sens nous parait 
réclaôié, sinon par le terme grec (une grâce), du 
nioins par le contexte « (l'édification nécessaire) » et 
surtout par Col. III, 6, dont les trois pensées me pa- 
raissent correspondre aux trois pensées de notre ver- 
set, et où la grâce ne peut se prendre, selon nous, 
que dans une acception spirituelle*. Parlons toujours 
avec l'intention de faire du bien à ceux qui nous en- 
tendent. 

Et ne contristez pas le Saint-Esprit de Dieu. Cette 
expression a une grande importance dogmatique. 
Elle prouve, d'abord, que le Saint-Esprit est une per- 
sonne vivante ; ensuite, que cet Esprit, qui est « l'Es- 
€ prit de Christ, i et « Christ en nous, > habite dans 
notre cœur non en hôte étranger et indifférent, froi- 
dement élevé au-dessus de toutes les sensations de 



^ Harless ya dans Umn les cas trop loio^ p. 44%. (Voy. Plut^rque pité 
par Tholuck, Bergpredigt, p. 118.) 



GB. lY, 25-y, 2. LA \X9' NOTTYjglLi:. 341 

rhumanité, mais en ami gui s'est ipprQché de nous 
pour nous approcher de lui, et qui conpaît quelque 
chose de nos alternative^ ^e peine et de joie. Jus- 
qu'oii va cette participation? Nous n'oserions le dire; 
et nous nous en tenons aux expreçsi^n^. de notre 
texte, sans les pr«isser davantage, de peur de tomber 
dan^ rapthropomprpliisime. Maisi nous n'oseriotts 
pas, d'un autre côté, nous joindre à saint Jérôme et 
saint Ambroise, suivis p^r Harless, qui trouvent de 
l'anthropomorphisme dans le langage même de saint 
Pa^l^ ^11 est emprunté d'És. LXHI, 10 ; t Ils ont été 
c rebelles et ils ont cqntristé l'esprit de sa sainteté. 9 
Contrister le Saint-Esprit, c'est moins que c l'outra- 
% gçr » (Hébr. X, 29) ; et Toutrager, c'est ipoins, ce 
semble, que ^ le blasphémer )^ (Mare III, 29). 

Dont mm avez été scellés pour le jour d$ la tidmnp^ 
tion. Nous traduisons dont, et non par lequel^ comme 
nos versions reçues ; ce n'est pas le Saint-Esprit qui 
nous a scellés, c'est Dieu qui nous a scellés du Saint- 
Esprit, comme nous scellons de notre empreinte un 
document, pour que chacun le reconnaisse comme 
nôtre. Pour le jour de la rédemption^ c'est-à-dire en vue 
de notre entière rédemption, et en attendant cette 
délivrance à venir, dont elle est à la foii le gage et 
les prémices (Voyez 1, 14, et notre note sur ce verset). 
n faut rapprocher de ce verset Rom. VIII, 23^27. 

L'Apôtre veut-il déterminer ses lecteurs par la 

A Voyez là-dessas une note remarquable de Gerlach. 



3I'2 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 25-V,2. 

crainte ou par Tamour? En contristant le Saint- 
Esprit, s'exposent-ils à le voir s'éloigner d'eux; ou 
se rendent-ils seulement coupables d'ingratitude en- 
vers lui? Harless se décide pour la première hypo- 
thèse, Olshausen pour la seconde. Nous pensons 
qu'elles sont vraies toutes deux à la fois; il est dans 
l'esprit de l'Écriture de nous pousser tout ensemble 
par la crainte et par l'amour. Nous accordons vo- 
lontiers à Olshausen que l'amour est le mobile domi- 
nant et essentiellement évangélique; et qu'il tient 
même la première place dans les mots qui terminent 
notre verset. Mais nous ne pensons pas que ce mo- 
bile exclue l'autre, ni le sceau du Saint-Esprit en 
nous la possibilité de le perdre. Il nous paraît, au 
contraire, que cette possibilité est obscurément indi- 
quée par l'Apôtre, d'autant plus qu'elle est expres- 
sément supposée dans la seconde moitié du verset 
d'Ésaïe qu'il a sous les yeux : « C'est pourquoi il est 
« devenu leur ennemi, et il a lui-même combattu 
« contre eux. j> Mais c'est faire les choses trop pré- 
cises dans un- autre sens, et méconnaître la pensée 
dominante de l'Apôtre, que d'aller jusqu'à inter- 
préter sa pensée comme le fait Hermès, cité par 
Harless : « Ne centriste pas le Saint-Esprit qui habite 
en toi, de peur qu'il ne prie Dieu, et ne s'éloigne dé 
toi. » Le motif d'amour est clairement énoncé; le 
motif de crainte n'est qu'obscurément indiqué. 
Notre verset se lie étroitement au précédent. 



CH, IV,25-T,2. LA VIE NOUVELLE. 313 

comme le 27 au 26, ainsi que le donne à connidtre 
la conjonction et par laquelle il commence. C'est en 
proférant des paroles mauvaises que nous contriste- 
rionsle Saint-Esprit; en qui? en nous qui parlons, 
ou en ceux à qui nous parlons? L'un et l'autre ; mais 
plus spétialemast, ce nous semble^ en nous qui par- 
lons. Ce motif allégué pour bien parler fait le pen- 
dant de celui qui vient d'être allégué pour réprimer 
la colère. L'irritation des esprits ouvrirait la porte 
au diable ; leâ paroles mauvaises la fermeraient au 
Saint-Esprit, ou tout au moins lui causeeaient de la 
peine. Le mal personnifié dans le diable, le bien 
dans le Saint-Esprit, double caractère de l'Évangile, 
où tout est vivant; et cette vie, cette personnalité, 
entretient la crainte et la vigilance d'une part, 
l'amour et la confiance de l'autre. Encore un motif 
tout à fait particulier à la morale évangélique, et 
combien capable d'agir sur notre cœur! Quel chré- 
tien ne veillerait mieux sur ses discours, s'il avait 
présent à l'esprit la pensée que des paroles nuisibles 
ou inutiles contristent le Saint-Esprit? 

Que toute amertume^ ou passion^ ou colère^ ou cla- 
meur, ou parole offensante, ioit ùtée de vous, a\>ec 
toute malice. L'ordre de ces mots ne nous parait 
pas arbitraire, comme il l'est dans Col. IIl, 8; 
notre épître a une disposition systématique, que 
l'épître aux Colossiens n'a pas. Les péchés ici nom- 
més le sont dans l'ordre de leur développement. 



314 LA VIE NOUYBLLB. GH. l^, 2&*Y^ 3. 

-^ t/^mertiitim^ gourca coiamuna de tout le reste, 
produit, en 8' agitant dans l'àme, la passim^ qui e»t 
unQ émotioQ intérieure; la passion, ep se répandant 
au dehon^, la colère; la colère, enfin, les cris et les 
tmtole^ offfêsaf»k$ (et non la mééisanu, comme Vont 
rendu nos versions). Par la malice, qui est nomméci 
à p^rt, on entend communément une disposition 
générale qui renfernae et résume toutes celles qui 
Yienqent d'être nomméea. Mais il nous semble que 
TApôtre aurait dit alors : m im mot totHe malice, ou 
quelque chose de semblable ; et que la manière dont 
ce terme est introduit indique une idée nouvelle et 
qui $e détache de ce qui précède. Nous pensons que 
la fAal^e est la disposition qui pousse à faire du mal 
aux fiutres; tandis que tous les termes qui précè- 
dent se rapportent à la manière dont on supporte le 
mal qu'on reçoit d'eux. Supporter le mal, et n'en 
point faire, c'est le résumé de la charité chrétienne. 
En développant plus la première idée que la seconde, 
en y revenant encore dans les versets suivants, 
l'Apôtre montre la connaissance qu'il a du cœur hu- 
main. « La charité, disait un chrétien expérimenté, 
se réduit presque tout entière au support. i> 

Et 9oyez hons. Ce mot^st opposé, selon Olshausen, 
à Y amertume. Je le croirais plutôt opposé à la malice; 
et les mots qui suivent à Y amertume y etc. Mais peut- 
être est-il plus simple de ne pas essayer de faire ces 
distinctions. Bons, marque la bonté en général ; com^ 



CH. *V, 23-V, a. LA VÏB NOUYBILI. 31K 

pâtissants, la hanté envers ceux qui souffrent ; wm 
faisant 9r$ç$y etc.» la bonté envers ceux qui nous ont 
offensés (Compares Col. III, 42, 13)« 

Comme a^m Dim mu9 a fait ^àoe. m OkrisU Le 
pardon de Dieu figure ici tout ensemble comme 
exemple et coj»me argument. Harla^s affirme trop 
en disant que l'expression que nous rendonsi pan 
« comme aussi » ne peut jamais marquer la compa-^ 
raison seule, sans argument. Voye? le v, 47 de notre 
chapitre. Mais ici aile signifie tout à la fois ainsi 
qm et parce qm. Quelques manuscrits Hient nom au 
lieu de rôtis; cette différence est insignifiante. 

Soyez donc. Ce n'est pas ici le donc qui déduit une 
conséquence, mais le donc qui résume et conclut un 
développement. Les deux premiers versets du cjja- 
pitre V, qu'on aurait mieux fait de réunir au cha-. 
pitre IV, terminent ce que P Apôtre avait à dire sur 
les devoirs de h justice i^^v une exhortation générale, 
et qui peut suppléer à toute autre. 

Imitateurs de IHeu y comme des enfants bien* aimés. 

Il est dans l'ordre qu'un enfant soit semblable k 
son père'(l Jean III, 1-3); et il est dans la nature 
que celui qui a été aimé aime à son tour (1 Jean IV, 
7-H); double raison pour que nous soyons imita- 
teurs de Dieu, et surtout de son amour. De Dieu, 
TApôtre passe, sans transition, à Christ, parce que 
€ Dieu était en Christ » et nous a aimés en lui. 

S'est livré pour nous en offrande et en saerifiee. 



3i6 LA VIE NOUVELLE. CH. IV, 25-V, 2. 

Quelques commentateurs, Usteri, Ruckert, etc., ne 
voient pas ici la mort expiatoire de Jésus-Christ, mais 
seulement l'exemple de dévouement qu'il nous a 
donné. Mais ces deux expressions en socrt/îcc et pour 
nous ne peuvent s'entendre que d'une expiation pro- 
prement dite. Qui souffre, comme une victime pour 
nous, souffre à notre place, cela est évident (rappro- 
chez Matth. XX, 28; 1 Tim. H, 6; Rom. III, 25, etc.). 
En principe, Yoffrande diffère du sacrifice^ en ce 
que l'offrande est le genre, et le sacrifice, l'espèce ; 
le sacrifice est une offrande sanglante. Mais, comme 
le mot offrande (ou oblation) est employé plus d'une 
fois de la mort expiatoire de Jésus-Christ (Hébr. X, 
9, 14, 18, comparez 12 et 26), on pourrait voir dans 
Yoffrande le sacrifice de prospérité, et dans le sacrù 
fice le sacrifice pour le péché ; le premier, marquant 
la reconnaissance et le dévouement que nous devons 
à Dieu, le second le besoin que nous avons d'une ex- 
piation à ses yeux. Jésus-Christ a présenté à Dieu Tun 
et l'autre dans sa personne : le premier, en souffrant 
jusqu'à la mort pour accomplir la volonté du Père ; 
le second, en portant nos péchés en son corps sur le 
bois. Ainsi l'entendent Harless, Gerlach et Stier sur 
le Psaume XL, 7, auquel saint Paul paraît faire allu- 
sion. Jésus-Christ, dit Harless, nous serait alors pré- 
senté ici comme victime et comme sacrificateur tout 
ensemble; et les mots, « en odeur, etc., l^ confirment 
cette explication, selon lui, parce qu'ils ne se lisent 



CH. V, 3-20. LA VIE NOU VKLLK. . 317 

dânà l'Ancieu Testament qu'en parlant des sacrifices 
de prospérité (Lév. 1, 1; II, 13, 17; II, 1, 2; XXXI, 
16). Mais cette distinction est-elle sufiisamment in- 
diquée, soit ici, soit dans le Psaume XL? J'en doute, 
et suis porté à considérer l'emploi de ces deux sub- 
stantifs comme destiné à épuiser l'idée du sacrifice 
de Jésus-Christ. 

En odeur de bonne senteur à Dieu. Nous croyons 
devoir placer de cette manière les mots à Dieuj à 
cause de Lév. I, 13 (littéralement en odeur de bonne 
senteur à l'Éternel), outre que la phrase « s'est 
€ livré, etc. > (sous-entendu à la mort), est complète 
sans cette addition à Dieu. Cette expression, c en 
€ odeur de bonne senteur, » est appliquée souvent aux 
sacrifices (Gen. Vffl, 21; Lév; II, 12, etc.), et l'est, 
par extension, à des actions qui plaisent à Dieu, et 
plus spécialement à des actes de dévouement et de 
renoncement (2 Cor. II, 15; Phil. IV, 18). 

Remarquons en terminant cet article de notre 
épître, à quel point le Nouveau Testament est rempli 
de l'Ancien. Dans ces dix versets, nous avons trouvé 
l'Ancien Testament cité ou rappelé cinq fois; 25, 
Zach. VIII, 16; -26, Ps. IV, 5; -30, Es. LXIII, 10; 
-V, 2, Ps. XL, 7, et Lév. I, 13. 

3° Péchés contraires à la sainteté. V, 3-20. 

F. 3. Que ni la fornication^ ni aucune impureté ou 
avarice ne soient même nommées parmi oous, comme 



318 ^ LÀ VIS NOUVELLE. GH. Y^ 3-^. 

il cùnvimU û des minu; 4. ni chose malhmnéie, ni gros* 
$ièrtiéy ni plaisanterie^ qui ^ant des choses mal^antesi 
mais plutôt des 'actions de grâces. 5. Car tous sauz bien 
cecij qu'aucun fomicaieur^ ou impur ^ ou uvare^ qui est 
un idolâtre^ n'a d'héritage dans le royaume de Christ et 
DieUé 6. Que nul ne vous séduise par de vûins discéursî 
car c'est pour ces choses que la colère de Dieu vient sut 
hs fl/s de la tihelliort. 7. N'ayez âme point dé part avec 
mxé S. Car vous étiez autrefois ténèbres y m^ais à pré'* 
sent vous êtes lumière dons le Seigneur; marchez comme 
des enfants de lumière^ 9. {car le fruit de l'Esprit est 
m toute bontés justice et vérité), 10. éprouvant ce ^ui 
èSl agréable au Seigtieut, H , et ne vous associez point 
ûuùp mivres infiructueuses des ténèbres^ mais plutôt te* 
prenez4es. 12. Car les choses qui Sfe font par eux tn 
secrety il est honteux même de les dire. 13. Mais toutes 
ces choses^ étant reprises ^ sont manifestées par h lu- 
mière; car tout ce qui est manifesté est lumière. 14. 
C'est pourquoi il est dit : « Réveille-toi, toi qui dors, 
* et te relève d'entre lesmortSy et Christ reluira sur toi. > 
15. Prenez donc garde comment vous marchez exacte^ 
ment, non en imprudents, mais en sages, 16. achetant 
l'occasion, parce que les jours sont mauvais. 17. C'en 
pourquoi ne soyez pas sans intelligence^ mais compre- 
nant quelle est la volonté du Seigneur, 18. Et ne vous 
enivrez pas de vin, en quoi il y a du dérèglement, mais 
^ez tempfts de VEq>rit, 19. vous entretenarU les uns 
Im itutr^ par dis psaumes, des hymnes et deè fkhs 



GH. V^ 3r^. LÀ VIE NOUVELLE. Sl^ 

êpifiîMlSy chëiUam et p^ioAmediant dan» vù9te *êmr Isit 
Stigmut; 20. rendant grûees m ^Umt tempe jpouf toutes 
chùseê^ au nom de notr$ Seigneur Jim^ChriH^ à celui 
qui est Dieu et Père. 

Des péchés contre la justice, T Apôtre passe aux 
péchés contre la sainteté (IV, 24)* Ds font l'objet de 
ce paragraphe, qui se termine piar un contraste établi 
entre Tentraînement et les plaisirs de la chair, et h 
joie pure et élevée que communique le Saint*Esprit. 

Avarice. Ce mot étonne à cette plttcè, àinM que le 
mot amre dans le v. 5; on a peine à comprendre que 
Tavarice soit si étroitement unie aux péchés d'impu- 
reté qu'elle l'est dans ces deux versets, et stirtout 
-dftûs le V. 3; et même qu'elle ait trouvé place dans 
un développiemettt dont tous les autres traits se rap- 
portent aux convoitises de la chair, et dont elle seute 
rompt l'uniformité. Il faut convenir aussi que la re- 
<5ommandation de ne pas même nommer certains pé- 
ehés s'explique moins bien pour l'avarice que pour 
les dérèglements de la chair, auxquels saint Paul 
semble la restreindre lorsqu'il éclaîrcit cette pensée, 
dans le v. 4. Ces raisons ont déterminé plusieurs 
Commentateurs^ anciens et modernes, au nombre des- 
quels sont Harless, Olshausen et Gerlach, à traduire 
par intempérance et intempérant^ les deux mots que 
nous avons rendus, avec les versions reçues, par ava- 
rice et avare. Il s'agirait alors de l'intempérance dans 
le ifiànger et le boire, à laquelle l'Apôtre fatt^eticore 



320 LA vus NOUVELLE. GH. .V, 3-20* 

allusion daus le v. 18 de notre chapitre, et non de 
l'incontinence, comme quelques -ung l'ont pensé. 
Car, dans le passage correspondant de l'épître aux 
Colossiens (III, 5), où le même mot se retrouve, et, 
de l'aveu de tout le monde, dans la même acception 
qu'ici, il est distingué nettement dans l'original par 
l'article qui le précède, d'avec les péchés mentionnés 
auparavant. Ce changement dans la traduction reçue 
se justifie , d'abord, par l'étymologie du mot grec, 
qui signifie proprement la cupidité ou l'avidité, sans 
spécifier l'objet auquel elle s'applique ; ensuite par 
l'emploi du même mot dans les écrits des Pères*; 
enfin, par Éph. IV, 19, où nous avons trouvé le 
même mot et où nous avons reconnu qu'on ne sau- 
rait guère le traduire que par avidité^ ainsi que nous 
avons fait; ou par intempérance , ainsi que le fout 01s- 
hausen et Harless. 

Une difficulté semblable se présente dans 1 Thess. 
IV, 6, où le verbe correspondant au substantif qui 
nous embarrasse dans notre verset est entendu, dans 
nos versions reçues de l'avarice, mais par Olshau- 
sen, etc.*, de l'adultère; et il faut avouer qu'une 
exhortation contre Pavarice serait singulièrement pla- 
cée entre les v. 3-5 et le v. 7. Il est vrai que les noms 
àHdolâtrie (Col. III, 5; V, S) et d'idolâtre (Èph. V, 5), 

^ Ghrysostome^ cité par Harless^ page 407 : « Les maladies se déve- 
loppent dans nos corps par Vintempérance ; évidemment, on ne saurait 
traduire par Vavarice, 

< Et probablement par Harless^ d'après sa note sur Éph. IV, 19. 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 321 

donnés au péché qui nous occupe et à ceux qui s'en 
rendent coupables, semblent convenir mieux à l'ava- 
rice qu'à l'intempérance ; cependant , ils peuvent 
aussi s'appliquer à celle-ci, l'intempérant faisant « un 
€ Dieu de son ventre » (Phil. III, 19; voyez aussi 
Rom. XVI, 18). Il y a d'ailleurs une relation étroite 
entre un culte idolâtre et les convoitises charnelles; 
elle est indiquée dans Rom. I, 23, 24, et fréquem- 
ment montrée dans l'Ancien Testament \ 

Ces raisons sont fortes; mais elles ne nous parais- 
sent pourtant pas décisives. On peut leur opposer 
répithète idolâtre qui, après tout, s'applique plus na- 
turellement à l'avare qu'à l'intempérant; la distinc- 
tion assez tranchée qui est faite dans Col, III, 5 
(voir l'original) entre le péché qui nous occupe et 
ceux qui lui sont associés; enfin, et surtout, la signi- 
fication ordinaire du même mot dans les évangiles 
(Marc VII, 22 ; Luc XII, 15), dans les épîtres (2 Pierre 
II, 3, 14), et dans saint Paul lui-même (Rom. I, 29; 
2 Cor. IX, 5; 1 Thess. II, 5). Nous sommes dans le 
doute, et c'en est assez pour que. nous nous en te- 
nions à l'interprétation la plus naturelle et la plus 
ordinaire. Harless lui-même, quoique fort afifirmatif 
en général, et quelquefois un peu trop , selon nous , 
n'ose se prononcer, bien qu'il incline pour la traduc- 



^ n est digne de remarque qae le mot grec qui nous donne tant de 
peine à traduire dans notre verset^ est employé quelquefois par les Sep- 
tante en parlant de l'idolâtrie proprement dite. 

21 



3iâ LA VIE NOUVELLE. GH. Y^ 3-20. 

tien intempérance. Nous partageons exactement ce sen- 
timent. Si c*est cependant de Vamrice qu'il s'agit/ ce 
passage, et les passages parallèles, Col. III, 5 et 

1 Thess. IV, 6, jettent un jour intéressant sur la na- 
ture de ce péché. Nous l'aurions rangé de préférence 
parmi les péchés contraires à la justice (IV, 25 ; V, 1 , 
2). En le rangeant parmi ceux qui sont opposés à la 
sainteté, TApôtre en révèle le caractère charnel, et il 
est, dans tous les cas, digne de remarque qu'il est 
plus d'une fois associé à l'impureté, par exemple ; 

2 Pierre, II, 3, 14. Au surplus, l'avarice doit être 
entendue ici dans le sens biblique du mot et non dans la 
signification qu'il a ordinairement dans notre langue; 
c'est l'amour de l'argent, en général, et non la manie 
d'amasser. On trouvera cette distinction expliquée et 
justifiée dans notre sermon intitulé :,VAmi de r argent. 

Ne soient même nommées parmi votAS (Ps. XVI, 4), 
car ce sont des choses honteuses même à dire (12); 
combien plus à faire! Que la conduite des chrétiens 
doive être exempte de toutes ces souillures, c'est ce 
que saint Paul ne croit pas même nécessaire de dire; 
leurs discours mêmes doivent en être purs. « Car les 
discours, dit Théophylacte en expliquant ce verset, 
mènent aux actions ^ » Ce que l'Apôtre dit des dis- 
cours ne l'étendrons-nous pas à nos lectures? La lec- 
ture est un entretien entre l'auteur et le lecteur, 

> Hérodote (l, 138) dit en parlant des Perses : « Les choses qu'il ne 
leur est pas permis de faire^ il leur est également interdit de les dire. » 



GH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 323 

entretien muet et permanent, mais d'autant plus dan- 
gereux s'il est mauvais. Peut-être notre Apôtre en 
eût-il fait un article à part, si la lecture, au lieu d'être 
rare comme elle l'était de son temps, avait été aussi 
commune qu'elle l'est de nos jours. Un cœur droit 
saura bien y suppléer. L'impureté occupe aujour- 
d'hui dans nos écrits les plus répandus, et jusque dans 
les feuilles quotidiennes, une place considérable et 
croissante. La contemplation habituelle de telles ima- 
ges est-elle sans danger pour des cœurs tels que les 
nôtres? Convient-elle à des saints? à des jeunes gens, 
à des femmes chrétiennes, tels que les veut saint Paul 
(Tite II, 1 Tim. II, 9, 10, etc.)? Nous ne le pensons 
pas, et vous ne le pensez pas davantage vous qui 
« vous séduisez par de vains discours. > Il y a là un 
grand péril et un grand péché. Assortissez vos lec- 
tures et ne vous en permettez pas que la seule vue 
de saint Paul, entrant dans votre cabinet, eût suffi 
pour vous faire tomber des mains. 

Ni chose malhonnête , ou ni indécence. Il s'agit d'in- 
décence dans les paroles (Col. III, 8), car c'est aux 
paroles que se rapporte tout ce verset. La significa- 
tion du verbe être nommé fléchit un peu en passant 
du V. 3, où il s'applique aux actions, au v. 4, où il 
s'applique aux discours. Il faut sous-entendre les 
mots : Qu'on n'y entende au commencement du v. 4. 
Les deux mots qui suivent, et qui signifient propre- 
ment, le premier parole folle ^ le second plaisanterie, 



324 LA VIE NOUVELLE. GH. y, 3-âO. 

nous paraissent emprunter du contexte un sens plus 
déterminé, et désigner ici des discours licencieux, 
bien que cette application spéciale soit niée par Har- 
less. Du moins, s'il ne s'agit pas exclusivement de 
discours indécents, il s'agit de ceux-là principalement 
d'après ce qui précède et ce qui suit. Entre ces deux 
espèces de discours indécents, saint Jérôme voit une 
nuance qui nous paraît véritable : c'est que la première 
consiste en propos grossiers et sans esprit, la seconde 
en propos agréables et risibles, où l'esprit est mal 
employé. Les Éphésiens passaient pour être particu- 
lièrement adonnés à la plaisanterie licencieuse*. 

Mais plutôt desaclions de grâces. Quelques commen- 
tateurs n'ont pu comprendre que saint Paul ait pu 
opposer aux péchés de la langue qu'il vient de nom- 
mer un précepte aussi spécial que l'action de grâces; 
et ils ont cherché au mot que nous traduisons de la 
sorte un autre sens : les uns, celui de discours pro- 
pres à communiquer la grâce et à édifier ceux qui les 
entendent (IV, 29) ; d'autres, celui de discours agréa- 
blés ou même de plaisanterie polie et innocente! Mais le 
terme original n'est susceptible que du sens que nous 
lui avons donné. Les commentateurs qui s'en éton- 
nent ne paraissent pas avoir compris la place que 
l'action de grâces doit occuper dans la vie chrétienne, 
ni l'influence qu'elle y exerce. L'action de grâces doit 
être le caractère prédominant des discours d'un ra- 

1 Plaute, Mil. Glor., HI, i. 



GH. y^ 3-20. LA VIE NOUVELLE. 325 

cheté de Jésus-Christ, et pourvu qu'ils en soient em- 
preints, ils seront exempts de toute indécence; car 
elle serait également repoussée et par la gravité et 
par la sérénité que l'action de grâces inspire. L'action 
de grâces peut tenir lieu de tout le reste, parce qu'elle 
répond de tout le reste; voyez v. 20 et Col. II, 7; 
111,17; IV, 2; 1 Thess. V, 18, etc. 

Car vouB savez et non sachez^ comme on peut tra- 
duire encore, et comme quelques-uns l'ont fait. Rap- 
prochez 1 Cor. VI, 9; Gai. V, 21. 

Qui est un idolâtre. Le pronom relatif qui se rap- 
porte, selon Harless, à tous les substantifs qui pré-^ 
cèdent, tant ici que dans Col. III, 5, tandis que les 
autres commentateurs le rapportent seulement au 
dernier. Cette construction nous paraît admissible 
dans les deux cas, et en étendant le reproche d'ido- 
lâtrie à toutes les convoitises mentionnées dans les 
v. 3 et 5, elle fait disparaître l'une de nos objections 
contre la substitution des mots intempérance et intem^ 
pérant à ceux d'avarice et avare. On pourrait dire 
aussi, en faveur de la construction adoptée par Har- 
less, qu'on ne se serait pas attendu à voir notre Apôtre 
insister spécialement, comme il le fait selon la con- 
struction reçue, sur le caractère criminel du dernier 
péché mentionné, que ce soit l'avarice ou l'intempé- 
rance, dans un développement dont le point de départ 
et l'objet essentiel est sans contredit l'impureté. Ce- 
pendant, il faut reconnaître que cette construction 



396 LA VIE NOUVELLE. CE. V, 3-90. 

n'est pas celle qui s'offre le plus naturellement à Tes* 
prit, surtout dans le passage de Tépftre aux Golossiens. 
Si Ton adoptait la traduction intempératice et intempérani, 
nous nous déciderions pour la construction de Har- 
less; mais en maintenant la traduction avarice et avare, 
nous nous en tenons aussi à la construction ordinaire, 
le dernier péché mentionné ayant alors un caractère 
plus distinct d'avec les autres, et qui explique mieux 
une épithëte spéciale. 

De Christ et Dieu; ou, selon la version plus exacte, 
mais un peu pesante, de Lausanne 1839 : c De 
« celui qui est Christ et Dieu. » Car nous croyons, 
avecHarless, et contre Tavis d'Olshausen, que Fab- 
sence de l'article devant le mot Dieu ne peut s'ex- 
pliquer qu'en y voyant un second nom donné au 
même être qui vient d'être appelé Christ, et que 
ce passage est ainsi de ceux qui rendent témoignage 
à la déité du Seigneur. Rapprochez Tite II, 13 : 
€ l'apparition de la gloire de notre grand Dieu et 
« Seigneur Jésus-Christ » (ou c du grand Dieu et notre 
€ Sauveur Jésus-Christ » ), où la version de la com- 
pagnie de Genève, 1805, maintenue dans sa version 
nouvelle de 1835, n'a pu traduire : < du grand Dieu, 
€ et de notre Sauveur Jésus-Christ, » qu'en faisant vio- 
lence à toutes les règles du langage, sans parler du 
bon sens et du contexte qui s'opposent également à 
l'idée d'une double apparition, l'une de Dieu, l'autre 
de iésus^Christ* «^ Au reste, les mots el Dieu ne sont 



GH. V, 3-aO. LA VIE NOUVELLE. 327 

pas étrangers au but particulier de l'Àpôtre dans 
notre texte. Voulant effrayer salulairement ses lec- 
teurs par la pensée que Tesclave des convoitises char- 
nelles n'a point de part au royaume de Christ, il n'était 
pas superflu d'ajouter que qui dit Christ, dit Dieu. 
La pensée demeure la même avec une légère nuance : 
qui dit royaume de Christ, dit royaume de Dieu, — 
si Ton traduit, avec Olshausen, « le royaume de 
c Christ et de Dieu. > Mais cette traduction ne nous 
parait pas justifiable. 

Par de vains discours. Littéralement des discours 
vides; sans vérité et sans utilité, faux et nuisibles. Il 
ne s'agit pas ici des maximes qui régnaient chez les 
païens (Rom. I, 32), et dont les chrétiens étaient mis 
à l'abri par leur profession ; mais des sentiments re- 
lâchés qui pouvaient se glisser chez des membres de 
l'Église chrétienne, soit qu'ils se c fissent de la li- 
« berté » chrétienne, mal entendue, c un prétexte pour 
€ mal faire » (1 Pierre II, 16 ; Jacques II, 14), soit 
qu'une longue habitude des péchés de la chair avant 
leur coifversion eût endurci leur conscience, soit 
enfin qu'ils prétendissent les excuser par la facilité 
avec laquelle la nature corrompue s'y laisse en- 
traîner. Le monde, païen ou chrétien, n'a jamais 
manqué de tolérance pour des égarements si communs 
que chacun presque a besoin de les justifier chez au- 
trui pour les justifier chez lui-même. Mais ses maxi- 
mes sur cette honteuse matière ne prouvent qu'une 



328 LA VIE NODVBIXB. CH. V, 3-20. 

chose, là profondeur et T étendue du niai ; et ces maxi- 
mes, démenties par la conscience de ceux qui les 
soutiennent, sont pires que les actions elles-mêmes, 
selon celte pensée profonde de notre Apôtre que nous 
venons de rappeler (Rom. I, 32). Il va sans dire qu'il 
ne faut pas confondre la séduction ici mentionnée 
avec cette autre séduction, contre laquelle saint Paul 
prémunit, dans Col. II, 8, des chrétiens rigoristes et 
superstitieux. L'une est une séduction de relâchement, 
qui abuse de la liberté chrétienne; l'autre, une sé- 
duction d'étroitesse, qui n'en use pas. Au reste, quoi- 
que la seconde soit assurément plus respectable que 
la première, elles éloignent également de la vraie 
sainteté; et même, toutes contraires qu'elles sont en 
principe, elles se touchent souvent dans la pratique et 
s'associent quelquefois. 

0€stpour ces choses que la colère de Dieu vient sur les 
fils de la rébellion. Par une opposition directe au ju- 
gement du monde, les péchés de la chair sont parti- 
culièrement abominables devant Dieu. Tout péché 
excite sa colère; mais cette classe de péclïés l'excite 
d'une façon spéciale, et c'est elle surtout qui a fait des 
païens « des enfants de colère » (Éph. II, 3). La même 
pensée est exprimée dans 2 Pierre II, 10, où l'Apôtre 
ayant à nommer les deux classes de pécheurs les plus 
dignes du châtiment de Dieu, désigne d'abord les in- 
continents, et puis les séditieux. Que dira le mondé 
du choix de la première classe, et notre siècle de 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 329 

celui de la seconde? Saint Paul donna une raison pro- 
fonde de la haine particulière de Dieu pour l'impu- 
reté. C'est qu'il n'est point de péché où la personna- 
lité de l'homme soit plus engagée. « Fuyez la fornica- 
« tion. Tout péché que fait up homme est hors du 
€ corps; mais celui qui commet fornication pèche con- 
€ tre son propre corps > (1 Cor. VI, 18). Le péché de 
l'impureté obtient partout dans la Parole de Dieu une 
honteuse priorité. C'est le premier qui paraît dans 
le monde à la suite de la chute (Gen. III, 7). C'est 
encore le premier fruit de cette autre chute que fait 
le monde en étouffant les lumières qui lui sont de- 
meurées (Rom. I, 21-24), c'est enfin le trait dominant 
de ce hideux tableau que le Saint-Esprit trace de la 
nature humaine sous l'empire du paganisme. 

Rapprochez Col. III, 6. La colère de Dieu dont il 
est ici parlé est sa colère présente et à venir tout en- 
semble. Elle commence à se déclarer dès cette vie 
(Rom. I, 18 et suiv.), en attendant qu'elle achève de 
se déployer dans l'autre (1 Thess. I, 10). Le royaume 
de Dieu, au v. 6, doit être également entendu dans 
cette double acception qui embrasse l'existence tout 
entière de l'homme. 

N'ayez point de part avec eux{^ Cor. VI, 14). 

Vous étiez autrefois ténèbres^ mai$ à présent vou$ êtes 
lumière : Tel est le changement qui s'est accompli en 
eux (2 Cor. V, 17). Cela est beaucoup plus fort que 
s'il eût dit : Dans les ténèbres, et dans la lumière. 



330 LA VIE NOUVELLE. CH. V, 3-20. 

Nous verrons plus bas le parti que tire TApôtre de 
ce que les chrétiens sont devenus eux-mêmes une lu- 
mière, sous l'influence de la lumière de Christ. 

Dans le Seigneur. Voyez notre remarque sur IV, 1 . 

Comme des enfants ie lumière. Voyez notre remar- 
que sur les mots fils de la rébellion^ II, 2. Le beau titre 
que saint Paul donne ici aux chrétiens marque qu'une 
étroite relation les unit à la lumière, et que cette 
relation a de l'analogie avec celle d'un enfant avec 
son père. Issus de la lumière, ils participent à la 
lumière, comme ils participent à la nature divine 
parce qu'ils sont nés de Dieu. 

Car le fruit de l'Esprit^ est en toute bonté y justice 
et vérité; ces versets forment une parenthèse, et le 
participe éprouvant par lequel commence le v. 10 fait 
suite à l'impératif marchez du v. 8. Marchez comme 
des enfants de lumière, éprouvant, etc. Voyez une 
construction semblable 2 Cor. X, 4; VIII, 9. La 
conjonction car tient à une idée sous-entendue : Mar- 
chez comme des enfants de lumière (et alors vous ne 
ferez rien de semblable à ce que font ces païens), car 
le fruit de l'Esprit, etc. On rendrait exactement la 
pensée dans notre langue en substituant or à car ; 
€ Or, le fruit de l'Esprit, etc. i Un certain nombre de 
manuscrits lisent de la lumière au lieu de de l'Esprit, 
ainsi que quelques versions et quelques Pères; et 
cette leçon a été substituée par les critiques allemands 
à l'ancienne, que nous avons retenue. Les arguments 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 331 

externes se balancent à peu près; et l'argument in- 
terne, par lequel il faut dès lors se décider, nous pa- 
rait en faveur du texte reçu. On a pu facilement, 
disent Harless et Olshausen, remplacer lumièt^e par 
Esprit, pour se mettre mieux d'accord avec Gai. V, 
22. Mais il nous semble que l'on a pu, plus facilement 
encore, remplacer Esprit par lumière, pour se mettre 
mieux d'accord avec les versets qui précèdent le nôtre 
ou qui le suivent, et donner à tout ce passage un tour 
plus symétrique. Cette réflexion nous est fournie par 
un critique anglais Bloomfield, qui hésite plus que les 
Allemands à s'écarter du texte reçu, et qui nous pa- 
raît avoir quelquefois raison contre eux. Par une rai- 
son semblable, il conserve, dans le v. 5 de notre 
chapitre, une ancienne leçon que les critiques alle- 
mands ont changée ; mais nous n'avons pas indiqué 
cette différence, qui, n'influant pas sur le sens, n'est 
pas sensible en français. On comprend d'autant mieux 
que la phrase incidente qui nous occupe ne soit pas 
exactement symétrique avec le contexte, qu'elle s'en 
détache, pour la forme, et pour le fond. Pour la 
forme : car elle fait une parenthèse. Pour le fond : 
car elle exprime une pensée générale, qui nous 
reporte au v. 24 du chapitre précédent, et qui s'ap- 
plique aussi bien aux obligations de la justice qu'à 
celles de la sainteté. 

Remarquez que le mot bonté dans notre verset ne 
répond pas au même terme grec que dans Col. in, 



333 LA VIE NOUVELLE. GH. V^ 3-20. 

12 (Éph. IV, 32). 'Là, il signifie la bonté du cœur; 
ici, la bonté naorale, en sorte qu'il esta peu près sy- 
nonyme du mot sainielé. Le même mot est employé 
dans le même sens dans Rom. XV, 14; 2 Thess. I, 
11 et Gai. V, 22, où il est distingué d'avec cette 
autre bonté^ mais où nos versions l'ont rendu assez 
mal à propos par bénignité. 

Éprouvant ce qui est agréable au Seigneur. Le chré- 
tien doit faire cette épreuve (Rom. XII, 2; 1 Thess. 
V, 20), et il le peut, ayant une règle exacte dans la 
Parole de Dieu (Rom. II, 18); et une autre règle, que 
saint Paul vient d'indiquer au v. 9, dans son sens 
moral exercé par cette Parole et par T expérience de 
la vie de Dieu. — Rapprochez l'exhortation de notre 
Apôtre aux Philippiens (I, 10, où il faut traduire, 
ainsi que dans Rom. Il, 18, « les choses qui dififè- 
« rent, i les différences, ce qui est bien et ce qui est 
mal, ce qui est vrai et ce qui est faux). 

Ne vous associez point aux œuvres infructueuses des 
ténèbres, mais plutôt reprenez^les. L'épithète infruc-^ 
tueuse^ choisie pour faire contraste avec le fruit de l'Es- 
prit (ou de la lumière) dont l'Apôtre a parlé au v. 9, 
emprunte de cette opposition un sens particulier. Elle 
ne signifie pas qui ne produit aucun fruil^ car, dans 
ce sens, c'est aux ténèbres (la cause) et non aux œu- 
vres de ténèbres (l'effet) qu'elle pourrait s'appliquer; 
mais elle signifie qui ne renferme aucun fruits qui n'a 
rien de ce qui constitue le fruit, rien de bon et de 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 333 

désirable. Il va sans dire que le mot fruit n'est pris 
ici que dans son acception favorable. Il en a aussi 
une contraire (Matth. VII, 17), d'après laquelle c les 
œuvres des ténèbres i pourraient être appelées du 
fruity mais un mauvais fruit d'un mauvais arbre. 

L'obligation générale imposée aux chrétiens, dans 
le V. 7, est reprise ici et subdivisée en deux obliga- 
tions, l'une passive, l'autre active. La première con- 
siste à 8*abstenir pour son propre compte des convoi- 
tises de la chair ; la seconde à les combattre chez lui. 
Le vrai chrétien ne veut pas seulement observer la loi 
de Dieu, mais encore la faire observer. Ce n'est pas 
la charité seule qui Vy oblige; il le doit à la sainteté 
elle-même. Ne tenir à la sainteté que pour nous, c'est 
ne pas l'aimer en soi et comme Dieu l'aime; ou plu- 
tôt, c'est n'en aimer que les avantages et non pas 
l'aimer elle-même. 

Reprenez-les. Le mot grec que nous rendons de la 
sorte n'a pas d'équivalent parfait dans notre* langue. 
Il réunit en soi deux idées : manifester^ et reprendre; 
et comme c'est tantôt l'une, tantôt l'autre qui prédo- 
mine, on devra le traduire, tantôt par l'un de ces 
deux verbes, tantôt par l'autre. C'est le mot employé, 
dans Jean III, 20; mais au v. 21, le mot manifester y 
est substitué. C'est encore le mot employé dans 
Jean XVI, 8, où on l'a traduit par convaincre; et où 
l'on ne peut guère le rendre autrement; seulement il 
faut se rappeler que la conviction dont il s'agit ici 



334 LA VIS NOUVELLE. GH. V^ 3-M. 

renferme implicitement une idée de reproche. La 
pensée de saint Paul dans notre verset est celle-ci : 
Faites ressortir ce qu'il y a de mal dans la conduite 
de ceux qui vous entourent. Cela doit se faire par 
tous les moyens que Dieu mettra à la portée des lec- 
teurs de saint Paul ; mais essentiellement par la sain- 
teté de leur vie qui fera contraste avec la vie païenne» 
comme la lumière avec les ténèbres. — L'obligation 
faite ici au chrétien de combattre directement le mal 
qui est dans le monde est importante à remarquer. 
Comme elle coûte beaucoup à pratiquer, on s'en dis- 
pense volontiers ; et l'on croit avoir pour cela de 
raisons d'autant plus spécieuses qu'elles ont un faux 
air d'humilité. Le chrétien est un homme de résis- 
tance. Il nous semble que l'oubli de ce devoir est 
l'un des traits auxquels on reconnaît dans l'histoire 
de l'Église les personnes et les sociétés qui ont saisi 
l'Évangile sincèrement, mais imparfaitement : par 
exemple les catholiques-romains pieux, les jansénistes 
mêmes ; et dans l'Église protestante, les mystiques. 
Car les choses qui se font par eux en secret ^ il est hon- 
teux même de les dire. La liaison de ce verset avec le 
précédent, indiquée par la préposition car^ a embar- 
rassé les commentateurs. Harless suppose que le 
V. 12 correspond à la première exhortation du v. H, 
et le V. 13 à la seconde, c Ne vous associez point aux 
€ œuvres de ténèbres, — car elles sont honteuses 
€ même à dire ; mais reprenez-les, — car toutes ces 



GH. y^ 3-20. LA TIE NOUVELLE. 33S 

« choses étant reprises par la lumière sont manifes- 
€ tées. » Cette division symétrique, qui est fort dans 
le goût de ce commentateur (voyez nos notes sur 
II, 14, 15 et sur IV, 18), nous paraît, comme à 
Olshausen, qui admet pourtant une construction ana- 
logue dans IV, 18, trop ingénieuse pour convenir à 
la simplicité de notre Apôtre. Nous aimons mieux dire 
que le V. 12 explique pourquoi le chrétien doit rom- 
pre avec les œuvres de la vie païenne; et que le v.l3 
l'assure que sa fidélité ne sera pas inutile au monde 
qui Tentoure. — Les œuvres des païens sont si mau- 
vaises qu'on ne saurait trop s'en séparer, ni trop les 
reprendre (v. 12) ; mais quelque mauvaises qu'elles 
soient, elles ne sauraient résister à l'influence sancti- 
fiante des enfants de Dieu (v. 13). 

n eH honteux même de les dire. — (Voyez v. 3, et la 
note). Quelqu'un a demandé : Mais si l'on ne doit pas 
les dire, comment les reprendra-t-on? Nous répon- 
dons, d'abord, que c'est plus encore par ses œuvres 
que par ses discours que le chrétien doit les repren- 
dre, ainsi que nous l'avons expliqué ci-dessus ; en- 
suite, qu'autre chose est de parler des péchés des 
païens, par légèreté, par tolérance ou par curiosité, 
autre chose est d'en parler pour les faire cesser. 
Assurément saint Paul lui-même n'a pas manqué à 
la pudeur qu'il prescrit dans le v. 12, en écrivant 
les V. 3 et 4 de ce chapitre, ni même en écrivant le 
chapitre I de son épître aux Romains. Il y a une ré- 



336 LA VIE NOUVELLE. GH. V^ 3-20. 

serve sainte, et une liberté sainte, qui se concilient à 
merveille. 

Mais toutes ces choses^ étant reprises par la lumière^ 
sont manifestées. On peut traduire aussi, avec Harless 
et Olshausen : c étant reprises, sont manifestées par 
c la lumière, p sans que le sens en soit aucunement 
changé. Quand les péchés des païens sont mis en 
présence de TÉvangile et de la vie de ceux qui Font 
reçu, ils se montrent, pour la première fois, tels 
qu'ils sont, criminels, odieux, inexcusables*. En 
approchant des ténèbres, la lumière les a dissipées. 
.Telle est la nature de la lumière qu'elle ne saurait 
se trouver à côté des ténèbres sans les pénétrer et 
les absorber, et les transforme en sa propre sub- 
stance. Le seul contraste de la lumière avec les ténè- 
bres est déjà la victoire de celle-là sur celles-ci. Belle 
image de ce qui se passe dans le monde moral. La 
sainteté évangélique ne peut être mise en contact 
avec la corruption naturelle, qu'elle ne la fasse appa- 
raître dans son vrai jour et ne la traverse, si Ton peut 
ainsi dire, de part en part. Mais cette vue du péché, 
c'est déjà la sainteté, puisque < c'est être intelligent 
c que de haïr le mal i (Job XXVIII, 28), et qu'il suffit 
d'avoir appris à dire : < Mon Dieu, sois apaisé envers 
€ moi, pécheur, » pour c s'en retourner justifié dans 
€ sa maison, i Que le chrétien ne se laisse donc pas 

> Plutarque : « Réjoaissons-noua de ceux qui nous reprennent; car ils 
ne nous affligent que poar nous réveiller. » 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 337 

abattre par la pensée qu'il lutterait vainement contré 
les ténèbres du monde. Il n'a qu'à les reprendre par 
la lumière qui est en lui ; et les ténèbres perdront leur 
caractère et seront transformées elles-mêmes en lu- 
mière. S'il se contente de s'abstenir du mal pour son 
compte, il sera bien, lui^ dans la lumière; mais les 
ténèbres qui sont autour de lui demeureront ténèbres, 
comme celles de l'Egypte autour des maisons d'Is- 
raël (Ex. X, 22, 23). Mais s'il porte sa lumière dans 
les ténèbres du monde (Matth. V, 16), il les dissipera 
et les absorbera; et, vrai imitateur de Dieu, il con- 
traindra le Gentil à lui parler comme le Psalmiste parle 
à Dieu : € Si je dis : Les ténèbres au moins me cou- 
€ vriront, — la nuit même sera une lumière tout au- 
€ tour de moi; même les ténèbres ne me cacheront 
€ poiat à ^oi ; la nuit resplendira comme le jour et 
€ les ténèbres comme la lumière i (Ps. CXXXIX, 
H, 12). Merveilleuse vertu de l'Évangile dans le 
monde ! Victoire assurée à la sainteté sur le péché, 
nonnseulement au-dedans de nous, mais au dehors ! 
Sans doute on peut se soustraire à cette influence 
salutaire, si on le veut absolument; mais c'est en 
fermant son cœur, pour n'être pas guéri (Matth. 
Xin, 15). Les ténèbres, une fois mises en contact 
avec la lumière, ne peuvent demeurer ténèbres, ou, 
pour parler plus exactement, ne peuvent redevenir 
ténèbres qu'à la condition de reculer devant elle et de 

chercher un lieu où elle n'est pas (Jean m, 20) ; ce 

22 



338 LA TI£ NOUVELLE. GH. Y^ 3-20. 

qui est une autre manière de reconnaître sa victoire, 
en lui cédant le champ de bataille. 

Car tout ce qui est manifesté est lumière. Ces paroles 
se trouvent déjà expliquées par ce qui précède. Tout 
ce qui est mis en lumière par la lumière devient, 
plus encore, est déjà, ipso facio^ lumière à son tour. 
C'est la doctrine même que nous venons de déve- 
lopper pour expliquer le commencement de notre 
verset ; car les deux parties en sont si étroitement 
unies qu'on ne peut les séparer. La première suppose 
la seconde ; ce ne sont que les deux feces d'une même 
pensée. Les chrétiens auxquels saint Paul écrit sont 
eux-mêmes une preuve vivante de la vérité qu'il ex- 
prime, c Ils étaient autrefois ténèbres, » mais, le Sei- 
gneur ayant fait luire sa lumière sur eux, c ils sont à 
« présent lumière. » Qu'ils fassent pour les Gentils 
inconvertis ce que Jésus-Christ a fait pour eux; et 
par leur lumière, ces Gentils, à leur tour, de ténèbres 
qu'ils sont deviendront lumière; après quoi ils pour- 
ront faire auprès d'autres Gentils le même office de 
sainteté et de charité,, et ainsi en continuant jusqu'à la 
fin des siècles et jusqu'aux extrémités du monde. La 
maxime que nous avons sous les yeux est le fonde- 
ment et l'espérance des missions. Il y a quelque ana- 
logie entre cette pensée, et cette autre pensée qui est 
exprimée par le Seigneur (Jean VII, 37, 38). Le 
croyant, en s'approchant du Seigneur, n'étanche pas 
seulenaent sa propre soif (37), mais il devient capable 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 339 

d'étancher celle de ses semblables (38). En buvant à 
cette source, il devient source lui-même ; comme on 
devient lumière, en s'éclairant de cette lumière. 

Cette dernière pensée serait mise encore plus en 
saillie, si Ton supposait une ellipse entre les deux 
parties de notre verset, et qu'on expliquât la conjonc- 
tion car à peu près comme nous l'avons fait dans le 
V. 9 : € Toutes ces choses, étant reprises par la lu- 
€ mière, sont manifestées (et cela est un grand bien), 
« car tout ce qui est manifesté est lumière, i On pour- 
rait traduire alors : t Toutes ces choses, etc., sont 
€ manifestées; or, tout ce qui est manifesté est lu- 
« mière. i Cette explication s'écarte peu, au fond, de 
celle que nous avons développée, et qui a été suivie 
par Harless. 

Bloomfîeld explique autrement la fin de notre ver- 
set. Il voit un verbe réfléchi où nous voyons un verbe 
passif, et commente en ces termes la pensée de l'A- 
pôtre : € Ce qui se manifeste au monde et ne cherche 
qu'à se montrer, comme le peut faire hardiment la 
vie des vrais chrétiens (Matth. V, 14), c'est la vraie 
lumière, laquelle est capable de découvrir les ténèbres 
par le contraste. > Mais nous ne voyons pas comment 
cette maxime, assez insignifiante en soi, explique le 
commencement de notre verset, auquel la fin doit 
servir d'appui, d'après la conjonction car: sans comp- 
ter qu'on n'a aucune raison pour prêter le sens réflé- 
chi à un verbe qui a évidemment le sens passif dans 



340 LA VIB NOUVELLE. CH. V, 3-20. 

là première moitié du verset. On en a moins encore 
pour lui prêter le sens actif, comme le font nos ver- 
sions reçues : t la lumière est ce qui manifeste tout, » 
et ce n'est pas la seule raison grammaticale qui rend 
cette traduction absolument et évidemment inadmis- 
sible. On ne peut l'expliquer que par l'embarras où 
se sont trouvés les traducteurs, faute d'avoir compris 
l'original. La version anglaise a commis la même 
erreur avec une légère nuance : c Tout ce qui ma- 
€ nifeste, est lumière. » Celle de Luther en a été 
préservée. 

C'est pourquoi il est dit : Réveille-toi^ toi qui dors^ et 
ie relève d'entre les morts^ et Christ reluira sur toi. Ceci 
termine l'exhortation que l'Apôtre vient d'adresser 
aux enfants de lumière, pour les porter à faire luire 
leur lumière devant le monde païen (8-14). Le chré- 
tien qui ne se sépare pas nettement des œuvres des 
ténèbres, et en s'en abstenant et en les reprenant, se 
confond en quelque sorte avec les Gentils qui l'en- 
tourent. Il est vrai qu'il y a en lui un principe spiri- 
tuel qui n'est pas en eux ; mais ce principe ne peut 
être discerné des hommes tant qu'il ne se montre pas 
mieux dans la conduite. Un tel chrétien est comparé 
par l'Apôtre à un homme qui dort au milieu des^ 
morts. Bien que sa condition diffère essentiellement 
de la leur, puisqu'il a seul la vie qui manque aux au- 
tres , cette différence demeure inaperçue tant qu'il 
demeure couché et endormi, et ne se découvre que 



1 



CH.V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 341 

lorsqu'il se réveille et qu'il se lève; ou, pour suivre de 
plus près l'image développée par l'Apôtre, l'endormi 
est privé de la lumière aussi bien que le mort, jus- 
qu'au moment qu'il se réveille et se lève; alors seu- 
lement, la lumière du soleil, à laquelle les yeux des 
autres demeurent fermés, reluit sur lui. Qu'ainsi le 
chrétien secoue toute ressemblance avec le monde 
païen qui l'entoure; alors * Christ reluira sur lui, » 
et par cette lumière de Christ, il pourra remplir au 
milieu du monde qui l'environne la belle tâche que 
l'Apôtre vient de lui tracer. La conjonction cest 
pourquoi se rapporte, non au v. 13 seulement, mais 
à tout le développement qui précède, et surtout au 
V. 11. 

Reste à savoir à quel endroit de l'Ancien Tes- 
tament saint Paul a emprunté cette citation. Nous 
disons de l'Ancien Testament, car comment ad- 
mettre, avec quelques commentateurs, qu'il l'ait 
prise ailleurs, ou dans un ancien cantique, ou dans 
un livre apocryphe, ou dans un livre canonique qui 
se serait perdu? Harless et Olshausen ont fait justice 
de ces suppositions et elles se réfutent d'elles-mêmes 
pour le commentateur chrétien. Cependant, les pa- 
roles citées par PApôtre ne se trouvent nulle part tex- 
tuellement dans l'Ancien Testament. Nous pensoi^, 
avec les deux commentateurs que nous venons de 
nommer, que c'est ici l'un de ces cas où les auteurs 
du Nouveau Testament ont cité l'Ancien, non d'après 



34:2 LA VIE NOUVELLE. CE. V, 3-20. 

les mots du texte, mais d'après le fond de la pensée*, 
et que le passage auquel notre Apôtre a fait allusion 
est Êsaïe LX, 1-3. Là, le prophète qui, dans le cha- 
pitre précédent, a comparé les enfants d'Israël à des 
hommes privés de la lumière (9) et même de la 
vie (10), exhorte ce peuple à se lever parce que sa 
lumière est venue (1). Tout autour de lui les ténèbres 
couvrent les peuples ; mais le Seigneur va se lever 
sur lui (2), et alors les nations (les Gentils) marche- 
ront à la lumière d'Israël (3). Saint Paul applique 
cette prophétie à TËglise et substitue au langage de 
la prédiction celui de l'accomplissement. Il faut que 
le croyant, longtemps confondu par un lâche som- 
meil avec les morts qui l'entourent, se réveille et se 
lève du milieu d'eux; Jésus-Christ reluira sur lui et 
fera paraître à tous les yeux la différence qui est entre 
les Gentils et lui ; mais ce sera pour qu'il fasse luire 
sur eux la lumière qu'il a reçue du Seigneur, et que 
par cette lumière il change en lumière leurs ténèbres. 
Ainsi l'entendent Harless, Olshausen, Gerlach, Bloom- 
field, etc. On pourrait supposer, au reste, que tout 
en faisant plus spécialement allusion au passage d'É- 
saïe que nous venons de rappeler, l'Apôtre avait 
encore présents à l'esprit d'autres endroits de l'An- 
cien Testament où des idées analogues sont présen- 
tées, tels que Es. IX, 1; XXVI, 19; LU, 1, 2; 

< Nous en avons un bel exemple Rom. X^ 6 et suivants. 



-CH. V, 3-20. LA. VIE NOUVELLE. 343 

Jon. I, 6; Ps. XIII, 4; mais cela n'est pas nécessaire. 

Pour le fond de T exhortation renfermée dans les 
y. 8-14, il est intéressant de rapprocher Rom. XIII, 
11-14 et IThess.V, 5-8. 

Prenez donc garde. Littéralement regardez (Luc VIII, 
18; Col. IV, 17). Puisque telle est votre tâche dans 
le monde, vous avez besoin d'une circonspection ex- 
trême dans toute votre conduite. L'Apôtre reprend 
ici et développe l'exhortation contenue dans le v. 10, 
mais la reprend avec un nouveau degré d'insistance 
après les considérations sérieuses et pressantes qui 
•ont fait l'objet des v. 11-14- 

Comment vous marchez exactement. Ce que cette lo- 
cution a d'étrange existe également dans l'original. 
Elle doit s'expliquer par une ellipse; l'Apôtre réu- 
nit dans une seule proposition ces deux pensées : 
Prenez garde comment vous marchez, et prenez garde 
que vous marchiez exactement. Exactement : point de 
caprice ni de laisser aller. Ayez une règle exacte et 
conformez-vous exactement à cette règle. Le chrétien 
doit être un homme exact; maître de soi, modéré, et 
il importe qu'il en ait la réputation, surtout dans ses 
rapports avec le monde. Cette excentricité à laquelle 
quelques-uns s'abandonnent peut plaire une fois, mais 
* la longue elle compromet tout. Aussi bien, elle 
provient de l'esprit naturel et non de l'Esprit de Dieu. 
H y a plus de simplicité véritable, et aussi plus de 
piuissance réelle, dans une marche réglée, mesurée. 



^,3^4 LA VIE NOUVELLE. CH. V, 3-20. 

ferme et conséquente avec elle-même. C'est Teau qui 
use le rocher. 

Non m imprudents (littéralement sans sagesse), mais 
en sages. L'Apôtre présente l'exhortation par le cpté 
négatif et par le côté positif tout ensemble, pour en 
faire mieux ressortir l'importance, comme dans le 
V. 17. Rapprochez Col. IV, 5, qui achève la pensée : 
€ marchez en sagesse envers ceux du dehors, i 

Achetant l'occasion; nous traduisons achetant au lieu 
de rachetant^ parce que la nuance indiquée dans notre 

; langue par la particule ne dans les verbes composés, 
ne se trouve pas dans Toriginal ; le verbe employé 

.par saint Paul signifie acheter avec empressement, 
mais non acheter de nouveau. 

Nous traduisons encore occasion au lieu de temps^ 
parce que la langue grecque a deux mots bien dis- 
tincts correspondant à notre mot temps, et dont Fun 

, exprime la dwr^e (comme Marc IX, 21, etc.) et l'autre 
Yopportunité (comme 2 Cor. VI, 2, etc.), et que c'est 
le second dont saint Paul se sert en cet endroit. Il 
.suffit d'avoir ainsi rétabli le sens des mots pour écar- 
ter l'explication qu'on donne ordinairement de ce 
passage : Employez bien le temps ou : Regagnez le 
temps perdu. Le texte original n'est pas susceptible 
de cette traduction, sans compter que cette exhorta- 
tion serait ici peu à sa place et qu'elle aurait dû être 
,motivée par la brièveté du temps, et non, comme elle 
Test^.çjiez l'jApôtre ,. par le capwtère de l'^poQue- 



i CH. V, 3-20. LA TIE NOUVELLE. 345 

D'autres ont traduit : « Prêtez-vous aux circonstan- 
ces, D c'est-à-dire usez de précaution et gagnez du 
temps pour échapper à la persécution. Mais cette tra- 
duction ne s'accorde pas mieux que la première, ni 
avec la phrase grecque, ni avec le contexte. La seule 
explication qui se puisse défendre est celle qui a été 
adoptée par Harless,01shausen, Gerlach, etc. : Saisis- 
sez avidement l'occasion de faire du bien au monde 
qui vous entoure, comme un homme qui trouve un 
objet en vente à sa convenance s'empresse de l'ache- 
ter de peur qu'un autre ne le prévienne (Prov. XX, 
14). Le passage parallèle de l'épître aux Colossiens, 
dont nous avons déjà cité le commencement, achève 
de justifier cette interprétation : « Marchez en sa- 
« gesse envers ceux du dehors, achetant l'occasion. » 
Rapprochez ce mot de l'empereur Antonin cité par 
Harless : « On doit mettre à profit (littéralement ga- 
gner) le présent; i> et cette maxime d'un ancien sage 
de l'antiquité, Libanius {Epist. 627) : « J'estime que 
le i^ge doit mettre l'occasion à profit pour n'avoir 
pas à la regretter quand elle sera passée. » Ces der- 
niers mots se rapportent assez bien à l'argument 
de saint Paul : parce que les jours sont mauvais. On 
peut entendre par là soit l'époque particulière à la- 
• quelle écrivait l'Apôtre, soit le présent siècle en gé- 
^ïiéral{Gal. I, 4; Ps. XLIX, 6). Dans un tel monde let 
x;|llus-£pécialement à une telle époque, on doitsâtiâir 
d'autant plus avidement l'occasion de bien fafte. 



346 LA VIE NOUYBUE. GH. Y^ 3<-20. 

qu'elle s'offre rarement, et qu'ayant été une fois man- 
quée, elle pourrait ne pas se représenter. Aisément 
les jours mauvais nous découragent. Saint Paul veut 
qu'ils nous excitent à redoubler de vigilance. Ainsi le 
négociant habile ne laisse échapper aucune occasion 
favorable à l'accroissement de sa fortune quand les 
temps sont difficiles; et l'agriculteur prudent est dou- 
blement soigneux de mettre à profit les beaux jours, 
quand la saison est mauvaise. La pensée de l'Apôtre 
est analogue à celle de TEcclésiaste IX, 10. Au reste, 
l'expression « acheter l'occasion, > paraît empruntée 
de Daniel II, 8 (où gagner du temps ne rend pas exac- 
tement l'original; il s'agit de gagner V occasion, c'est- 
à-dire attendre une circonstance favorable pour se 
tirer d'embarras), et l'expression « les jours sont 
<c mauvais, » de Amos V, 13. On ne saurait trop re- 
marquer combien le Nouveau Testament est rempli 
de l'Ancien. 

C'est pourquoi ne soyez pas sans intelligence. Nous 
avons expliqué, dans notre note sur I, 8, cominent 
l'intelligence se rapporte à la sagesse. Pour parvenir 
à une conduite sage, il faut commencer par avoir un 
esprit intelligent. < Ne soyez pas comme le cheval ou 
« le mulet, sans intelligence » (Ps. XXXII, 9). Au 
.reste, le sens propre du mot que nous rendons par 
sans inteUigmce nous parait être irréfléchi; c'est le 
même mot qui est employé dans 1 Cor. XV, 36. La 
réflexipn est le chemin de la sagesse. 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 317 

Mais comprenant quelle est la volonté du Seignmr. 
La vraie sagesse étant Paccomplissement de la volonté 
de Dieu (Ps. CXI, 10), la vraie intelligence consiste à 
la discerner (Ps. CXLIII, 8, 10; Rora. XII, 2); dis- 
cernement souvent délicat et difficile (Rom. II, 18; 
Phil. I, 9). Rapprochez le v. 10 de notre chapitre. 
Telle est la corruption de notre nature que nous fai- 
sons le mal dès que nous < marchons après nos pen- 
« sées » (Es. LXV, 3), et que nous « suivons nos voies 
« et trouvons notre volonté » (Es. LVIII, 13). 

Ne vous enivrez pas de vin. Les commentateurs s'é- 
tonnent de trouver cette recommandation à cette 
place; une recommandation qui semble interrompre 
le cours des pensées développées dans les V. 15-20, 
pour nous ramener brusquement au sujet traité dans 
les V. 3-5, et nous y ramener par un trait si spécial 
et si vif. Harless et Olshausen pensent, sinon lever, 
du moins diminuer la difficulté en faisant remarquer 
que le mot rendu par avarice dans le v. 3, peut avoir 
la signification d'intempérance; et le v. 18 est ainsi, 
selon eux, une raison presque décisive pour donner 
la préférence à cette traduction nouvelle du v. 3. 
Gela ne nous satisfait pas, et voici comment nous 
croyons devoir expliquer la mention de l'ivresse au 
v. 18. L* Apôtre n*a pas eu proprement en vue de 
détourner ses lecteurs deTivresse; mais il .a nommé 
subsidiairement et en passant^ Tivresse ignoble que 
produit le vin, pour mettre en contraste avec elle cette 



348 LA VIE NOUVELLE. CH. V, 3-20. 

espèce d'ivresse pure et élevée que produit le Saint- 
Esprit ; comme s'il eût dit : « Et, au lieu de ' vous 
remplir de vin, comme ces païens, soyez remplis de 
TEsprit de Dieu. » L'abus du vin, ne figurant alors 
que pour relever le don du Saint-Esprit, serait à sa 
place dans tous les cas*; mais cette opposition avait 
quelque chose de plus naturel et de plus frappant 
qu'ailleurs, dans un endroit où l'Apôtre venait d'ex- 
horter les Éphésiens à se séparer des convoitises char- 
nelles des païens*. 

On découvre des traces de la grandeur première de 
notre nature jusque dans ses égarements les plus dé- 
plorables. Comme il y a au fond de l'impureté l'abus 
du besoin d'aimer, il y au fond de l'ivrognerie l'abus 
d'un certain besoin d'ardeur et d'enthousiasme, qui 
est naturel, noble même, en soi ; et ce même besoin 
explique en partie le goût des lectures . et des spec- 
tacles qui remuent fortement l'esprit. L'homme veut 
se sentir vivre; il vivrait double, s'il le pouvait; et 
il aime mieux être remué par des choses horribles 
que de n'être pas remué du tout. Mais ces moyens 
factices et charnels trompent le besoin de vie, et ne 



* Philoo^ Vit. Mos, : « Étant ivres, non de Tivresse que produit le 
vin, mais de celle qui va avec la sobriété. » 

* Le rapport du v. 18 avec ce qui précède pourrait être expliqué en- 
core de cette antre manière : Vidée de vigilance aurait conduit l^A- 
pôtre à celle de sobriété; et à cette dernière idée se serait rfittaç^ée 
celle ététre rempli du Saint-Esprit, par opposition à l'ivresse que pro- 
duit le vin. Ce serait à pec^ près le même ordre d'idées que nous re- 
trouvons dans 1 Thess. V, 5-7. 



GH. Y; 3-20. LA YIE NOUYELLE. 349 

le satisfont pas ; et, sans parler de ce qu'ils ont de 
contraire à la loi de Dieu, ils n'élèvent un moment 
l'esprit de l'homme au-dessus des réalités tristes ou 
froides de la vie présente que pour le laisser bientôt 
retomber au-dessous (plus bas qu'avant) ; c'est une 
excitation criminelle et passagère, que suit un plus 
grand affaissement, La foi seule satisfait ce besoin 
purement, salutairement et constamment ; elle le sa- 
tisfait surtout par le don du Saint-Esprit. Comme elle 
substitue à l'amour charnel un amour saint, elle sub- 
stitue, à rivresse des sens l'ivresse spirituelle. Entre 
ces deux ivresses, il y a une certaine analogie dans 
les apparences, comme l'indique la terminologie 
commune appliquée à l'une et à l'autre, dans tou- 
tes les langues, et dans celle même de l'Écriture 
(Ps. XXXVI, 8): < Us seront enivrés (traduction litté- 
rale, et suivie par les Septante ; saint Paul a pu avoir 
cet endroit devant les yeux) ils seront enivrés de la 
< graisse de ta maison, et tu les abreuveras du fleuve 
« de tes délices. > Voyez encore Gant. V, 1, etc. ; Es. 
LV, 1, (après la promesse du Saint-Esprit, LIV, 13, 
expliqué par Jean, VI, 44). Aussi, quand les Apôtres 
sont pour la première fois c remplis du Saint-Esprit, » 
(Actes, II, 4), les prend-on pour des gens ivres (13), 
jusqu'à ce que saint Pierre ait expliqué qu'ils ne sont 
ivres que de la manière qui a été prédite par le pro- 
phète Joël (13, 16). Mais, pour l'observateur attentif, 
cet air de ressemblance disparaît bientôt dans les ..^ 



350 LA VIE NOUVELLE. CH. V, 3-20. 

effets contraires que les deux ivresses produisent. 
Celle du vin engendre les désordres de toutes sortes; 
et celle de TEsprit, les chants spirituels, la joie in- 
térieure et l'action de grâces. 

Ici, comme partout, le caractère chrétien apparaît 
sous une double face. Il a un côté froid, et un côté 
ardent; la circonspection, et l'enthousiasme chrétien. 
L'un et l'autre tiennent à un même principe et sont 
produits par le Saint-Esprit. Les v. 19 et 20 de notre 
chapitre ne font pas opposition aux v. 15-17; ils y font 
suite, comme l'indique la conjonction et au commen- 
cement du V. 18; et le Saint-Esprit leur sert de lien. 
Aussi, dans Tépître aux Golossiens, tout cela est réuni 
dans le même verset (III, 16). Celui à qui c le Père ne 
€ donne pas l'Esprit par mesure » (Jean III, 34) a seul, 
entre tous les hommes, réalisé l'union de ces deux 
dispositions, portées au même degré de perfection. 
Chez la plupart des chrétiens l'une des deux disposi- 
tions prédomine aux dépens de l'autre. L'ardeur 
manque au plus circonspect, et la circonspection à 
l'ardent. Qu'ils ne se jugent pas mutuellement, mais 
qu'ils reçoivent instruction l'un de l'autre. Car cha- 
cun des deux reproduit une face du caractère de 
Jésus-Christ, et il faudrait les réunir pour avoir un 
homme complet. Au surplus, cette réunion n'est pas 
impossible en soi ; et les Apôtres ont approché sur ce 
point de l'exemple de Jésus-Christ. Saint Paul était 
sans doute plus porté par son naturel vers l'ardeur 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 354 

que vers la circonspection ; et cependant cette ardeur 
est tempérée par une rare prudence, apprise à l'école 
du Saint-Esprit. Étudiez sous ce point de vue Actes 
XVI, 23-fin. Il disait de lui-même et de ses compa- 
gnons d'œuvre : « Soit que nous soyons hors de nouB- 
« mêmes, c'est pour Dieu; soit que nous soyons de 
« sens rassis, c'est pour vous » (2 Cor. V, 13). Cette 
parole remarquable nous avertit en même temps que 
le sang-froid doit prédominer dans nos rapports avec 
les hommes, et l'enthousiasme être en général ré- 
servé pour nos relations avec Dieu. Si nous le faisons 
paraître devant les hommes, que ce soit devant les 
frères (v. 19 de notre chapitre) ; le monde ne le com- 
prendrait pas, et pourrait en mal juger. 

En quoi il y a du dérèglement. Nous disons, en quoi^ 
et non dans lequel, parce qu'il nous parait, comme à 
Harless, que le pronom relatif doit être rapporté plu- 
tôt au verbe s'enivrer, qu'au substantif t?m. L'abus du 
vin ne va jamais seul ; il entraîne après lui des dé- 
règlements de toute sorte, .et plus spécialement les 
péchés de la chair (Voyez Prov. XXIII, 29-fin). 

Mais soyez remplis de VEsprit. Évidemment du 
Saint-Esprit (note sur H, 22); littéralement dans C Es- 
prit. Cette construction est singulière. Harless rap- 
proche Col. II, 10 et IV, 12. Mais l'analogie ne nous 
paraît pas complète et nous traduirions dans ces deux 
endroits remplis en lui, remplis en toute volonté de Dieu 
(nos versions et Lausanne 1839 : accomplis en lui y 



359 LÀ VIE lïOUVELLB. GH. Y^ 3-^. 

accomplis en iouie toUmti de Dteu)^ ce d(mt les Golos- 
siens doivent être remplis étant sous-entendu : c'est 
la plénitude de Dieu. Dans notre passage n'y aurait- 
il pas une image prise d'un vase qu'on plonge tout 
entier dans l'eau pour l'en remplir jusqu'aux bords? 
On pourrait traduire : Remplissez ^ vous ^ comme on 
traduit ne vous enivrea pas et non ne soyez pas enivrés; 
€ar la forme du verbe employée dans les deux cas 
est la même. Mais il nous a paru que le verbe réfléchi 
rend mieux l'une de ces pensées, et que le verbe 
passif rend mieux l'autre, dans notre langue. Quoi 
qu'il en soit, il est évident que nous remplir du Saint- 
Esprit c'est proprement l'œuvre du Saint-Esprit et 
non la nôtre; mais c'est aussi la nôtre dans ce sens 
que nous pouvons < résister au Saint-Esprit » (Actes 
VII, 51), et appeler au-dedans de nous le Saint-Esprit 
par la prière (Luc XI, 13). De là, cet impératif appli- 
qué à une chose qui ne dépend pas directement de 
notre volonté: c'est qu'elle en dépend indirectement. 
La doctrine des Écritures est pleine de choses sem- 
blables et nous tient responsables pour beaucoup de 
choses que nous ne pouvons accomplir par nous- 
mêmes. Rapprochez Éph. IV, 23 ; 2 Cor. V, 20, etc. 
L'enthousiasme divin, la joie du Saint-Esprit, est 
jseule capable d'éteindre la joie du monde et l'ardeur 
de la passion. 

Par des psaumes^ des hymnes et des odes spiriktels. 
Le chant est l'expression naturelle de la joie. La joie ^ 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVBXLB. 353 

du monde enfante des chants mondains ; la joie chré- 
tienne doit enfanter des chants spiritmls, c'est-à-dire 
qui sont inspirés par le Saint-Esprit, c Quelqu'un est- 
< il joyeux (littéralement en bonne humeur)? qu'il 
« psalmodie » (Jacq. V^ 13). Au verset précédent saint 
Jacques avait dit : c Quelqu'un est-il dans la souf- 
« france? qu'il prie. » Ainsi l'exaltation spirituelle de 
l'âme répond à la fois au double but que se propose 
l'homme du monde quand il se livre à l'ivresse : ou- 
blier ses chagrins et donner carrière à un esprit con- 
tent. C'est le second dont s'occupe surtout notre 
Apôtre. La citation que nous venons de faire de saint 
Jacques montre qu'il ne s'agit pas seulement ici du 
chant religieux dans le culte, c'est d'un point de vue 
plus général que saint Paul envisage le chant, comme 
l'expression du contentement intérieur qui a besoin 
de se répandre au dehors. Mais il est vrai que ce be- 
soin s'est manifesté tout spécialement de la sorte dans 
les assemblées religieuses et qu'elles peuvent ainsi 
être rappelées indirectement dans notre texte. D'après 
1 Cor. XIV, 15, etc., ,1e don de parler des langues 
étrangères se produisit de bonne heure sous une 
forme poétique, et il y a lieu de croire que les canti- 
ques improvisés eurent aussi dans l'Église primitive 
un caractère musical. Nous parlons de musique vo- 
cale ; la musique instrumentale ne vint que plus tard, 
il y a tout lieu de le croire ; et, bien que le mot grec 

correspondant à psaume suppose en général un ac- 

23 



354 LA VIE NOUVELLE. CH. V, 3-20. 

compagnement, ce n*est pas ainsi qu'il faut Tentendre 
ici, non plus que dans Col. III, 16 ni dans 1 Cor. 
XIV, 26. Le mot vous entretenant (littéralement $e par- 
lant les uns aux autres), suffirait pour le donner à 
connaître. Pline le Jeune, écrivant à Tempereur Tfa 
jan au sujet des réunions religieuses des chrétiens, 
parle en ces termes de leur chant : « Ils chantent, en 
se relevant, un cantique adressé à Christ, qui y est 
invoqué comme Dieu. » Un seul de ces anciens can- 
tiques est parvenu jusqu'à nous sous le nom de Clé- 
ment d'Alexandrie; encore l'authenticité n'en est-èlle 
fks bien démontrée. 

Si les trois mots psaumes, hymnes et odes se distin- 
guent par des nuances précises de signification, Oès 
nuances ne sont pas bien connues. Selon Harless, le 
dernier de ces trois noms embrasse proprement des 
chants profanes aussi bien que des chants religieux, et 
les deux premiers, réservés l'un et l'autre au chant'reli- 
gieux, ne diffèrent qu'en ce que le premier était plus 
familier aux juifs et le second aux païens. Mais peut- 
être l'Apôtre n'a-t-il voulu que rassembler tous les 
noms qu'on donnait à la poésie religieuse , sans se 
mettre en peine de les distinguer nettetoent Ids uns 
'des autres. 

Chahtant et psalmodiant dans votre cœur au Seigneur. 
Ces mots signifient, d'après les ancienis comtrienta- 
tieurs, que celui qui chante doit le faire du (Joèiur et 
non des lèvres seulement; nïâfe Harless'fait observer 



CH. V, 3-20. LA VIE NOUVELLE. 355 

avec raison que TApôtre aurait dû dire alors : chan- 
tant du cœur^ plutôt que chantant dans votre cœur; 
mais le chant intérieur dont il s'agit ici n'est pour- 
tant-pas indépendant du premier; cela nous paraît 
évident d'après Col. III, 16. Tandis que les chrétiens 
chantent les louanges de Dieu, soit dans leurs réu- 
nions religieuses, soit ailleurs, il ïaut que chacun 
chante aussi intérieurement, c'est-à-dire qu'il se ré- 
jouisse en lui-même dans le Seigneur et le bénisse 
du fond de son âme. 

Rendant grâces en tout temps pour toutes choses. Selon 
saint Chrysostome , « dans la peine comme dans la 
joie, et pour la première comme pour la seconde; » 
selon Harless, « pour tous les sujets de joie, même 
pour les plus petits; car ils viennent de Dieu comme 
les grands. » Ce n'est pas que ce dernier commenta- 
teur prétende exclure Tapplicatiou de la maxime de 
l'Apôtre aux amertumes de la vie y seulement, il ne 
lui semble pas qu'elle puisse être sur le premier plan, 
dans un endroit où l'Apôtre traite delà joie chrétienne 
et de ses manifestations, par opposition à la joie du 
monde. Malgré cette remarque, l'application indiquée 
par saint Chrysostome nous paraît se présenter plus 
naturellement à l'esprit que l'autre, et elle a pour elle 
1 Thess. V, 17. Au surplus, la pensée de l'Apôtre 
est conçue en termes si généraux qu'on ne peut dou- 
ter qu'il n'ait voulu tout embrasser. 

Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Dans cette 



356 LA YI£ NODVELLE. GH. Y^ 3-90. 

formule, le nom de Jésus-Christ signifie, selon Ois- 
hausen (sur Jean XIY, 13), « l'essence même delà di- 
vinité dans tout l'ensemble (complea^tu) de ses proprié- 
tés; » et selon Harless, « le Seigneur lui-même, sa 
personnalité, non telle qu'elle est en soi et pour soi, 
mais telle qu'elle s'est révélée et qu'elle peut être con- 
nue et possédée. » Pavoue que ni l'une ni l'autre de 
ces explications, qui, du reste, sont à peu près iden- 
tiques, ne me paraissent suffisamment claires et dé- 
montrées. Autre chose est, ce me semble, le nom du 
Seigneur, autre chose sa personne. Faire une chose 
au nom du Seigneur, c'est la faire de telle sorte que 
Christ apparaisse plus en nous que nous-mêmes, et 
qu'on ne puisse en comprendre l'esprit qu'en substi- 
tuant son nom au nôtre. Par exemple, si je prie au 
nom de Jésus-Christ, je prie dans un tel esprit (car il 
s'agit de l'esprit de la prière et non pas d'un nom qui 
est placé à la fin), que ma prière puisse être considé- 
rée de Dieu comme lui étant offerte, moins par moi 
qui la prononce que par Jésus -Christ, et qu'il ne 
puisse refuser de l'exaucer sans repousser en quel- 
que sorte son propre Fils. C'est ce qui arrivera si, me 
reconnaissant indigne qu'il m'écoute, je n'implore sa 
faveur que comme due aux mérites, au sacrifice, à 
l'intercession de son Fils. Alors, je me cache en Christ, 
je m'enveloppe de Christ; c'est lui qui parait et non 
pas moi ; ce n'est pourtant pas sa personne, c'est seu- 
lement son nom, parce que c'est moi qui suis dessous; 



CH. V, 3-20. * LA VIE NOUVELLE. 357 

c'est, si j'ose ainsi dire, ma personne cachée sous son 
nom. J'expliquerais de même être outragé au nom de 
Jésus-Chrisl (1 Pierre IV, 14; c'est lui qu'on outrage 
dans ma personne) ; être sauvé au nom de Jésus-Christ 
(Actes IV, 12 ; c'est à lui que la vie éternelle est don- 
née dans ma personne) ; commander au nom de Jésus- 
Christ (2 Thess. III, 6 ; c'est lui qui commande par mon 
organe); et aussi rendre grâces au nom de Jésus-Christ^ 
c'est-à-dire pour une félicité dont je ne jouis qu'en 
lui et dont il jouit en quelque sorte en ma personne. 
A celui qui est Dieu et Père. Littéralement : au Dieu 
et Père, que nous ne savons pas comment rendre 
autrement dans notre langue. Cela peut signifier 
à notre Dieu et Père ou au Dieu et Père de noire 
Seigneur Jésus-Christ^ ou l'un et l'autre à la fois ; et ce 
sens compréhensif nous paraît le véritable. Il répond 
à l'action de grâces offerte par nous, mais au nom de 
Jésus-Christ^ ainsi que nous venons de l'expliquer. 
C'est le Dieu et Père de Jésus-Christ, devenu, dans 
ce rapport, notre Dieu et noire Père (Jean XX, 17). 
Le nom donné ici à Dieu achève de nous convaincre 
que la traduction que nous avons suivie avec Olshau- 
sen, dans I, 3, « le Dieu et Père de notre Seigneur 
a Jésus-Christ, > est préférable à celle de Harless : 
« Dieu, qui est le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, 
puisqu'il faudrait, par analogie, traduire ici : « à 
« Dieu qui est le Père, » ce qui ne nous paraît pas 
avoir de sens. 



358' LA VIB NOUVELLE. CE. V, 3-20. 

L'habitude constante de Faction de grâces est le 
dûrnier trait et le plus haut point de cette élévation 
que le Saint-Esprit communique à Tâme chrétienne. 
Aussi n'est-il rien dans la vie chrétienne, ni de plus 
difficile à pratiquer pour le chrétien, ni de plus im- 
possible à comprendre pour l'homme du monde. 



vil 

LA VIE DOMESTIQUE. 

Ghap. V, 21 -VI. 9. 

1® Devoirs réciproques des époux. V, 21-33. 

21. Vous soumettant les uns aux autres dans la crainte 
de Christ. 22. Femmes ^ soyez soumises à vos propres 
tnarts, comme au Seigneur, 23. parce que le mari est la 
tête de la femme, comme aussi Christ est la tête de 
l'Eglise, et il est lui-même le Sauveur du corps. 24. 
Mais, ainsi que l'Église est soumise à Christ^ que les 
femmes aussi le soient de même à leurs propres maris en 
toute chose. 25. Maris, aimez vos femmes, comme aussi 
Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle, 
26. afin qu'il la sanctifiât, Vayant purifiée par le lavage 
d'eau dans la parole, 27. afin qu'il se présentât l'Église 
à lui-même, glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien 
de semblable, mais afin quelle fût sainte et sans défaut. 
28. Ainsi les nuiris doivent aimer leurs femmes comme 
leurs propres corps ; celui qui aime sa femme s'aime soi- 
même. 29. Car personne n'eut jamais en haine sa propre 
chair y mais il la nourrit et la soigne tendrement, comme 



360 LA YIE DOMESTIQUE. GH. Y, 21-33. 

aussi Christ V Eglise^ 30. parce que nous sommes mem- 
bres de son corpSy de sa chair et de ses os. 31. C'eit 
pourquoi Ihomme quittera son père et sa mère, et s'unira 
à sa femme; et les deux deviendront une seule chair, 
32. Ce mystère est grand ; or Reparle, quant à moi, par 
rapport à Christ et à l'Église. 33. ilu reste, quant à 
vous tous aussiy que chacun aime sa femme comme soi- 
même, et que la femme craigne son mari. 

Vous soumettant les uns aux autres dans la crainte de 
Christ. On est étonné de voir un sujet nouveau intro- 
duit par un participe : vous soumettant; on eût attendu 
plutôt à cette place l'impératif : Soumettez - vous. 
Cette difficulté a paru si grande à plusieurs comnrien- 
tateurs ou éditeurs du Nouveau Testament (Harless^ 
Hahn, etc.), qu'ils ont cru devoir réunir le v. 21 au 
développement précédent, et ne faire commencer 
qu'avec le v. 22 l'exposition des devoirs de la vie 
domestique. On explique alors sans peine le participe 
vous soumettant^ en le faisant dépendre de l'exhorta- 
tion du V. 18 : Soyez remplis de l'Esprit, ainsi que ces 
autres participes : vous entretenant^ chantant, rendant 
grâces. 

Mais on se crée d'autres embarras, plus grands 
que ceux qu'on évite. Car, outre que la fin du v. 20 
a tout l'air d'une conclusion, la soumission récipro- 
que prescrite dans le verset suivant n'a pas de rap- 
port avec la pensée des v. 18-20, tandis qu'elle en 
a un tout naturel avec la pensée des v. 22 et suivants» 



GH. V^ 21-33. LA VI£ DOMESTIQUE. 361 

Nous n'avons donc pas hésité à ranger le v. 21 à 
côté du V. 22, ainsi que l'ont fait Knapp, Olshausen, 
Gerlach, etc. On peut expliquer alors le participe de 
deux manières : par ce qui suit, ou par ce qui précède. 
Dans le premier cas, on ne mettra qu'une virgule 
après Christ et on fera du y* 21 une proposition inci- 
dente : vous soumettant les uns aux autres dans la 
crainte de Christ^ soumettez-vous y vous femmes^ à vos 
maris^ etc.; et puis, si le développement n'était sus- 
pendu : et vouSy enfants^ à vos parents; et vous^ servi- 
teurs, à vos maîtres (Knapp). Dans le second, on sup- 
posera que l'Apôtre a été déterminé et comme en- 
traîné à l'emploi du participe par tout le mouvement 
du développement précédent, où le participe domine^ 
non-seulement dans les v. 19 et 20, mais déjà à par- 
tir du V. 16 [achetant, comprenant). Ce genre de 
construction, favorable à la rapidité et à l'enchaîne- 
ment des pensées, devait plaire à l'esprit de saint 
Paul, assez impatient de la gène grammaticale; et 
c'est l'un des caractères de son style. Ainsi, dans le 
douzième chapitre de l'épître aux Romains, depuis le 
V. 9 jusqu'à la fin, des participes ou des adjectifs^ 
correspondent dans l'original à la plupart des impé- 
ratifs de la traduction. Au reste, cette façon de 
parler n'est pas particulière à notre Apôtre. On la 
trouve employée ailleurs dans le Nouveau Testament^ 
pour marquer la dépendance mutuelle des diverses 
parties d'un même développement, alors même que 



362 LA yns domestique. ch. v^ 21-33. 

€hacune d'elles est trop étendue pour rien permettre 
de semblable dans notre langue. Ainsi, saint Pierre, 
dans sa première épitre, se sert de l'impératif, au 
ehap. Il, V. 13. € Soyez soumis à tout ordre humain ;> 
mais lorsqu'il fait ensuite l'application de ce précepte 
aux diverses relations sociales, il ne se sert que du 
participe (H, 18) : c Serviteurs, étant soumis {gvec) en 
«€ toute crainte à vos maîtres ; > (III, 1) : cPareille- 
•€ ment, femmes, étant soumises k vos propres maris; » 
et (in, 8) : c Enfin, tous unanimes, compatissants, 
c fraternels, miséricordieux, humbles, ne rendaM pas 
s mal pour mal, etc. > 

Aussi bien, le sujet que l'Apôtre commence avec 
le v. 21, bien que distinct de celui quMl vient de 
traiter, n'y est pourtant pas entièrement étranger. 
Les obligations de la vie domestique ne sont qu'une 
branche de cette vie nouvelle à laquelle sont appelés 
ceux qui ont passé des ténèbres du paganisme à la 
lumière de l'Évangile (IV, 23, 24); et les devoirs du 
mariage chrétien, en particulier, se trouvent bien 
à leur place après les convoitises charnelles que l'A- 
pôtre vient de reprocher aux païens (V, 3-20). Mais il 
y a cette différence entre les exhortations contenues 
dans IV, 17 — V, 20, et celles que nous allons trou- 
ver dans V, 21 — VI, 9, que celles-là ontsurtout le ca- 
ractère n^jart/", etcelles*ci le caractère positif; je veux 
dire que les premières signalent des péchés qui avaient 
^ours parmi les païens, et que les chrétiens devaient 



t!?. V^ 21-33. LA YI£ DOMESTIQUE. 363 

éviter, tandis que les secondes recommandent les 
vertus nouvelles que l'Évangile a introduites dans le 
monde. On peut ajouter que les unes se rapportent à 
des obligations communes à tous les fidèles, et les 
autres à des obligations qui dépendent de certaines 
relations particulières. Mais la différence principale 
nous paraît être celle que nous avons indiquée en 
premier lieu. 

On comprend, d'après ce que nous venons de dire, 
que le paragraphe de notre épître où nous entrons 
pénètre encore plus avant que le précédent dans la 
morale évangélique, et qu'il a quelque chose de plus 
exclusivement chrétien et de plus inimitable pour 
quiconque est étranger à la foi. Nous parlons moins, 
«n nous exprimant de la sorte, des obligations exté- 
rieures de la vie domestique que de l'esprit dans le- 
quel elles doivent être accomplies. Les païens ont 
quelquefois de bonnes maximes sur le mariage et 
l'éducation ; mais ce qui sépare à jamais la vie do- 
mestique chrétienne de toute autre, c'est l'esprit qui 
l'anime. Jésus-Christ y est le point de départ duquel 
tout procède, et le terme auquel tout aboutit. Nous 
allons voir successivement la relation de la femme 
et du mari, celle des enfants et des parents, celle des 
serviteurs et des maîtres, toutes dominées et réglées 
par la pensée de Christ. On peut dire que la vie do- 
mestique est le triomphe de la foi chrétienne. L'Apftr 
tre exprime cette pensée par les mots qui terminent 



364 LA VIE DOMESTIQUE. CH. V, 21-33. 

le V. 21 : dans la crainte de Christ. Le texte reçu, que 
nos versions ordinaires ont suivi, lit : Dieuy au lieu 
de Christ. Mais la leçon que nous avons adoptée, 
d'après Harless, Olshausen, Hahn, Knapp, etc., a 
pour elle le double témoignage des preuves externes 
et des preuves internes. C'est dans la crainte de Christ 
que doit être pratiquée la soumission que l'Apôtre 
recommande. La femme, l'enfant, le serviteur, doit 
se soumettre, en vue de Christ, comme le mari, le 
père, le maître doit exercer son autorité en vue de 
Christ. Par la crainte de Christ, il ne faut pas enten- 
dre une crainte légale et servile ; ni même, ce nous 
semble, la crainte du jugement de Christ; et 2 Cor. 
V, 10, H, cité comme parallèle par Harless, ne nous 
paraît pas se rapporter exactement ici; mais cette 
crainte de respect, que l'amour accompagne et tem- 
père, et que la femme elle-même doit au mari 
(v. 33). 

La soumission réciproque prescrite dans notre 
verset pourrait s'entendre, en soi, d'une soumission 
de tous à tous. Cette soumission universelle est re- 
commandée par 1 Pierre V, 5, qui la distingue de la 
soumission particulière que quelques-uns doivent à 
quelques autres, et qui l'explique par l'humilité. 
Comme Jésus-Christ, tout chef de l'Église qu'il est, 
en a été aussi le serviteur (Jean XIII, 13, 14; Matth. 
XX, 28; Phil. II, 7), tout chrétien doit se considérer 
comme le serviteur de tous ses frères (Matth. XX, 26; 



i 



Gfi. Y; 21-33. LA VIE DOMESTIQUE. 365 

2 Cor. IV, 5; 1 Pierre V, 5), et même de ceux que 
Dieu a soumis à son autorité. On peut dire même 
qu'il doit être plus spécialement le serviteur de ceux- 
là, parce que c'est pour eux surtout qu'il est appelé 
. à se dévouer; le mari pour sa femme, le père pour 
ses enfants (2 Cor. XII, 14), etc. Cependant, ce point 
de vue général de la soumission réciproque des 
chrétiens n'est pas celui de saint Paul; ou du moins, 
s'il le rappelle en passant, ce que nous ne sommes 
pas éloignés de croire, ce n'est pas celui sur lequel 
il s'arrête. IL veut rendre ses lecteurs attentifs à l'or- 
dre que Dieu a établi dans la famille, et par lequel il 
a soumis quelques-uns de ses membres à quelques 
autres. Ailleurs, il montre un ordre analogue établi 
dans l'État (Rom. XIII, 1, etc.) et dans l'Église (Hébr. 
Xni, 17); ici il s'en tient à la famille, qui, du reste, 
est la source, et l'école, de l'État et de l'Église. Par- 
tant de ridée de soumission^ et tenant avant tout à 
l'imprimer dans les esprits, il commence par les de- 
voirs de la partie soumise (la femme, l'enfant, le ser- 
viteur), et met ensuite en regard ceux de la partie 
qui commande (le mari, le père, le maître). D'ailleurs 
le sentiment seul des convenances indique assez que, 
lorsqu'on adresse une exhortation à des inférieurs et 
à des supérieurs réunis, c'est aux premiers qu'on 
doit rappeler d'abord leurs devoirs. . 

Femmes^ soyez soumises à vos propres maris. — Pour- 
quoi l'Apôtre dit-il : c Soyez soumises à vos propres 



306 LA VIE DOMESTIQUE. CH. V, 21-33. 

k iftiariSy > tandis qu'en parlant aux maris il dit plus 
tas : a Aimez vos femmes > ? Il est vrai que Tadjectif 
'propre se joint quelquefois au pronom possessif, sans 
rien ajouter à la pensée, dans le langage des derniers 
écrivains grecs, et dans celui du Nouveau Testament 
(Matth.XXII, 5). Mais cette explication ne nous salis- 
fait pas ici, parce que TApôtre a dû avoir une inten- 
tion en employant cet adjectif pour l'wne des parties 
sans l'employer pour l'autre. Cette différence peut 
d'autant moins être considérée comme purement acci- 
dentelle qu'elle se reproduit ailleurs (1 Cor. VII, 2, 
bien que l'ordre soit inverse du nôtre et le mari 
nommé le premier : « Que chacun ait sa femme, et 
a que chaque femme ait son propre mari; » Col. III, 
•18, selon le texte reçu; les éditions plus récentes 
suppriment le mot propres. 1 Pierre, III, 1, grec: 
étant soumises à vos propres maris, et Tite II, S. 
— Voyez encore 1 Cor. XIV, 35, grec : leurs propres 
maris). Les remarques de Harless et d'Olshausen ne 
nous paraissent pas résoudre la question, ni même 
l'éclaircir. Nous donnons le choix au lecteur entre 
ces deux réponses. On peut dire, d'abord, que l'Apô- 
tre ajoute l'adjectif propre au mot mari, pour bien 
marquer que le mari seul, par opposition à tout autre 
homme, a droit à la soumission dont il parle ici, et 
qui va plus loin que la subordination générale d'un 
sexe à l'autre (1 Cor. XI, 7; i Tim. II, 12, on peut 
traduire également sur son mari, ou, comme l'a fait 



-H 



CH. V, 21-33. LA VIE DOMESTIQUE. 307 

Lausanne 1839, sur l'homme). La femme doit réserver 
sa soumission pour son mari. Ainsi l'explique Steiger, 
sur 1 Pierre III, 1. Mais le mari, répond Harless, 
est-il moins tenu de réserver son amour à sa femme, 
et saint Paul ne devrait-il pas alors, par une raison 
semblable, dire au v. 25 : « Maris, aimez vos propres 
« femmes ?» A cela Ton pourrait répliquer que TA- 
pôtre a pu insister davantage sur le premier point que 
sur le second, parce que le point de départ et l'objet 
premier de son développement est la soumission, 
ainsi que nous l'avons dit ci-dessus. Mais la remarque 
de Steiger n'explique pas l'emploi du mot propre dans 
1 Cor. VÎI, 2. Nous croyons donc devoir nous dé- 
cider pour une autre réponse, que voici. Dans les 
idées de l'antiquité, la femme était la propriété du 
mari, mais le mari n'était pas la propriété de la 
femme. Cela est évident pour les pays où régniâit la 
polygamie; car l'homme qui avait plusieurs fenimes 
ne partageait avec aucun autre homme la possession 
de ses femmes, mais chacune d'elles partageait avec 
ses rivales la possession de son mari. Mais là même 
où la polygamie n'existait pas, chez les Grecs et les 
Romains par exemple (bien qu'il y ait toujours de la 
polygamie chez les païens, sous une forme ou sous 
une autre), l'homme était si libre et la femme l'était 
si peu que l'on pouvait dire encore ici que le mari 
possédait bien plus la femme que la femme ne possér 
dait le mari. L'Évangile seul â remis les choses en 



368 LA VIE DOMESTIQUE. GH. Y^ 21-33. 

leur place, et a établi, sur ce point, entre le mari et 
la femme, une parfaite égalité. Ils se jtossèdent l'un 
l'autre avec un même droit; et c'est par ce principe, 
inconciliable avec la polygamie aussi bien qu'avec 
l'asservissement de la femme, que l'Évangile assurait, 
sans beaucoup de paroles et sans heurter de front les 
mœurs anciennes, la monogamie et l'émancipation de 
la femme, t La femme n'est pas maîtresse de son 
€ propre corps, mais le mari, » le païen accordait cela 
sans peine ; mais la contre-partie de cette vérité était 
nouvelle pour lui : « pareillement aussi, le mari n'est 
« pas maître de son propre corps, mais la femme » 
(1 Cor. VII, 4). Il nous paraît que c'est ce point de vue 
nouveau, si consolant pour la femme chrétienne, que 
l'Apôtre a voulu rappeler par le mot propre; et qu'il 
le rappelle, pour disposer la femme, par le souvenir 
de l'heureux changement que le Seigneur a accompli 
en sa faveur, à rendre la soumission qu'il réclame 
d'elle à l'égard de son mari. Il place l'égalité nou- 
velle à côté de la soumission, non moins nouvelle 
par l'esprit qui la règle. Quant à 1 Cor. XIV, 35, 
c'est autre chose; là, les maris sont appelés propres 
maris [mari et homme ne sont qu'un mot en grecr, 
comme femme dans notre langue), par opposition aux 
autres hommes qu'elle pourrait interroger dans 
l'Église, s'il ne lui était interdit d'y parler. 

Comme au Seigneur. Ces mots marquent à la fois 
le principe, l'étendue et le caractère de la soumission 



GH. V^ 24-33. LA VIE DOMESTIQUE. 369 

requise de la femme chrétienne. Avant tout, le prin- 
cipe : elle doit être soumise à son mari, parce qu'elle 
voit en lui un représentant de Christ à son égard; 
c'est là la pensée dominante de TÀpôtre; en se sou- 
mettant à son mari, la femme obéit à Christ; en 
s'affranchissant de Pautorité du mari, c'est l'autorité 
de Christ qu'elle secouerait. L'étendue : elle doit lui 
être soumise « en toutes choses, » sauf la seule res- 
triction indiquée (Actes V, 29) pour les cas de conflit 
entre un commandement de Dieu, et le commande- 
ment d'un homme, quel qu'il soit; restriction que 
l'Apôtre a pu d'autant mieux sous-entendre qu'elle est 
implicitement renfermée dans l'expression comme au 
Seigneur, et qu'il décrit d'ailleurs ici, pour des époux 
chrétiens, l'idéal du mariage chrétien. Enfin, le ca- 
ractère : elle doit lui être soumise, dans un esprit de 
liberté, avec amour et avec joie (Col. III, 18 : c comme 
€ il est séant dans le Seigneur. ») Il est remarquable 
que l'Apôtre résume toutes les obligations de la 
femme dans la soumission ; comme il résume toutes 
celles du mari dans l'amour. La soumission est seule 
mentionnée ici, comme étant le point capital, etpeut^ 
être le plus difficile. Mais il y a de l'amour dans cette 
soumission, comme il y a aussi, dans le sens expli^ 
que plus haut, de la soumission dans l'amour du 
mari. 

Parce que le mari est la tête de la femme, comme aussi 
Chrisl est la têie de VÉglise. Ceci justifie les derniers 



•70 LA TU SOUSTIVI». Oïl* T^ 31-^. 

mots du tersdt précédcot^ et c'est ici proprement le 
centre et l'appui de toute l'exhortation de TApôtre. 
Le reste n'en est que le développement (Vé 24, 25, 
28» etc.). Pour porter la femme à la soumission et le 
mari à l'atnour^ saint Paul n'eitiploie aucun argument^ 
bien que la nature « à défaut de la l'évélation, lui en 
eussent fourni en aboAdance ; il se bolme à ua simple 
rapprochement. Mais ce rapprochement ep dit plus 
à une âme chrétienne que tous les ai^umente du 
monde ( et chacun fait en lisant cet article la réflexios 
d'un pieux commentateur» Bugenhagen : < Meltdz ea^ 
semble tous les raisonnements des Orateurs; vous 
periyuaderez moins bien aux époux la tendresse qu'ils 
se doivent l'un à l'autre que ne fait ici saint Paul. > 
Dans les plans de Dieu, et dans celte harmonie qu'il a 
établie entre le monde invisible et le monde visible, 
il y a, dit l'Apitre» une secrète correspondance enfrc 
l'union de Christ avec TÊglise et celle du mari avec 
sa femme. Il commence par affirmer cette corteepon*- 
dance; et il en presse ensuite les détails, autant que 
le permet» d'une part, la diversité des deux unions 
comparées^ de l'autre^ la délicatesse du sujet.. Il k 
présente d'ailleurs sous un double point de vue, sui- 
vant qu'il va du monde invisible au visible, ou da 
monde visible à l'invisible. Ici, et dans les v. 24, 2S, 
28, il va du monde invisible au visible, et partant de 
i'uoioû de Christ avec l'Église^ il la préseole coiïinie 
le modèle de Tunion conjugale, et des caractèras df 



Cft. V, il -33. LA VIE bOMfesttQUB. 371 

lâprertiiè^e il conclut aux obligâtiôtis de la seconde. 
Aux V. 30 et 31, il suit un chemin inverse : il va du 
monde visible à l'invisible, et partant de Tunion con- 
jugale, il la présente comme le type de l'union de 
Christ avec TÉglise, et conclut de la nature de celle- 
là à la mystérieuse intimité de celle-ci. Mais, soit qu'il 
relève Tunion conjugale par l'union dé Christ avec 
TÉglise, ou qu'il éclaircisse l'union de Christ avec 
l'Église par l'union conjugale, c'est toujours le même 
rapport qu'il fiiit ressortir par des côtés divers. 
Le monde peut Sourire de cette doctrine, ou même 
s'en scandaliser; le chrétien la contemple avec admi- 
ration et dans cette vue du mariage, jetée pour la 
première fois an milieu de la souillure universelle de 
l'époque, îl reconnaît une hardiesse divine et une 
«ainteté divine. Ce sont là de ces vérités qui, indé- 
pendamment même de l'inspiration des Écritures, se 
justifient par leur élévatioik même au-dessus de toutes 
les conceptions des hommes. Ce rapprochement su- 
blime renouvelle, ipso factOy l'aspect du mariage, et 
lui prête une grandeur, une sainteté et aussi une 
félicité, qu'on n'eût jamais soupçonnées autrement. 
Au reste, cette doctrine est répandue ailleurs dans 
tes nombreux passages où la relation qui unit le Sei- 
gneur à son peuple est dépeinte sous l'emblème d*un 
ïnafiage, tant dans l'Ancien Testament (voyez par 
eièmple, Ps. XLV; Es. LÏV, 5; Éz., XVI, 1, etc.; 
OiSée II, 16 etc.î et le Cantique des cantiques)^ 



372 LA VIE DOMESTiOUE. GH. V^ 24-33. 

que dans le Nouveau (Matth. IX, 15; Marc II, 19; 
Luc V, 34; Jean ffl, 29; 2 Cor- XI, 2; Apoc. XXH, 
17). Mais elle n*est nulle part développée comme elle 
Test ici. Chaque grand enseignement de la révélation 
a son passage central; et c'est ici le passage central de 
la doctrine du mariage. 

Le mari est la tête de la femme. La subordination 
de la femme au mari est enseignée par la nature^ et 
a été reconnue des païens (voir Steiger sur 1 Pierre 
III, 1). Elle a été déclarée ailleurs par la Parole de 
Dieu (1 Cor- XIV, 34), notamment dans son rapport 
avec l'histoire de la création et avec celle de la chute 
(1 Cor. XI, 7-9; 1 Tim. II, 11-14; Gen. HI, 16). 
Elle l'a été même dans un certain rapport mystérieux 
avec la personne de Christ (1 Cor. XI, 3). Mais ici, 
elle est présentée sous un point de vue différent, ce 
qui tient à l'œuvre de la rédemption (voyez 1 Pierre 
III, 7). Le mari (et non pas rhomme^ comme dans 
1 Cor. XI, 3), est pour la femme quelque chose de 
semblable à ce que Christ est pour l'Église. 

Et il est /ut-m^me le Sauveur du corps. Plusieurs 
lisent : lui-même Sauveur du corps ; il faut sous-en- 
tendre alors étant avant lui-même, à moins que l'on ne 
traduise, comme paraît le faire Olshausen : « Comme 
€ Christ aussi, la tête de l'Église, est lui-même le Sau- 
« veur du corps. » La leçon nouvelle, quoique adoptée 
par Harless^ Olshausen, Hahn, etc., ne nous a pas 
paru assez sûrement établie pour abandonner le texte 



c 



GH. V^ 21-33. LA YIE DOMESTIQUE. 373 

reçu qui présente, au fond, ïe même sens, et que l'on 
pourrait également traduire : < Gomme aussi Christ, 
c la tête de l'Église^ est aussi lui-même Sauveur du 
corps. » La construction grammaticale gagnerait 
même à cette traduction ; malgré cela , j'ai préféré 
garder la version ordinaire, parce que la pensée que 
Christ est la tête de l'Église étant le point capital du 
rapprochement, il ne convient pas d'en faire une 
phrase incidente. En adoptant la nouvelle leçon, je 
traduirais : c Comme aussi Christ est la tête de l'É- 
€ glise, éton« lui-même le Sauveur du corps. » Mais ve- 
nons au fond. Ces mots s'appliquent d'abord à Christ 
et ne s'appliquent pleinement qu'à lui; mais ils s'ap- 
pliquent aussi, comme sur le second plan, au mari. 
Comme Christ est le Sauveur de son Église, le mari 
doit être le protecteur (le Sauveur, dans l'accep- 
tion étendue, du mot, 1 Tim. IV, 10; Job XII, 10) 
de sa femme. Nous trouverons plus bas, dans le pa- 
rallèle établi par l'Apôtre entre l'union de Christ avec 
l'Église et l'union conjugale, plus d'un trait qui, 
comme celui-ci, ne se vérifient pleinement que dans 
la première et doivent être plus ou moins modifiés 
pour être appliqués à la seconde, par exemple, la fin 
du V. 25 et les v. 26 et 27 en entier. Harless va plus 
loin : il croit que ces traits ne se vérifient absolument 
qu'en Christ et qu'ils ne doivent nullement être ap- 
pliqués au mari. Selon lui, saint Paul s'est proposé 
un double but dans cet article : il a voulu instruire tout 



à la fm ses lecteurs sur la relation du mari et de la 
femme, et sur celle de Christ avec r%lise} et ce se^ 
eond objet le conduit, de temps en temps, à des di*^ 
gresaions sur l'œuvre de Christ, après lesquelles il re- 
vient Il son sujet principal. Nous ne saurions, non plus 
qu'Olshausen , admettre cette hypothèse, qui rompt 
l'unité de ce morceau et qui fait revenir l'Apôtre, sans 
motif apparent, sur des sujets qu'il a déji^ traités dans 
la première moitié de notre ëpitre. Nous pensons qm 
tous les traits du parallèle renferment une leoon pour 
les époux chrétiens; et quant à ce que le rapport q'a 
pas toujours une précision rigoureuse, nous ne voyons 
le que ce que nous voyons ailleurs dans les rappro* 
qhements, types ou paraboles de l'Écriture; et nous 
nous en étonnons d'autant moins en oet endroit, qu'il 
est bien évident que le rapprochement en soi, se bor- 
n&t-on aux points de ressembl^noe acceptés par Har^ 
less, n'est jamais vrai que par certains oôtéa. Mais 
d'où vient que saint Paul termine le v, 83, qui coa* 
cerne avant tout la femme, par un trait qui regarde 
avant tout le mari, et qui trouverait mieux sa place, 
ce semble, dans la seconde partie du développemeat 
réservée pour les obligations du mari ? On pourrait 
dire que le v. 23 doit être considéré comme renfer- 
mant une vérité générale qui, bien qu'énoncée pour 
la première fois à l'occasion des obligations de la 
femme, renferme en substance la doctrine de tout^ cet 
artiole, et s'applique dès lors «ussi bien aux devoirs 



OB. ^, 21-33. Ui m BOinsniQxm. 8?8 

du mari qu*à eeux de la femme. Mais, si Ton trouve 
plus naturel de rattacher plus étroitement le v. 99 fa 
la condition de la femme, qui est incontestablement 
l'objet principal du paragraphe commençant par ces 
mots : vpu$ f&nf»$$ (23^4), comme celle du mari Test 
de ce qui vient après C6ux«-ci 3 voub marii ^-âd); 
voîoi eomment noua expliquerons la fin du v. 83 1 ^t 
SQuinettre à son mari c comme au Seigneur; i cette 
idée pouvait étonner la femme ehrétiehne, reffnayer 
mtoe, comme une sorte d'oppression humaine dont 
elle serait menacée. L'Âpôtre prévient cette inquié- 
tude en se hâtant de faire observer que le mari n'est 
la tét9 de la femme que comme Christ est la tète de 
rÉglise. Or, Christ est la tête de TÉglist, non pour 
l'opprimer, non pas même seulement pour la gouver- 
ner, mais avant tout pour la sauver. Le mari de 
mente n'est la tête de la femme que pour lui ^ire du 
bien, et la soumission requise de celle-ci n'a dès 1ers 
rien de fteheux ou de pénible. 

Mais, ainsi que l'Église est smmise à Oknsiy que Ut 
femmes aussi le soient de mime à leurs propres manis en 
toute chose. 

Ici, le mot propres est suspect, et l'on doit lire pro- 
bablement à leurs maris. Cette difiRér^nce impoirte peu. 
Nous avons anticipé sur le contenu de ce verset en 
expliquant les précédents. Il ne reste qu'à expliquer 
la conjonction mai$ par laquelle il commence. Nos 
versions ont traduit donc, ce qui ôterait la difficulté; 



376 LA VIB DOMESTIQUE. CH. V^ 21-33. 

et Winer et Olshàusen croient pouvoir donner cette 
signification à la particule grecque. Mais cela nous 
parait contestable. Harless lui laisse son sens propre, 
et, comme il suppose une digression à la fin du 
V. 23, il explique la particule d'opposition qui ouvre 
le Y. 24 en disant que saint Paul revient à son sujet, 
qu'il avait un moment abandonné. Nous TexpliquoDs 
d'une manière semblable. Nous n'admettons pas, 
il est vrai, qu'il y ait eu de digression dans le v. 23, 
au sens de Harless. Mais l'Apôtre ayant été con- 
duit, dans ce verset, à passer un moment des obli- 
gations de la femme à celles du mari, par la raison 
que nous avons dite, la particule mais se comprend 
sans peine «u point où il reprend les premières*. C'est 
comme s'il disait : Mais y pour en revenir à vous, ou 
peut-être : mais, que le mari remplisse ou non ses de- 
voirs^ pour vous, etc. — D'ailleurs, la particule grec- 
que marque une opposition moins précise que notre 
conjonction mats; et l'on pourrait la traduire ; Au 
reste, quoi qu'il en soit. 

Rapprochez de ce verset et des deux précédents 
Col. III, 18; TiteII,5; 1 Pierre ffl, 1 . — On n'atten- 
dra par de nous que nous réfutions Rûckert qui dit, 
pour expliquer que l'Apôtre ait résumé dans la sou- 
mission les obligations de la femme chrétienne : <i Sur 
ce point, l'esprit du christianisme n'avait pas encore 
achevé de triompher de l'esprit judaïque ; cette vic- 
toire était réservée à un développement ultérieur. > 



CE. V^ 21-33. LA VIE DOMESTIQUE. 377 

Pour la femme chrétienne, la soumission ici prescrite 
n*a rien d'humiliant. C'est la gloire et Thonneur de son 
sexe, parce que c'est Tordre établi de Dieu et la loi de 
la création. Le vrai déshonneur serait dans cette éman- 
cipation que Ruckert, inspiré par notre siècle nive- 
leur, lui promet comme un développement ultérieur. 
Maris, aimez vos femmes, comme aussi Christ a 
aimé VÉglise. Tous les devoirs du mari sont résumés 
dans Tamour. On reconnaît bien ici l'esprit de l'Évan- 
gile; l'obligation d'aimer croît avec l'autorité, et nulle 
puissance ne doit être exercée que dans l'intérêt de la 
charité. Nous avons reçu cet exemple de Dieu, qui est 
amour, et de Jésus-Christ en qui la toute-puissance 
de Dieu ne s'est déployée que pour révéler au monde 
tout amour. L'Apôtre ne parle de l'autorité du mari 
qu'à la femme; au mari, il ne parle que de dévoue- 
ment. On reconnaît encore ici l'esprit de l'Évangile: 
il entretient chacun moins de ses droits que de ses 
devoirs; combien différent en cela du siècle! De là, 
ces deux idées de soumission d'une part et d'amour 
de l'autre, qui ne semblent pas se correspondre exac- 
tement; nous aurions été, à la place de l'Âpôtre, plus 
symétriques, et moins utiles. Dans une maison bien 
conduite, on doit reconnaître l'autorité du mari chez 
la femme, et la dignité de la femme chez le mari. Cha- 
cun des deux époux doit montrer ce que vaut l'autre. 
Comme aussi Christ a aimé VÉglise: c'est-à-dire, 
avant tout, parce que Christ a aimé l'Église, seul argu- 



319 u VIS iM>JfESTioiiB. es. n, 34-^. 

Qient dQ r Apôtre) ensuite, ntitonl gtie Christ a aimé 
r%li6e et dans le même esprit que Christ a aimé 
TÉglise. Ici, comme au v. 3S, la conjonction comme 
marque d'abord le principe» ensuite retendue et le 
caractère de l'obligation. Mais le choix de la particule 
grecque, qui diffère de celle qui est employée au 
Y. 2î, ïpontre que l'idée principale de TApolre est la 
première de celles que nous venons d'indiquer. Les 
deu3[ autres font l'objet du développement qui suit, 
jusqu'à la fin du v, 27, Car il est à remarquer que 
l'amour de Christ et du mari est développé, tandis 
que 1a soumission de VÊglise et de la femme ne Test 
pas, Jq ne saurais indiquer la raison de oette difféi- 
rence, q^i étonne d'autant plus que la soumission est, 
nous TAvoni^ vu« le point de départ de toute cette ex- 
hortation, N'eçt-qç pas que la soumission est une idée 
pins simple que celle de l'amour? Il n'y a qu'une 
manière d'obéir* Quand on a dit : « Faites tout oe 
< qu'il vQus dira, t que faut^il de plus? Le dévelop- 
pemept viendra de la partie qui gouverne. 

fli $'^^t livré Im-mém^, p9ur elle. Premier trait de 
cet amour : Iq degré auquel il est porté, Yoilà jusqu'oh 
est allé TamouT d^ Christ, et jusqu'où doit aller 
l'amowr du ïï^WU Christ s'est livré à la mort pour son 
tslm (v. 2) ; le mari doit se dévoyer et donner, s'il 
)« faut, sa vie pour sa femme. 

Afin qu'H la $anAifi(U. Seeond trait de cet amour: 
l'esprit qui Tanlme et le but qu'il se propose; c'est 



(M* y»%t-33. U YIS OOAOSSTIQÏÏX. 379 

un amour saint et sanctifiant. Ici , les détails du 
parallèle ne ^auraient être pressés , cela est mani- 
feste, et il i^Qrait ridicule et impertinent de eher^ 
cher dans Taniour du mari un correspondant exact h 
chacun des trait» par lesquels l'Apôtre dépeint l'amour 
de Christ* Mais il y a pourtant, ici même, quoi qu'en 
dise Harless, un point de contact et une instruction 
importante pour le mariage ; ç!m\ qu'à l'exemple d9 
Christ, le m^^ri doit aimer d'un amour mnt et se pro^ 
po^er la sanctiBcation croissante çt accomplie de sa 
femme, comme le premier objet de son union avw 
elle. Méconnaître ce rapprochement, c'est se priver 
de la partie la plus spirituelle de l'exhortation de l'A' 
pôtre. 

léQ verhe sanctifier peut avoir deux sep§, parce que 
le Seigneur sanctifie l'JÊglise de deux manières : 
d'abord, en expiant ses péchés par «on sang; c'est la 
sainteté imputée, connue, dans le langage théolûgi*r 
que, §ous le nom àeju$iifi(^tiqn\ ensuite, en lui com- 
muniquant une vie nouvelle par soa K^prit; c'est )a 
sainteté personnelle, connue sou$ le nom de $anciifir 
ççaion. La même question s'est présentée ^ nous k 
l'occasion de 1, 4, et ailleurs encore, dai)8 notre épjti^e. 
Harle^s se décide pour le premier sens, et la princi- 
pale raison qu'il en dqnne, c'est que 1^ sainteté, dont 
il est ici parlé, est décrite au v» 27 comme parfaite, 
et que ce caractère de perfection convient à la sainteté 
imputée, ms^is non à la sainteté personnelle* Cette 



380 LA VIE DOMESTIOUS. GH. V^ 21-33. 

raison ne nous parait pas décisive; car la sainteté per- 
sonnelle peut être considérée comme parfaite, et Test 
habituellement dans le Nouveau Testament, parce 
qu'il considère moins le point auquel le croyant est 
parvenu que le terme auquel il tend (1 Thess. V, 23; 
Matth. V, 48, etc., etc-). 

A choisir, nous nous déciderions de préférence 
pour la sainteté personnelle, parce que c'est le seul 
sens dans lequel le mari puisse travailler à la sancti- 
fication de sa femme. Mais nous ne voyons pas que 
ce choix soit nécessaire; et nous pensons que ce pas- 
sage est de ceux où la sainteté doit être prise dans une 
acception générale qui embrasse à la fois le pardon 
des péchés et le changement du cœur, \ussi bien, ces 
deux grâces sont étroitement unies, puisqu'elles sont 
inséparables, et si nous connaissions le fond des cho- 
ses, nous trouverions probablement que ce ne sont 
que deux faces diverses de la même vérité. 

L'ayant purifiée par le lavage d^eau dans la parole. 
Harless traduit : en la purifiant^ parce que cette tra- 
duction, permise du reste par Toriginal, s'accorde 
mieux que l'autre avec la signification qu'il donne au 
verbe sanctifier. La traduction reçue, que nous avons 
suivie avec Olshausen, etc., nous paraît à la. fois plus 
naturelle et plus satisfaisante. Le baptême ne consti- 
tue pas à lui seul la sanctification de l'Église par le 
Seigneur; il n'en est que le commencement. 

Il est incontestable, en effet, que par le lamge 



GH. V, 21-33. LA VIE IK)liESTlQU£. 38i 

d'eau il faut entendre le baptême (Jean III, 5; Actes 
XXII, 16; Tite ffl, 5; Hébr. X, 22), tout le monde 
est d'accord là-dessus; mais on ne l'est pas sur le 
sens du complément ; dans la parole. Il faut remar- 
quer d'abord que le mot parole est employé dans l'ori- 
ginal sans l'article (littéralement en parole) , ce qui 
fait connaître d'aboixl qu'il s'agit ici de la parole en 
général (bien entendu de la parole de Dieu), et non 
d'une parole déterminée; ensuite, que ce complément 
n'a pas une signification propre et indépendante, mais 
qu'il est destiné à modifier celle d'un autre mot de la 
phrase. Reste à savoir quel est cet autre mot : selon 
les uns, c'est le verbe sanctifier : < Afin qu'il la sanc- 
< tifiàt par la parole , l'ayant purifiée par le lavage 
€ d'eau; » mais l'ordre des mots est peu favorable à 
cette interprétation. Selon d'autres (Harless est de ce 
nombre) , c'est le verbe purifier. Notre complément 
indiquerait alors comment le Seigneur purifie l'Église 
par le baptême, c'est par la parole ; la parole est l'a* 
gent, l'élément par lequel le Seigneur opère dans le 
baptême. Enfin, selon d'autres encore, auxquels nous 
nous joignons (Olshausen, Gerlach, etc.), c^estlelavage 
d'eau» Cette construction, qui est sans contredit plus 
naturelle que les précédentes, fournit aussi un sens 
plus satisfaisant. Le vrai baptême, par lequel le Sei- 
gneur purifie l'Église, ce n'est pas le simple lavage 
d'eaUf mais le lavage d'eau dans la parole^ c'est-à-dire 
ce lavage accompagné de la parole, et agissant par la 



Ml LA TIE DOMESTIOUB. CH. T^ 2i-33. 

parole. Notre complément rappelle ainsi ce prioeipe 
essentiel que c'est la parole qui fait la lertu des sa- 
crements; c'est le fameux mot de saint Augustin ; 
Àoe9dii verbum ad elemeninmj et fU sacrameniwn (la 
parole, en s'unissant à Télément, donne naissance 
au sacrement). Que si Ton demande quelle est cette 
parole qui communique au baptême sa vertu, saint 
Ghrysostome répond que c'est la formule baptkmale : 
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Mais 
alors, l'omission de l'article serait difficile à expli- 
quer. II vaut mieux prendre le mot pwok dans une 
acception moins déterminée. Il s'agit de la parole ou 
de la promesse de Dieu en général. Il est bien vrai 
qu'on ne peut entrer dans l'application du principe 
posé par TApôtre, sans arriver aussitôt à l'institution 
du baptême ; mais cette application > saint Paul ne la 
fait pas* Olshausen considère ici la parole comme 
Texpression de la puissance et de l'action divine 
(Hébr. I, 3; XI, 3); et comme cette puissance et cette 
action est essentiellement spirituelle, il prend les mots 
tn paroi» comme à peu près synonymes des mots m 
tiprit (H, 22). Il cite à l'appui i Pierre 1, 23, et Jacq. 
1, 18, où la parole de Dieu est dépeinte comm« la 
semence de la régénération. Nous avouons ne pas 
bien comprendre cette explication. 

Afin quil se prisenM V Église à lui-mime, glorieuêe^ 
n ayant niiaehe, ni ridé, ni rien de éemblabh, mais afin 
grCdle fStî mainte ei sans difaut, — ou, d'après le texte 



rôçu : il/în qu'il seUipfésmtût à lui-méimy MÎ9 Égli»è, 
^lorc«use, etc* Le sens demeure exactement le même. 
La beauté morale de l'Église est dépeinte sous Tém- 
blême de la beauté physique de l'épouée, dans p\m 
d'un passage du Cantique des cantiques, et eti particu- 
lier dans ce verset : « Tu es toute belle, ma grande 
€ amie; il n'y a point de déftiut eii toi > (IV, 7). Ce 
souvenir, vraisemblablement présent à l'esprit de l'A* 
pôtre^ se joignait au sujet qu'il traitait dans ^el én« 
droit de son épître, pour lo porter à décrire sous !a 
même image la sainteté que le Seigneur communique 
à son Eglise* Les termes dont il se sert <;onflrment te 
que nous venons de dire : qu'il se lapréBmtûi (n>émc 
mot qui est employé dans 2 Cor. Xl, 2); n'ayant ni 
mcke, ni fîdc, sans défaut (ce dernier mot est employé 
par les Septante dans la traduction du verset du Can- 
iiqm des candques^ que nous venons de citer). Cette 
idée a paru à Harless manquer de délicatesse, et il 
. cherche à prouver que l'image de l'Apôtre est lirée 
des victimes offertes sous Tancienne alliance, et qui 
devaient n'avoir aucun défaut. Il est vrai que le mot 
présenter se trouve dans cette acception, Rom. XII, i 
(nos versions ont traduit offVir)^ et que les épithètes 
sans défaut et sans tache sont appliquées aux victimes 
(Lév* I, 10; III, 6, etc.; 1 Pierre I, 19). Mais, sans 
parler du mot ride qui ne se trouve jamais employé 
de cette manière, et qui ne pouvait guère l'être; sans 
compter la ressemblance frappante de notre verset 



384 LA VIE DOMESTIQUE. GH. V^ 21-33. 

avec Cantique IV, 7, dont il semble n'être que le dé- 
veloppement; l'emblème de Tépouse est ici autant à 
sa place que celui de la victime Test peu. Il n'y a de 
victime ici que Christ, qui < s'est livré lui-même ; » 
et son Église bien-aimée, en faveur de laquelle ce 
sacrifice a été offert, apparaît pour en recueillir le 
fruit, non pour en partager l'amertume. Quant à la 
délicatesse du rapprochement, je serais tout prêt à 
me rendre à cet argument, si je ne consultais que 
mon sentiment personnel. Mais autres sont mes sen- 
timents en matière de délicatesse, autres ceux de 
l'Écriture sainte. Sur ce point, comme sur tant d'au- 
tres, Dieu se plait à nous confondre ; et l'on peut dire 
que, comme < la folie de Dieu :» fait le procès à < la 
« sagesse des hommes, » la liberté de la sainte Écriture 
le fait à notre pureté. Nous avons nos raisons pour 
être si difficiles; et le Saint-Esprit en a de toutes 
contraires pour chercher si hardiment dans la nature 
entière des images pour les choses de Dieu. Soyons 
plus purs, et nous serons moins délicats. Sans doute 
le langage du Nouveau Testament diffère à cet égard 
de celui de l'Ancien Testament; saint Paul n'eût pas 
songé à reproduire le développement que Salomon 
a fait de Gant. IV, 7, et il y en substitue un autre 
plus austère et plus bref. Mais le fond de la pensée, 
le fond même de l'image, il le retient; car le rappro- 
chement qu'il fait entre Christ et l'époux, entre l'E- 
glise et l'épouse, vient de Dieu. Au reste, ce n'est 



GH. V, 21*33. LA VIE DOMESTIQUE. 3tB 

pas le point de son développement qui est le plus 
contraire à nos idées ; et nous aurons occasion de 
citer, en expliquant le v. 31 de notre chapitre, de 
graves paroles de Harless, qui peuvent au besoin 
servir de réponse à ses répugnances contre T explica- 
tion naturelle du v. 27. Voyez aussi le Psaume XLV, 
où la beauté physique est employée tour à tour (v. 3 
et 12) pour peindre la gloire spirituelle de Tépoux (le 
Seigneur) et de Tépouse (l'Église). 

Nous avons déjà fait observer que saint Paul nous 
présente tour à tour l'union de Christ avec TÊglise 
comme le modèle invisible (Ex. XXV, 8) de l'union 
conjugale (v. 23, etc.) et l'union conjugale comme le 
type visible de l'union de Christ avec l'Église (v. 28). 
Ici, il réunit ces deux points de vue dans un même 
verset. Il emprunte à l'union terrestre l'image de la 
beauté physique sous laquelle il décrit la sanctifica- 
tion de l'Église, que le Seigneur s'est proposée dans 
l'union céleste; et puis, il veut que le mari prenne 
exemple de Christ, et se propose également, dans 
l'union terrestre, la sanctification de sa femme. Le 
mari doit travailler au développement spirituel de sa 
femme avec un soin aussi tendre, aussi infatigable, 
que Christ le fait pour l'Église. Voilà l'esprit vrai- 
ment chrétien du mariage; en voilà l'objet essentiel. 
L'Écriture assigne au mariage un triple but : com- 
battre l'impureté (1 Cor. VH, 2) ; perpétuer l'espèce 

humaine (Gen. I, 28; Mal. II, 15) ; et sanctifier les 

25 



386 LA VIE DOMESTIQUE. CH. V^ 21-33. 

époux Tun par l'autre. Le premier but est conçu en 
vue du diable (1 Cor. VII, 5), et concerne l'homme 
en tant que pécheur. Le second l'est en vue de l'hu- 
manité, et concerne l'homme en tant qu'être social. 
La troisième l'est en vue de Dieu, et concerne 
l'homme en tant que représentant de Jésus-Christ. 
C'est là le fond même de l'union conjugale ; et comme 
elle est la plus intime qui existe, elle doit être en 
même temps la plus sanctifiante. Il va sans dire que 
la femme, de son côté, doit aimer son mari d'un 
amour qui la porte à se renoncer elle-même pour le 
sanctifier. Mais d'après la situation respective nor- 
male des deux sexes, c'est de l'homme que doit pro- 
céder l'influence positive. A lui appartient la place 
active, à la femme la place passive. C'était donc ici, 
et non en parlant de la femme, qu'il convenait de 
recommander cet esprit; outre que saint Paul, ainsi 
que nous l'avons vu, ne développe pas l'obligation 
de la femme ; ce qui, indépendamment des raisons 
que nous en avons données, pourrait tenir encore à 
ce caractère passif de sa position. 

Ainsi les maris doivent aimer leurs femmes, comme 
leurs propres corps. — Ainsi ne signifie pas ici donc, 
comme l'ont rendu nos versions, mais de cette ma- 
nièrey c'est-à-dire de cet amour qui vient d'être 
décrit, et qui offre le double caractère du renon- 
cement dans les moyens, et de la sainteté dans le 
but. C'est de la sorte que les maris doivent aimer 



CH. y, 21-33. LA VIE DOMESTIQUE. M7 

leurs femmes. Les mots qui suivent : comme leur$ 
propres corps^ dans lesquels la conjonction comme 
doit être prise dans l'acception de parce que ou 
en tant que, appuient cette obligation sur une con- 
sidération nouvelle, mais qui se déduit des précé- 
dentes. Si le mari est la tête de la femme, comme 
Christ Test de l'Église, la femme est le corps du mari, 
comme l'Église l'est de Christ, Telle est donc l'inti- 
mité et le caractère unique de l'union conjugale, que 
le mari doit voir en sa femme une partie de lui- 
même. Ne pas l'aimer, ce n'est pas seulement con- 
traire à la loi de Dieu, c'est contraire à la nature ; 
aussi contraire qu'il le serait de négliger le soin de 
sa propre chair*; c'est quelque chose d'énorme. Il y 
a autant de simplicité que de profondeur dans cette 
raison : « Celui qui aime sa femme s'aime soi-même.» 
Les mots nourrir et soigner tendrement sont empruntés 
à l'amour maternel, dont toutes les langues se ser- 
vent pour désigner la plus tendre affection (1 Thess. 

n,7). 

Comme aussi Christ VÉglisey parce que nous sommes 
membres de son corpSy a de sa chair et de ses os» C'est 
pourquoi Vhomme quittera son père et sa mère^ et s^ unira 
à sa femme; et les deux deviendront une seule chair. > 
Les mots « de sa chair et de ses os, :» manquent 
dans quelques manuscrits ; mais leur authenticité est 

^ « J^avoue^ dit Séoèque (Ep. ik), que ramour de notre propre corps 
aoQs est inné. » 



3W LA VIE DOMESTIQUE. GK^ Y^ 2t-3a. 

eertaine, et Lachmann n'a pas eu de raison suffisante 
pour les eSaucer. 

Au lieu de dire : < Gomme Christ l'Église, pafce 
c qu'elle est son corps, » l'Âpôtre dit : € parce 
c que nous sommes membres de son corps. » £a 
substituant le nous à l'Église, il donne à la pensée 
quelque chose de plus tendre et de plus saisissant. Le 
parce qm correspond au comme du v. 28, et confirme 
l'explication que nous en avons donnée. Ou bien, ea 
liant moins étroitement le v. 30 au v. 29, on peut, 
comme le fait Harless, terminer celui-ci par un point 
et commencer avec celui-là une phrase nouvelle : 
c Car nous sommes membres de son corps. » Quoi 
qu'il en soit, cette dernière pensée, l'Apôtre s'y ar- 
rête, et par une sorte de retour inattendu; il prouve 
l'intimité de l'union de Christ avec l'Église par celle 
de l'union conjugale, tandis qu'il avait jusqu'ici fait 
l'inverse. C'est que le type et Tantitype se prouvent 
et s'éclaircissent mutuellement ; et qu'il importait de 
bien imprimer dans l'esprit de ses lecteurs, en finis- 
sant, cette doctrine de l'union de Christ avec l'Église, 
qui a servi de base à toute son exhortation. Au 
reste, pour la prouver, il se sert d'un passage de la 
Genèse relatif à l'institution du mariage (Gen. II, 
23, 24), en omettant la fin du v. 23 qui ne se rap- 
portait pas directement à son dessqin. 11 n'avertit pas 
qu'il fait une citation, et le texte de Moïse est fondu 
dans celui de saint Paul ; il n'est pas rare que le 



GH. V^ 21-33. LA. TUS DOMESTIQUE.* 

Nouveau Testament cite l'Ancien 80us cette £6rme^ 
et «ela se pratique d'ailleurs dans toutes les langues 
en rapportant des passages connus de tout le monde. 
(Voyez le même endroit de Moïse cité de la même 
manière par Jésus-Christ, Marc X, 7, et le cinquième 
commandement dans la suite de notre épitre, YI, 2.) 
La citation est faite, avec des modifications in&igni** 
fiimtes^ d'après la version des Septante, qui a ajouté 
au texte original les mots les deux ; l'hébreu dit seu- 
lement : « ils deviendront. > Cette addition n'altère 
pas la pensée; mais elle la rend plus saillante \ 

Harless ne veut voir ici ni type, ni allégorie. Selon 
lui, l'Apôtre, voulant relever l'union intime du Sei» 
gneur avec l'Église, fait observer « qu'on peut dire 
de cette union ce qui est dit du mariage : Les deux 
deviendront une même chair; » mais la manière 
même dont il s'exprime (v. 32) fait assez connaître 
que le rapport qu'il indique entre les deux unions est 
prêté par lui au texte de Moïse et non trou\>é dans ce 
texte, ce qui est opposé au caractère de la typologie* 
Ce serait donc une simple accommodation, si nous 
comprenons bieti la pensée de notre auteur. Nous ne 
saurions être d'accord avec lui. Lorsque saint Paul 
cite, par le Saint-Esprit, une déclaration du Saint- 



< Noos pensons que le y. 24 est prononcé^ non par Moïse mais par 
Adam^ qui parle par un esprit de prophétie. Il est naturel de ne pas sé- 
parer le Y. 24 dur. 23^ qui, dans tous les cas^ a été prononcé par Adam, 
et qui suppose une réyélation divine^ Adam n*ayant pu connaître par 
lui«4néme ee qui e*était passé durant son sommeil. 



390 CA VIB DOMESTIQUB. GH. \, 2i-33. 

Esprit, c'est la pensée du Saint-Esprit qu'il nous 
donne et non sa pensée personnelle ; ou plutôt^ cette 
distinction ne nous parait pas faisable. Autrement, 
où en serions-nous pour l'explication du rapport des 
deux Testaments, s'il ne nous était pas permis de 
conclure de l'usage que font les apôtres de l'Ancien 
Testament au sens de l'Ancien Testament? 

D'ailleurs, dire que le mariage est un type humain 
de l'union de Christ avec l'Église, ou dire, comme 
l'Apôtre le fait dans le commencement de ce para- 
graphe, que l'union de Christ avec l'Église est le 
divin modèle du mariage, sont-ce deux choses si dif- 
férentes? L'une nous semble la contre-partie de 
l'autre. Si le sceau est le principe de l'empreinte, 
l'empreinte est la figure du sceau ; et l'on peut à égal 
droit juger par le premier de la seconde, ou par la 
seconde du premier. Le rapport indiqué par saint 
Paul entre les deux unions, ce n'est pas une accom- 
modation arbitraire de langage qui le lui a fourni; il 
est fondé dans les profondeurs de la pensée divine, 
et dans l'harmonie établie entre les choses visibles 
et les invisibles. Les premières sont le type terrestre 
des secondes, comme les secondes sont le modèle 
céleste des premières (Ex. XXV, 8). Nous pensons 
donc que le mariage institué dans Éden a été réelle- 
ment, dans les vues de Dieu, un type de l'union de 
Christ avec son Église; et que les paroles de la Ge- 
nèse citées par saint Paul se rapportaient réellement 



H 



GH. V^ 24-33. LA VIE DOMESTIQUE. 391 

par un côté, dans la pensée du Saint-Esprit, à l'œuvre 
de la rédemption. 

Mais, de même qu'en passant de l'union céleste à 
l'union terrestre, nous avons reconnu que l'on ne 
doit pas appliquer au mariage tous les traits sous les- 
quels l'œuvre de Chrisf est dépeinte (v. 26 et 27), 
nous reconnaissons également, en remontant de l'u- 
nion terrestre à l'union céleste, que Ton ne doit pas 
appliquer à l'œuvre de Christ tous les traits sous les- 
quels le mariage est dépeint, dans le passage cité de 
la Genèse. Ainsi, il n'est pas nécessaire de rechercher 
curieusement, avec certains commentateurs, quels 
sont ce père et cette mère que Jésus-Christ a dû 
quitter pour s'attacher à l'Église*; il faut s'en tenir 
à la pensée générale qu'il devait abandonner sa posi- 
tion naturelle, et accepter un grand sacrifice, pour 
s'unir à son Église. Mais cette pensée générale, nous 
pensons qu'elle est dans la citation de l'Apôtre. 
Ainsi encore, selon nous, on ne peut pas conclure, 
avec Olshausen et Harless, de la seconde moitié du 
V. 30, que l'union de Christ avec le fidèle n'est pas 
seulement spirituelle, mais aussi corporelle, le Sei- 
gneur nous communiquant sa nature divine et hu- 
maine tout ensemble. On le pourrait si ces mots: 
c nous sommes de sa chair et de ses os, » étaient un 
enseignement direct de l'Apôtre ; mais on ne le peut 

1 Par le père, on entendrait Dieu; par la mère, la région céleste ou 
la nation dlsraél^ etc. 



39â LA YJE DOMESTIQUE. GH. T^ 21-33. 

pas, ces mots étant un endroit de la Genèse, propre- 
ment relatif au mariage, et typiquement appliqué à 
notre union avec le Seigneur. Je dis qu'on ne peut 
pas conclure cette doctrine de notre v. 30 ; car je ne 
parle ici que du rapport de cette doctrine avec le texte, 
que nous avons à expliquer; et, quant au fond de 
la doctrine, je dois avouer que Tunion de Christ avec 
le croyant est décrite parfois, notamment dans 
Jean VI, en termes qui me paraissent aller au delà 
d'une communication purement spirituelle. Telle est 
aussi, si je la comprends bien, la pensée de Galvis, 
qui, du reste, s'explique sur cesujetavec une réserve 
que je voudrais imiter. Cette communication de toat 
l'être, même corporel, de Jésus-Christ au fidèle se 
fait, selon les pieux commentateurs que je viens de 
imiter, dans la sainte Cène ; à laquelle ils pensent qu'il 
est fait allusion dans les v. 30 et 31, comme au bap« 
tême dans le v. 26 (Harless est cependant moins po- 
sitif là-dessus qu'Olshausen). Il est digne de rémar- 
que que cette allusion est admise par beaucoup de 
commentateurs, de couleur dogmatique fort diffé- 
rente, Théodoret, Calvin, Grotius, etc. J'avoue que, 
pour ma part, je ne l'y vois pas, ou ne l'y vois que 
sur le second plan, comme dans Jean YI. La saifite 
Cène rappelle, rend visible, et, si l'on veut, réalisa 
^ans sa plus haute puissance l'union de Christ «i^ec 
le fidèle mentionnée dans ces deux endroits; mais elle 
ne la crée pas, elle ne la constitue pas; ce qui la cré^f 



— ^ 



OL. J, 21-33. LA VIE DOMESTIQUE. 98f3 

ce qui la constitue, c'est là foi. La foi seule, sans la 
sainte Cène, opère tout ce qui est écrit, soit ici, soit 
dans Jean VI; et s'il existe une union plus que spiri- 
tuelle entre le Seigneur et nous, cette union plus que 
spirituelle existe déjà pour le vrai croyant avanft 
d'avoir été scellée par la communion. 

Les derniers mots du v. 31 , dont le sens, en tant 
qu'ils s'appliquent au mariage, n'est pas douteux 
{i Cor. Vl, 16), expriment ce qu'il y a de plus intime 
dans l'union de Christ avec TÉglise. C'est ici le point 
le plus délicat du rapprochement délicat de l'Apôtre. 
Mais, parce que l'imegination déréglée de l'homme 
trouve ici matière d'achoppement-, fallait-il priver 
l'Église d'une instruction, fondée sur les plans du 
Créateur, et qui nous fait voir une leçon sainte et 
spirituelle jusque dans les choses dont notre nature 
corrompue a le plus abusé? Tout est pur, dans les 
vues de Dieu; et rien ne se souille qu'en se détour- 
nant de son cours naturel. Il est bon que l'Apôtre 
nous fasse entrevoir cette sainte vérité, pour nous 
faire comprendre à la fois et notre abaissement, et la 
beauté primitive du mariage, et la sainteté que Jésus* 
Christ peut lui rendre. Au reste^ il s'y arrête peu. 
Imitons sa réserve, et bornons-nous à citer ces graves 
paroles de Harless : < Que le mariage, et en parti- 
culier ce qui en fait le caractère distinctif (Gen. II, 
24), soit une chose sainte, et une représeniatiou visi* 
ible de ce qu'il y a de plus saint dans le domaine ide 



391 LA VIE DOMESTIQUE. GU.V, 21-33. 

Thomme, l'Esprit seul peut le concevoir et réprou- 
ver; la nature bestiale (die BesiialUœt) du péché n'y 
comprendra jamais rien. Mais ce n'est pas à elle que 
l'Apôtre s'adresse; pour elle, il n'y a point de saint 
mystère, ni au ciel, ni sur la terre; elle ne trouve 
partout que la malédiction de son propre dérègle- 
ment. » 

Ce mystère est grand ; or je parle^ quant à moi^ par 
rapport à Christ et à VÉglise. Ces derniers mots signi- 
fient : En appelant cela un grand mystère, je consi- 
dère' cette parole de la Genèse, non dans son appli- 
cation au mariage (sur laquelle l'Apôtre semble répu- 
gner à s'arrêter), mais dans son application à l'union 
de Christ avec l'Église. — C'est sur ce verset que 
Harless s'appuie pour prouver que saint Paul a en- 
tendu présenter l'application qu'il fait de Genèse II, 
23, 24 à Jésus-Christ, comme lui étant personnelle, 
et n'étant pas en soi dans le texte. < Évidemment, 
dit-il, l'Apôtre sépare l'application qu'il fait du texte 
cité d'avec la signification propre de ce texte. »Nous 
ne voyons pas cette conséquence évidente. Il sépare 
cette application, non d'avec la signification propre 
du texte, mais d'avec son application immédiate et 
prochaine, ce qui est toute autre chose. L'application 
immédiate et prochaine était probablement seule 
aperçue, du lecteur juif de Moïse, probablement seule 
aperçue de Moïse lui-même ; et peut-être cela est-il 
indiqué par l'expression, < quant à moi, » qui est 



CHi V, 21-33. LA VIE DOMESTIQUE. 395 

traduite littéralement de l'original, et q*ui semble in- 
diquer un contraste entre l'Apôtre et quelque autre *. 
Mais ce n'est pas la pensée de Moïse qui importe, 
c'est la pensée du Saint-Esprit ; et si, comme nous 
le pensons, il a eu en vue, dans Genèse II, 23, 24, 
Jésus-Christ et l'Église, sans quoi nous ne saurions 
concevoir qu'il en eut fait l'application à Jésus-Christ 
et à son Église dans saint Paul, cette application spi- 
rituelle, contemplée ou non par Moïse, appartient à 
la signification propre du texte tout aussi bien, pour le 
moins, que l'application visible et superficielle. Etre 
caché, et n'être pas, sont deux. 

Quoi qu'il en soit de notre discussion ^ec Harless, 
le grand mystère^ selon saint Paul, c'est l'union de 
Christ avec l'Église, et non le mariage. Quand l'É- 
glise romaine s'appuie de ce verset pour mettre le 
mariage au nombre des sacrements, elle commet une 
double erreur. Premièrement, elle traduit par sacre* 
ment \}ï\ mot qui signifie mystère. Il est vrai qu'elle 
croit suivre en cela la Vulgate, qui a rendu le mot 
original par sacramentum: mais ce mot a, pour la 
Vulgate, un autre sens que pour nous; car il corres- 
pond, dans la même version, au même mot grec, 
d'Éphés. I, 9 et III, 5, où personne ne songe à voir 
de sacrement. Secondement, elle applique au mariage 
ce que saint Paul a dit de Tunion de Christ avec TÈ- 

1 Harless et Winer ne pensent pas qu'il faille presser le pronom^ et 
traduisent simplement : « Ôr^ je parle par rapport^ etc. » 



396 LA YIE DOBCESTIQIT£. CB. T^ 3i-33. 

glise, et non* du mariage. Quand il aurait eu l'int^ini- 
tion de prévenir l'interprétation romaine, il n'aurait 
guère pu s'expliquer plus clairement sur cette dis- 
tinction. 

On peut faire la même remarque sur la plupart des 
erreurs de Rome : l'Écriture semble avoir voulu ïe^ 
prévenir. Cela rappelle cette prévoyance que notr« 
Apôtre attribue à l'Écriture (Gai. III, 8). Il estasse? 
étrange, du reste, que cette même Église qui a élevé 
le mariage au rang de sacrement, l'ait rabaissé es 
même temps au niveau des choses indignes d'une 
sainteté éminen te. Pour nous, qui ne saurions ym 
dans le mariage un sacrement, nous y voyons, d'après 
notre texte, une chose sainte devant Dieu; et en 
rapprochant ce texte et Gen. II, 18 de 1 Cor. VII, 
nous croyons pouvoir conclure que dans les pre- 
miers l'on trouve la règle, et dans le second Tex^ 
jception. 

Au reste, quant à vous tous aussi ^ etc. L'Àpôtre re^ 
vient à son sujet principal (ce retour est marqué par la 
conjonction au reste) et résume toute son exhortation 
en deux mots; en commençant cette fois par le mari, 
sans doute, parce qu'il a été nommé le dernier. Ces 
deux mots sont, pour le mari, aimer sa femme y F ai- 
mer comme soi-même, et pour la femme, craindre 
imi mari. C'est la traduction littérale, que nos ver- 
sions, jusqu'à Lausanne 1839, n'ont pas osé donner. 
Le verbe ici employé correspond au substantif em^ 



GH. VI, i'à. LA VIE DOMESTIQUE. 3in 

ployé dans le v. 21 (k crainte de Christ). La crainte 
que la femme doit à son mari est une crainte d'amour, 
comme celle de l'Église pour le Seigneur : « Il n'y 
aura jamais de soumission volontaire, si le respect ne 
précède » (Calvin). 

Nous recommandons, en terminant, cette exhorta- 
tion de TApôtre à la conscience des époux chrétiens, 
en rappelant à chacune des deux parties que ses 
obligations dépendent du Seigneur et non de la fidé- 
lité de l'autre à observer les siennes. Nous la recom- 
mandons aussi à la conscience des personnes qui 
songent à se marier. Que la jeune fille ne cherche 
pas un moyen d'émancipation mondaine dans un 
état qui lui impose de nouvelles obligations de sou- 
mission et d'humilité. Que le jeune homme compare 
l'exemple qui nous est donné par Christ (v. 25-27) 
avec cet égoïsme avare et charnel qui préside en gé- 
néral à la recherche d'une compagne. Que l'un et 
l'autre considèrent combien il est impossible de réa- 
liser le tableau du mariage tracé par l'Apôtre, si les 
deux époux ne sont dans la foi et se fassent une loi, 
tandis que le cœur est encore libre, de ne se marier 
que < dans le Seigneur » (1 Cor. VU, 39). 

2» Devoirs réciproques des enfants et des parents. VI, 1-4. 

YI. 1 . Enfants^ obéissez à vos parents^ dans le Sei- 
gneur; car cela est juste. 2. < Honore ion père ei tu 



398 LA VIE DOMESTIQUE. GH. Yl^ i-4. 

flc mèrej > ce qui est le premier commandement en pro- 
messe ; 3. « afin que bien te $oit, et que tu vives long- 
€ temps sur la terre. > 4. Et vouSy pires^ n irritez point 
vos enfants^ mais élevez-les dans la correction et Vensei- 
gnement du Seigneur. 

Obéissez (Rapprochez Col. III, 20). Ce terme, em- 
ployé pour la soumission des enfants et celle des 
esclaves, est plus énergique que celui qui Ta été 
pour la soumission des femmes (V, 22), et qui mar- 
que proprement la subordination. Cette distinction 
paraît faite avec intention ; car on la retrouve dans 
Col. III. Cependant elle n'existe pas dans le titre gé- 
néral de cette section de notre épître (V, 21), ni dans 
le développement analogue de saint Pierre (1 Pierre 
II, 13, 18; m, 1)*. Saint Paul résume toutes les 
obligations de Tenfant chrétien envers ses parents 
dans l'obéissance. C'est que de l'obéissance dépend 
toute l'éducation, et de l'éducation dépend la condi- 
tion de la société tout entière. Cet esprit d'insubor- 
dination dont chacun se plaint aujourd'hui, et qui 
relâche tous les liens, doit être attaqué dans son prin- 
cipe, c'est-à-dire dans la maison paternelle, pour 
l'être avec fruit. Celui-là sera le mieux préparé pour 
respecter l'autorité civile et l'autorité ecclésiastique, 
dont l'esprit aura été plié de bonne heure à l'autorité 
paternelle, la plus forte et la plus salutaire qui soit au 

1 D'autres termes encore sont employés pour l'ordre de l'Église 
(Hdbr. Xm, 17). 



CH. VI, i-4t. LA VIE DOMBSTIOtJB. 399 

monde. Que les familles chrétiennes se conforment 
exactement à l'ordre de Dieu, non aux maximes du 
siècle. Un enfant obéissant, au sens de l'Écriture, 
sera accusé d'un défaut d'indépendance ; et un père 
exerçant son autorité, selon l'Écriture, sera accusé 
de rigueur et d'abus de pouvoir. N'importe ; c'est à 
Dieu que nous devons compte, non aux hommes. 

Dans le Seigneur. Un petit nombre de manuscrits, 
dont Lachmann a suivi l'autorité, suppriment ces 
mots; mais sans raison, et probablement à cause du 
passage parallèle (Col. III, 20) où ils manquent. Ces 
mots, qui ont le même sens ici que dans IV, 1 et 
dans IV, 17, servent à marquer l'esprit de l'obéis- 
sance chrétienne et à la distinguer de celle que des 
enfants païens peuvent rendre à leurs parents. 
€ Obéissez dans le Seigneur, j» c'est-à-dire en tant 
qu'étant dans le Seigneur, en tant que chrétie'ns. Par 
le Seigneur^ il faut entendre, non pas Dieu, comme 
on a coutume de le faire, mais Jésus-Christ (V, 21). 
Ce complément renferme implicitement la restriction 
indiquée Actes V, 29; car on ne saurait obéir « dans 
< le Seigneur » à un commandement contraire à ceux 
du Seigneur. Mais, en traduisant : « Obéissez dans 
€ ce qui est selon le Seigneur, » la version de Martin 
n'a rendu qu'une partie de la pensée de l'Apôtre. On 
en peut dire autant d'Ostervald qui traduit : « Obéis- 
€ sez selon le Seigneur, > ce qui présente à l'esprit 
la même idée que la version de Martin. 



4M LA VIE DOMESTIQUE. GH. Tl^ i-è. 

Car cela esê juste (Actes lY, 19). On vient de voir 
Tesprit de l'obéissance filiale. En voici le fondement. 
C'est une obligation naturelle, sanctionnée par un 
commandement exprès de la loi de Dieu« C'est prin- 
cipalement, je ne dis pas exclusivement, cette der- 
nière idée que l'Apôtre a voulu exprimer. C'est ce 
que prouve, et le verset qui suit, et CoL III, 20, où 
le motif de Tobéissauce filiale est exprimé en ces 
termes : < Car cela est agréable dans le Seigneur » 
(ce qui ne signifie pas précisément agréable au Sei- 
gneur, comme l'a rendu même Lausanne 1839, mais 
agréable au point de vue chrétien). Il est dans l'esprit 
de rÉcriture de s'appuyer moins sur la loi naturelle 
que sur la loi révélée, qu'elle appelle exclusivement, 
sauf explication particulière (Rom. IJ, 14, 15), la lai 
de Dieu. Nous ne partageons donc pas le sentiment 
exprimé par Olshausen : c Si l'Apôtre en appelle à 
un commandement de l'Ancien Testament, ce n'est 
pas pour confirmer la nécessité du précepte, laquelle 
est suffisamment prouvée par la nature même de la 
relation ; mais c'est pour faire remarquer la gran- 
deur de la promesse faite à ceux qui l'observent. > 

Honore ton père et ta mère (Ex. XX, 12 ; Deut, V, 
16). L'honneur est le plus haut degré du respect, qui 
est, comme nous l'avons déjà remarqué (note sur 
Y, 32), la première condition de toute soumission et 
de toute obéissance du cœur, la seule dont Dieu 8e 
contente, la seule aussi dont pourra se contenter un 



GH. n, i-À. LA. TEB BOMBSTfOUB. IW 

père. Le eiûquième commandement est Tun de cens 
qui sont le plus souvent rappelés dans rAncieo 
Testament, notamment dans le livre des Proverbes, 
vrai trésor d'instruction pour la vie domes^ue eft 
sociale (Prov. VI, 20; XIX, 26; XXIII, 22, etc.). 

Ce qui est le premier commandement en promesse. 
Cette phrase est obscure. Le sens du moi premier, 
et celui des mots en promesse sont difficiles à déter- 
miner. Voici les trois interprétations principales 
proposées par les commentateurs, et qui nous pa- 
raissent se balancer. 

Selon la première (Winer, Gr. des N. T.), le mot 
premier signifie éminent, distingué ; et les mots en 
promesse, signifient par une promesse. La traduction 
littérale serait alors : < Ce qui est un commandement 
< premier en promesse; »*ou c lequel commande* 
« ment-est premier en promesse; » c'est-à-dire, dis- 
tingué entre tous par la promesse qui l'accompagne. 
Cette interprétation est celle qui rend le mieux 
compte des mots en promesse; mais elle ôte au mot 
premier le sens superlatif, qui lui est propre, et qu'il 
a partout ailleurs dans le Nouveau Testament, Ù rfy 
a d'autre manière de le lui conserver dans notre 
verset que de donner à la préposition en une ^oep- 
iion particulière, et, il faut le reconnaître, difficile à 
^stifier. < En promesse » doit signifier awe protineese ; 
H)u hiQ^f ce qui nous paraît plus vraisembkfcAe^ kt 
îprépositiop a» désigne ia maniéne d^ntle^oomfnamde- 

26 



403 LA YIB DOMBSTiOUB. CM. Yl, i-L 

ment est donné, à peu près comme si Ton disait: 
eo forme de promesse. Nous avons voulu exprimer 
cette nuance en ma;intenant la traduction littérale en 
framesse, au lieu de la traduction avec promeMe adop- 
tée dans toutes nos versions, la version de Lau- 
sanne 1839, la version anglaise, celle de Luther, 
celle de De Wette, etc. 

Mais ceux qui sont d'accord pour laisser au mot 
premier son sens superlatif se partagent encore. 

Les uns (Gerlach) pensent qu'il ne s'agit ici que de 
la seconde table du Décalogue. De là, la seconde in- 
terprétation : Ce qui est le premier commandement 
de la seconde table, et de plus un commandement 
accompagné d'une promesse ; deux caractères qui le 
distinguent d'avec les autres commandements du 
Décalogue relatifs à nos devoirs envers le prochain. 
Ce ne serait pas, en effet, le seul endroit du Nouveau 
Testament où il faudrait entendre par les cùmmande- 
ments^ ou par la loi^ la seconde table seulement : 
MarcX, 19; Gai. V, 14; Rom. XIII, 8-10. On peut 
ajouter que cette restriction serait implicitement jus- 
tifiée par le sujet que traite ici l'Apôtre, puisque toute 
cette section de son épître ne se rapporte qu'aux 
obligations du chrétien envers le prochain. 

Les autres (Harless, Olshausen), ne jugeant pour- 
tant pas cette restriction suffisamment motivée, en- 
tendent ceci du Décalogue tout entier, et traduisent: 
< Ce qui est le premier des dix commandements qui 






tH. VI^ i-4. LA VIE DOMESTIQUE. 403 

€ soit accompagné d'une promesse. > Première objec- 
tion : Ce langage suppose qu'il y ait au moins un 
autre commandement après celui-là qui soit accom- 
pagné d'une promesse ; ce qui n'est pas. Réponse ; 
Il ne le suppose pas nécessairement; il suffît qu'en 
parcourant le Déealogue, on ne trouve pas d*autr« 
commandement accompagné d'une promesse, avant 
d'arriver à celui-là; il est appelé le premier, non par 
rapport à ceux qui suivent, mais par rapport à ceux 
qui précèdent. — Seconde objection : Cela même 
n'est pas exact ; avant ce commandement il y en a 
un autre qui est accompagné d'une promesse. C'est 
le second. Réponse : La promesse qui termine le se- 
cond commandement a un caractère différent de celle 
qui termine le cinquième. La première est générale: 
elle promet la bénédiction générale de Dieu à celui 
qui observe sa loi en général; la seconde est spé* 
ciale : elle promet une bénédiction spéciale à celui 
qui observe un précepte spécial. L'une relève toute 
la loi; l'autre en relève un précepte particulier. A 
quoi Ton peut ajouter, comme l'observe Érasme, que 
la promesse du cinquième commandement < n'est 
pas la première promesse venue, mais la promesse 
qui avait le plus d'empire sur l'esprit des Juifs, ^ 
celle de l'établissement en Canaan. C'est moins une 
promesse que la promesse. 

Ces réponses sont ingénieuses et ne manquent pas 
de vérité ; mais elles ne nous satisfont pas complé- 



404 LA VIE DOMBSTIOCJS. GH. VI^ 1-4. 

temmt Si elles étaiefnt bien fondées, pourquoi TA- 
pôtren^a^t-il pas dit : ce qui est le$eul commandement 
avec promisse, ce qui serait à la fois plus naturel et 
plus fort? A tout prendre, nous notis déciderions plus 
volontiers, avec Gerlach, pour la seconde des inter- 
prétations que nous avons indiquées, tout en recon- 
naissant qu'elle n'est pas sans difficulté, surtout en 
ce qai concerne l'expression m promesse. 

Quoi qu'il en soit, le fond de la pensée de l'Apô- 
tre n'est pas équivoque. L'obéissance filiale est 
prescrite par un commandement exprès de Dieu, par 
un commandement qui fait partie du Décalogue , 
enfin par un commandement qui est distingué, même 
entre ceux du Décalogue, par une promesse parti- 
culière. On pourrait ajouter que la loi de Dieu a aussi 
des menacés singulièrement effrayantes pour ceux 
qui transgressent ce commandement : Deut. XXVH, 
16; Prov. XX, 20; XXX, 17. 

Afin que Uen te soii et que tu vives longtemps sur la 
terre. Cette promesse est citée d'après la version des 
Septante, avec des changements insignifiants, c Con- 
formément au point de vue de l'Ancien Testament, 
dit Olshausen, la bénédiction divine est particula- 
risée dans la possession terrestre du pays de Canaan, 
qui est promise au peuple d'Israël (car c'est au peu- 
ple tout entier que la loi est donnée), sous la condi- 
tion qu'il aura observé fidèlement les commande- 
ments, et plus spécialement le quatrième. Saint 'Paul, 



QH. Vlj i-4. LA Vi£ DOMESTIQUS. 405 

se plaçant au point de vue du Nouveau TesUtmeiity 
prend la promesse dans son acception typique^ et de 
la terre il s'élève au royaume des cieux. Voyez des 
applications analogues du même type, Matth. V, 5, 
et Hébr. IV, 1. » Cette explication, qui est confirmée 
par la suppression des derniers mots de la promesse 
(c que TÉternel ton Dieu te donne ») dans la citation 
de TApôtre, nous parait préférable à celle de Har- 
less, qui ne voit ici qu'une promesse temporelle. Ce 
n'est pas que le Nouveau Testament n'ait des pro- 
messes temporelles (Matth. VI, 33; XIX, 29, etc.); 
ni que nous prétendions exclure l'application tempo- 
relle de la promesse même que nous avons sous 1^ 
yeux; mais nous pensons qu'elle a tout ensemble un 
sens propre et un sens typique^ l'un temporel, l'autre 
spirituel (1 Tim. IV, 8). 

Pires. Si l'on doit admettre, avec Harless et 
Olshausen, que l'Apôtre ait voulu désigner par ce 
terme les pères seuls, à l'exclusion des mères, il fau- 
dra dire qu'il a voulu rappeler en passant que c'est 
au père à diriger l'éducation des enfants, c Là où 
l'éducation, et le gouvernement de ki maison en 
général, est entre les mains de la femme, dit Har- 
less, le mariage est mal organisé et l'ordre de Dieu 
renversé. L'obéissance de la femme doit laisser au 
mari la première place. C'est Itiî qui élève leurs 
enfants par $11$ ; et s'il est doué de sagesse, il n'a 
})emn que de l'affection obéîasai^te de sa femme 



406 l VIE DOKESTIQVE. GH. YI^ 4-4. 

pour les bien conduire. Les anciens eux-ménoes ont 
reconnu que la tendresse naturelle de la femme, 
qui peut dégénérer aisément en faiblesse, fait un 
devoir à l'homme de garder la haute main, même 
dans Téducation des enfants. La mère, dit Sénèque, 
voudrait les tenir toujours près d'elle, les élever en 
serre chaude, leur épargner tout sujet de pleurs, 
toute contrariété, tout travail. » Cette remarque est 
intéressante; mais le mot pires étant employé une 
fois ailleurs dans le Nouveau Testament pour dési- 
gner le père et la mère (Hébr. XI, 23) (littéralement 
« par ses pères >), nous pensons qu'il est plus natu- 
rel de lui donner ici le même sens (voyez v. 1 et 2), 
tout en reconnaissant que cet emploi même du mot 
rappelle implicitement que l'autorité du père l'em- 
porte sur celle de la mère. On a pu dire quelquefois 
les pères, pour le père et la mère; mais qui aurait 
jamais songé à dire, dans ce sens, les mêresî 
" N'irritez point vos enfants [Co\. III, 21) : t Ne pro- 
€ voquez pas vos enfants, de peur qu'ils ne perdent 
€ courage. > L'Apôtre dit d'abord ce qu'il faut éviter, 
.ensuite ce qu'il faut faire. Ce qu'il faut éviter, c'est une 
rigueur injuste ou excessive, qui irriterait \es,en&Xil&, 
c'est-à-dire qui, au lieu de les former à l'obéissance, 
développerait chez eux un esprit de ressentiment et 
de résistance. C'est encore une direction impatiente, 
capricieuse, taquine (c'est le sens propre du mot qu« 
nous traduisons prooogtier, d'après Lausanne 1839), 



^ 



GH. YI^ 1-4. LÀ VIE DOMESTIQUE. '407 

qui démoralise un enfant et lui donne Tinnpression 
décourageante qu'il ne saurait, quoi qu'il fasse, satis- 
faire ses parents. Remarquons que c'est par là que 
l'Apôtre commence, soit parce que c'est le côté né- 
gatif de l'éducation, soit parce que rien n'est plus 
naturel ni plus funeste à la fois en éducation que 
l'impatience. Évitons -la surtout en appliquant un 
châtiment ; on connaît ce mot d'un sage païen à son 
esclave : « Je te frapperais, si je n'étais en colère. » 
Avant tout, l'amour^ dans l'éducation, comme dans 
tout le reste de la vie chrétienne : c Que tout ce que 
<K vous faites se fasse avec amour. » L'indulgence 
extrême, toute fâcheuse qu'elle est, le serait moins 
' que l'excès de la sévérité. Ce n'est pas qu'une juste 
sévérité ne soit nécessaire : l'Âpôtre se hâte de 
l'expliquer, en présentant le côté positif de l'éduca- 
tion. 

Élevez-les dans la correction et l'enseignement du Sei- 
gneur. Ce sont les deux grands moyens de l'éduca* 
tion; l'un sévère, l'autre doux : corriger, pour répri* 
mer le péché, et enseigner, pour le prévenir. Le mot 
que nous traduisons correction est susceptible d'une 
signification plus étendue 2 Tim. III, 16 (où on l'a 
rendu par c instruire dans la justice »), et Harless y 
voit l'éducation en général ; mais nous pensons, avec 
Olshausen, qu'il vaut mieux le prendre dans son ac- 
ception plus restreinte, qui est en même temps son 
acception ordinaire dans le Nouveau Testament 



fMB Ul vis DOKESTIOm. €H. Ylj 14. 

(Hébr. Xil, 5, 7, 8, il) et dans la verâon des Sef* 
tante (ProT. m, 11; XXII, 15). Le même esprit, q«, 
de nos jours, relâche Tobéissance filiale^ ramollit 
aussi la puissance paternelle; Tabus de rindépen^ 
dance chez les inférieurs, et Toubli de Tautorité chez 
les supérieurs, marchent ensemble. Les parents qui 
ont su se garder d'une rigueur excessive, soit prin^ 
cipe, soit tempérament, tombent d'ordinaire dans 
l'excès contraire ; le châtiment est banni de leur mai- 
son, et quant au châtiment corporel en particulier, 
il est tenu le plus souvent pour la marque d'un cœur 
dur ou d'un esprit mal né. Opposons à ces préjugés 
Prov. XIII, 24; XXII, 15; XXIII, 13, 14; XXIX, 17. 
Par la verge, nous n'entendons pas le châtiment cor- ' 
porel seul; nous disons seulement qu'on ne doit pas 
l'exclure (voyez Prov. XXIII, 14), et qu'il y a des cas 
où rien n'y supplée. Au reste, voici le principe qui 
doit diriger les parents chrétiens en pareille matière : 
employer les châtiments les plus doux possibles, mais 
des châtiments suffisants pour réprimer le péché *. 
Mais prévenir vaut mieux encore que r^imer, e4 le 
moyen le plus efficace d'éducation, c'es^ V enseigner 
ment. Il faut instruire les enfants sans relâche par la 
Parole de Dieu (Deut. VI, 7), et lors même que ee 
soin paraîtrait perdu sur Theure, le fruit s'en retrour 



*■ V«ir mt VoMisaukoe des enfonte et l'emitoi dut chàUmeati m «r*- 
cellent opascnle d'Abbott, traduit de l'anglais, soas ce titre :. La mère 



.^ 



dH. YI^ 5-9. LA VIE DOMESTIOUB. 409 

vera plus tard (Prov. XXII, 6). R faut poser ow bwft 
fondement, et laisser faire à Dieu, qui seul clian^e 
les cœurs. 

Du Sngneur. La correction et renseignement doi- 
vent procéder du Seigneur et être dirigés par TEsp^t 
du Seigneur, de telle sorte que ce soit moins le përe 
qui corrige ses enfants et les enseigne, que le Sei- 
gneur qui le fait par lui. C'est ici le point capital du 
développement de l'Apôtre (V, 21). C'est dans le Sei- 
gneur que l'enfant doit obéir, et au nom du Seigneur 
que le père doit commander. Car le père est auprèfe 
de soa enfant le- représentant de Dieu, qui, dans l|i 
pelatioM où il a daigné entrer avec nous par Jésus- 
Christ, a pris le titref de Père et nous a donné celui 
d'en&nts. L'enfant doit obéir à son Père, comme 
les enfants de Dieu obéissent à leur Père céleste; et 
le père doit gouverner son enfant comme le Père 
céleste gouverne les siens. Amour patient, sé?érîté 
Bécessaire, instruction fidèle, ee sont bien* là les 
trois moyens que Dieu emploie avecr nous; ce>soirt 
donc aussi ceux que nous devons employer avec nos 
enfants* 

3« Devoirs récipro(lues des esclaves et dés maîtres. VI, 5-9^ 

S. EsclaveSj €béi8t$z à vos maires sêhn la chair^ 
mm anxinU et trefnblemenij dans la $i\(nplieiiê de votte 
cœur^ eùmmêà Ckriit: &• m servantpas^sous leurs yem 
wmm «Amr&OTi à plaire aux hommes, mais éùrnu» 



410 LA VIS BOMBSTIOUS. GH. YI^ 5-0. 

49elMe$ de Christ^ faisant la voUmli de Dieu du cœWj 
T. servant avec bienveillanee^ comme (servani) le Sei- 
gneur ei non les hommes^ 8. saxihant que tout le Ue» 
que chacun aura fait, il le rececra du Seigneur, sait 
esclave ou libre. 9. Et vous^ maîtres, faites la même 
chose à leur égard, renonçant à la menace; sachant 
que votre Maître, à vous aussi, est dans les cieux, 
et qu'auprès de lui il n'y a point acception de per- 
sonnes. 

Esclaves. C'est la traduction littérale du grec. En 
la remplaçant par celle de serviteurs^ nos versions ont 
pris une liberté interdite à des traducteurs, et surtout 
à des traducteurs de rÉcrlture sainte. A Tépoque à 
laquelle saint Paul écrivait notre épitre, le service 
était fait presque uniquement par des esclaves, tant 
chez les Hébreux (Winer Realwœrt, art. Sklave), que 
chez les païens ; et c'est à la relation réciproque des 
esclaves et des maîtres que s'applique Pexhortation 
de l'Apôtre en cet endroit. Cela est également vrai 
de celle de saint Pierre dans sa première épître 
(II, 18), bien qu'il s'y soit servi du mot de serviteur, 
au lieu de celui d'esclave, car là la traduction suivie 
par nos versions est exacte ; les serviteurs auxquels 
s'adresse saint Pierre sont encore des esclaves. On 
peut cependant, et; l'on doit, étendre ces exhortations 
à la relation des serviteurs et des maîtres, telk 
qu'elle existe de nos jours dans nos mœurs, pourvu 
vqu'on ait égard à la différence essentielle qui séfmre 



«H.YI^ 5-9. LA TI£ DOMESTIQUE. 4i4 

le serviteur libre de Tesclave. Tandis que le second 
est la propriété de son maître, le premier s'appartient 
à lui-même; it ne vend pas sa personne, mais ses 
services, et il en peut fixer comme il l'entend le 
commencement et le terme. Mais, tandis que son en- 
gagement dure, il est tenu d'observer les obligations 
de son état, qui sont les mêmes, pour le fond et 
pour l'esprit, que celles des esclaves, en sorte qu'il 
n'est rien dans notre texte dont ils ne puissent pro- 
fiter. On peut ajouter qu'un principe de reconnais- 
sance envers Jésus-Christ doit les rendre doublement 
attentifs à leurs devoirs; car c'est à lui qu'ils doivent 
d'être libres ; sans l'Évangile, plus de la moitié de 
la société, et notamment la classe pauvre, serait en-- 
core dans l'esclavage. 

L'abolition de l'esclavage dans les pays chrétiens 
s'est faite graduellement. Elle a été introduite par 
l'esprit de l'Évangile, mais non commandée p&r^ des 
préceptes directs ; car nous voyons ici, par exemple, 
saint Paul réglant les obligations des esclaves et des 
maîtres, sans condamner leur relation mutuelle. On 
reconnaît ici la sagesse divine de l'Évangile, qui opé- 
rait moins par des règlements que par des principes, 
et qui déracinait certains abus d'autant, plus sûrement 
qu'il le faisait plus lentement et plus insensiblemen|t. 
Une marche impatiente eût pu tout compromettre ; 
et interdire tout à coup l'esclavage, c'eût été vrai- 
semblablement ou arrêter les progrès de l'Évangile, 



412 lA VIE DOMESTIOUE. GH. VI^ 5*9. 

OU armer une m^oitié du genre huroaiu contre l'au?- 
tre. Cet exemple ne doit pas être perdu pour nous 
dans les efforts que nous faisons pour l'abolition de 
Tesclavage chez le» peuples païens et dans les colo- 
nies» Cependant il ne faut pas perdre de vue, lors- 
qu'il s'agit de l'esclavage dans les colonies, que nous 
pouvons l'attaquer avec {dUSf de liberté que Jésusr 
Christ et les apôtres ne s'en sont permis à l'égard 
de l'esclavage qui existait de leur temps; et cela 
pour ces deux raisons. Tandis que l'esclavage con- 
temporain de Jésus-Christ et des apôtres datait de 
toute antiquité, Ifesclavàge de notre époque a une 
origine cpmparativement récente; et au lieu que le 
premier fut trouvé par le christianisme naissant tout 
établi chez les païens, le secon.d a été introduit chez 
les paï0ns par les chrétiens eux-mêmes ; en sorte que 
celuinÉi est à la fois moins enraciné dans les moeurs 
et plus odieux, que celui*li. 

Obéisses à ves mutlres sekm la chair. Voyez encore 
sur les devoirs- des esclaves CoL m, 22; Tite II; 
9, etc.; 1 Tim. VI, 1, etc.; l Cor. VII, 21, 22; et 
1 Pierre II, 18. Le compléàient seUm la cfmr a pour 
objet de distinguer les maîtres terrestres d'avec le 
Maître céleste. Selon l'esprit, les esclaves n'oat 
qu'un Maître, Jésus-Christ, qui l'est de tous les 
chrétiens également ; mais selon la chair, c'est-à-diriB 
^eLom l'ordre de h vie présente, ils oot des maitriKS 
liumaînà auxquels ils sont tenus d'obéir. 



CH.VI, 5-9. LA VIE POMBSTrOUB. 413 

Avec craifUe et trembtBment. ISaint Paul emprunte 
Cfes expressions aux mœurs établies, mais il leur 
donne un sens nouveau, A cette crainte qu'entrete- 
nait chez l'esclave le dégoût de la servitude et la 
peur du châtiment, doit succéder, chez Tesclave 
chrétien, une crainte d'amour et de respect (V. 21, 
33). 

Dans la simplicité de voire cœur^ c'est-à-dire avec 
cette droiture de cœur qui fait que les discours et 
les actions sont en parfaite harmonie, et ne font 
qu'un avec les sentiments intérieurs (2 Cor. I, 12 ; 
XI, 3, etc.). 

Comme à Christ. Voilà le point capital, qui répond 
de tout le reste. L'esclave doit voir dans son maître, 
comme la femme dans son mari, comme Tenfant 
dans son père, un représentant de Christ à son 
égard, et lui obéir, pour Tamour de Chriftt, comme 
il obéirait à Christ. Ainsi, le même principe préside 
à toutes les relations de la vie domestique. On en 
peut dire autant des autres relations d'inférieurs et 
de supérieurs que saint Paul n'a pas traitées en cet 
endroit ; en particulier, de celle des peuples avec les 
rois et les magistrats (Rom. XIII, 1 et suiv., etc.), de 
celle des fidèles avec les conducteurs de l'Église 
(Hëbr. XIII, 47, etc.). Le chrétien voit Christ par- 
tout, dans les petites choses comme dans les grandes; 
une seule pensée préside à sa vie tout entière. 

iVe Siervfont pas sous leurs yeux, comme ch&rehant à 



414 Li. VEB DOMESTIOUE. GH. YI^ 5-9. 

plaire aux hommeêy tnais comme esclaves d$, Christ, ftû- 
MtU la volanii deDim du cœur; ou, ne servant pas 
pour être vus des hommes (Matth. VI^ 1), mais pour 
être approuvés de Jésus*Ghnst, auquel ils appar- 
tiennent avant tout et auquel ils rapportent tout 
le travail de leur vocation. C'est la suite naturelle 
de la doctrine renfermée dans les mots t comme 
f à Christ, » qui est reprise et développée dans 
ceux-ci : comme esclaves de Christ. Ceci n'a pas besoin 
d'éclaircissement ; mais que l'application en est iai- 
portante ! C'est cette obéissance rendue en vue de 
Dieu, et par conséquent dans les choses qui n'ont 
que Dieu pour témoin, qui constitue le serviteur 
chrétien, et qui relève devant Dieu son humble, mais 
utile condition. Plus elle est humble, plus elle est 
grande, si elle est acceptée dans l'esprit de Jésus- 
Christ, qui a été le modèle des serviteurs en même 
temps que celui des maîtres (Jean XIII, 14, 15; 
Matth. XX, 28). 

Du ccmr. Ces mots, que Harless joint au participe 
servant (servant avec bienveillance, du cœur), nous 
paraisj)0nt, ainsi qu'à Olshausen, et à nos versions 
reçues, devoir être joints au participe faisant : Fai-^ 
sant du ctmir la volonté de Dieu. La phrase est ainsi 
plus coulante, les deux expressions synonymes, dt» 
camr et avec bienveillance étant séparées, et chacune 
d'elles affectée à l'un des deux participes faisant et 
servant. Il faudrait traduire pour être tout à faitlitté- 



GH. VI^ 5-9. LA VIE DOMESTIQUE. 445 

rai : de Vâme. Le mot âme est pris ici dans la même 
acception que dans cette locution française : c Aimer 
quelqu'un de toute son âme ; » et il est à peu près 
synonyme du mot cœur. Du cœur, c'est-à-dire sans 
contrainte, avec joie. Dans les relations mondaines, 
l'obéissance va de la personne à la personne ; mais, 
dans les relations chrétiennes, elle va du cœur au 
cœur. Le serviteur chrétien s'applique, du cœur, à 
contenter le cœur de son maître ; comme le cœur du 
maître, à son tour, se repose sur le cœur de son ser- 
viteur. 

La volonU de Dieu. Pour l'esclave chrétien, la vo- 
lonté de son maître est la volonté de Dieu, comme la 
volonté du père pour l'enfant , du mari pour la 
femme, par la raison qui a été déjà expliquée à l'oc^ 
casion des mots comme à Christ (v. 5) ; toujours avec 
la restriction indispensable de Actes Y, 29. 

Avec bienveillance. On a coutume de traduire avec 
affection. Notre traduction, qui est pour le moins 
aussi littérale, a l'avantage de faire ressortir une 
pensée qui nous parait indiquée par le terme que 
l'Apôtre a choisi : c'est qu'il y a une bienveillyce de 
l'esclave pour le maître, comme il y en a une du 
maître pour l'esclave. Cette nuance intéressante re- 
lève la dignité de l'esclave chrétien. 

Comme servant le Seigneur et non les hommes. Nous 
avons suivi une leçon différente de celle qui a été 
traduite par les versions reçues. Ce changement a 



416 LA ym MHSSTIQUB. CE. VI, 5-9L 

pour lui Taiitorité des meilleurs manuscrits, et il a 
éèé adopté dans toutes les éditions les plus accrédi- 
tées. Au surplus, la leçon reçue exprime la même 
pensée, mais l'exprime dans un langage elliptique. 
Jottf le bien que chacun aura, fait^ il k reeeora dti 
Seigneur, soit esclave^ ou libre (Rapprochez 2 Gor. 
V, 10; Gai. VI, 9, etc., et Col. m, 24). L'attente de 
cette rétribution future, qui se fera sans aucune ac- 
ception de personnes (v. 9), égalise les conditions les 
plus différentes. II ne faut que passer du point de vue 
du temps à celui de Téternité, et cette différence dis- 



Et vous, maUreij faites la même chose à leur égard. 
La même chose, bien entendu, non quant aux actes 
à accomplir, mais quant à Tesprit qu'on y doit ap- 
porter. C'est la même pensée que notre Apôtre ex- 
prime, dans Col. lY, 1, en ces mots : t Maîtres, ren- 
c dez à vos serviteurs le droit (littéralement c le juste, » 
c'est-à-dire ce à quoi ils ont un juste droit), t et Té- 
« quité^ » (littéralement l'égalité). Nous voulons bien 
traduire, comme nos versions reçues, équité, d'autant 
que l%mot latin œquiias, dont nous avons fait équité, 
signifie égalité. Mais nous pensons que saint Paul a 
choisi les termes dont il s'est servi, tant dans ce pas- 

1 Olshausen l'entend de Tégalité que le maître doit maintenir entre 
un esclaye et un antre esclave. Mais cette interprétation nous pandt 
forcée^ et l'id^ qu'elle. exprime peu vraie. Pourquoi au miUtre ne fe- 
rait-il pas une dififérence entre ses esclaves^ selon leur capacité^ leurs 
Conctieos^ le» conduite^ etc.? 



CH. VI, 5-9. LA. VIE DOMBSTIOUB, 417 

sage. que dans celui que notls expliquons, pour que 
les maîtres, tout en maintenant leur autorité^ ne per- 
dent pas de vue que si les conditions sont inégales, 
les. hommes sont égaux.. C'est surtout au serviteur 
qu'il faut rappeler cette inégalité, et au maître cette 
égalité. Que chacun des deux soit pénétré surtout de 
son propre devoir et du droit de l'autre, et tout ira 
bien ; malheureusement, c'est le contraire qui a lieu 
en général. Rien ne concourt plus à former les bons 
serviteurs que les bons maîtres; ni les bons maîtres 
que les bons serviteurs. Saint Jérôme remarque dans 
une note sur notre verset, que les mots la même cJwse 
font allusion à la bienveillance nientionnée au v. 7, et 
qui est également obligatoire des deux côtés. (Rap- 
prochez, au reste, Matth. VII, 12.) 

Renonçant à la menace; ou t modérant la menace ; > 
car on peut traduire des deux manières, le verbe grec 
signifiant proprement relâcher, laisser aller. Mais, 
comme l'Apôtre entend parler évidemment de ce 
genre de menace qu'enfante la dureté ou la rigueur, 
il est naturel de supposer qu'il doit conseiller de l'a- 
bandonner, et non pas de la tempérer seulement. Je 
m'étonne que cette expression ait donné lieu à des 
opinions différentes entre les commentateurs; elle 
me paraît fort aisée à comprendre. Olshausen suppose 
que par menace il faut entendre, non la menace en 
soi, mais la disposition qui l'engendre; Bloomfield, 

que relâcher la menace signifie relâcher de la sévérité 

27 



418 LA YIB DOMBSTIQUB. GH. TI, 5-9. 

des peines dont on a meâacé un esclave coupable, etc. 
Il me semble que TApôtre a voulu tout simplement 
exhorter les maîtres à ne pas user avec leurs esclaves 
d'un ton menaçant, grondeur, et, par une suite na- 
turelle, à s'abstenir de les punir par impatience ou 
avec une sévérité excessive. (Voir ci-dessus, p. 407.) 

Votre Maître^ à vom aussi, est dans les deux. Plu- 
sieurs manuscrits, et des plus considérables, lisent : 
le Maître et d'eux et de vous. Cette leçon, qui ne dif- 
fère de la leçon reçue que par un changement très 
léger, a été adoptée par Lachmann et par Harless ; 
elle est préférée par Olshausen. 

Dans les deux. Ceci indique sa puissance, et rappelle 
en même temps qu'il doit redescendre des cieux pour 
exercer le jugement (1 Thess. IV, 16; Matth. XXIV,. 
30; XXVI, 64). 

Et qu'auprès de lui il n'y a point acception de per- 
sonnes. Rapprochez Matth. XXII, 16; Rom. II, 11 ; 
et Col. III, 25, où la même pensée, présentée par son 
autre face, fait partie de l'exhortation adressée aux 
esclaves. Dieu ne se laisse ni gagner par la grandeur, 
ni fléchir par la petitesse; et il veut que les juges de 
la terre résistent également à Tune et à l'autre in- 
fluence (Deut. h iT; Lév. XIX, 18; Ex. XXIII, 3). 



VIII 



LA I OHGË DAM6 LE SEIGNEUR. 

Ghap. VI, 10-2(1. 

10. Au reste^ fortifiez-^ous dans le Seigneur et dans 
le pouvoir de sa force. \\. Revétez-vous de V armure 
eomplete de Dieu, pour que vous puissiez tenir ferme 
contre les séductions du Diahle. 12. Car notre lutte n^ est 
pas contre le sang et la chair, mais contre les princîpau-^ 
tés, contre les puissances, contre les dominateurs univer- 
sels de ces tênèbresj contre les vertus spirituelles de la 
malice, dans les lieux célestes. 13. C'est pourquoi, pre- 
nez V armure complète de Dieu, afin que vous puissiez ré- 
sister dans le mauvais jour, et, après avoir tout accom- 
pli, tenir ferme. 14. Tenez donc ferme, ayant ceint vos 
reins de vérité^ et ayant revêtu la cuirasse de la justice^ 
15, et ayant chaussé vos pieds de la promptitude de VÊ- 
vangilede la paix; 16. ayant pris en outre le bouclier 
de la foiy par lequel vous pourrez éteindre les traits en- 
flammés du malin. 17. Prenez aussi le casque du salut ^ 
et Vépée de V Esprit, qui est la parole de Dieu; 



420 LA FORGE DANS LE SEIGNEUR. GH.VI^ 10-20. 

iS.prianly par toutes sortes de prières et de supplicaium, 
en toute occasion y dans VEsprit, et veillant à cela en 
toute persévérance el supplication pour tous les saints, 
\9, et pour moi, afin que la parole me soit donnée^ ma 
bouche étant ouverte^ pour faire connaître en liberté k 
mystère de l'Évangile, 20. pour lequel je suis ambassa- 
deur dans les chaînes^ afin que je parle librement en lui, 
comme il faut que je parle. 

Après avoir exposé la doctrine du salut dans la 
première partie de son épître, T Apôtre a terminé en 
priant Dieu de révéler aux Éphésiens la grandeur de 
l'amour que Dieu y a fait paraître (III, 14-fin); et 
après avoir, dans la seconde, exposé les obligations 
de la morale chrétienne, il conclut en exhortant les 
Éphésiens à se fortifier, pour les accomplir, de la 
force toute-puissante du Seigneur. Cette exhortation 
est d'autant mieux à sa place que la vie nouvelle, 
décrite dans les chapitres IV, V et VI, 1-9, est plus 
sainte et plus excellente, c Qui est suffisant pour ces 
t choses? » Dieu seul est celui « qui opère en nous 
« le vouloir et le faire, selon son bon plaisir, i» 

Au reste^ c'est-à-dire pour ce qui me reste à vous 
dire, enfin ; formule de conclusion, dont notre Apôtre 
se sert également dans Philip. III, 1 et 1 Thess. IV, 1 . 
L'expression grecque employée dans Gai. VI, 17, et 
que Lachmann substitue ici sans raison suffisante à 
la version reçue, a un sens un peu différent : au sur- 
plufj d^ailleurs. 



CH. Yly 10-20. U FORGE DANS LE SEIGNEUR. 421 

Nous supprimons, avec les meilleurs critiques, les 
mots mes frères^ qui ne se lisent pas dans les manu- 
scrits les plus considérables, et qui ne se trouvent 
d'ailleurs nulle autre part dans notre épître ; ce qui 
semble confirmer ce que nous avons dit en commen- 
çant sur le caractère de généralité qu'il faut lui re- 
connaître. 

.. FortifieZ''Vous dans le Seigneur et dans le pouvoir de 
sa force. Pour ces derniers mots, voyez la note sur 
I, 19. L'impératif grec est au passif, littéralement 
a soyez fortifiés ; » le même terme est employé dans 
Rom. IV, 20^ et Actes IX, 22. La force qui peut nous 
faire vaincre est toute en Dieu seul ; et comme on n'v 
a recours qu'en se dépouillant de la force propre, il 
faut commencer par sentir notre faiblesse pour par- 
venir à la véritable force. De là ce mot profond de 
l'Apôtre, et si exactement confirmé par l'expérience : 
< Quand je suis faible, alors je suis fort » (2 Cor. 
XII, 10). Cette doctrine est fondamentale dans la vie 
chrétienne. Il arrive assez communément que le nou- 
veau converti éprouve d'abord une certaine force dans 
laquelle il accomplit bien des œuvres utiles, mais qui 
est mêlée de confiance propre et de complaisance en 
soi-même. Plus tard, venant à se mieux connaître, il 
perd cette première ardeur de zèle et de joie, et le 
sentiment de sa corruption et de son impuissance 
s'empare peu à peu de son cœur et menace de Tac- 
cabler. Que ceux qui se trouvent dans cette situation 



4tl LA FOBGS DAN9 LB SEMNIUK. GH. n, iO-20. 

d'tsprit ne 8€ hâtent pas dé conclure^ comme ils pour- 
mexït le faire aisément» que tout est perdu, ni même 
qu'ils ont reculé. Peut-être n'estHje qu'une transi- 
tion salutaire par laquelle Dieu les conduit, par Tex- 
périence de leur faiblesse propre ^ à la possession 
d'une force plus réelle et plus pure^ dont le principe 
est en Dieu seul. .C'est une époque de crise qui sé- 
pare deux périodes de la yie chi'étieAne : la pi^émière, 
qu'on pourrait appeler la période de la jeunesse» 
marquée par la joie et la ferveur du nouvel amour i 
la seconde, qu'on pourrait appeler la période de 
l'âge mûr, qui substitue à ce premier feu le dépouil* 
lexnent plus complet de soi et l'établissement plus 
tranquille et plus humble dans la force du Seigneur. 
Sans doute, on a perdu quelque chose au change i 
mais où a plus gagné que.perdu^ Ge qdi arrive à Tin* 
dividu se reproduit en quelque manière dans l'histoire 
de l'Église à une époque de réveil comme la nôt^e. 
Le réveil est suivi d'une première période de ferveur 
et d'activités Mais bientôt^ l'ennemi se réveille à son 
tout*, et suscite^ au dehors, des embarras croissants^ 
en même temps que l'Église est humiliée, au dedans, 
par la vue de ses infirmités et des écarts du réveih 
Telle est notre situation actuelle* Alors, on est tenté 
de perdre courage ; on n'entend que gémissements et 
que plaintes ; mais on oublie que c'est une drise inen^ 
faisante destinée^ dans les voies du Seigneur, à pFé« 
pafer au réyail une seconde période^ moins brillante 



GH. yi| 10-20* LA. FORQE DANS LB 8SIQNEUR. 433 

peut-être que la première» mais plus sainte^ plus 
mûre et plus réellement fructueuse. 

Rei)éié>i)(mB d$ Tarmure complète de DieUé L'image 
dont l'Apôtre se sert, d'abord pour montrer que le 
chrétien a besoin de la force de Dieu (11*13), ensuite 
pour expliquer les moyens par lesquels il peut se 
l'approprier (14-18), se présente naturellement à 
l'esprit; elle a été employée dans toutes leâ langues^ 
et elle l'est souvent dans les Écritures. Voyez* en 
particulier, 2 Tim. II, 3, 4; 2 Cor. X, 4 ri Thesô* 
V, 8, et surtout Es* LIX, 16^ 17, qui a servi de base 
au développement de notre Apôtre dans 1 ThesSi V 
et dans notre texte (1). Mais cette image est ici plus 
développée qu'elle n'est ailleurs ; Olshausen fait ob*- 
server que saint Paul écrivait cette épitre à Rome^ 
environné des soldats du prétoire (c'est-à-dire de la 
garde impériale), avec lesquels il était aisément cori'- 
duit à se servir de cette comparaison (Phil. FV, 32)* 
Quoi qu'il en soit de ce rapprochement, qui déplaît 
vivement à Harless, nous avons sous les yeux ce 
qu'on peut appeler le passage central des Écritures 
sur « les armes de notre guerre, • c'est-à-dire sur 
les moyens de grâce ^ht lesquels nous devons tious 
fortifier en Dieu» Il n'y a guère de point capital de la 
doctrine et dé la inor&le biblique, qui n'ait quelque 
part dans les Écritures son passage central^ je veux 
dire un endroit où éll6 est présentée plus dii^ectement 

< Voyea le livre apodrtphe de là Sat^feniSef v^ ID. 



424 LA. FORCE DAKS US SKIGNEUR. GH. VI^ 10-90. 

et plus complètement qu'ailleurs; par exemple, la 
divinité de Jésus-Christ, le I" chapitre de rÈvangile 
selon saint Jean ; la régénération, le III''; la justifica- 
tion par la foi, le IIP de Tépitre aux Romains; la 
sanctification parla foi, le YI*; le mariage, Éphés. m ; 
la sacrificature du Seigneur, Hébr. Vn, etc. Cette re- 
marque est importante pour les personnes qui veu- 
lent étudier les Écritures, en composant par elles- 
mêmes une collection de parallèles; elles feront bien 
de choisi, pour chaque matière, le passage central, 
et de grouper autour de lui les autres endroits où la 
même matière est traitée. 

L'armure complète de Dieu. Contrairement au sen- 
timent de presque tous les commentateurs, Harless 
veut qu'on abandonne l'interprétation littérale et éty- 
mologique que nous avons suivie, et qu'on traduise 
l'armure de Dieu^ ou les armes de THeu, sans presser 
l'idée de totalité. Nous ne saurions partager ce senti- 
ment. Quand il serait vrai que le mot grec que nous 
rendons par armure complète ne conserve pas toujours 
sa signification étymologique, ce qui ne nous paraît 
pas démontré par les citations de Harless (Judith XFV, 
3; 2 Macchab. V, 23 ; Luc XI, 22), il n'en résulterait 
pas qu'il ne la conserve pas dans notre texte. Ici, l'idée 
de totalité nous paraît essentielle. Que le soldat chré- 
tien néglige une seule de ses armes, c'en est assez 
pour qu'il laisse un point vulnérable, dont un en- 
nemi aussi subtil et aussi redoutable que celui à qui 



CH. VI, 10-20. LA FORCE DANS LE SEIGNEUR. 425 

nous avons à faire ne manquera pas de se prévaloir. 
C'est pour cela que TApôtre nomme, une à une, cha- 
cune de ces armes, tant défensive qu'offensive (2 Cor. 
VI, 7), et c'est ce qui distingue notre passage de 
1 Thess- V, 8, et de Es. LIX, 16, 17, où l'on ne 
trouye qu'une énumération incomplète. 

Cette armure est appelée une armure de Dieu, 
selon les uns, parce que c'est l'armure que porte 
le Seigneur lui-même en livrant pour nous le com- 
bat qui nous procure le salut (Es. XI, 5*; j>ÏX, 16, 
17; rapprochez Matth. IV, 1-11, et XII, 29)*; et, 
selon les autres, parce que c'est l'armure que Dieu 
fournit au fidèle; la seconde explication est pré- 
férée par Olshausen et par Harless. Il now semble 
que ces deux explications sont vraies l'une et l'au- 
tre, qu'elles sont moins distinctes en réalité qu'en 
apparence, et qu'elles tiennent ensemble par une 
idée commune, qui est précisément celle que l'A- 
pôtre a voulu exprimer. Quand nous combattQns 
dans la force de Dieu, c'est moins nous qui combat- 
tons que Dieu qui combat en nous. Rapprochez 2 Chr. 
XX, 15 : < Cette bataille n'est pas à vous, mais à 

< Dieu » (traduction littérale), et 2 Cor. X, 4 : « Les 

< armes de notre guerre ne sont pas charnelles, mais 
a puissantes à Dieu » (traduction littérale), et non par 

1 Au lien de la fidélité, traduisez la vérité. 

* n est vraisemblable que l'Apôtre aurait dit Varmure du Seigneur, 
plutôt que r armure de Dt^u^s^l avait eu exclusivement la pensée qu'on 
lui attribue ici. 



426 LA FORGE DANS LE SEiaNBïïR. QH» YI^ 10-30. 

Dieu (Lausanne, 1839), ni par la vertu de Dieu (Mar- 
tin). Le vrai combat est entre le Seigneur et le Diable. 
Dès lors^ comme la force de Dieu (v. 10) n'est pas seu- 
lement la force que Dieu fournit au fidèle, mais la 
force que Dieu possède et qu'il déploie dans le fidèle, 
les armes de Dieu ne sont pas seulement les armes 
que Dieu fournit^ mais les armes par lesquelles Dieu 
combat dans le fidèle. C'est une troisième explication 
qui réunit les deux autres et que nous croyons plus 
complèy et plus vraie que l'une ou l'autre prise isolé- 
ment. Cette distinction peut sembler subtile^ mais 
elle nous parait avoir son importance, même pour 
l'interprétation des versets suivants. Parce que les 
armes dft Dieu sont pour nous les armes avec les^ 
quelles Dieu combat, < la vérité > (v. 14)» « la justice > 
(«dé), etc., sont aussi pour nous la vérité de Dieu, la 
justice de Dieu^ etc., et non la sincérité du fidéh^ la 
sainteté du fidèle^ etc., comme l'entend Olshausôn. 
Nous reviendrons là-desius. 

Afin qm vous puissiez tmif ferme contre les séductions 
(Voy. la note sur IV, 14)* dw Diable (Note sur IV, 27). 
Ce langage suppose deux pensées dont il esit égale- 
ment nécessaire d'être pénétré pour prendre l'arriiure 
(iomplète de Dieu : la première^ c'est que nous ne 
pouvons pas vaincre sans cette armure, tant nos en- 

1 Le mot séduction est mis au singulier datis ÎV^ 14, et ici au plu- 
Hel^ parcd quMl désighe^ là^ UAe dùpôHtion générale^ et ici les Vn^yens 
employés î les sétludtiotis, c'est-à-dire les artifices. (Vdye* la note stir 
H, 1.) 



afl. Vl, iO-20. U FORGE DANS LE SEIGNEUR. 427 

nemis sont puissants ; la seconde, c'est que nous pou- 
vons vaincre avec die, tant elle est irrésistible. Celle- 
là doit nous prémunir contre une sécurité qui perd ; 
celle-ci, nous préserver d'un découragement qui 
énerve* L'une, indiquée d'abord ici par les artifices 
du Diable, est reprise et développée dans le v. 12; 
l'autre, indiquée ici par le mot tenir ferme (ce n'est 
qu'un mot dans l'original), est reprisé et développée 
dans le v. 13. 

Car notre lutte n'est pas contre le sang et h chair, 
mais contre les principautés^ contre les puissances, coMre 
les dominateurs universels de ces ténéhres, contre les vertus 
spirituelles de la malice^ dans les lieux célestes. Cette 
expression le sang et la chair a une toute .fiutre ac- 
ception dans le Nouveau Testament que dans notre 
idiome < £n français, le sang et la chair, ou, comme 
l'on s'exprime de préférence, la chair et le $ùng, ce 
sont les affections de la nature corrompues Oster^ 
vald, trompé par cet usage, a entendu ces mots de 
la sorte dans notre texte ; mais comme il a senti qu'on 
ne saurait nier que l'homme ait à combattre les affec- 
tions de sa nature corrompue, il a pris la liberté d'a- 
jouter au texte le mot seulement, qui défigure tout b 
fait la pensée de l'Apôtre. Le sang et la chair, dans le 
langage de l'Écriture, c'est la nature humaine par 



1 Dictionnaire de VAûadémie, aux mots chair et sang* V Académie se 
trompe en prêtant ce sens à l'Écritnre sainte, et notamment à Matth. 



428 UL FORCE DANS LE SEIGNEUR. GH. VI^ 10-30. 

opposition à la condition des esprits purs ou des êtres 
revêtus d'un corps, mais d'un corps plus délié que le 
nôtre et que rÉcriture appelle c corps spirituel » 
(1 Cor. XV, 44). C'est ce dont on se convaincra en 
examinant Matth. XVI, 17 (c ce n'est pas un homme, 
€ ou, ce n'est pas ton propre esprit qui t'a révélé cela, » 
Gai. 1, 16 < je n'ai pas consulté des hommes ; » voy. le 
commencement du v. 17 et le v. 1) 1 Cor. XV, 50, 
et surtout Hébr. H, 14, où le Seigneur est dit avoir 
€ participé au sang et à la chair. 3 

Voici donc la pensée de notre Apôtre : Ce n'est 
pas contre la nature humaine, contre des êtres sem- 
blables à nous que nous avons à lutter. S'il en était 
ainsi, homme contre hommes, luttant à armes égales, 
nous pourrions nous flatter de vaincre ; mais ce qui 
rend la victoire impossible, tant que nous luttons par 
nos propres forces, c'est que nous avons à faire à des 
ennemis à qui leur nature même assure des avan- 
tages que rien de notre côté n'est capable de balancer. 
Il est bien vrai que nous pouvons avoir à lutter contre 
des hommes, dans ce sens qu'ils peuvent être pour 
nous des instruments de tentation ; mais alors même, 
pour qui remonte, comme le fait ici l'Apôtre, à l'ori- 
gine et à l'essence de la tentation, ces hommes ne 
sont que des instruments; c'est moins eux qui nous 
tentent, que le démon qui nous tente par eux; c'est 
contre lui proprement que nous devons diriger nos 
efforts, et quant aux hommes qu'il emploie, nous. ne 



en. VI^. 10-20. LA FORGE DANS LE SEIGNEUR. 429 

devons pas cesser de voir en eux des créatures ac- 
cessibles à la grâce et à la rédemption. — Par cette 
distinction établie entre la nature humaine et les vrais 
auteurs de la tentation, l'Apôtre établit ici avec une 
telle clarté Texistence et Tinfluence < du démon et de 
< ses anges, * qu'il ne reste que le choix entre croire 
cette doctrine ou rejeter l'inspiration de saint Paul, 
quelque théorie qu'on adopte d'ailleurs sur l'inspira- 
tion. 

Contre les principautés^ contre les puissances^ etc. Au 
verset précédent, l'Apôtre a nommé le Diable seul, 
parce qu'il considère la puissance infernale comme 
se concentrant en lui, qui en est le chef et l'âme. Ici, 
il décompose cette puissance dans ses éléments, et 
nous fait voir un grand nombre d'esprits malins, 
composant son armée, ou son royaume. Pourquoi 
l'Apôtre les appelle-t-il « des principautés, des puis- 
oc sauces, > etc. ? Est-ce à cause de l'autorité qu'ils 
exercent contre nous, ou de celle que certains d'entre 
eux exercent sur les autres? Olshausen adopte la se- 
conde réponse, et voit ici les degrés divers de pouvoir 
qui existent parmi les démons. Mais la première nous 
parait préférable. Elle nous parait indiquée par ce qui 
suit, « dominateurs de ces ténèbres, > où il s'agit 
évidemment de l'empire que les esprits malins exer- 
cent sur notre monde. D'ailleurs, si saint Paul a voulu 
nommer à part ceux d'entre les démons qui sont 
plus considérables que les autres, il semble qu'il au- 



430 LA FORGE DANS LE SEIGNEUR. OU. VT, iO-20. 

mt distingué nettement d'avec eux les démons d*un 
ordre inférieur. Si ce sont ici les chefs, où est Tar- 
mée? Nous ne pensons pas qu'on puisse répondre 
qu'elle est désignée par les mots < esprits de maliee i » 
car rien n'indique une distance hiérarchique entre ce 
nom et ceux qui précèdent. Il nous paraît plus simple 
de voir ici des expressions diverses, toutes applica- 
bles au corps entier des esprits malins, et destinées 
à relever les avantages qu'ils possèdent dans la lutte 
que nous soutenons contre eux. Le premier avantage, 
indiqué par les mots principauiég et puissanceSy est 
celui d'une puissance supérieure à la nôtre. 

Les dominateurs universels de ces ténibres; et non 
dis ténèbres de ce siècle^ comme lit le texte reçu, qui 
a contre lui les autorités critiques les plus considé- 
rables. Cette correttion n'afifecte pas essentiellement 
le sens. Car par < ces ténèbres, > il faut entendre les 
ténèbres actuelles, les ténèbres qui régnent dans « le 
% présent siècle mauvais » (Gai. 1, 4). Ainsi, le démon 
est appelé ailleurs « le prince de ce monde > (Jean XII, 
31, XlV, 30, etc.), et même, « le Dieu de ce siècle > 
(2 Cor. IV, 4). Le mot que nous rendons par < do- 
i minateurs universels > signifie, d'après son étymo* 
logie, dominateurs du inonde. Harless fait observer que 
l'idée de mênde a perdu de sa précision dans le mot 
composé ; nous sommes de cet avis, d'autant plus que 
« dominateurs du monde de ces ténèbres » n'a pas 
de sens; carde renverser l'ordre, et de traduire, en 



GH. Vly iO-20. LA FORCE DANS LE SEIGNEUR. 431 

suivant la leçon que nous avons adoptée : « domina- 
« teurs des ténèbres de ce monde, d cela est gramma- 
ticalement impossible. Cependant, sans trop presser 
ridée de monde^ il faut reconnaître qu'elle prête au 
mot dominateur, en s'y joignant, une nuance parti- 
culière d'énergie, que nous trouvons heureusement 
exprimée par notre traduction, « dominateurs uni ver- 
ce sels, i> empruntée à la version de Lausanne 1889. 
Cett^ nouvelle épithète donnée aux démons, ajoute 
à celles qui précèdent, indépendamment de son éner- 
gie plui5 grande, une pensée importante : c'est que 
les démons sont déjà maîtres de ce monde où nous 
vivons et où ils nous tentent. Cette terre où nous 
avons reçu le jour étant tombée sous leur domina- 
tion même avant notre naissance, nous sommes vatn- 
cuê'-nés dans le combat qu'ils nous y livrent; et lie 
théâtre seul de la tentation en garantit d'avance le 
résultat. 

Les vertus spirituelles de la malice. Nous essayons de 
rendre en ces termes une locution qui ne peut être 
reproduite exactement dans notre langue, et qui est 
étrange même dans celle de l'original. Littéralement : 
{es choses spirituelles (adjectif pluriel neutre) de la ma' 
lice. Il semble que l'Apôtre aurait dû dire : les esprits 
malins ; mais il met un adjectif à la place du substantif, 
et un substantif à la place de l'adjectif. L*une et l'autre 
de ces sigularités ont sans doute leur but. En disant 
les choses spirituelles^ au lieu de les esprits, il a voulu 



432 LA fOlCE DANS LB SSICHBUR. GH. YI^ iO-SO. 

peut-être, selon un emploi que Ton fait quelquefois 
en grec du pluriel neutre, marquer le grand nombre 
de ces esprits, comme s'il eût dit U$ troupes spiri- 
tuelleê ; c'est le sentiment de Harless et de Bloomfield. 
Quant à l'expression de la malice substituée à l'épi- 
thëte ffuilm, il n'est pas douteux qu'elle ne soit des- 
tinée à donner plus de force à la pensée ; le substantif 
est plus énergique en soi, et, si l'on peut ainsi parler, 
plus vivant que l'adjectif. — La traduction adoptée 
par nos versions reçues et par Lausanne 1839, les 
malicei ou les méchancetés spirituelles^ n'est pas permise 
par la grammaire. Peut-être pourrait-on entendre par 
les choses spirituelles de la malice ^ là partie spirituelle, 
les représentants spirituels de la malice. On considé- 
rerait alors la malice comme un royaume qui a des 
sujets tant sur la terre que dans les airâ, tant parmi 
les hommes que parmi les anges ; et les démons en 
seraient l'élément spirituel. Mais l'interprétation que 
nous avons indiquée en premier lieu est la plus na- 
turelle. En insistant sur ce point, que les démons 
sont des esprits, l'Âpôtre veut nous faire observer un 
nouvel avantage qu'ils ont sur nous, par leur con- 
dition même. Êtres déliés, spirituels, et dès lors invi- 
sibles pour les yeux de la chair, ils peuvent nous at- 
taquer sans que nous puissions apercevoir ni pré- 
venir leurs coups, en même temps qu'ils se trouvent 
au-dessus de nos atteintes. 
Dans les lieux célestes. Ceci ne peut se rapporter 



CH. VI, JO-20. LA FORCE DANS LE SEIGNEUR. 433 

qu'aux esprits malins, ni s'entendre que d'une ma- 
nière : ces esprits habitent, ou se tiennent, dans les 
lieux célestes. Pour échapper à cette doctrine éton- 
nante, on a voulu rapporter dans les lieux célestes, 
soit à nous, en traduisant : Notre lutte, à nous qui 
sommes dans les lieux célestes, c'est-à-dire dans le 
royaume de Dieu, est contre les principautés, etc. ; 
soit à lutte, en traduisant ; Notre lutte, pour les biens 
célestes (sens dont les. derniers mots du verset sont 
rigoureusement susceptibles), est contre les princi- 
pautés, etc. Mais tout cela est forcé et insoutenable. 
Car, outre qu'il est impossible de supposer que 
l'Apôtre eût, dans l'une ou dans l'autre de ces hypo- 
thèses, rejeté les mots que nous expliquons à la fin 
de cette longue phrase, ils n'ont jamais lé sens de 
royaume des deux; et quant à celui de biens célestes, 
ils ne l'ont pas ailleurs dans notre épîtré, I, 3; I, 20 ; 
ni même dans Jean III, 12; sans parler d'autres 
difficultés auxquelles nous ne nous arrêterons pas ici. 
Évidemment l'Apôtre enseigne ici que les démons 
séjournent dans les lieux célestes. Mais ces mots doi- 
vent être expliqués par le v. 2 du chapitre II où Satan 
est nommé « le prince de la puissance de l'air, i» 
(Voyez notre note sur ce verset.) Le mot ciel a un sens 
fort étendu ; et peut-être l'acception dans laquelle on 
doit le prendre ici a-t-elle du rapport avec celle qu'il 
a dans Matth. VI, 26 (« les oiseaux du ciel »)• Ce 
serait alors la partie inférieure de la région céleste, 



434 LA FORCE BANS L£ SEIGNSUR. GH. VI^ 10-20. 

OU la partie supérieure de l'atmosphère, qui serait 
assignée pour demeure aux esprits malins. Au reste, 
il y a ici un mystère que nous chercherions en vain 
à pénétrer. O'une part, nous ne pouvons attacher au 
mot ciel aucune notion bien précise de localité dans 
des expressions du genre de celle qui nous occupe ; 
de l'autre, nous soqimes entièrement ignorants de 
la nature des anges, et nous ne saurions concevoir de 
théprie qui concilie ce qui est dit ici avec Jude, 6 
e\ 2 Pierre II, 4. Il faut nou^ en tenir à l'idée géné- 
rale que présentent les expressions de TApôtre, qui 
parsiît vouloir relever ici uq pouvel e\ dernjer avan- 
tage que les esprits malins ont sur nous, par leur 
position élevée, qui tient sans doute à leur haute 
condition et leur facilite leurs entreprises impies 
contre les habitants de la terre. 

C est pourquoi, prenez l'armure complète de Dieu, 
afin que vous puissiez résister dans le mauvais jour, et^ 
après avoir tot^t accompUy tenir ferme. L'Apôtre, ayant 
enlevé au fidèle tout espoir de résiste^ aux puissances 
de l'enfer par sa force propre, reprend son exhorta- 
tion du V. H, en s'att^chant surtout h lui persuader 
qu'il peut vaincre par la force de Dieu. Il pourra 
résister; il pourra résister jusque dans les jours les 
plus mauvais ; il pourra résister do telle sorte qu'il 
remportera une victoire complète , et demeurera 
maître du champ de bataille. L'ordre et |a gradation 
des pensées; dans ce verset sont faciles à saisir; nous 



GH. VlyiO-âO. LA FOBGE DANS LE SEIGNEUR. 135 

n'y voyons que deux expressions qui demandent 
quelque éclaircissement. 

Dans le mauvais jour. C'est à peu près la même 
chose que le jour du mal, dans l'Ancien Testament 
(Ps. XLI, 2; XUX, 6; Ecclés. VII, 15), ou le jour 
de la détresse (Ps. LXXVII, 2). Cette expression, 
dans son acception générale, s'explique d'elle-même. 
Ici, où il s'agit de la tentation, c'est un de ces jours 
où la tentation redouble au dehors, où l'âme est mal 
disposée au dedans, et où tout semble présager une 
chute. Même alors, nous pouvons résister, avec les 
armes de Dieu. 

Après awir tout accompli. Le sens du verbe grec 
n'est pas facile à bien déterminer. Quelques-uns tra- 
duisent : n ayant tout préparé, » et cette traduction 
peut se justifier par 2 Cor. V, 5, où le même verbe 
est employé. Mais cette interprétation donne à la 
pensée quelque chose de faible, et ne s'accorde pas 
d'ailleurs avec Tordre et la gradation que nous avons 
observés dans la phrase. Car la « résistance dans le 
« mauvais jour, > dont il a été déjà question, suppose 
que la préparation a précédé. Harless et Olshausen 
traduisent « ayant tout abattu, tout surmonté, » tra^ 
duction fort satisfaisante pour le sens, mais qui ne 
nous paraît pas suffisamment justifiée par Tusage du 
verbe grec. Nous aimons mieux traduire « ayant 
« tout accompli, » c'est-à-dire s' étant acquitté de toute 
la tâche imposée à un vaillant soldat; en d'autre» 



436 LÀ FORGE DANS L£ SEIGNEUR. GH. VI^ 10-20. 

termes, ayant renversé tout ce qui s'opposait à lui 
(Jean XVII, 4; 2 Tim. IV, 7). 

Tenez donc ferme, ayant ceint vos reins de vérité, 
et ayant revêtu la cuirasse de la justice. L'Apôtre entre 
maintenant dans le détail des moyens de grâce dont 
le chrétien dispose, en les comparant aux diverses 
armes du soldat. Il ne faut pas presser, avec une 
exactitude minutieuse, tous les traits de ce rappro- 
chement. Cette précision inquiète, qui a souvent nui 
à l'exégèse, ainsi qu'à la prédication, n'est pas dans 
l'esprit des Écritures ; leur manière est trop large et 
leur style trop grand pour ce genre d'images, peu 
conforme d'ailleurs au goût de la bonne littérature. 
La rigueur convient à la logique, non à la métaphore. 
Dans 1 Thess. V, 8, « la cuirasse » est l'emblème 
« de la charité et de la foi, j tandis qu'elle l'est ici 
de « la justice ; > là « le casque i> est l'emblème 
(t de l'espérance du salut, > ici « du salut » lui- 
même *; cette différence est une preuve suffisante de 
la liberté avec laquelle notre Apôtre se meut dans 
l'emploi de ses images. Au reste, comme il indique 
lui-même la disposition correspondante à chacune 
des armes du soldat, il ne nous reste qu'à bien dé- 
terminer le sens de ses expressions. 

Il importe, dans cette explication, d'avoir présent 
à l'esprit que les armes spirituelles décrites par 

> Dans Es. XI^ 5^ « la ceinture » est Temblème de « la justice^ » 
aossi bien que de « la mérité, t» 



CH. VI, 10-20. LA FORCE DANS LE SEIGNEUR, 437 

TApôtre, sont des armes de Dieu; c'est-à-dire, ainsi 
que nous l'avons dit plus haut, des armes que Dieu 
n'a pas seulement fournies au chrétien mais par les- 
quelles il combat lui-même dans la personne du chré- 
tien. D'après cela, les forces spirituelles, représen- 
tées par ces images, ne doivent pas être de simples 
dispositions du chrétien, mais des forces divines dans 
le chrétien. La vérité^ par exemple, ne sera pas la 
sincérité de l'homme, mais la vérité de Dieu dans 
Y homme yla justice ne sera pas la sainteté de l'homme, 
mais la justice de Dieu dans l'homme ; la paix sera la 
paix de Dieii, ou la paix avec Dieu, etc. Dieu est ici 
sur le premier plan ; à lui est le combat et la victoire. 
Harless fait remarquer que la description du soldat 
armé de toutes pièces, qui occupe les v. 14-17, se 
compose de deux parties distinctes. La première, qui 
se compose des v. 14 et 15, dépeint l'armemeîit pré- 
paratoire du soldat; la seconde, qui se compose des 
V. 16 et 17, son armement proprement dit. La cein- 
ture, la chaussure, la cuirasse même, sont moins 
des armes que les parties du vêtement ou de Puni- 
forme guerrier; le bouclier, le casque et l'épée sont 
les véritables « armes du combat. » Cette remarque 
paraîtrait à la première vue appuyée par la coupe de 
la période de l'Apôtre : car le bouclier étant seul 
entre les cinq dernières pièces de l'armure, introduit 
sans la conjonction ce, il semblerait que la pensée est 
reprise au commencement du v. 16, après une légère 



438 LÀ VOlIGfi DANS LE SfitGREUK. Gfi. YI^ 10-20. 

suspeûsioîï* Mais le style de notre Apôtre n'a pas une 
précision assez symétrique pour que cette preuve soit 
décisive ; et d'ailleurs les mots en outre peuvent tenir 
lieu de la conjonction et ali commencemetit du v. 16. 
La distinction de Harless nous paraît un peu arbitraire ; 
nous ne voyons pas, par exemple, pourquoi la cuirasse 
ne serait pas « une arme du combat > à aussi bon 
droit que le casque. Dans tous les cas, il nous serait 
impossible de suivre Ilarless, lorsqu'il établit un pa* 
rallélisme rigoureux entre les trois parties de Tuni- 
forme et les trois pièces de Târmure; la foi corres- 
pondant à la vérité, le salut à la justice, et la Parole 
de Dieu à l'Évangile de paix. Tout cela est ingénieux, 
mais forcé. Nous aimons bien mieux supposer que 
TApôtre, peu soucieux de ménager dans son tableau 
ces compartiments symétriques, a peint à grands 
coups de pinceau les six pièces soit de l'uniforme, 
soit de l'armure du soldat, et cela probablement dans 
l'ordre où il avait vu de ses yeux les soldats romains 
s'en revêtir. 

Ayant ceint vos reins de virité. Selon Olshausen, la 
vérité est la tendance opposée au mensonge, qlii est 
Télément du Diable, la sincérité ou droiture d'esprit. 
Nous croyons devoir rejeter cette interprétation, par 
la raison alléguée plus haut (p. 437), Ou, comme s'ex- 
prime ici Harless, parce que « l'armure que porte le 
chrétien, est une armure de Dieu. > Cette remarque 
est confirmée par Es. XI, 5, que l'Apôtre a sans doute 



CH. VI, 10-20. LA FORCE DANS lÈ SèIgNEUR. 439 

eu devant les yeux, et où « la vérité > est € la cein- 
ture i> du Seigneur. Mais Tinterprétation de Harless 
lui-même nous paraît prêter à la même objection, si 
toutefois nous comprenons bien sa pensée, ce dont 
nous ne sommes pas certain : la vérité est selon lui, 
ici comme dans IV, 21, « la vérité morale du vouloir 
et du connaître, qui est rétablie chez le chrétien par 
la foi en Christ. » Pour nous, la vérité est cette con- 
naissance vraie de Dieu, de nous-mêmes et de toutes 
choses (1 Cor. Il, 15) qui caractérise Tâme régénérée 
en Jésus-Christ (Col. III, lO). Cette connaissance 
vraie des choses est bien le fondement de la sincérité 
chrétienne (id. 9), mais elle diffère d^avec cette sin- 
cérité, comme le principe d'avec l'application, ou le 
général d^avec le particulier. Harless paraît opposé à 
cette interprétation par deux raisons : l'une, que la 
vérité révélée trouve sa place ailleurs dans le tableau 
de l*Apôtre, au v. 17 ; l'autre, que l'article man- 
quant avant le mot vérité^ ce mot ne doit pas s'enten- 
dre d'un objet si déterminé. Nous répondrions, à la 
première de ces objections, que bien que la parole 
révélée soit le principe de la vraie connaissance, elle 
en iest pourtant distincte, et distinguée ailleurs par 
l'Apôtre (1 Cor. î, 5 : « en toute parole et en toute 
« connaissance d) ; et à la secondé, que nous prenons 
le mot vérité, non dans le sens déterminé d'une doc- 
trine spéciale, ni même de la doctrine évangélique en 
général, mais dans le sens indéterminé d'une vue 



440 LA irOBGE DANS LE SEIGNEUR. GH. VI^ 10-20. 

Saine des choses de Dieu, dans le même sens où 
TApôtre prend le mot connaissance dans Col. III, 10, 
où Tarticle manque également. La vérité, telle que 
nous venons de la définir, est très justement com- 
parée à la ceinture du soldat. Car, de même que la 
ceinture relève et rassemble les parties flottantes du 
vêtement, par où elle assure la vigueur et la liberté 
des mouvements, la connaissance évangélique peut 
seule fixer l'esprit irrésolu, éclaircir les notions con- 
fuses, relever l'être moral, donner un but à la vie et 
tracer un chemin net et droit dans le vague et im- 
mense espace de la pensée humaine. 

Et ayant revêtu la cuirasse de la justice. Ldi justice» 
selon Olshausen, est l'accomplissement de ce qu 
est juste, la sainteté, par opposition à la malice des 
ennemis (v. 12). Nous trouvons avec Harless que 
cette exjjplication ne répond pas à l'image développée 
par l'Apôtre. La justice, faisant partie de l'armure 
de Dieu, doit être la justice de Dieu, « la justice qui 
« est de Dieu par la foi » (Phil. lU, 9 ; Rom. III, 22). 
Aussi, dans l'endroit correspondant de 1 Thess, V, 8, 
l'Apôtre substitue-t-il à « la cuirasse de la justice, i 
« la cuirasse jde la foi et de la charité. » A cela 01s- 
hausen objecte que la foi est mentionnée ailleurs 
dans notre tableau, au v. 16 ; mais cette objection 
nous touche peu ; tout se tient dans les forces spiri- 
tuelles du chrétien, sans doute ; mais autre est la foi, 
autre la justice qui est par la foi ; comme autre est 



GH.VI^ 10-20. LA FORGE DANS LE SEIGNEUR. 441 

l'arbre, autre est le fruit. Cette même foi, qui opère 
la justification du fidèle, opère encore chez lui la con- 
viction que Dieu le délivrera aussi dans la tentation ; 
ces deux applications de la foi sont assez distinctes 
pour que la seconde soit réalisée en Jésus-Christ 
(Matth. IV, 1-H), en qui la première ne pouvait Tê- 
tre ; Tune est la cuirasse du soldat chrétien, l'autre 
son bouclier. Nous pourrions ajouter même, si nous 
ne craignions de trop presser les difi'érences de détail, 
que l'une et l'autre de ces deux images est très bien 
choisie pour cette application de la foi qu'elle est des- 
tinée à représenter. La cuirasse, immobile et collée 
au corps, répond exactement à la foi de justification 
(appropriation de la justice de Dieu) qui met Tâme 
une fois pour toutes en assurance devant Dieu ; et le 
bouclier, qui se meut et se présente successivement à ' 
tous les coups de l'adversaire, répond avec une égale 
exactitude à cette foi de confiance (appropriation de la 
force de Dieu) que nous avons à tenir toujours en 
mouvement, pour l'opposer aux attaques sans cesse 
renouvelées et infiniment variées de nos ennemis spi- 
rituels. Es. LIX, 17 achève de prouver la vérité de 
notre interprétation contre celle d'Olshausen ; la cui- 
rasse dont le Seigneur s'est revêtu lui-même, lorsqu'il 
a combattu pour nous, est aussi celle dont il nous 
revêt lorsqu'il combat en nous ; en d'autres termes, 
c'est sa justice qui est notre justice, et qui protège 
seule notre poitrine contre les coups do l'ennemi. 



442 LA rORGS BAKS LE SEI&5EUB. GH. TI^ 10-20. 

Et ayant chaussé vos pieds de la promptitude de 
l'Évangile de la paix. Le soldat chrétien doit avoir 
pour chaussure la promptitude de l'Évangile de la 
paix. Que faut-il entendre par là ? — Quelques-uns 
traduisent par fondement inébranlable le mot que nous 
rendons par plromptitude. Ils pensent pouvoir justifier 
cette traduction, qui s'écarte du sens reçu du mot 
grec, par quelques passages de l'Ancien Testament 
(Ps. X, 17 ; LXXXIX, 15 ; CXII, 7) où les Septante 
ont rendu par ce même mot grec un terme hébreu 
qui signifie fondation^ fondement inébranlable. Mais 
il resterait à savoir si les Septante ne se seraient pas 
trompés sur le sens de l'original dans ces endroits, 
et n^ont pas pris le terme hébreu dans le sens de pré- 
pardiion, ce qui serait fort possible. Ils auraient con- 
fondu un mot avec un autre qui descend du même 
verbe. D'ailleurs, quand il serait prouvé qne le mot 
employé dans notre texte puisse signifier fondation^ 
cette signification conviendrait peu ici, où il s'agit 
non des attributs de l'Évangile, mais des dispositions 
du fidèle ; à moins qu'on n'entende par le fondement 
ihébranlable de l'Évangile, la fermeté que l'Évangile 
produit, ce qui serait peu naturel. Il vaut mieux tra- 
duire, ainsi que nous l'avons fait, promptitude; traduc- 
tion plus littérale qu'il ne semble ; car promptitude 
vient d'un mot latin qui signifie tout prét^ et correspond 
ainsi exactement au terme de saint Paul qui signifie 
en grec préparation. Mais entre les commentateurs qui 



GH. VI, 40-20. LA FORCE DANS LE SEIGNEUR. 4-43 

sont d'accord pour cette traduction, les opinions se 
partagent encore. Plusieurs entendent par la prompti- 
tude de V Évangile de lapaix^ Tempressement que doit 
montrer le chrétien pour annoncer l'Évangile ; et ils 
se sont appuyés de Es. LU, 7. Mais cette idée ne nous 
.paraît pas entrer dans l'image développée par l'Apô- 
tre ; cet empressement ne peut guère être considéré 
comme un moyen de repousser la tentation, ïli com- 
paré à une partie de l'armure du soldat; sans compter 
que « la promptitude de TÊvangile » serait uiie expiées- 
sion au moins étrange pour marquer Tempressemeilt 
à publier l'Évangile. — Reste le sentiment de Harless, 
Olshausen, Calvin, etc., auxquels nous nous joignons 
sans hésitation. La promptitude de t Évangile âe ïa 
paix, c'est la liberté d'esprit, la facilité d'actioii 
(2 Tim. II, 21), que communique pour faire le bien 
la bonne nouvelle de notre paix faite avec Dieu (Roiii. 
V, 1). Quand on se sent en paix avec Dieu, on rem- 
plit la première des conditions nécessaires pour lui 
obéir : c'est cette liberté d'esprit qui permet de con- 
sacrer tout son temps, toutes ses forces, toute son 
attention à l'accomplissement de sa volonté. Ce qui 
manqué le plus aii chrétien pour sei*vir Dieii, ce ne 
sont pas les facultés spirituelles mais la faculté d*User 
de ces facultés. Cette liberté est fort bien comparée à 
une chaussure qui rend faciles et fermes tout en- 
semble les mouvements du soldat, jusque sur un sol 
gHssant ou rude. La même pensée est exprimée Sous 



AU LA FORGE DANS LE SEIGNEUR. GH. VI^ 10-20. 

une image analogue, Ps, CXIX, 32 : t Je courrai dans 
€ la voie de tes commandements, quand tu auras mis 
« mon cœur au large, » 

Ayant pris en ouire^ ou enfin ; c'est ainsi que nous 
traduisons une expression grecque qui signifie litté- 
ralement sur toutes choses. D'autres traduisent^ avant 
toutes choses, surtout ; ou par^dessus toutes ces armes/ 
parce que le bouclier recouvre le reste de Tarmure. 
Mais ni Tune ni l'autre de ces interprétations ne con- 
vient à Luc III, 20, où se trouve la même expression. 
Harless a fort bien prouvé qu'elle a le sens que nous 
lui donnons* 

Le bouclier de la foi par lequel vous pourrez éteindre 
Us traits enflammés du malin. Nous avons déjà ex- 
pliqué (note sur le v. 14) qu'il esl question ici de cette 
foi par laquelle on se repose fermement sur Dieu et 
sur sa Parole pour être délivré de la tentation (2 Pierre 
II, 9 ; Rom. XVI, 20). Le rapprochement que l'Apôtre 
fait entre cette foi et le bouclier n'a pas besoin d'é- 
claircissement ; il est frappant de justesse. La fin du 
verset fait allusion vraisemblablement à la cruelle 
précaution que l'on prenait quelquefois d'envelopper 
* les flèches d'une matière inflammable à laquelle on 
mettait le feu avant de les lancer *. Pour échapper à 
ce danger, on recouvrait les boucliers de peaux hu- 
mides, où les flèches enflammées s'éteignaient bien- 

* Thucydide, H, 75. 



ou. VI> iO-20. LA FORGE DANS LE SEIGNEVH. 445 

tôt. Selon Olshausen, c les traits enflammés du 
c malin » désignent plus spécialement c ces pen» 
sées horribles qui pénètrent subitement dans Tàme, 
et qui y allument les mauvaises convoitises, si le 
bouclier de la foi n'est là pour les éteindre aussi- 
tôt. ]► Peut-être est-il plus simple de voir, en géné- 
ral, sous cette image toutes les tentations qui offrent 
un caractère particulièrement dangereux. 

Prenez aussi le casque du salut. Cette expression, 
ainsi que celle de entrasse de la justice^ est empruntée 
à Es. LIX, 17. Les mo\& justice et salut ont dans Êsaïe 
une signification moins déterminée, et, si Ton peut 
ainsi dire, moins évangélique que dans le passage de 
saint Paul ; mais les armes dont le Seigneur se revêt, 
pour combattre en faveur de son peuple (Es. LIX, 20), 
sont essentiellement les mêmes que celles dont il re- 
vêt son peuple quand il l'envoie lui-même au combat 
La justice, c'est la justice qui est en Dieu, et dont il 
fait part à son peuple, et le salut (littéralement la dé- 
livrance) c'est la puissance de Dieu pour sauver, par 
laquelle il sauve son peuple. Dans Ësaïe, le mot salui 
a la signification générale de délivrance, tandis qu'il 
a la signification plus spéciale de salut (délivrance du 
pécheur) dans le Nouveau Testament, soit ici, soit 
1 Thess. V, 8. Ce dernier passage est parallèle du 
nôtre, avec cette seule nuance que là il est question 
de « Vespiraiice du salut, > et ici « du salut > même 
ou de la possession du salut. Mais, comme ï espérance^ 



146 L^ FORGE DANS US SEI6V£VR. CH, VI, lû-20. 

dan le langs^ge de saint Paul (Rom. Y, 5 ; YID, 24) 
est la ferme assurance d'une délivrance à venir, cette 
nuance entre l'espérance du salut et la possession du 
salut est à peine sensible. Gomme le casque protège 
la tête du soldat, la possession du salut assure le cœur 
du chrétien contre les doutes, les abattements et les 
tentations de toute nature (Éph. Il, 8 ; 1 Jean Y, là). 

Et fépée de V Esprit^ qui est la Parole de IHeu. Dans 
l'original, comme dans la traduction, le relatif qui 
peut être rapporté également à Vépie (Harless) ou à 
t Esprit (Olshausen). Mais la question principale est 
de savoir si par fépée de VEsprit on doit entendre 
l'épée, qui représente le Saint-Esprit, ou bien l'épée 
que fournit le Saint-Esprit. 

La première manière est sans contredit celle quj 
se présente le plus naturellement à l'esprit. Car répée 
iù ï Esprit correspond alors exactement au bouclier 
de la foi, au casque du salut, à 1^ cuirasse de la jus- 
tice. Cette raison a paru décisive à Harless, Olshau- 
sen, etc. Le soldat, dit ici l'Apôtre selon eux, doit 
prendre pour épée le Saint-Esprit* L'épée, la seule 
arme offensive du soldat de saint Paul, est une image 
du Saint-Esprit, par lequel le chrétien peut non-seu* 
lement attendre de pied ferme le tentateur, mais en* 
core le repousser en arrière. Reste à expliquer les 
mots : qui est la Parole de Dieu, qui offi'ent alors une 
grande difficulté. D'après Olshausen, le qui se rap- 
porte au Saint-Esprit ; et le sens est : Prenez pour 



CH. YJ, 10-2t|. LA FORtJll DANS LE SEiaNEUR. 447 

épée le Saint-Esprit, et c'est la Parole de Dieu qui eçl 
cet Esprit ; d'après Harless le qui se rapporte à l'épée, 
et le sens est : Prenez pour épée le Saint-Esprit, et 
c'est la Parole de Dieu qui est cette épée, Selon le 
premier, la Parole de Dieu est Esprit, c parce que 
la Parole de Dieu, dans sa nature intime, est la révé- 
lation de ce qui est en Dieu, une émanation de Dieu 
qui est Esprit ; donc elle est Esprit, p Selon le se- 
cond, « la Parole de Dieu est l'épée qui est Esprit, 
parce que cette Parole est Esprit et ^puissance, une 
Parole vivante et efiicace plus pénétrante qu'une épée 
à deux tranchants i> (Pébr. IV, i%). 

Dans tout cela nous voyons bien des difficultés. 
D'abord, la comparaison du Saint-Esprit avec l'épée 
a quelque chose qui étonne. Ensuite, dire avec Ois- 
hausen, qui suit la construction la plus naturelle du 
pronom relatif, que « la Parole de Dieu est le Saint- 
Esprit, » c'est dire une chose singulière et peu intel- 
ligible, malgré les explications. Mais cela vaudrait 
mieux cependant, ce nous semble, que de dire, avec 
Harless, que « la Parole de Dieu est cette épée ; i car 
alors l'épée a deux sens ; elle est le Saint-Esprit, et 
elle est la Parole de Dieu. 

Nous ne voyons qu'un moyen d'échapper à ce§ dif- 
ficultés. C'est de donner au génitif de ïtlsprit un sens 
différent de celui des génitifs de la /bi, du salut^ etc., 
et d'entendre par Vépée de V Esprit, non pas l'épée 
qui représente l'Esprit, mais l'épée par laquelle le 



448 LA ;forge dans le seigneur, gh. vi^ 10-20. 

Sainl-Esprit combat, et qu'il nous met dans les mains ; 
à peu près comme les armes du soldat chrétien sont 
appelées l'armure de Dieu. C'est supposer, il est vrai, 
que l'Apôtre s'est écarté quelque peu de la construc- 
tion qu'il a donnée au reste de cette période, v. 14-17; 
pour en maintenir la symétrie, il aurait dû dire : c Et 
l'épée de la Parole de Dieu. » Mais, s'il a voulu ex- 
primer cette idée que cette Parole est l'épée de r£s- 
prii, dans le sens que nous venons d'expliquer, com- 
ment le devait^l faire ? Devait-il dire : l'épée de la 
Parole, de l'Esprit ; ou, l'épée de la Parole, qui est 
l'épée de l'Esprit ; ou, l'épée spirituelle de la Parole, 
etc. ? Pour éviter toutes ces constructions embarras- 
sées ou traînantes, on comprend, ce nous semble, 
qu'il ait dit ïépée du Saint-Esprit, et qu'une fois le 
génitif employé de la sorte, il ait substitué au génitif 
de la Parole de Dieu une périphrase : qui (laquelle) 
est la Parole de Dieu. Le sens n'offre alors aucune 
difficulté ; prenez l'épée par laquelle combat le Saint- 
Esprit, c'est-à-dire la Parole de Dieu. C'est l'épée 
avec laquelle Jésus lui-même a lutté contre le démon 
au désert (Matth. IV, 1-11), et à laquelle Tennemi n'a 
jamais pu résister. 

Que si l'on croyait devoir absolument conserver 
au génitif de V Esprit le sens des génitifs de la foi, du 
sdui, etc., nous nous rangerions à l'avis d'Olshausen, 
en le modifiant ainsi qu'il suit : Prenez pour épée 
l'Esprit, lequel est la Parole de Dieu ; c'est-à-dire : 



CH. VI, 10-20. LA FORCE DANS LE SEIONEUR. 449 

par l'Esprit, j'entends ici cet Esprit en tant quMl a 
parlé, la Parole de Dieu. 

Priant par toute sorte de prières et de supplications ^ en 
toute occasion, dans r Esprit. (Rapprochez Col. IV, 2 
et suiv.) La prière tient la dernière place dans Ténu- 
mération des moyens de grâce. Nous ne savons même 
si l'on peut dire qu'elle entre dans cette énumération. 
Car elle est séparée d'avec ce qui précède, tant par la 
substitution du participe à l'impératif, que par celle 
du langage propre au langage figuré. L'Àpôtre parait 
avoir voulu indiquer par là qu'elle doit couronner 
tout le reste, et prêter aux autres moyens leur véri- 
table force. On ne pouvait faire plus vivement res- 
sortir l'importance prépondérante de la prière; mais 
de la prière telle que la décrit l'Apôtre. Par toute 
sorte de prières et de supplications; ces mots mar- 
quent la ferveur de la prière; il n'y a sorte de prière 
à laquelle on n'ait recours, bénissant, confessant, 
demandant, pleurant, criant et ne se donnant aucun 
repos que Ton n'ait été exaucé. Si l'on veut marquer 
la différence qui est entre la prière et la suppUcatio9k, 
il faut dire que la première est le genre, et la seconde 
l'espèce; la première s'entretient avec Dieu, la se- 
conde sollicite ses grâces; en d'autres termes, la 
distinction est en grec ce qu'elle est en français. En 
toute occasion : voilà la fréquence de la prière ; il n'y 
a rien qui ne devienne un sujet de f)rière pour le 

chrétien, douleur ou joie, revers ou succès, mau- 

29 



430 LA FORCE DANS LE SEIGNEUR. CH. VT, 10-90. 

vaise ou bonne conscience, etc. Dam rE$prii, ou par 
l'Esprit : voilà la vie de la prière ; elle est mue par 
TEsprit de Dieu; lui-même « prie, selon Dieu, pour 
€ les saints. » (Rom. VIII, 26; Gai. IV, 6; et surtout 
Rom. Vin, 15, où nous trouvons une locution toute 
semblable à celle de notre texte : « L'Esprit d'adop- 
« tion, dans lequel (ou par lequel) nous crions Abba, 
< Père I ») D'autres traduisent : t En esprit, > et l'en- 
tendont de l'esprit de Phomme, comme si l'Apôtre 
eût dit : Priant du cœur. Mais cette traduction a 
contre elle la pensée, qui en est affaiblie; le contexte, 
où il a été parlé de l'Esprit de Dieu (v. 17); et la 
terminologie même de notre Apôtre. Aussi Harless 
et Olshausen s'accordent-ils pour la repousser ; nous 
sommes surpris de la voir adoptée par la version de 
Lausanne 1839. 

Veillant à cela en taule persévérance et suppliccUian 
pour tom les saints. — Veillant à cela : voilà la vigi- 
lance mise au service de la prière ; il faut tenir les 
yeux de l'âme ouverts, tout exprès pour prier. Col. 
IV, 2 : € Persévérez dans la prière, veillant en elle; > 
1 Pierre IV, 7 : € Soyez sobres, veillez pour les 
€ prières. » — Enfin, en toute persévérance : voilà la 
persévérance dans la prière, tant de fois recomman- 
dée (Luc XVin, i, etc.). De la prière pour soi- 
même, l'Apôtre passe à la prière pour autrui, in- 
sensiblement et sans user de la transition dont il se 
sert dans Col. IV, 3 : t Priant en même temps pour 



GH. VI^ iO-âO. U. FORGB DANS L£ SBIGNSUR. 41^1 

« nouSy » etc. Ce passage a quelque chose de siagu- 
lieY, il faut Vâvouer ; iftais il nous semble s'expli- 
quer par Tamour fraternel qui confond en quelque 
sorte les prières que nous faisons pour nous-mêmes 
et celles que nous offrons pour nos frères. En tout 
cas, ce qui peut rester de difficulté dans cette expli- 
cation n'égale pas, selon nous, celle où Harless et 
Olshausen s'embarrassent en voulant échapper à 
celle-ci. Ils pensent qu'il est question de la prière 
pour autrui dès le commencement de ce membre de 
phrase, et que les mots, < veillant à cela, > etc., 
signifient : veillant à ce que tous les saints parvien- 
nent à prier de la manière décrite dans la première 
moitié du verset, et dans ce dessein usant de toute 
persévérance et supplication pour leur obtenir cette 
grâce. Nous ne saurions admettre cette explication. 
D'abord, elle s'écarte de Col. IV, 3, avec lequel notre 
explication s'accorde exactement. Puis, elle n'est pas- 
naturelle ; priant pour que tous les saints apprennent 
à prier, c'est une construction un peu enchevêtrée, 
et que les mots « veillant à cela » sont loin d'indi- 
quer clairement. De plus, il serait étrange que l'A- 
pôtre eût restreint ainsi l'objet de nos prières pour 
nos frères; nous devons demander pour eux la faculté 
de bien prier, sans doute; mais nous devons deman- 
der pour eux bien d'autres choses encore. Enfin, si 
ce n'était que la faculté de prier que l'Apôtre exhorte 
ici les Éphésiens à demander pour les frères, on 



453 LA FORGB DANS LE SBIGNEUR. GH.VI^ iO-20. 

devait s'attendre, d'après le coinmencei|^ent du v. i 9, 
(jui se lie étroitement au v. 18, que c'eàit la même fa- 
culté qu'ils seraient exhortés à demander pour lui; 
mais c'en est une autre, celle de parler librement. 
Il est intéressant de remarque^ une nuance délicate 
qui distingue, dans l'original, deux prépositions, dont 
l'une est placée devant tous les saints et l'autre devant 
mot. La première signifie proprement au sujet de, la 
seconde en faveur de (allemand, um et fur.) L'Apôtre 
suppose que les Éphésiens mettront un intérêt tout 
spécial à prier pour lui. Lausanne 1839' a maintenu 
cette nuance en traduisant : < Au sujet de tous les 
c saints, et pour moi aussi. » Mais au st^et de est traî- 
nant et faible; nous avons mieux aimé sacrifier une 
nuance intéressante que de la sauver à ce prix. 

Afin que la parole me soit donnée^ ma bouche étant 
ouverte j pour faire conncAtre en liberté le mystère de 
l'Évangile. C'est-à-dire, afin qu'il me soit donné ce 
que je dois dire, selon la promesse du Seigneur, 
Matth- X, 19, 20; Marc XIII, 11 ; Luc XXI, 15. La 
traduction de nos versions reçues, et de Lausanne 
1839, € qu'il me soit donné de parler, » présente une 
idée légèrement différente. Autre chose est de donner 
à un homme de parler, autre chose de lui donner ce 
qu'il doit dire. Ma bouche étant ouverte. Ceci peut 
s'entendre de deux manières, selon que l'Apôtre 
ouvre la bouche lui-même, ou que c'est un autre qui 
la lui ouvre. La plupart des commentateurs Tenten- 



CH. VI, iO-20. XA FORCE DANS LE SEIGNETIR. 453 

dent de la première manière (comme dans Matth. 
XIII, 35, etc.), tout en se subdivisant pour le sens 
qu'il y faut attacher. Selon les uns, « quand j'ouvre 
la bouche, > c'est-à-dire chaque fois que je me dispose 
à parler (Fritsch) ; selon d'autres, « quand l'occasion 
m'en est fournie, » d'après une locution proverbiale 
(Grotius) ; selon d'autres encore, « en parlant à bouche 
ouverte, » c'est-à-dire librement (Lausanne 1839, et 
nos versions reçues). La première de ces explications 
est un froid pléonasme ; la seconde n'est pas suffi- 
samment justifiée; la troisième pourrait mieux se 
défendre (2 Cor. VI, H), mais les mots ma bouche 
étant ouverte auraient alors le même sens que les mots 
qui suivent, en liberté, ce qui est peu vraisemblable. 
Il nous paraît bien préférable, ainsi qu'à Olshausen 
et Harless, d'entendre les mots ma bouche étant ou- 
verte de l'autre manière. Les Éphésiens doivent prier 
Dieu d'ouvrir la bouche à saint Paul pour faire con- 
naître le mystère de l'Évangile. Ce sens est justifié 
parles parallèles Ps* Ll, 17; Éz. XXIX, 21; et sur- 
tout par Col. IV, 3 : « Priez pour nous afin que Dieu 
« nous ouvre la porte de la parole, pour annoncer 
€ le mystère de Christ. » 

Pour faire connaître eh liberté le mystère de V Évan- 
gile. Pour le mot liberté^ voyez la note sur III, 12; 
pour le mot mystère, la note sur III, 3. Il s'agit, non 
de liberté extérieure, mais de liberté intérieure. Ce 
que l'Apôtre veut qu'on demande à Dieu pour lui. 



454 LA FORGE DANS L£ SEIGNEUR. GH. VI^ iO-20. 

ce n'est pas la fin de sa captivité, mais € T esprit 
c d'affranchissement » (Ps. LI, 14) nécessaire pour 
annoncer hardiment TÉvangile; et cette disposi- 
tion, il la souhaite, non pour sa propre satisfac- 
tion, mais pour le succès de sa mission. Il est à re- 
marquer que saint Paul ne demande le secours des 
prières de ses frères que pour Tefificacité de son 
ministère, non pour le développement de sa piété 
individuelle. Il en est de même dans tous les endroits 
où il demande qu'on prie pour lui, Rom. XV, 30; 
Col. IV, 3; Phil. I, 19; 2 Thess. ffl, 1 ^ Cette ob- 
servation est d'Olshausen, qui ajoute : « La piété 
individuelle des apôtres, était suffisamment garantie 
par l'action spéciale du Saint-Esprit dans leurs 
coeurs. » J'hésite à accepter cette réflexion; voyez 
Rom. I, 12, 

Pour lequel {pour l'Évangile) je suis ambassadeur 
dans les chaînes (2 Tim. 1, 16). < Les ambassadeurs du 
monde sont dans la gloire ; ceux de Christ sont dans 
les fers » (Bengel). Cette situation de l'Apôtre con- 
traste avec sa liberté intérieure, en même temps 
qu'elle doit exciter les chrétiens à prier pour son 
ministère. 

Afin que je parle librement en luiy comme il faut que 
je parle, c En lui, » c'est-à-dire dans l'Évangile. 
L'Évangile est l'élément dans lequel s'exerce la li- 

1 Cette observation confirme Texplication que noas avons donnée de 
£ph. lil, 13. 



CH. VI^ iO-20. LA FORGE DANS LE SElGNEUfi. 455 

berté de TApôtre, le principe dont elle émane. Ail- 
leurs, ce principe c'est Dieu, 1 Thess. H, 2 : « Nous 
< avons parlé librement (ou nous nous sommes enhar- 
€ dis) en notre Dieu pour vous annoncer l'Évangile 
€ de Dieu » (traduction littérale). Cette nuance est per- 
due dans la traduction de Lausanne 1839 : « afin 
« que j'en parle. » Autre chose est de parler libre- 
ment de l'Évangile, autre chose de parler libre- 
ment dans l'Evangile. Sans cette distinction, les 
mots ci-dessus seraient une simple répétition de la 
fin du verset précédent ; et c'est ainsi que les a pris 
Martin, qui a cru devoir y ajouter le mot dis-je : 
« Afin, dis-je, que je parle librement, etc. » C'est 
l'expression m lui qui sert à caractériser la reprise de 
la pensée de l'Apôtre, et à empêcher le pléonasme. 
Au reste, Va/inque du v. 20 dépend de Yafin que du 
V i 19, auquel il est, pour parler avec Harless, t moins 
coordonné que subordonné. » Demandez pour moi, 
dit l'Apôtre, la liberté d'esprit nécessaire pour an- 
noncer hardiment l'Evangile, jusque dans ma capti- 
vité, afin que je parle librement, dans l'Évangile, 
comme il convient à un apôtre de parler. 



IX 



CONCLUSION. 



Ghap. \I,v. 21-24. 



21 . Or, pour que vous atissi sachiez ce qui me con^ 
cerne, et comment je me trouve, Tychique, h bienraimé 
frère et fidèle ministre dans le Seigneur, vous fera tout 
connaître: 22. Je l'ai envoyé vers vous pour cela même, 
afin que vous sachiez ce qui nous regarde et qu'il console 
vos coBurs. 23. Paix aux frères, et amour, avec la fai^ 
de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jisus^Christ! 
24. La grâce soit avec tous ceux qui aiment notre 5et- 
gneur Jésus-Christ en incorruptibilité! Amen. 

Tychique y le bien-aimé frère, etc. Voyez, sur Ty- 
chique, Actes XX, 4, etc. ; 2 Tim. IV, 12 ; Tite III, 12. 
Bien que l'envoi de Tychique exphque, jusqu'à un 
certain point, que TÂpôtre ait omis ici les détails per- 
sonnels par lesquels il a coutume de terminer ses 
épîtres, on comprendrait avec peine qu'il n'ait pas du 
moins salué nominalement certains membres de l'É- 
glise d'Éphèse, qui devait lui être si bien connue, si 



CH. VI, 21-24. coNCLUSioi^. 457 

cette lettre n'avait le caractère d'une épître circulaire, 
comme nous l'avons montré dans l'Introduction. 

Vous auui : Il est difficile de déterminer à quoi se 
rapporte l'adverbe aussi. Selon Harless, c'est auxCo- 
lossiens : saint Paul veut que les Èphésiens, et les 
Églises voisines d'Ëphèse, soient instruits de ce qui 
le concerne, aussi bien que les Colossiens^ auxquels il 
envoyait une épître par la même occasion. Peut-être 
l'Apôtre fait-il allusion à des nouvelles qu'il avait, 
de son côté, reçues de ces Églises; le sens serait 
alors : Afin que vous aussi soyez instruits de mon 
étaty ainsi que je l'ai été du vôtre. Les informations 
nous manquent pour trancher cette petite question ; 
et j'avoue que ni mon explication ni celle deHarless 
ne me satisfont. 

Dans le Seigneur; à expliquer comme dans lY, 1 
(voir la note). Tychique est frère dans le Seigneur, 
et ministre dans le Seigneur, comme Paul est pri- 
sonnier dans le Seigneur, c'est-à-dire, en tant qu'é- 
tabli par la foi dans le Seigneur et appartenant au 
Seigneur. 

Paix — et amour y avec la foi. La paix est la paix 
de Dieu, et non, comme le croit Calvin, la concorde 
ejitre les frères (Éph. I^ 2^ etc.). L'amour est l'amour 
du chrétien, pour le Seigneur d'abord et puis pour 
les hommes. La grâce engendre la paix, et la paix 
l'amour (Jude 2). Le complément avec la foi caracté- 
rise la paix et V amour, ou seulement l'amour; ce n'est 



4S8 oenaumoN. cm. \î, 2i<*24. 

pas Uu amour quelconque, mais cet amour qui ac- 
compagne la foi et qui procède de la foi. 

En incorruptibiUti. On a coutume de réunir ces mots 
au verbe qui aimM. Aimer Jésus-Christ en incarrup" 
tibilUéy c'est l'aimer m pureté (sans mélange d'affec- 
tions terrestres), selon les uns, qui s'appuient de la 
Sapience de Salomon YI, 18, 19, où les Septante ont 
employé le même mot dans cette signification ; et, 
selon les autres, en perpétuité (sans que rien puisse 
altérer cet amour). A choisir entre ces deui explica-^ 
tioiis, nous préférerions la seconde, qui est seule en 
harmonie avec le sens que ce mot a constamment chez 
notre Apôtre (Rom, II, 7 ; 1 Cor. XV, 42, 52 ; 1 Tim. 
I, 17; 2 Tim. 1, 10). Mais cette expression, aimer m 
incorruptibilité^ n'offrant pas un sens net, nous aimons 
rtiieui, avec Harless, réubir les mots en «ncomi^^î- 
bii^ au mot grâce. € Que la grâce soit avec vous en 
incorruptibilité, > c'est-à-dire dans son caractère 
permanent et inaltérable. Nous préférons cette «xpti^ 
cation à celle d'Olshausen, selon lequel il fitudmit 
admettre ici une ellipse, et le ^ens serait : (afin qu'ils 
aient k vie) «n perpétuité. 

Que la paix, l'amour et la foi que l'Apôtre sou*- 
haitait laux £^ésiens, deiûeurent avec nous aussi, 
âiin que nous puissions chaque jour « croître dans 
9 la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur 
< et Sauv<eiir Jésufi-^Ghri^t» A lui soit gloire et main- 
« tenant et jusqu'a^u jour d'éternité I Amen. > 



TABLE DES MATIÈRES 



Pages. 

Introduction i 

I. La salatation 1 

II. L'action de grâces 9 

III. Première prière de TApôtre pour les Éphésiens 30 

IV. Seconde prière de l'Apôtre pour les Ëphésiens 101 

V. L'unité fraternelle 212 

VL La vie nouvelle 270 

VU. La vie domestique 159 

VIII. La force dans le Seigneur. ^19 

IX. Conclusion 4M 



Farli. Typognphlt d« Ch. M«]ma«i«, ra* CuJm, IIl 1167. 






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